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le shofar
revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique
N° d’agréation P401059
JUILLET-août 2009— n°306 / TAMOUZ-AV 5769
synagogue
beth hillel
bruxelles
Étude et transmission
n°306
juillet-août 2009/
TAMOUZ-AV 5769
N° d’agréation P401059
re vue mensuelle de l a
communauté isr aélite
libér ale de belgique
EDITEUR RESPONSABLE  : 
Rabbin Floriane Chinsky
COMITÉ DE RÉDACTION  : 
Rabbi Abraham Dahan, Monique
Ebstein, Rabbi Floriane Chinsky,
Ralph Bisschops, Gilbert Lederman,
Philippe Lewkowicz, Serge Weinber,
Emmanuel Wolf
Secrétaire de Rédaction :
Giny Susswein
Mise en page  : 
www.inextremis.be
Le Shofar est édité par la
COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE
DE BELGIQUE A.S.B.L.
N° d’entreprise  : 408.710.191
Synagogue Beth Hillel
80, rue des Primeurs,
B-1190 Bruxelles
Tél. 02 332 25 28
Fax 02 376 72 19
www.beth-hillel.org
[email protected]
CBC 192-5133742-59
RABBINS  : Abraham Dahan
et Floriane Chinsky
président exécutif  : 
Philippe Lewkowicz
CONSEIL D’ADMINISTRATION  : 
Président : Gilbert Lederman
Avishaï Ben David, Ralph Bisschops,
Patrick Ebstein, Paul-Gérard Ebstein,
Ephraïm Fischgrund, Josiane
Goldschmidt, Gilbert Lederman, Willy
Pomeranc, Elie Vulfs, Serge Weinber,
Emmanuel Wolf.
Les textes publiés n’engagent que
leurs auteurs.
Photo de couverture PAR
Serge Weinber
Sommaire
05
LE MOT DU PRESIDENT
06
JUDAÏSME
Par Gilbert Lederman
Mikvé – le retour aux sources…,
par Rabbi Floriane Chinsky
12
La Mishna et l’Etude, la démocratisation du
savoir par les Tannaïm,
par Ralph Disschops, Dr. Phil.
19
Leo Baeck: «L’Essence du Judaïsme»,
Croire en l’humanité,
par Monique Ebstein
6
24
AGENDA
25
Un peu d’humour
27
VIE COMMUNAUTAIRE
L’ étude à Beth Hillel en 5770
par Rabbi Floriane Chinsky
29
Lev, nouveau groupe d’étude à Beth Hillel,
par Rabbi Floriane Chinsky
19
30
Carnet
33
In mémoriam Raf Sanua z’’l,
par Rabbi Abraham Dahan
34
Laissez-moi vous présenter…,
par Rabbi Floriane Chinsky
39
Hommage au Cardinal Godfried Danneels,
par Philippe Lewkowicz
40
LIBRE OPINION
Durban II? Une mauvaise soupe,
par Emmanuel Wolf
33
41
Dernière minute… ,
par Monique Ebstein
43
Lu pour vous : Mémoires inachevés de Yitzkhok
Laybush Peretz,
par Monique Ebstein
47
INFORMATIONS UTILES
L e mot du pr és i d ent
Pour l’organisation de vos Simhot
Un nom : Solange !
Un numéro : 0497.57.47.27 !
le shofar
Le mot du Président
par Gilbert Lederman
Une fois de plus, le numéro d'été du Shofar
remplit à la lettre sa double mission de mensuel de la Communauté Israélite Libérale de
Belgique, à savoir réfléchir sur le Judaïsme
et diffuser des informations concernant les
activités de Beth Hillel. Le thème traité dans
ce numéro est l'Etude, activité indissociable
de la pratique du Judaïsme.
Ralph Bisschops rappelle dans son article
que le commandement de l'étude fait partie
de ceux qui sont prescrits par la Torah : "tu
les incluqueras à tes enfants", et que "la Mishna donne à l'étude une lace centrale dans
la vie des Juifs depuis deux millénaires."
Dans le dernier chapitre de son étude, Monique Ebstein aborde l'interprétation que Leo
Baeck donne au sens de l'Histoire et à celui
de l'homme dans l'Histoire.
Ces derniers mois, des célébrations de bné/
bnot mitsvah, événements inoubliables pour
les familles de ces jeunes ainsi que pour
notre communauté tout entière, se sont
succédé à un rythme soutenu. Les commentaires de leurs drachot représentent l'application exemplaire de la pratique de l'étude
à Beth Hillel. Ils reflètent fidèlement l'excellent travail du Rabbin Chinsky, de tout le
corps enseignant du Talmud Torah et de sa
directrice Josiane Goldschmidt.
Recommandation de saison :
Dans le présent numéro, nous vous proposons également un récapitulatif de nos activités communautaires. Le Talmud Torah
ainsi que les cours d'étude confirment le
dynamisme et le rayonnement de Beth
Hillel. Comme preuve supplémentaire de
son intégration dans le yichouv, l'unique
mikvé bruxellois est désormais accessible
aux membres de notre communauté.
La rubrique "Lu pour vous" présente un
compte-rendu des "Mémoires inachevés"
d'Y.L. Peretz, traduit par Nathan Weinstock.
Rabbi Chinsky, dans une nouvelle rubrique :
"Laissez-moi vous présenter…" donne la parole
à une dame, membre de notre communauté, et
à un nouveau membre de Beth Hillel.
Clins d'œil d'actualité : Emmanuel Wolf
commente Durban II, et Monique Ebstein
propose "Dernière minute".
Le menu de ce Shofar est copieux : excellente lecture !
Au nom des Rabbins, du Conseil d'administration et du Président exécutif, je vous souhaite d'excellentes vacances.
Cordial shalom,
Gilbert Lederman
Président du Conseil d'administration.
Pendant la période estivale, n'oubliez pas que votre présence
est peut-être indispensable pour qu'il y ait minyan aux offices ! ! !
■
5
J U DA Ï S M E
Mikvé –
le retour aux sources…
Par Rabbi Floriane Chinsky
6
Le mot mikvé est l’un
des premiers mots de
la Torah. Un traité
entier du Talmud est
dévolu à cette question.
Sociologiquement, la présence de
mikvaot au cours de
l’histoire de notre
peuple atteste de
notre attachement à
mikvé de Montpellier ce commandement.
(XII° siècle)
Les concepts et les
images attachées au
mikvé en font un outil puissant de ressourcement.
Précéder le commencement…
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la
terre. La terre était solitude et chaos ; des
ténèbres couvraient la face de l’abîme, et
l’esprit de Dieu planait sur la face des eaux.
Dieu dit : " Que la lumière soit…"…1 »
Nos commentaires s’interrogent sur l’allusion à l’existence de « quelque chose » avant
la création. Une terre de solitude, des ténèbres, un abîme, des eaux, auraient-ils précédé la création ? Bien sûr, les mots sont
impuissants à décrire ce qui pouvait exister
avant la matière et le temps, et il ne faut pas
s’y arrêter. Lorsqu’on parle de choses tellement mystérieuses, les mots sont une poésie sur laquelle l’imagination s’appuie pour
se représenter l’inaccessible.
1
2
Quoi qu’il en soit, la Torah pose le caractère
premier et primordial de l’eau. « L’esprit de
Dieu » plane au dessus des eaux. Le Rabbin
IfraH, z"l, invitait à garder cette image en tête
lors de l’immersion. C’est l’idée d’une renaissance qui remonte aux sources mêmes de la
création du monde. Quelle belle leçon pour
remettre à leur place nos préoccupations
quotidiennes ! Quelle belle façon d’affirmer
que nous ne pouvons pas nous soumettre au
piège du passé, mais que nous pouvons, et
devons au contraire, préparer l’avenir !
Le mikvé, c’est l’affirmation de la renaissance toujours possible. Une renaissance
non seulement à partir du temps de
notre venue au monde, mais également
une remontée au temps ayant précédé
la création. Nos sages affirment que la
téchouva permet de modifier le passé2. Nous
croyons pouvoir retisser le passé, comme
un vaccin contre la soumission à une réalité
qui aurait pu être différente et qui peut toujours être remodelée.
