Logistique & Management Management mondial, achat local : une étude de cas Steve JACKSON, Colleen HARRISON, PRTM, Oxford, Angleterre. Article paru dans INSIGHT, le magazine trimestriel de PRTM (Pittiglio Rabin Todd & McGrath) sur les meilleures pratiques dans le domaine des technologies de pointe. L’optimisation des relations avec les fournisseurs au niveau mondial est une tâche de plus en plus complexe. Parallèlement, les efforts particuliers traditionnellement consacrés à la réduction des prix d’achat donnent de moins en moins de résultats à l’échelle de l’organisation. La mise en place simultanée d’équipes à vocation mondiale et d’un modèle de coût total de possession des composants chez un fabricant de matériels de télécommunication s’est avérée être une réponse efficace aux questions que se posent aujourd’hui de nombreuses entreprises internationales : l Comment maximiser les volumes d’achat à l’échelle mondiale tout en continuant à bénéficier des avantages de proximité d’un achat local ou régional ? l Comment accroître la flexibilité de la ligne d’approvisionnement d’une famille de composants tout en réduisant le niveau des stocks ? l Comment établir l’ordre de priorité des efforts d’amélioration et assurer leur coordination à l’échelle mondiale ? Du fait de leurs ressources limitées, de nombreuses entreprises ont dû concentrer leurs efforts sur un seul aspect de la performance de la chaîne logistique – la réduction des prix d’achat. Mais ce choix exclusif ignore la réduction substantielle des coûts d’exploitation que permettrait de réaliser une approche plus holistique. Vol. 6 – N°1, 1998 Le coût total de possession prend en compte tous les coûts encourus dans l’utilisation d’un composant. Il permet de choisir entre un achat centralisé et un achat régional, en fonction des différents éléments du coût total, et aide à établir un ordre de priorité efficace des efforts d’amélioration dans ce domaine. La mise en place d’équipes transnationales ayant chacune la responsabilité d’une famille de composants apporte une réponse aux questions précédentes. Mettre en place des équipes transnationales PRTM (Pittiglio Rabin Todd & McGrath) a collaboré avec une grande entreprise du secteur des télécommunications afin d’identifier plusieurs grandes familles de composants présentant des caractéristiques logistiques assez proches pour suggérer un regroupement naturel, tels que les produits en plastique à moulage par injection, les semi-conducteurs adaptés, et les circuits imprimés. Une équipe pluridisciplinaire a été constituée pour chaque famille (Graphiques 1 et 2). Y étaient représentés les achats, les approvisionnements, chaque site de production, ainsi que la R&D. L’équipe était chargée de la gestion de l’approvisionnement de la production, et en particulier des délais de livraison, des coûts, et de la qualité. Chaque membre de l’équipe représentait à la fois sa fonction et sa région au 71 Logistique & Management Graphique 1 Avant la mise en œuvre du projet, l'organisation du client était centrée sur les fonctions RÉGIONS ENTREPRISE Asie Achats centralisés Etats-Unis R&D centralisée Europe Approvisionnement à l'échelle nationale Production à l'échelle régionale © Copyright 1998 Pittiglio Rabin Todd & McGrath Graphique 2 Après la mise en œuvre, les membres des équipes pluridisciplinaires ont à la fois des responsabilités d'animation de réseaux fonctionnels et régionaux ENTREPRISE Equipe pluridisciplinaires responsable des circuits imprimés R&D Achat Finance Qualité Réseau fonctionnel Asie Réseau régional R&D Entreprise Conception des composants Production Asie Qualité Production Europe Achat Entreprise Réseau fonctionnel Approvisionnement Production Vente Etats-Unis Etc Approvisionnement Production EuropeVente Etc Approvisionnement Production Etc Vente Réseau régional © Copyright 1998 Pittiglio Rabin Todd & McGrath 72 Vol. 6 – N°1, 1998 Logistique & Management sein de l’équipe, et était chargé de constituer deux réseaux de relations : Le premier, avec les représentants de sa l fonction dans les autres sites. Le second, avec les représentants des aul tres fonctions de son propre site. Chaque