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[516 b] A celui qui parviendrait à se libérer, la promesse suivante est faite : « à la fin, je
pense, ce serait le soleil, non dans les eaux, ni dans ses images […], mais le soleil lui-même
dans son propre séjour qu’il pourrait regarder et contempler tel qu’il est ».
[516 c] Il comprendrait alors que le soleil est la cause de toutes ces choses qu’il voyait avec
ses camarades dans la caverne
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. Il prendrait également en pitié ceux qui y sont encore,
comprenant quelle science on possède dans la caverne, et ne jalouserait plus les récompenses
que ceux-ci se donnent.
[516 d] Il préférerait subir tous les maux plutôt que revenir à ses anciennes illusions.
[516 e] De même revenir dans les ténèbres risque de l’offusquer.
[517 a] Il lui faudrait également un temps assez long pour s’accoutumer à nouveau à
l’obscurité et il ferait rire
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. Ceux restés dans la caverne diront aussi qu’il est revenu les yeux
abîmés et que ce n’est pas la peine de tenter l’ascension. Et si on les détache de force, ils
pourraient bien tuer leur libérateur (cf. la mort de Socrate).
[517 b – 518 b] Ces prisonniers sont notre image. Interprétation de l’allégorie.
[517 b] Il faut assimiler le monde visible au séjour de la prison, et la lumière du feu au soleil.
La montée est celle de l’âme vers le monde intelligible. Ainsi Glaucon connaîtra la pensée de
Socrate. Dieu seul sait si elle est vrai, mais c’est l’opinion de Socrate : aux limites du monde
intelligible on trouve l’idée du bien.
[517 c] On l’aperçoit avec peine, mais après, on ne peut conclure qu’elle n’est pas la cause
universelle de tout ce qu’il y a de bien et de beau. Dans le monde visible, elle crée et diffuse
la lumière. Dans le monde intelligible, elle dispense la vérité et l’intelligence.
[517 d] On comprend maintenant pourquoi certaines âmes aspirent sans cesse à demeurer sur
les hauteurs. De plus, on ne passe pas facilement de ces contemplations divines aux
misérables réalités de la vie humaine, c’est pourquoi l’on est maladroit aux procès et qu’il faut
combattre les interprétations de ceux qui n’ont jamais vu la justice en soi.
[518 a] Les yeux peuvent être troublés par deux causes : le passage de la lumière à l’obscurité,
mais aussi de l’obscurité à la lumière. Il faut réfléchir à ces deux cas lorsqu’on les applique à
l’âme, au lieu de rire sans raison lorsque l’une d’elle éprouve des difficultés.
[518 b] Si elle est éblouie par la lumière, il faut la féliciter de son embarras. Si elle a la vue
trouble à cause des ténèbres alors il faut la plaindre.
[518 b – 519 c] L’éducation doit tourner l’œil de l’âme vers le bien.
[518 b] L’éducation n’est point ce que certain proclame qu’elle est.
[518 c] Il ne s’agit pas en effet de mettre la science dans l’âme, où elle n’est pas, comme on
mettrait la vue dans les yeux aveugles, car « toute âme a en elle cette faculté d’apprendre et
un organe à cet usage
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». L’âme doit être tournée toute entière des choses périssables, jusqu’à
ce qu’elle puisse supporter la vue de l’être et du bien.
[518 d] L’éducation est l’art de tourner cet organe par la méthode la plus facile et la plus
efficace, mais pas celui qui consiste à mettre la vue dans l’organe (puisque l’âme l’a déjà).
Les facultés de l’âme sont analogues à celles du corps, on peut les acquérir ensuite par
l’habitude et l’exercice.
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L’idée que le soleil est la cause universelle de toute chose se trouve déjà chez Homère (cf. Théétète 153 c/d.
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Phèdre, 249 d : « Détaché des passions humaines et occupé des choses divines, le philosophe encourt les
reproches de la foule qui le tient pour insensé et ne s’aperçoit pas qu’il est inspiré ». Cf. Théétète, 174 c/d.
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Les sophistes disent être capable de mettre la science dans l’âme, mais il y est déjà, car apprendre c’est se
ressouvenir. Cf. Ménon, 81 a ; Phèdre 72 e – 76 d et aussi 73 a : « Les hommes interrogés, quand la question est
bien posée, répondent d’eux-mêmes ce qu’il faut dire ; s’ils n’avaient présentes en eux la science et la droite
raison, ils ne seraient pas capables de le faire ».