Voilà jusqu’où va la liberté, mais aussi la responsabilité juive.
Aujourd’hui, ce rêve devient « réaliste ». Le
monde contemporain est capable de percevoir cette incroyable prétention comme légitime, et non plus comme un rêve mystique
et archaïque. En effet, dans notre quotidien,
nous pensons être en relation avec « la réalité ». Pourtant, les sciences sociales comme
les théories de l’organisation, la psychologie
tout autant que la neurologie, comprennent
Genèse I, v. 1 ,2 ,3
Voir par exemple dans les chapitres consacrés aux fêtes de Tichri : Le chandelier d'or – les fêtes juives dans l’enseignement de
Rabbi Zalman De Lady, Josy Eisenberg, Adin Steinsaltz, Paris, Verdier, 1988.
le shofar
Mikve de Spire
que l'individu est le grand créateur de la réalité telle que nous l’expérimentons. Depuis
toujours, notre tradition nous encourage à
surfer sur les vagues émotionnelles, à les
canaliser. La consécration des temps (moadim lésimHa…) fait partie de ce processus,
le symbole du mikvé également. Lorsque
Dieu nomme les mers, le mikvé primaire,
« yamim », il nous rappelle l’autre élément
dans lequel nous sommes immergés, le
temps, les jours, également « yamim ».
S’immerger dans une autre réalité
Le verset dix du premier chapitre de la
Genèse met en scène le « rassemblement des
eaux », mikvé hamaim. C’est ce rassemblement que l’éternel nomme mer, yamim. C’est
alors que la terre émerge. L’idée est celle de
la contention des eaux. De l’apparition d’un
territoire terrien, d’un sol où marcher. Nous
affirmons dans les bénédictions du matin :
« Bénis sois tu Eternel, qui étend la terre sur
la mer ». En rassemblant les eaux, on crée
un territoire indépendant qui en est protégé,
mais également un lieu où ces eaux restent
accessibles. On conserve la possibilité de
renouer à volonté avec cet élément mouvant, fluide, libre et pourtant stable qu’est
l’eau. L’eau renvoie symboliquement aux
sentiments. La mer des émotions nous est
toujours ouverte. Le judaïsme n’est pas
une expérience intellectuelle mais une
expérience de vie, qui travaille à l’intégration de la raison et des sentiments.
Ces deux domaines doivent se démarquer
tout en conservant un point de jonction fort
et fonctionnel. Aller au Mikvé, c’est traverser ce point de jonction.
C’est encore de l’eau qu’émergera la vie première, au verset vingt de Genèse I.
L’eau est le lieu de mélange et d’imbrication
des atomes et des molécules, un lieu de recomposition des éléments physiques comme des
éléments mentaux et émotionnels.
Si l’on remonte au plus loin dans le temps,
l’eau est le lieu de la formation de notre
espèce. Qui peut dire si ce souvenir persiste,
profondément enfoui en nous ? Au niveau
de l’espèce humaine, le développement
embryonnaire en milieu amniotique évoque
le développement marin des espèces.
L’eau du mikvé est également celle du liquide
amniotique, une expérience enfouie dans
nos sens, un élément associé à la chaleur, à
la douceur et à la protection. Le bain reste le
moment privilégié pour partager des expériences avec les jeunes enfants. On témoigne d’avancées thérapeutiques importantes
dans le cadre du bain, pour les enfants à
problèmes. Il est bon, à tout âge, de profiter de cette détente qui régénère. Aller au
mikvé c’est se replonger dans la matrice initiale, retrouver la chaleur et la sécurité qui
permettent d’affronter la vie.
Enfin, le symbole de l’eau évoque aux yeux
de la tradition la Torah. Cet enseignement de
vie, cet enseignement d’éthique et de savoir
vivre est un milieu dans lequel nous nous
sentons « comme un poisson dans l’eau »3.
Le midrach enseigne que la création de la
Torah4, elle aussi, aurait précédé la création
du monde. C’est dans cet enseignement ini-
Ainsi que le rappelle également cette belle parabole talmudique dans laquelle Rabbi Akiva compare le peuple juif aux poissons
pour démontrer combien l’étude qui est notre milieu est indispensable, et combien l’abandonner sous prétexte qu’elle est interdite
par l’occupant romain est un danger et non une mesure de protection. Ce n’est pas en quittant son identité qu’on devient plus
fort…
4
Il faut prendre ici le mot Torah au sens large, comme l’enseignement transcendant et non comme les détails de la halaHa actuelle.
3
7
J U DA Ï S M E
tial, cette loi d’amour et de vie que le mikvé
nous replonge.
8
Le mikvé, une histoire de femmes ?
Le ressourcement est-il l’apanage des femmes ? Certainement non.
Au cours de l’histoire, hommes et femmes
ont vécu l’expérience du mikvé, dans des
circonstances parfois similaires et parfois
différentes.
Pour les hommes comme pour les femmes, l’immersion permettait un retour à la
« pureté » nécessaire à l’accomplissement des
pratiques liées au temple. L’impureté des hommes comme des femmes trouvait sa source
dans un contact externe avec la mort (toum’a)
(toucher un cadavre) ou un « contact interne »,
dans la perte de matière liée à la procréation (sperme ou sécrétions menstruelles), ou
encore, dans la perte (toujours par voie génitale) de substances témoignant d’une maladie
ou au moins d’une anomalie (zav, zava).
L’impureté est donc toujours un dérivé de
ces différentes situations. Elle représente
une blessure du rapport à la vie qu’il faut
cicatriser au plus vite, en renouant avec l'intégrité physique d’une part et avec le sentiment d’être en vie et d’être responsables et
libres de ce que nous faisons de nos vies.
Après la destruction du premier et du second
Temple, les commandements attachés aux
femmes se sont perpétués avec une force
supérieure aux obligations touchant les
hommes, parce qu’un autre commandement
s’est associé à celui concernant les règles
de pureté individuelle. Il s’agit des règles
de « pureté familiale ». Ce nom qui sonne
d’une façon un peu étrange en français fait
référence à la séparation sexuelle5 du couple pendant la période des règles et quel-
ques jours après, ainsi qu’aux retrouvailles
et à la reprise de l’intimité physique avec le
renouvellement du cycle de l’amour. La transition entre la séparation et les retrouvailles
est marquée par une visite de la femme au
mikvé. Il est bon de penser à la possibilité d’une démarche parallèle impliquant
l’homme, comme cela se produit déjà dans
certains milieux.
Le mikvé a ainsi pris une forte connotation
féminine. Les fiancées s’y rendent avant
leur mariage, les femmes pratiquantes à la
reprise du cycle amoureux. Le mikvé est
perçu de deux façons différentes par le
féminisme juif. L’une est très critique de l’intrusion par la tradition dans un domaine qui
relève de l’intimité féminine. L’autre approche consiste à faire de ce puissant symbole
un outil de libération et de régénération.
Certaines interprétations féministes affirment que la période de séparation est pour la
femme une occasion de retour à elle-même6.
Anita Diamant témoigne de la réalité sociologique de ces interprétations7.
Certaines approches féministes orthodoxes veulent tirer le mikvé de sa connotation
conjugale pour en faire un centre de ressourcement et d’étude
pour les femmes . Le
mikvé devient ainsi
une façon de traverser différentes étapes
de la vie, de tourner
des pages. Il est utilisé après un viol par
exemple, ou après
une fausse couche.
Les femmes veulent
s’approprier certai- Mikvé moderne
nes pratiques, comme Mayyim Hayyim
otre tradition s’intéresse à tout ce qui est central dans nos vies. Il ne fait aucun doute que la sexualité en fait partie. Pour cette
N
raison, nous évitons d’être prisonniers de tabous qui font obstacle à ce que notre âme, notre corps et notre raison vivent en harmonie. Je me permets donc d’aborder librement ce sujet.