équipe a déterminé et mis en œuvre des stratégies d’achat qui ont permis de réduire le coût total de possession des composants, d’accroître la flexibilité de la ligne d’approvisionnement, et d’améliorer la qualité et la fiabilité des résultats. Par la suite, chaque équipe a également été chargée de réduire le niveau total des stocks, d’améliorer le processus d’approvisionnement en garantissant la prise en compte des besoins de la logistique et du manufacturing, et de développer les liens de partenariat avec les fournisseurs. L’ordre de priorité de ces responsabilités différait d’une équipe à l’autre, en fonction des caractéristiques logistiques spécifiques à chaque famille de composants. Par exemple, certains sites de production connaissaient d’importants temps morts à cause de retard dans la livraison des composants plastique. L’équipe chargée de l’achat de ces composants a identifié ce domaine de résultats comme une priorité. Afin d’éliminer ces temps morts, l’équipe a autorisé une augmentation à court terme du niveau des stocks. Même si la réduction des stocks figurait parmi les objectifs globaux de l’entreprise, une analyse des éléments du coût total de possession a montré que le coût des arrêts de production était nettement supérieur à celui de l’immobilisation de stocks de composants en plastique. L’équipe a également choisi de mettre en œuvre des techniques de réapprovisionnement en juste-à-temps (inspirées des principes de Kanban) pour améliorer les délais de livraison. L’amélioration des délais de livraison des composants plastiques a ainsi permis une réduction globale des stocks. D’autres équipes ont porté l’essentiel de leurs efforts sur la réduction du nombre de fournisseurs, la réduction des délais fournisseurs, et la réduction des stocks, en fonction des caractéristiques de leurs composants. Le coût total de possession Pour maîtriser les nombreux paramètres ayant une incidence sur les résultats de la ligne d’approvisionnement, les équipes ont dû focaliser leurs efforts. PRTM estime que la mise en Vol. 6 – N°1, 1998 Les problèmes communs aux équipes mondiales Nous énumérons ci-après quelques uns des problèmes qu’a rencontrés l’entreprise de télécommunication dans sa démarche. Ils sont communs à de nombreuses actions visant à introduire des changements majeurs dans les entreprises. Les membres et les dirigeants des équipes ont eu l du mal à cerner leurs rôles respectifs au sein de leur équipe par opposition à leur rôle au sein de leurs organisations fonctionnelles respectives. Des domaines fonctionnels spécifiques ont l connu d’importants changements en matière de responsabilités. Il était nécessaire que les membres de ces fonctions comprennent et acceptent l’ensemble de ces changements. D’autre part, certaines responsabilités nouvelles requéraient le développement de nouvelles compétences. Par exemple, les représentants des achats, habitués à agir comme de simple acheteurs, ont dû apprendre à agir comme des responsables fournisseurs. Une modification du système d’indicateurs vil sant à doter l’entreprise d’une vision plus complète et plus équilibrée de la performance a suscité la crainte de voir l’organisation perdre le contrôle des prix d’achat. Le système informatique en place a limité la disl ponibilité de certaines données utiles pour le calcul des indicateurs de performance. Les membres des équipes avaient l’habitude l d’agir dans l’urgence et ont eu du mal à trouver suffisamment de temps pour agir selon une démarche plus stratégique. l Certains individus se sont opposés aux changements au sein de l’organisation parce qu’ils y percevaient un facteur soit de perte de pouvoir, soit de complication de leur tâche, ces changements privilégiant le travail de groupe par rapport aux efforts individuels. l Il a aussi fallu s’assurer de l’adhésion et du soutien adéquat de la direction pour la mise en œuvre du projet. l Enfin, il n’a pas été facile de venir à bout des conflits historiques entre les achats centralisés et l’approvisionnement régional Pour résoudre ces problèmes, PRTM a fait prendre conscience au client des gains potentiels liés aux changements au sein de l’organisation