C`est au niveau du poignet que se situe la plus forte

LES LESIONS LIGAMENTAIRES RECENTES DU POIGNET
EVALUATION CLINIQUE
Jacques RODINEAU
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C’est au niveau du poignet que se situe la plus forte concentration d’interlignes articulaires
et, par conséquent, de ligaments du corps humain (1). En traumatologie du sport, les traumatismes
ligamentaires du poignet se caractérisent par leur grande fréquence, leur extrême variété et la
difficulté à en faire un diagnostic clinique précis tant sur la présence formelle et le siège exact
d’une lésion ligamentaire que sur son importance anatomique (lésion partielle ou totale, lésion
isolée ou combinée) et son caractère récent ou ancien.
En situation d’urgence, la préoccupation première du clinicien doit être, bien évidemment,
d’éliminer une fracture, notamment de l’extrémité distale du radius, du scaphoïde ou du triquétrum
(pyramidal) et, à un degré moindre, une luxation, notamment une luxation rétrolunaire du carpe.
Le diagnostic clinique entre ces différentes lésions : ligamentaires et / ou osseuses est
relativement difficile : les mécanismes traumatiques sont souvent les mêmes : une chute à énergie
plus ou moins importante sur la main, le poignet en extension et les tableaux cliniques sont assez
univoques : un poignet douloureux à la mobilisation et plus ou moins empâté. En outre, les
associations lésionnelles sont fréquentes, rendant le diagnostic clinique d’autant plus délicat.
Les lésions ligamentaires du « poignet » (au sens large du mot) peuvent concerner tous les
liens ligamentaires qui unissent l’avant-bras au carpe, les os du carpe entre eux, ainsi que le carpe
et les 5 métacarpiens.
Parmi tous ces ligaments, il faut impérativement savoir évoquer par l’interrogatoire, puis
tenter de reconnaitre par l’examen clinique, les lésions des ligaments interosseux scapholunaire
(SL) et lunotriquétral (LT) qui constituent la clé de voûte de la mécanique de la première rangée
des os du carpe et en assurent la cohésion (2). Leur atteinte est fréquente, mais demeure souvent
méconnue, en particulier au stade aigu. Il est également très important d’identifier les lésions du
complexe du fibrocartilage triangulaire du carpe.
Le risque de ne pas identifier précocement ces différentes lésions, et de ne pas les traiter
efficacement, est d’aboutir à une déstabilisation du carpe, source d’une gêne progressive pouvant
entrainer une impotence fonctionnelle et secondairement une arthrose (3).
RAPPEL ANATOMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE
L’anatomie et la physiologie du carpe sont extrêmement complexes et ceci explique la
difficulté de faire avec précision le diagnostic clinique des différentes entorses du poignet (4).
- Le complexe du fibrocartilage triangulaire du carpe (CFCT) comprend différentes
structures anatomiques (6,7):
. les ligaments radio-ulnaires distaux ;
. le fibrocartilage triangulaire ;
. les ligaments ulno-carpiens et la gaine du tendon du muscle Extenseur Carpien
Ulnaire (ECU) ;
. le ligament collatéral ulnaire.
Le CFCT est destiné à stabiliser l’articulation radio-ulnaire distale (RUD) : c’est sa fonction
la plus importante. Il agit aussi comme un coussin amortisseur pour le versant ulnaire du carpe (1).
- Les ligaments du carpe sont différenciés en ligaments intrinsèques : ceux qui réunissent
entre eux les os du carpe sans prendre insertion sur le squelette antébrachial et dont les plus
importants sont les ligaments intra osseux scapholunaire et lunotriquétral et les ligaments
extrinsèques qui sont intra-capsulaires, relient le radius et l’ulna aux os du carpe et sont donc radio-
carpiens et ulno-carpiens (8).
- Les ligaments scapholunaire (SL) et lunotriquétral (LT) comportent chacun trois
portions fonctionnelles distinctes : dorsale, proximale et palmaire (5).
- le ligament scapholunaire est le plus important des ligaments intracarpiens.