6 Greenberg, Blu. "In Defense of the 'Daughters of Israel' : Observations on Niddah and Mikveh." In On Women and Judaism : A View
from Tradition. JPS, 1981
7 Sapiro, Susan. "Living Waters : An Interview with Anita Diamant," in Journey, Spring 2002, 22-25).
8
Goldstein, Elyse. ReVisions : Seeing Torah Through a Feminist Lens. Key Porter Books, 1998, p. 127-128
9 Le Rabbin Jœl Roth encourage à l’immersion des deux membres du couple cf. Susan Gross CJLS 13 nov 2006
10
Michné Torah, Mikva'ot 11 :12
5
le shofar
celles consistant à utiliser le mikvé avant le
chabat et à l’occasion des fêtes, des yamim
noraim (les fêtes de tichri) en particulier,
pratiques traditionnellement masculines.
On voit qu’à aucun moment le mikvé n’a été
exclusivement une affaire de femme, puisque les hommes l’utilisaient à des fins spirituelles, en préparation aux fêtes, avant
d’écrire le nom divin pour les sofrim, après
avoir effectué une taharat hamet, une toilette mortuaire.
A l’inverse, les hommes décident parfois de
faire leur la pratique du mikvé précédant les
retrouvailles conjugales, la reprise de l’intimité sexuelle par le couple8.
Nous mentionnerons un autre usage du
mikvé usage essentiel et qui témoigne de sa
signification. En effet, nos conversions sont
« scellées » par une immersion, permettant
une « réinitialisation identitaire » à celui
qui décide d’inscrire sa vie dans l’alliance
juive. Cet acte nous apprend à tous, nouveaux comme anciens juifs, le caractère
vivifiant du mikvé lorsqu’on éprouve la
nécessité de faire siennes de nouvelles
décisions de vie.
Comme le rappelle Maïmonide10 ou encore
la liturgie des jours de « réinitialisation
identitaire » que sont Roch hachana et Yom
kipour, l’Eternel promet :
« Je vous aspergerai d’eau pure et vous serez
purifiés, de tous vos résidus et de toutes vos
idolâtries je vous purifierai. » (Ezéchiel 36 :25)
Telle est l’origine également du baptême
chrétien, du lavage des mains avant le repas
(nétilat yadaim) ou de celui que l’on effectue
à la sortie d’un cimetière.
Comment se préparer au mikvé ?
Le premier des mikvaot est donc la mer, puis
tout amas d’eau naturel d’une taille suffisante à une immersion totale confortable,
piscine naturelle ou rivière. L’essentiel est
11
12
13
qu’il s’agisse d’une « eau vivante », « maim
Haim ». Le plus simple est souvent de se rendre dans le mikvé de la ville, construit spécialement pour collecter des eaux naturelles.
La préparation au mikvé demande d’abord
une bonne compréhension intellectuelle
et émotionnelle11, il faut prendre le temps
d’investir ce moment particulier. L’étape
suivante consiste à se faire une idée du
déroulement des évènements, prendre
connaissance des détails techniques12.
La préparation concrète au mikvé nous rend
à notre état initial. Tout ce qui nous en écarte
doit être enlevé, qu’il s’agisse de saletés ou
d’articles de beauté. L’eau définira ainsi les
limites de notre corps et de lui seul, ce qui
est nous, de la façon la plus directe.
Le Mikvé, du premier temple à nos jours…
Le premier et le plus grand mikvé dont il
soit fait mention était nommé « la mer de
Salomon » et était réservé aux prêtres. Situé
dans le temple, sa contenance était celle de
150 mikvaot13. A l’époque du second temple,
chacun était respectueux des lois de pureté.
Mêmes les rois étrangers étaient conscients
de la nécessité de s’immerger avant d'entrer
dans l’aire du temple. Les mikvaot de Massada, Maon et Hérodion attestent de la similitude des mikvaot antiques et de ceux de
l’époque actuelle. La tradition d’Erets Israel
s’est transmise à l’Italie avant de s’étendre
à la Germanie par l’intermédiaire des sages
rhénans des communautés de Spire, Worms
et Mainz. Le mikvé est partie intégrante de
la vie juive au Moyen-Âge en Italie, en Germanie, en Bohême Lituanie, Pologne et dans
de nombreux autres endroits. Les communautés prenaient soin de la décoration des
installations. Le plus ancien mikvé de cette
période est celui de Cologne, qui date de
1170. Notons qu’à cette époque, comme
mesure d’isolement et de séparation, les
a littérature en langue française sur la question n’est pas très développée. Si l’on doit recommander un ouvrage, c’est celui de
L
Rabbi Miriam Berkowitz, Taking the Plunge : A Practical and Spiritual Guide to the Mikveh (Jerusalem : Schechter Institute,
2007) qui offre une discussion globale sur les questions actuelles posées par le mikvé ainsi que les raisons traditionnelles de ce
commandement.
Pour ces deux étapes, vous devez considérer la possibilité de prendre rendez-vous avec le rabbin.
Talmud Babylonien Erouvin 14a
9
J U DA Ï S M E
Photo d'une immersion par Janice Rubin de
l'exposition, "The Mikvah Project"
10
juifs n’avaient pas le droit de se baigner avec
les non juifs dans les rivières ouvertes.
Aujourd’hui, selon des critères plus modernes, l’architecture du mikvé est toujours
soignée. Les installations comprennent une
salle d’attente, un lieu où se laver avant l’immersion ainsi que tous les ustensiles nécessaires. Des services esthétiques sont parfois
proposés. Un rabbin orthodoxe peut ainsi
affirmer à propos d’un mikvé new-yorkais
en construction : « This will be a first-class
mikvah, a spa for the soul.”
De son côté, le monde libéral se penche avec
un intérêt renouvelé sur cet important commandement. Ainsi, le MJLF est en train de
mettre son mikvé aux normes de la halaHa,
alors que la CJL du Rabbin Pauline Bebe a
prévu d’en inclure un dans sa nouvelle synagogue. Le GIL, à Genève, prévoit également
un mikvé dans ses plans.
Comme on le voit, le mikvé garde sa valeur
traditionnelle tout en acceptant de nouvelles
mutations. Le féminisme et la spiritualité s’y
invitent, sans sexisme puisque les hommes
aussi s’intéressent à ce commandement.
Pour rendre compte des développements
actuels autour du mikvé, il faut mentionner
deux intéressantes initiatives américaines.
Celles d’Anita Diamant, célèbre auteure juive
américaine, fondatrice de « Mayyim Hayyim
14
13
16
Living Waters Community Mikveh and Education Center »14 en 2004. Elle déclare : « Je veux
un mikvé qui encourage la prière du cœur
de tout juif quelle que soit son étiquette et
sa façon de se définir… un lieu accueillant
dès l’instant où l’on en franchit le seuil…
un lieu de rire, de « mazal tov » … un centre d’étude et de célébration. »
La mission de ce centre est « de se réapproprier et de réinventer l’un de nos plus
anciens rituels juifs, l’immersion dans le
mikvé, dans une perspective spirituelle, et
de rendre cet espace aussi ouvert et accessible que possible… »15
Une autre initiative intéressante est celle
de « The Mikvah Project »16, une exposition
itinérante proposant des photographies et
des entretiens. Ce projet rend compte des
développements actuels autour du mikvé
en tant qu’expérience de renaissance et de
spiritualité.
Quel sera notre mikvé ?
Comme beaucoup d’autres commandements, celui de l’immersion dans un mikvé
présente des aspects très anciens et des
aspects extrêmement modernes. Ce grand
éventail de représentations du mikvé peut
permettre à chacun de faire vivre ce commandement d’une façon qui lui convienne et
ait un sens pour lui.
Il nous invite à croire en la possibilité d’une
renaissance, en notre liberté de devenir
nous-mêmes. Il prend toute son importance
dans le cadre de la préparation au mariage,
des retrouvailles des époux, de la préparation aux fêtes, de l’entrée dans le judaïsme
ou du renouement avec la vie.
Aujourd’hui, à Bruxelles, ce commandement prend également la valeur d'un
point de rencontre entre communautés, d'un symbole de collaboration pour
faire vivre l'identité juive. En effet, le
mikvé de la CIOB est ouvert à tous, et les
membres de notre communauté sont invités
http ://www.mayyimhayyim.org
Une interview de Anita Diamant (en anglais) est disponible sur http ://www.boomerstv.com/episodes_video.php?lid=239
http ://www.mikvahproject.com/index.html
le shofar
à en faire usage à leur convenance. Madame
Haddad vous accueillera avec beaucoup de
gentillesse.