à travers un nombre restreint d’équipes-pilotes. Les consultants ont également collaboré avec les achats pour obtenir le soutien de la direction et la participation active des organisations régionales. Ils ont combiné la formation et le soutien actif pour aider les individus à comprendre les changements de rôle et à acquérir de nouvelles compétences. Ils ont également appris aux équipes à utiliser au mieux les techniques de réunion, telles que la vidéoconférence, la téléconférence, la rotation des lieux de réunion, etc., afin de minimiser les déplacements tout en maintenant une participation active. place d’un modèle de coût total de possession des composants est la meilleure manière de procéder. Outre le prix d’achat, les catégories de coûts indirects prises en compte par ce modèle sont énumérées au Tableau 1. Un tel mo- 73 Logistique & Management dèle permet d’estimer l’importance relative d’une catégorie de coûts par rapport aux autres. Les équipes qui l’ont utilisé ont acquis une vision plus large de l’importance des coûts de possession au-delà du simple prix d’achat. Tableau 1 Coût total de possession des composants Coût d’acquisation – achats, approvisionnements et certification des fournisseurs Coûts de transport Fiabilité des composants – coûts d’inspection, de réparation et de garantie Droits de douane et taxes Niveau des stocks – induits par les délais de livraison des fournisseurs Coûts administratifs – traitement des factures Par ailleurs, le client a mis au point une fiche d’évaluation, incluant les indicateurs fondamentaux énumérés au Tableau 2, qui a été remplie et communiquée tous les deux mois à une commission composée de membres de la direction générale issus de chacune des principales régions et de l’ensemble des principales fonctions ayant une incidence sur les résultats de la chaîne logistique, y compris la R&D et la production. Une telle structure, qui illustre le niveau élevé d’engagement nécessaire à la réussite de telles initiatives, a fourni un cadre de concertation formel en vue de l’évaluation de la performance. Tableau 2 Système de mesure des résultats de la gestion de la chaîne logistique Qualité des composants par million (PPM) Valeur des stocks Jours de stocks Coût total de possession Nombre de fournisseurs Délai de livraison des fournisseurs Conditions de paiement Production perdue Des objectifs globaux à l’échelle de l’entreprise ont été fixés pour chaque indicateur, en 74 guise de références pour les différentes équipes. La contribution à ces objectifs variait d’une équipe à l’autre en fonction des caractéristiques de la famille de composants dont elle était responsable. Les membres des équipes ont ainsi pu identifier leurs propres domaines d’amélioration et élaborer un plan d’action ciblé. Les équipes, obligées de rendre régulièrement compte des résultats pour les principaux indicateurs, ont ainsi gardé une vision d’ensemble et n’ont pas risqué de négliger un domaine de résultats particulier. Les retombées positives de cette approche basée sur des équipes à vocation mondiale L’entreprise a obtenu des résultats impressionnants grâce à ces deux changements fondamentaux dans son mode de prise de décisions. Elle a réduit ses stocks totaux de 34,3 millions d’USD, réalisant ainsi des économies annuelles de 9,8 millions d’USD. D’autre part, elle a réduit ses heures d’arrêt de production, réalisant ainsi des économies annuelles de 13 millions d’USD. En outre, elle a réalisé des progrès qualitatifs tout aussi remarquables: l Amélioration significative de l’efficacité de l’équipe pluridisciplinaire issue des achats, des approvisionnements, de la R&D et des fournisseurs ; l Elargissement du rôle des acheteurs – de la négociation de contrats vers l’application du concept de coût total de possession des composants ; l Evolution du rôle de l’approvisionnement – de la passation de commandes (pour l’essentiel) vers la gestion des relations avec les fournisseurs ; l Meilleure compréhension des techniques de gestion des stocks et des possibilités d’application de celles-ci dans le but d’améliorer réellement les résultats en matière de stocks. Vol. 6 – N°1, 1998