Il permet une mobilité harmonieuse dans le couple fonctionnel formé par les deux os. Il a une
forme en C. Ses trois portions sont d’importance fonctionnelle différente : la portion dorsale est
épaisse et correspond au segment fonctionnel, la portion polaire supérieure est fine et recouverte de
cartilage, la portion palmaire est lâche. Suivant leur valeur biomécanique, on distingue trois
secteurs : le tiers moyen est mince et il est formé de fibres très obliques : il joue un rôle accessoire
dans la cohésion entre les deux os ; le tiers antérieur et le tiers postérieur sont plus épais : ils sont
impliqués dans le maintien de la cohésion du couple scaphoïde-lunatum. Ces dispositions
anatomiques particulières permettent au lunatum de suivre les mouvements de flexion-extension du
scaphoïde malgré un rayon de courbure différent. Il en résulte un mouvement rotatoire de 30° entre
les deux os à l’origine d’effets de cisaillement qui explique une certaine vulnérabilité de ce
complexe sur le plan ligamentaire.
En cas de rupture du ligament SL, le scaphoïde est libre de tout lien et il aura tendance à se
coucher (ou s’horizontaliser ou se fléchir).Le lunatum va suivre le triquétrum qui, en glissant sur
son socle : l’hamatum, l’emmène en DISI (Dorsal Intercaleted Segment Instability).
- le ligament lunotriquétral (LT) est plus puissant et moins souple que le
ligament SL et entre le lunatum et le triquétrum, les mouvements sont limités à un effet de piston,
sans le moindre degré de mobilité rotatoire (5).
En cas de rupture du ligament LT, le lunatum suit le scaphoïde et se retrouve en VISI
(Ventral Intercaleted Segment Instability).
Ces ligaments interviennent donc dans la cohésion de la première rangée des os du carpe et
leur déchirure, après une chute sur la paume de la main le plus souvent, est source de
déstabilisation du poignet.
- Les ligaments extrinsèques se distinguent en plan palmaire, le plus important sur
le plan biomécanique, et en plan dorsal.
- le plan ligamentaire extrinsèque palmaire comprend plusieurs ligaments :
* le ligament radio-scaphoïdien, parfois étiqueté ligament collatéral radial ;
* le ligament radio-scapho-capital ;
* le ligament radio-luno-triquétral, parfois désigné sous le terme de ligament
radio-lunaire long ;
* le ligament radio-scapho-lunaire profond ;
* le ligament ulno-lunaire ;
* le ligament ulno-triquétral.
- le plan ligamentaire extrinsèque dorsal comprend également plusieurs
ligaments :
* le ligament radio-triquétral dorsal ;
* le ligament radio-ulnaire ;
* le ligament radio-scaphoïdien.
Les principaux d’entre eux sont les ligaments radio-luno-triquétral dorsal et intra-carpien dorsal
sur le versant dorsal et les ligaments radio-luno-triquétral et radio-scapho-capital sur le versant
palmaire. Ils sont très importants à la stabilité du poignet mais il faut que les ligaments interosseux
soient irrémédiablement lésés pour qu’une déstabilisation carpienne significative se développe.
Sur le plan clinique, la lésion de ces différents ligaments extrinsèques parait impossible à
appréhender. Seul le ligament radio-triquétral dorsal est relativement facile à repérer à la palpation
de son insertion au niveau du pôle postérieur du triquétrum.
- Les ligaments collatéraux radial et ulnaire du poignet sont des épaississements
capsulaires. Sur le plan fonctionnel, leur importance a longtemps été considérée comme réduite. En
fait, à l’heure actuelle, leur importance est de nouveau d’actualité dans la stabilité du poignet.
GENERALITES SUR LE BILAN CLINIQUE DES LESIONS
LIGAMENTAIRES RECENTES
Le diagnostic « d’entorse » est souvent porté devant un poignet douloureux et plus ou moins
oedématié, persistant après une chute avec réception sur la paume de la main parce que les clichés
initiaux n’ont décelé aucune fracture. Cette façon de procéder fait courir le risque de méconnaitre
un certain nombre de lésions ligamentaires dont certaines présentent un caractère de gravité formel.