Mikvé a la même racine que le mot Tikva,
l’espoir. Que nous ayons tous le mérite de
nous plonger dans l’espoir de jours meilleurs
et d’un renouvellement complet.
En attendant, nous garderons en mémoire
que le plus beau mikvé est l’océan, on peut
compter sur chacun d’entre nous pour en
faire bon usage cet été !
■
Aujourd’hui, l’esprit de communauté et l’engagement vis-à-vis de notre tradition a permis
à Beth Hillel de devenir membre du mikvé de la CIOB, de le soutenir et d’en faire profiter
ses membres. Que cet esprit de « chitouf péoula » nous inspire tous dans nos actions.
Coordonnées des Mikvaot de Bruxelles (CIOB) :
Mikvé pour dames : Rue Saint Augustin 40
1190 Bruxelles Tel : 02/347 33 29 (Mme Haddad) Mikvé pour hommes :
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11
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J U DA Ï S M E
La Mishna et l’Étude
La démocratisation du savoir
par les Tannaïm
par Ralph Bisschops, Dr. phil.
Sans la Mishna l’étude n’aurait jamais
reçu la place centrale qu’elle occupe
dans la vie des Juifs depuis deux millénaires. Afin d’éclaircir cette notion,
nous devrions d’abord nous rappeler
l’esprit très particulier de la Mishna.
Comme la spécificité de cette œuvre
a surtout été mise en exergue par les
recherches de Jacob Neusner1 et de
son école, l’article présent les prend
comme point de départ.
12
I La Mishna
La Mishna a été rédigée au troisième siècle,
donc après la destruction du deuxième temple (70 EC) et la suppression de la révolte
de Bar Kochba (135 EC). Elle est la description d’un paradis perdu. Elle imagine un
monde où le gouvernement d’Israël gravite
autour du Temple de Jérusalem, lieu où la
Cour suprême est établie. Or, à l’époque de
sa rédaction finale le temple n’existait plus
et l’accès à Jérusalem était proscrit aux
Juifs.2 Les historiens sont intrigués par le
fait que la Mishna est une œuvre qui a surgi
pour ainsi dire du « néant ». Il n’existe pas
de documents antérieurs qui attestent sa
1
2
3
4
gestation. La tradition juive enseigne qu’elle
aurait été la mise par écrit d’une longue tradition orale, remontant jusqu’à la révélation
au Sinaï. Les historiens actuels tendent plutôt à croire qu’elle fut rédigée d’une traite,
tant sa cohérence – aussi bien au niveau de
la forme que du contenu – est frappante,
pour ne pas dire surprenante.3
Les caractéristiques formelles de la
Mishna
La Mishna tente de reconstruire une époque
heureuse mais révolue ainsi que la législation en vigueur en ce temps, mais dont
une grande partie n’était plus applicable au
moment de sa rédaction. Elle est à la fois
nostalgique et utopique.
Au niveau de la composition la Mishna est
un document absolument unique dans toute
la littérature juive. Selon Jacob Neusner,
une des autorités les plus notoires dans
l’étude historique du Talmud, elle présente
trois caractéristiques qu’aucun autre document de l’antiquité juive ne possède :
Premièrement, la Mishna ne fait pas appel
à l’autorité de Dieu et ne se réfère que rarement à la Torah (sauf dans le traîté Avoth)
son procédé n’étant pas exégétique.4 La Mishna est un document « stand alone »; c’est à
Jacob Neusner (1932) fit ses études à Harvard, Oxford et au Jewish Theological Seminary où il reçut son ordination de rabbin. Il
a été professeur dans plusieurs universités américaines et est membre de l'Institute of Advanced Study à Princeton.
" The (then non-existent) Israelite government imagined by the second-century philosophers centers upon the (then nonexistent) Temple, and the (then forbidden) city, Jerusalem. For the Temple is one principal focus. There the highest court is in
session; there the high priest reigns." (Neusner 1999, 87)
"What is veiled from active, systematic inquiry, even recognition is each document's character as a distinct, idiomatic literary
œuvre, authored, not simply compiled, by some person or persons with their own agenda, outlook, style, purpose, and social
provenance. " (Lightstone 2002, 7)
“ The Mishnah never invokes God’s name as source of truth, and only occasionally even cites proof-texts of Scripture’s law.”
(Neusner 1999, 93)
le shofar
dire un document autonome, suffisant à lui- seulement un jeu de l’esprit. Elles sont des
instruments indispensables afin d’assurer la
même.
Deuxièmement, les chapitres de la Mishna gouvernance et la jurisprudence d’un Etat.
sont présentés sous forme d’appel à un débat. La Torah en tant que telle ne suffit pas à
Elles contiennent généralement au moins créer un Etat viable car elle ne donne que
deux affirmations conflictuelles. Ceci est des directives générales. De surcroît Dieu et
sa justice y occupent une place
absolument nouveau dans l’écriprédominante dans l’exercice
ture juive. Ni le Tanakh, ni les
La Mishna
du pouvoir judiciaire (il inflige
documents de Qumram ne présentent une telle composition. reconstruit une ou ordonne une grande partie
Certes, Abraham et Moïse dia- époque heureuse des punitions), or aucun Etat ne
peut fonctionner en se fiant seuloguèrent avec Dieu, mais ce ne
mais révolue. lement à Dieu dans l’exercice du
fut jamais d’égal à égal. La seule
tradition où la pensée se déve- Elle est à la fois droit. Il a besoin d’un pouvoir
clairement défini,
loppe sous forme de discussion
nostalgique et judiciaire
c’est-à-dire de tribunaux, ainsi
entre égaux est la philosophie
que d’une législation qui exclut
grecque. Dans les "Dialogues"
utopique.
toute incertitude. La Mishna
de Platon nous assistons aux
discussions de Socrate avec les philosophes définira la compétence et la composition
de son époque (les sophistes). Pour cette des tribunaux et ajoutera des lois là où cela
raison Jacob Neusner, sans rentrer dans des s’avère nécessaire.
questions de filiation, soutient avec fermeté
que la Mishna tient le même discours que la Quelques exemples de classification
mishnaïque
philosophie grecque.
Troisièmement la Mishna est rédigée, Voici quelques précisions essentielles que
contrairement à la Torah, sous forme d’in- la Mishna apporte et qui ne se trouvent que
ventaire. Elle énumère et classifie les sous forme d’ébauche dans la Torah.
composantes économiques et politiques La Mishna établit les 10 degrés de sainteté remondu monde révolu et idéal. C’est donc une tant de la terre d’Israël jusqu’au tabernacle.
entreprise « scientifique » dans la mesure La Mishna dresse la liste des pouvoirs : 1. Dieu
où science équivaut à « classification ». (qui châtie les transgressions rituelles volonLa Mishna classifie, dresse des tableaux taires), 2. le Temple (qui permet l’expiation des
allant de l’abstrait au concret, du supérieur transgressions involontaires), 3. la royauté
à l’inférieur. Le savoir étalé dans la Mishna (pouvoir exécutif), 4. les différents tribunaux
s’articule donc sous forme de « listes », de (allant du droit civil au droit pénal).
catégories, aussi bien des choses naturelles Elle discerne (entre) les principes juridiques
que surnaturelles. En ceci la Mishna procè- (« pères » ou avoth) et les devoirs déduits de
derait, selon Neusner, également comme la ces principes (« enfants » ou toledot). Les 39
travaux interdits le Shabbath sont des avoth,
pensée grecque.
les interdictions qui découlent de chacun de
La gouvernance et la jurisprudence de ces principes sont les toledot.
La Mishna classifie les actions humaines
l’Etat idéal
Mais les catégories de la Mishna ne sont pas sous un vaste éventail d’optiques afin de ren5
6
" In the Mishna’s representation of matters, the sages always “knew and criticized one another’s ideas,” just as did the early
Greek philosophers." (Neusner 1999, 103)
"Their intention is to create nothing less than a full-scale Israelite government, subject to the administration of sages. This
government is fully supplied with a constitution and bylaws. It makes provision for a court system and procedures, as well as a
full set of laws governing civil society and criminal justice. " (Neusner 1999, 87)
13
J U DA Ï S M E
entendu, le devoir de l’étude est inscrit dans
la Torah dans la mesure où il est inclus dans
le commandement « tu les inculqueras à tes
enfants » (Dt. 6,7).14 L’apport le plus sensationnel de la Mishna est que l’étude devient
la mitsvah suprême.
Le primat de l’étude devient déjà manifeste
dans un texte que nous lisons jour après
jour dans l’office du matin. Il s’agit de la Mishna péah que les rabbis ont insérée – et pour
cause ! – dans notre liturgie (voire « elou
La description d’un Etat virtuel
La Mishna est la description méticuleuse devarim »). Elle traite des commandements
« qui n’ont pas de mesure » et
d’un Etat, où les conditions
termine par la phrase : « l’étude
de la sainteté sont réunies
Dans la Mishna de la Torah équivaut à tous ces
par le fait que la terre pro(talmud
mise est habitée par Israël l’étude de la Torah commandements »
Torah keneged koulam). Ce
(et Israël seulement13), où les
devient le devoir verset signale une véritable
sacrifices peuvent être apporrévolution, surtout parce qu’il
tés et la dîme peut être prélede chaque Juif.
s’adresse à tout un chacun.
vée. Contrairement aux idées
reçues, la Mishna n’est pour- Elle ne se fait pas Avant, dans le Tanakh, l’étude
tant pas un ouvrage religieux
par procuration. de la Torah était l’apanage des
prêtres (Kohanim) et des rois.
à proprement parler. Tout
en restant la constitution d’une théocratie On pourrait y inclure les prophètes, mais
elle clarifie ou ajoute tous les éléments qui pas au niveau institutionnel. Les prophèen font également un Etat de droit. Il est tes s’occupaient de la Torah d’une manière
intéressant d’observer qu’au moment de sa qu’on appellerait maintenant « free-lance ».
rédaction cet Etat était un Etat virtuel par Il travaillaient de façon indépendante, à
excellence. Sous cet aspect Jacob Neusner leurs propres risques et périls. Il importe
soutient à juste titre que la Mishna est une également de noter qu’ils s’adressaient
œuvre philosophique. C’est vrai dans la avant tout aux rois et aux leaders politiques
mesure où elle ne contient ni un enseigne- ou religieux. Le peuple était censé avant
ment religieux, ni une législation qui pou- tout d’obéir à la Torah, non pas de l’étudier.
vait s’appliquer telle quelle à l’époque de sa Pour être plus précis : Les documents bibliques qui enjoignent au commun des mortels
mise par écrit.
de l'étudier font défaut. Dans la Mishna, par
II L’étude, exigence centrale de contre, l’étude de la Torah devient le devoir
de chaque Juif. L’étude ne se fait pas par prola Mishna (Pirkè Avoth)
Même si de nos jours la Mishna n’est connue curation. La thèse centrale des Pirké Avoth
que de quelques experts, l’immense appel est que l’homme a été créé pour étudier
à l’étude qui émane de cet ouvrage est pro- (Avoth 2, 8). C’est dans l’étude que l’homme
fondément ancré dans tous les cœurs. Bien trouve sa vraie et seule destinée.
dre plus sûre leur évaluation par un tribunal.
Elle discerne leurs conditions au départ7, le
nombre de transgressions qu’elles causent8,
leurs conséquences concrètes 9, juridiques10 et
cultuelles11. Telle analyse de nos actes permet,
de surcroît, d'aiguiser la conscience que nous
avons de ce que nous sommes et ce que nous
faisons. L’art de la pensée rabbinique était
celui du discernement12.
14
Permis ou interdit, intentionnel ou inconscient.
Un seul acte peut en comprendre plusieurs (dans la langage du Talmud “plusieurs transgressions”).
Les dommages qu’elle cause.
10
La sanction qu’elle entraîne.
11
Le degré d’impureté qu’elle confère, les sacrifices que sa réparation exige.
12
“ The rabbi is the one who can multiply and ramify defining and differentiating factors in order to better distinguish one case
from another, where others can perceive or create no differentiation at all.” (Lightstone, 2002, 184)
7
8
9
le shofar
Et la Mishna ne manque pas d'être claire, contexte du traité Horayot nous en apporte
voire menaçante à ce sujet : Celui qui n’étu- également la raison. Cette Mishna porte sur
die pas la Torah ne mérite pas de vivre, les erreurs judiciaires. Il se peut que l’auto(Avoth, 5, 13) il risque la mort et même le rité ou un tribunal se trompe. Il faut donc
Gehinnom (Avot 1, 5). Celui, en revanche, des personnes suffisamment instruites pour
qui étudie mérite le monde à venir (Avoth, contester ces erreurs.16 Même si l’étude est
2, 7). Il ne faudrait pas se dire « j’étudierai une valeur en elle-même, comme le veut
la Torah quand j’aurai le temps » car il est le Pirké Avoth, elle revêt également une
possible qu’on ne l’aura jamais (Avoth, 4) ; grande importance sociale et politique. Un
le célèbre proverbe « im lo archav, mataï ? » état qui ne compte pas parmi ses citoyens
(« si pas maintenant, quand? ») s’appliquait des contestataires, court à sa perte. Mais
originairement à l’étude (Avoth 2,
pour pouvoir dire « non » il
14). Chacun doit se chercher un
faut d’abord savoir. Vue sous
L’homme
maître et un compagnon d’étude
cet angle, l’étude est avant tout
(Avoth 1, 6 ; 1,16). Shammaï a été créé pour un devoir citoyen.
conseille de faire de l’étude une
étudier
discipline régulière (Avot 1, 15). Il
Etude et subsistance maté(Avoth 2, 8).
n’y a d’homme libre que celui qui
rielle
est versé dans l’étude de la Torah (Avoth 6, Tous les maîtres de la Mishna s’accordent
2). Ces quelques extraits pris au vol expri- sur le fait que l’étude doit être accompagnée
ment un renversement de la hiérarchie d’une profession. En l’absence d’un gagneancienne. Ce qui avant était le privilège des pain régulier l’étude mènerait au péché
prêtres et des rois devient maintenant le (Avoth 2,2). L’étude ne doit pas non plus nous
devoir de chaque Juif : l’étude.
apporter des bénéfices concrets. Qu’elle ne
soit pas « une pelle avec laquelle on creuse, »
La dimension politique de l’étude
enseigne Rabbi Tzadok (Avoth 4,5b). Et
Mais d’où vient cette insistance soudaine Hillel d’ajouter : « Chacun qui tire profit de
sur l’étude ? Une ébauche de la réponse se l’enseignement de la Torah, éloigne sa vie du
trouve dans Mishna Horayot 3 : 6-8 : « Un monde. » (4, 5c). En d’autres termes : L’étude
cohen a priorité sur un lévite, un lévite sur n’est pas une valeur économique. Ce titre ne
un Israélite, un Israélite sur un bâtard (mam- revient qu’à la propriété foncière, qu’il faut
zer), un bâtard sur un nathin (descendant continuer à cultiver. Pour rappel, la Mishna
des Gibéonites), un nathin sur un converti, n’octroie qu’une place subordonnée à l’arun converti sur un esclave émancipé. Cette gent, considérant le troc comme transaction
ordre des priorités s’applique si tous sont idéale,17 et endigue la spéculation. Cet idéal
égaux sous d’autres aspects. Si, par contre, antique subira un profond changement dans
le mamzer est un érudit et le cohen gadol un les documents ultérieurs rédigés pendant
ignorant, le bâtard érudit a priorité sur le les siècles suivant la clôture de la Mishna.
cohen gadol (grand-prêtre).15 »
Ce changement s’illustre notamment par la
Le fait que dans cette hiérarchie un mamzer légende suivante (Lévitiqe Rabbah 34, 16),
qui a étudié l’emporte sur un prêtre ignorant datant du 5ème siècle : Rabbi Tarfon donna
est en tant que tel une révolution sociale. Le à Rabbi Akiva une somme d’argent en lui
13
14
15
16
17
En ceci la Mishna se montre plus exigeante que la Torah.