Pour tenter d’éviter cet écueil, en cas de suspicion de lésion ligamentaire récente du poignet,
l’évaluation clinique doit comporter un interrogatoire minutieux et un examen clinique détaillé.
- L’interrogatoire doit préciser les circonstances du traumatisme. Le mécanisme est
important à identifier, même si dans bien des cas la description qu’en fait le blessé n’est pas très
précise et qu’il rapporte volontiers une chute sur la main, à-priori en hyperextension du
poignet…même lorsque cela n’est pas exactement le cas. Dans d’autres cas, le blessé rapporte un
mécanisme d’hyperflexion, de pronation ou de supination forcées, de choc direct sur le bord ulnaire
de la main qui sont incontestablement plus rares mais aussi plus fréquemment conformes à la
réalité des faits. La situation exacte de la douleur doit toujours être notée : « un point douloureux
précis est plus significatif qu’un tableau douloureux diffus du poignet et permet parfois d’orienter
vers telle ou telle lésion ligamentaire » (5).
-L’examen physique :
Il doit commencer par l’inspection qui montre un gonflement de la face dorsale du poignet et
du dos de la main.
La palpation doit en être le temps essentiel car il est fondamental de rechercher un ou des
points « électivement douloureux » (5). Elle doit être précise mais , bien que moins fructueuse que
dans les fractures, elle doit rechercher avec minutie des points électivement douloureux qu’il faut
définir non seulement par rapport aux structures osseuses de voisinage, mais aussi aux structures
articulaires : interligne scapholunaire, interligne lunotriquétral, interligne médiocarpien.
L’analyse des douleurs provoquées par la mobilisation passive du poignet dans les 4
directions de base : flexion palmaire, flexion dorsale, inclinaison radiale et inclinaison ulnaire fait
partie intégrante du bilan. Il permet en cas de douleurs provoquées d’évoquer : une pathologie
ligamentaire lorsque la douleur se manifeste en distraction et une pathologie osseuse ou
ostéochondrale lorsqu’elle apparait en compression. En revanche, la limitation des amplitudes
articulaires n’a aucun caractère spécifique mais doit cependant être notée.
Les mouvements de pronosupination de l’avant-bras doivent également être analysés.
La mesure de la force musculaire, notamment des fléchisseurs des doigts, est une étape
classique de l’examen. Elle s’avère indispensable et doit être systématiquement effectuée bien
qu’elle manque totalement de spécificité.
Les tests dynamiques de dépistage des lésions ligamentaires sont de réalisation délicate et
d’interprétation difficile-pour ne pas dire hasardeuse- dans les poignets traumatiques aigus. Il peut
cependant apparaitre logique de les rechercher en cas de forte suspicion d’entorse récente,
notamment liée à la constatation d’une douleur précisément localisée au niveau d’un interligne
articulaire, scapholunaire ou lunotriquétral en particulier
PARTICULARITES DE CERTAINES LESIONS LIGAMENTAIRES
Les entorses radio-ulnaires distales (RUD)
La RUD est stabilisée par les ligaments radio-ulnaires antérieur et postérieur et par le
complexe triangulaire (CTC).
Les lésions de la RUD peuvent être limitées aux ligaments radio-ulnaires ou associées à une
rupture du CTC mais aussi à une fracture des deux os de l’avant-bras.
Les lésions observées peuvent aller de l’entorse à la subluxation et à la luxation.
L’hyperpronation entraine une subluxation ou une luxation postérieure. L’hypersupination
provoque une subluxation ou une luxation antérieure.
Les lésions du CTC sont les plus étudiées. Elles répondent à une chute entrainant une
hyperpronation et une inclinaison ulnaire ainsi qu’à une torsion forcée ou contrariée du poignet
(cf. Fontes 2).
Elles présentent 3 degrés de gravité :
- la rupture partielle du CTC ;
- la rupture complète entrainant une subluxation postérieure de la tête de l’ulna ;
- la rupture complète entrainant une luxation postérieure de la tête de l’ulna.