Maïmonide, Sefer Hamitsvoth, P 10-13
Remarquons que cette Mishnah ne précise pas en quoi l’un a priorité sur l’autre, son but est donc d’établir une hiérarchie dans
l’absolu entre les différentes classes de la société israélienne. Cette manière de classifier les choses (dans l’absolu, sans conséquences concrètes) fait partie du programme de la Mishna, voire Jacob Neusner (1992), p. 161.
Je dois cette analyse à Neusner (2002), p. 29
Neusner (1992), p. 68.
15
J U DA Ï S M E
16
disant « achète un morceau de terre, pour immédiate d’une économie de marché. Tandis
que nous puissions en tirer notre subsis- que dans l’économie rurale chacun s’occupait
tance et étudier la Torah ensemble. » Que de tout, l’économie de marché nécessite la
fit Rabbi Akiva ? Au lieu d’acheter un lot, spécialisation. De nombreux textes tenteront
il fonda, au désarroi de Rabbi Tarfon, une d’illustrer que 1. la Torah est une richesse
matérielle et 2. que celui qui offre des dons à
yeshivah.
Ce texte signale que c’est le savoir qui consti- des sages deviendra riche à son tour. Le fait
tue la richesse et non pas la terre. Même que la Torah est perçue comme valeur matési Rabbi Akiva, un Tanna,18 figure comme rielle est illustré par une légende selon laquelle
Ardavan envoya une perle à un
protagoniste légendaire19 dans
rabbi en lui demandant de lui
ce document, celui-ci est en
Sans
renvoyer quelque chose d’aussi
contradiction flagrante avec
précieux. Grande fut sa décepl’esprit de la Mishna.20 Il importe
contestataires,
lorsqu’il reçut en retour un
de ne pas voir dans l’équation
un Etat court à tion
petit rouleau de mezuzah. Arda« étude égale richesse » une
sa perte. L’étude van répondit : « Je t’ai envoyé
image pieuse mais un renversement radical de l’économie de la
est avant tout un une perle d’une valeur inestimable et tu me rends quelque
Mishna. Alors qu’auparavant la
devoir citoyen.
chose qui ne coûte que quelques
richesse était définie en termes
sous. » Le rabbi de répondre :
de propriété foncière, celle-ci
se voit maintenant supplantée par le savoir « Je t’ai envoyé quelque chose qui veillera sur
et l’enseignement.21 Car, en effet, au fil du toi pendant ton sommeil. »24
temps l’étude deviendra progressivement une
source de revenus matériels. Les rabbis insis- L’étude versus l’autorité du sage
teront sur le fait qu’il est impossible de com- La croyance que celui qui donne aux sages
biner l’étude avec une autre activité. Dans ce ferait lui-même fortune (voir supra) est illustrée
contexte apparaissent les midrashim qui rela- par la légende selon laquelle un philanthrope
tent qu’en étudiant un passage difficile l’étu- appauvri vendit la moitié de son champ pour
diant perd ses forces physiques.22 L’étude des l’offrir à un rabbi qui visita son village. En guise
textes sacrés ou halakhiques exténue et fra- de reconnaissance le rabbi lui octroya l’hongilise. La rémunération des rabbins s’avérait neur d’être assis à côté de lui. Mais la véritable
incontournable, mais se trouvait en contradic- récompense vint plus tard : Notre philanthrope
tion flagrante avec l’enseignement de la Mis- trouva un trésor dans la partie du champ qui
hna, selon laquelle le sage devrait exercer un lui restait.25 L’on imagine facilement les supersmétier et étudier pendant ses loisirs.23 A cela titions qui se grefferont sur telles données. A
s’ajoute le fait que l’économie, sous la domina- l’étude de la Torah, de la Mishna et surtout du
tion romaine, était une économie de marché Talmud26 seront attribués des effets salvateurs,
avec l’argent comme ressource primordiale. qui doivent être compris dans un sens concret :
Or, la division du travail est une conséquence la guérison de la maladie, la prospérité et la
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
Maître de la Mishna.
En l’état actuel des recherches les attributions de paroles à des sages de la Mishna ne sont pas toujours crédibles.
Neusner, 1992, p. 165.
Neusner observe ce reversement des notions économiques dans son chapitre “The Transvaluation of Values” in « The Transformation of Judaism from Philosophy to Religion » (1992), pp. 151- 182.
Par exemple Lévitique Rabbah, 11 ; 22, 1
Neusner (1992), p. 175.
Talmud Yerushalmi, Péa 1 :1, 17
Pesiqta de Rav Kahana, 5 :4,2
William Scott Green (1995, p. 32) observe que l’étude du Talmud tendait progressivement à supplanter celle de la Torah ou de la
Mishna (cf. Yerushalmi, Shabbat, 16,1).
Neusner (1995), p. 46.
le shofar
sécurité en temps de guerre.27 Le sages étaient
perçus comme les défenseurs de la cité et, dans
une époque plus tardive, étaient exempts des
taxes destinées à construire les remparts de la
ville, parce que leur étude de la Torah la protégerait.28 Dans un article aussi érudit que persifleur William Scott Green (Université de Miami)
affirme que l’image d’Épinal du rabbi qui se
vouait à l’exégèse des significations multiples
de la Torah serait issue de milieux protestants
admiratifs ( !). En réalité l’interprétation de la
Torah était fortement codifiée et évitait toute
incertitude.29 Si quelqu’un voulait être un bon
Juif, il ne suffisait pas d’étudier les Ecritures,
il fallait également se soumettre à l’autorité du
sage.30 Assurer la continuité du judaïsme sous
des conditions politiques et économiques aussi
dramatiquement différentes nécessitait peutêtre les concessions à la dévotion populaire que
nous venons d’observer. L’économie de marché
étant en vigueur, le sage doit, pour le dire avec
William Scott Green, « développer une sociologie du savoir qui le rend irremplaçable »31 et le
recours aux superstitions est le moyen le plus
facile pour arriver à ces fins. Force est d’ajouter
que, parmi toutes les superstitions possibles,
celle qui confère une auréole au livre, à l’étude
et à l’enseignement est probablement la moins
nocive. La situation n’a pas fortement changé
depuis lors, et cela n’est pas seulement vrai
pour les communautés juives. La spécialisation
scientifique a de plus en plus comme corollaire
l’ignorance ainsi qu'une vénération pseudo-religieuse des universités et de son corps professoral. Par rapport au monde académique actuel,
le penseur Baruch Spinoza, qui gagnait sa vie
en polissant des lentilles, est l’incarnation
séculière du sage de la Mishna.
Conclusion
La notion de césure entre la Mishna et les
écrits ultérieurs, introduite par Neusner, se
révèle judicieuse. Dans la Mishna l’étude de
la Torah est une source de mérites, dans les
documents ultérieurs (Talmud, Midrashim)
28
29
30
31
Neusner (1992), p. 179.
William Scott Green, op. cit. p. 42
The Hebrew Scriptures in Rabbinic Judaism (1995), p. 39.
Op. cit. p. 39.
elle deviendra une source de richesses matérielles et une cause de bien-être et de succès.
Alors que dans la Mishna le sage est hautement valorisé parce qu’un Etat ne peut exister
sans contestataires, il deviendra progressivement celui qui monopolise le savoir qui à son
tour revêt de plus en plus un caractère magique. Ressourçons-nous dès-lors à l’enseignement initial de la Mishna selon lequel l’étude
est le devoir de tout Juif et qu’il ne faut pas se
laisser décourager par le fait que l’expertise
des autres peut surpasser de loin la nôtre.
C’est grâce à cet idéal mishnaïque que nous
rencontrons au cours de l’histoire juive tous
ces hommes et ces femmes qui travaillaient le
jour et étudiaient la nuit. C’est bien cet effort
au cours de deux millénaires qui, au grand
dam des puissants de cette terre, nous a rendus si difficilement manipulables.
Ouvrages cités :
Die Mischna (traduite et annotée par Dietrich
Correns). 2005. Wiesbaden : Marix Verlag.
Green, William Scott. 1995. The Hebrew
Scripture in Rabbinic Judaism in : Neusner,
Jacob. Rabbinic Judaism, Structure and
System. Minneapolis : Fortress Press.
Lightstone, Jack N. 2002. Mishnah and the
Social Formation of the Early Rabbinic
Guild : A Socio-Rhetorical Approach. Waterloo (Canada) : Wilfrid Laurier University
Press.
Moïse Maïmonide. (éd. 1878) Le Livre
des Commandements. Lausanne : L’Âge
d’Homme
Neusner, Jacob. 1992. The Transformation of
Judaism from Philosophy to Religion. Urbana
& Chicago : University of Illinois Press.
Neusner, Jacob. 1999. The Four Stages of
Rabbinic Judaism. New York : Routledge,
1999.
Neusner, Jacob. 2002. How the Talmud
Works. Leiden/Boston : Brill.
Talmud Bavli. (éd. 1989 par Isidore Epstein).
London : The Soncino Press.
■
17
Brochures
Rapports annuels
Identités visuelles
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le shofar
Leo Baeck :
« L’ Essence du Judaïsme »
Croire en l'humanité.
par Monique Ebstein
Voici le 6ème numéro du Shofar où nous
synthétisons l'enseignement que Leo Baeck
donne dans "L'Essence du Judaïsme". Leo
Baeck est un homme d'une foi totale. Il l'a
prouvé tout au long de sa vie. C'est cette foi
qui l'a soutenu pendant la terrible épreuve de
son internement au camp de Theresienstadt.
Dans ce (provisoirement) dernier chapitre
de notre étude, il expose
son interprétation du sens
de l'Histoire, et de l'homme
dans l'Histoire.
***
L'homme est créé à l'image
de Dieu et la "fin des temps"
ne peut être que la réalisation du bien. Notre foi en
Dieu est fondée sur la foi en
l'avenir. Cet avenir n'est pas
un "destin" ni un fatum, mais
quelque chose qui existe
vraiment; il est l'objectif vers
lequel notre chemin nous
conduit. Le futur est une idée
typiquement juive, le judaïsme est imprégné
par la tension qui existe entre la proximité
du chemin qui débute avec chaque existence
humaine, et l'éloignement du but qui est bien
au-delà de cette existence.
Les prophètes, qui étaient les émissaires de
Dieu, ont été les annonciateurs d'un messianisme signifiant l'accomplissement des temps
où les hommes réaliseront la volonté de Dieu
sur terre. Chaque homme, au cours de sa vie,
est appelé à parcourir un bout du chemin
dont l'objectif est le royaume de Dieu. La vie
humaine est brève, et personne ne doit désespérer de ne pouvoir atteindre le but, car le
relais sera assuré de génération en génération.
Le jour de l'homme est bref, mais celui de l'humanité est long. Or, l'humanité se déploie à
la fois dans le temps et dans
l'espace. Elle ne représente
pas seulement l'unité des
peuples, mais aussi l'unité
des jours où chaque génération fait partie de l'Histoire,
et avance sur le chemin dont
le terme est l'accomplissement. L'unité des nations et
celle des temps forme l'univers de l'homme. Au sein
de cette unité, l'existence
individuelle n'est plus limitée, puisque son sens lui est
donné par le chemin qu'elle
doit parcourir, que ce chemin sera poursuivi par les
générations suivantes et qu'il
conduit aux jours à venir. Cependant, face à
tous les crimes et délits commis au cours de
l'Histoire au nom de la fin recherchée et du
succès que l'on veut obtenir, le judaïsme a
toujours condamné la double morale qui
permet la justification de la politique
par le déni de l'éthique.
L'accomplissement de l'individu se situe dans
l'au-delà, mais l'accomplissement de l'humanité
19
J U DA Ï S M E
20
se situe de ce côté-ci de la vie, et c'est le chemin
de l'Histoire qui y conduit. L'accomplissement
du bien comporte donc deux aspects, transcendant et immanent, il se situe à la fois dans l'éternité, mais aussi dans l'Histoire. Le judaïsme
ressent cette polarité avec une égale intensité,
elle apparaît presque comme une unité. Or l'humanité, même lorsque elle dévie de son chemin, a toujours la faculté de se renouveler, son
avenir ressemble à toute réconciliation, celle
du fini avec l'infini, de la vie humaine avec la
Loi. Le jour à venir est la révélation de l'Eternel
dans l'humain, le règne de la paix sur la terre,
dans un certain sens le rapprochement de l'immanence et de la transcendance.
La vocation de l'humanité est d'avancer vers la
réalisation du bien, c'est à dire, de génération
en génération il nous est demandé de faire évoluer l'éthique vers toujours plus d'exigence. Or
l'unité du genre humain est due à son caractère divin. Tous les peuples, sans distinction
d'aucune sorte, ont ceci en commun : ils sont
faits à l'image de Dieu qui les a créés pour qu'ils
soient à leur tour des créateurs. L'Histoire universelle est celle de l'évolution du bien, et elle
atteindra son but lorsque le bien sera reconnu
par tous. L'unité du genre humain devient donc
une exigence éthique, un devoir qui incombe à
tous les peuples de la terre, car tous les peuples
sont les instruments de l'Histoire. Dieu a placé
devant eux le bien et le mal, la vie et la mort.
Il leur a dit : "Tu dois choisir" .... "pour déraciner et pour saccager, pour détruire et pour
arracher, ou pour bâtir et pour planter" (Jér.
1,10). Tous les peuples appartiennent à Dieu,
ils peuvent tous devenir son peuple et bénéficier de ses bienfaits : "N'ai-je pas tiré Israël du
pays d'Egypte, les Philistins de Caphtor et les
Araméens de Kir ?" (Amos 9,7). "L'Eternel des
armées parle : Béni soit mon peuple, l'Egypte,
l'Assyrie, œuvre de mes mains, et Israël est
mon héritier" (Is.19,25).
Ce sens religieux de l'Histoire s'est très tôt
manifesté en Israël dont l'existence nationale
a débuté par l'acte historique fondateur de sa
libération d'Egypte. La première expérience
d'Israël fut donc la présence de Dieu agissant dans l'Histoire. Or Israël, petite nation,
avait d'autres valeurs, une autre vérité que
les nations riches et puissantes qui l'entouraient : "Ce n'est ni par le nombre ni par la
puissance, mais par mon esprit, a dit le Dieu
des armées....." (Zac 4,6). La pensée prophétique conçoit l'équité et l'éthique comme étant
les seuls fondements de l'existence, aussi dès
qu'une nation ne satisfait plus à cette exigence première, elle doit périr. Tous les peuples comparaissent devant le Dieu de justice;
leur liberté dépend de lui, c'est lui qui "juge
le globe terrestre dans l'équité et les nations
dans la rectitude" (Ps 98,9.). Cependant, ce
Dieu de justice est aussi un Dieu d'amour,
lent à la colère qui répète sans cesse : "Repentez-vous, O vous fils de l'homme" (Ps 90,3).
En découvrant le chemin qui mène à Dieu, les
hommes se découvrent les uns les autres. La
réconciliation de l'humanité avec Dieu aura
lieu lorsque tous les hommes auront réussi à
s'unir dans l'égalité et la solidarité. L'accomplissement ultime sera atteint lorsque les peuples reconnaîtront que tout ce qui sépare est
artificiel, que tout ce qui unit est humain, que
tous les hommes sont frères. Ce sera l'avènement des temps messianiques, à ce moment le
royaume de Dieu sera advenu sur terre, Dieu
sera Un, et son Nom sera Un : "Le loup habitera avec l'agneau et le tigre reposera avec le
chevreau" (Is 11,6). Le discours prophétique
avait commencé par affirmer cette certitude, il
conclut avec une vision porteuse de cet espoir.