La localisation des lésions du CTC est variable :
- en zone centrale ;
- sur le versant ulnaire, parfois associée à une fracture de la styloïde ulnaire ;
- périphérique antérieure (« distale ») ;
- en zone radiale.
Les motifs de consultation sont essentiellement représentés par un gonflement du poignet,
précoce et important.
L’examen est rendu très difficile par le gonflement du poignet qui va masquer les signes
cliniques.
L’examen clinique doit commencer par une palpation minutieuse qui note une perte de
l’élasticité naturelle du CTC, notamment lorsque la rupture siège sur le versant ulnaire.
Le diagnostic clinique est difficile mais autorise le diagnostic entre subluxation et
luxation :
- dans les subluxations, on note une saillie postérieure de la tête de l’ulna lors du
mouvement de pronation. Cette saillie est réductible par la pression : c’est la fameuse touche de
piano. Les douleurs sont réveillées par l’inclinaison ulnaire du carpe. La mobilisation sagittale de la
tête de l’ulna est douloureuse : c’est le test du tiroir.
- dans les luxations, le diagnostic est évoqué sur des douleurs et une sensation de
« blocage » en pronation ou en supination :
- dans les luxations antérieures : outre la disparition du relief physiologique de
l’extrémité inférieure de l’ulna et, au contraire, de sa possibilité de faire saillie à proximité du
pisiforme, on note une diminution du diamètre transversal du poignet par rapport au côté opposé et
des douleurs et/ou une sensation d’arrêt à la pronation passive ;
- dans les luxations postérieures : on retrouve la proéminence dorsale de l’extrémité
inférieure du radius, une diminution du diamètre transversal, des douleurs à la supination passive
et une impossibilité de faire une supination active.
Les entorses scapholunaires
Elles dominent le tableau clinique des entorses du poignet et ce sont les mieux connues de
toutes.
Elles sont consécutives à une chute sur le poignet en hyperextension. Elles sont de degré
très variable de gravité : depuis l’entorse du premier degré jusqu’à la luxation antérieure du
lunatum.
Elles correspondent à l’atteinte du ligament scapholunaire (SL). Leur caractéristique n°1 est
d’être parfois évoquées, mais d’être toujours difficiles à prouver en phase aiguë : l’interprétation
des principaux signes cliniques, notamment le réveil de la douleur ressentie par le blessé dans trois
conditions précises : la palpation de l’interligne articulaire, la manœuvre de Watson et le test de
Dobyns n’est jamais chose aisée devant un tableau de poignet douloureux aigu.
Les motifs de consultation sont des douleurs au niveau de la tabatière anatomique et à la
face postérieure de l’interligne scapholunaire.
L’examen clinique est fondé sur le réveil de douleurs à la palpation la plus précise possible
de l’interligne scapholunaire dont la projection sur la peau se situe en dessus du tubercule de Lister
(généralement repérable). La mobilisation antéro-postérieure et postéro-antérieure du lunatum et du
scaphoïde est douloureuse et peut paraître exagérée par rapport au côté oppose.
Le test de Watson peut être positif, notamment en cas de subluxation postérieure du
scaphoïde par rapport au lunatum. Il se recherche le poignet du patient en extension et en
inclinaison ulnaire. L’examinateur immobilise le pole distal du scaphoïde entre son pouce et son
index et effectue un mouvement de flexion du poignet et d’inclinaison radiale. Le test est positif s’il
reproduit la douleur connue du blessé et surtout s’il provoque un ressaut. En réalité, destiné au
dépistage des instabilités scapholunaires, il montre rarement le ressaut caractéristique dans les
entorses récentes. En effet, en phase aiguë, l’inflammation périlésionnelle fixe le scaphoïde en
place et fait disparaître ce ressaut. En revanche, la douleur provoquée par ce test peut être
considérée comme significative à la condition qu’elle soit localisée par le patient à la face dorsale
du poignet en regard de l’interligne scapholunaire et non pas à la face palmaire en regard du
tubercule.
Dans ce contexte, il faut souligner l’importance de détecter des « points douloureux
sentinelles » (5) au niveau des styloïdes radiale et ulnaire ainsi que du scaphoïde qui peuvent
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