Le messianisme juif ne consiste pas dans la
foi en un homme qui changerait le monde, du
reste le judaïsme n'accepte pas qu'un homme
soit placé au-dessus de l'humanité. Le messianisme juif tend vers la réalisation du royaume
de Dieu qui sera le lieu de rencontre de tous
les hommes. Ce royaume sera réalisé lorsque
l'homme aura librement reconnu et accepté
Dieu comme unique souverain. Tous ceux qui
veulent participer aux jeux du pouvoir ont déjà
rejeté le royaume de Dieu, selon ce que Dieu
avait dit à Samuel, lorsque Israël réclamait un
roi : ".... Ils m'ont rejeté en ne voulant plus que
je sois leur roi !" (I Sam.8,7) Malgré des déviances ésotériques apparues surtout durant des
périodes d'intenses souffrances dues aux
le shofar
persécutions, le judaïsme a préservé un fondement religieux solide et une réflexion raisonnable sur la nature du royaume de Dieu.
Depuis toujours, l'idée messianique a été liée
à deux fêtes qui sont les seules dans la liturgie
juive à ne pas être rattachées à un fait précis
de l'Histoire d'Israël, elles concernent le destin de l'humanité dans son ensemble : Rosh
Hashana et Kippour. Elles ne sont pas en effet,
une commémoration du passé, mais une tension vers l'avenir. A Rosh Hashana, nous, et
avec nous tous les peuples de la terre, devons
prouver que nous méritons notre place sur la
terre en pratiquant l'équité et en recherchant
la vérité. Le jour de Kippour s'adresse lui aussi
à l'humanité pour lui accorder le pardon des
fautes commises et promettre le royaume
à venir en récompense de tous les efforts
accomplis. Israël et toute l'humanité prient :
"Car nous savons, O Eternel, que la puissance
est là devant toi, la force est dans ta main,
la bravoure dans ta droite, et ton Nom est
redouté par tout ce que tu as créé". L'horizon
du judaïsme est ainsi tracé : il va bien au-delà
du temps présent et aussi au-delà des limites
du seul Israël : "Car c'est de Sion que sortira la
Tora, et la parole de Dieu de Jérusalem".
Le judaïsme ne conçoit pas d'humanité sans
que lui-même y participe, et inversement, il ne
se conçoit pas en dehors de l'humanité. A la
question qu'Israël se pose sur le sens de toutes
les souffrances endurées au cours des siècles,
Isaïe répond qu'elles ont été envoyées à Israël
pour rédimer l'univers. Car Israël est le "serviteur de l'Eternel" que le prophète décrit ainsi :
"...un être de souffrance qui, ....alors qu'il était
atteint par nos péchés, battu en raison de nos
fautes, acceptait les coups pour notre bienêtre, et par sa blessure nous trouvions notre
guérison....... (cependant dit l'Eternel) il est le
Juste, il est mon serviteur....C'est pourquoi je
tiens à lui accorder une large part, il sera sur le
même niveau que les forts parce que son âme
a goûté la mort, on l'a considéré comme un
malfaiteur alors qu'il a assumé les péchés des
autres et intercédé en faveur des méchants".
La souffrance comporte elle aussi un élément
messianique. Elle fait partie de la substance
même de l'Histoire d'Israël. C'est sa manière
d'assumer le pardon.
Parallèlement à la prise de conscience de la
souffrance, il y a celle du "reste" d'Israël. En
effet l'Histoire opère un grand tri au sein d'Israël, les souffrances incitent à la fuite. Lorsque la réalité se fait trop dure et qu'on sonne
le rassemblement, seul le "reste" répond :
"présent". Contrairement à l'espoir d'être un
jour aussi nombreux que les grains de sable
de la mer et que les étoiles du ciel, ce sera
seulement "le reste d'Israël (qui) demeurera à
Jérusalem et (qui) sera nommé saint, chacun
sera inscrit pour la vie, et ce qui sera sauvé de
la maison de Juda plongera ses racines vers
le bas et portera des fruits vers le haut". La
nature du messianisme juif est de confesser
le Dieu unique, de renverser les idoles, qu'elles
soient de pierre, ou qu'elles soient aujourd'hui
l'or et l'argent. Le messianisme juif, lorsqu'il
est fidèle à lui-même, annonce le royaume
de Dieu et non le règne des puissances de ce
monde. En ce sens, il se fait contradicteur et
réprobateur, il apporte au triomphalisme des
nations un témoignage radical et révolutionnaire. La religion juive a offert la possibilité
de s'engager dans une voie nouvelle où le pardon permet de toujours recommencer (teshuva), et où la souffrance et la consolation,
la volonté de combattre, et l'acceptation de la
Loi trouvent leur point d'équilibre.
En guise de conclusion :
Le Judaïsme face à l'Histoire
Dans les rares périodes où Israël ne dut
pas lutter pour sa survie et connut quelque
répit, des communautés juives s'implantèrent bien au-delà des frontières nationales et
il y eut d'assez nombreuses conversions au
judaïsme parmi les nations environnantes.
Ces périodes ne furent jamais très longues,
et les persécutions dont les Juifs furent victimes, depuis la conquête de leur pays par les
Romains jusqu'aux temps modernes, en ont
énormément réduit le nombre. Cependant
même si, à travers les siècles, l'Eglise était
devenue la nouvelle puissance mondiale,
elle fut obligée de faire des concessions aux
21
J U DA Ï S M E
22
Juifs, car c'est d'eux qu'elle avait hérité la
révélation de la parole de Dieu. Mais, paradoxe, le peuple dont elle avait reçu l'héritage
était encore vivant et il continuait à espérer
en l'avenir. Le judaïsme devint ainsi une sorte
de contradiction vivante, mettant en cause la
vérité universelle et exclusive que revendiquait l'Eglise.
Ce fut la cause d'un long combat. Après avoir
subi le martyre infligé par les Romains, le
christianisme employa les mêmes méthodes
et les mêmes pratiques tortionnaires vis-à
–vis des Juifs. Dieu qui les avait réprouvés
était désigné comme étant la cause des malheurs qui les accablaient ! Cependant malgré
leur haine, l'Eglise et les nations durent se
résoudre à ce que survive le peuple juif.
Une série de règles hostiles furent alors établies pour isoler les Juifs des populations au
milieu desquelles ils habitaient. On voulait
donner l'impression qu'ils n'existaient pas,
mais aussi les empêcher d'avoir la moindre
influence religieuse sur leurs voisins chrétiens. Leur seule présence avait la valeur
d'un témoignage. Tous les efforts des Juifs se
tendirent alors vers un seul but : survivre en
préservant l'héritage religieux. Il leur fallait
à vivre dans le monde tout en assumant leur
différence, ce qui nécessita de leur part une
inébranlable volonté. Survivre en tant qu'individu, signifiait faire survivre la religion. Un
vieil adage proclame qu'Israël doit son existence à la Tora, mais inversement la Tora ne
vit ici-bas que par son peuple. Elle pourrait
certes exister par elle-même dans le monde
des idées, mais elle disparaîtrait de ce monde
si Israël venait à disparaître.
C'est pourquoi l'éducation de chaque Juif
doit se faire dans ce sens. Son témoignage
est un témoignage de non-conformisme et
de dissidence par rapport à la société environnante et à l'Histoire. Son combat est toujours resté un combat de survie, individuelle
et religieuse, un combat qui n'a jamais visé
à conquérir le pouvoir, mais qui fut tout au
long des siècles la manifestation d'une force
indomptable face au nombre et à la puissance
des nations. C'est pourquoi, sans perdre de
vue la sanctification individuelle, mais dans
un souci de préservation et de survie, les
Juifs ont dû organiser la cohésion de chaque
"sainte communauté" et en assurer la structure. Ainsi, aux obligations qu'implique la foi
en Dieu et en l'homme, s'ajoutent des devoirs
qui se fondent sur la nécessité de faire vivre la
communauté et sur la solidarité qu'il faut lui
témoigner, devoirs qui se traduisent par des
actes concrets. Ces obligations et ces devoirs
sont nombreux, ils concernent pour la plupart ce que l'on nomme à tort ou à raison les
lois cérémonielles, c'est à dire les nombreuses règles régissant la casherout et le shabbat. L'essentiel de ces règles* est développé
et expliqué dans le Talmud et le Shoulhan
Aroukh. Elles ne sont pas de nature uniquement religieuse, et ne sont pas prescrites par
les textes bibliques, mais elles contribuent
à assurer une "haie protectrice autour de la
Tora", et à travers cette haie, la protection et
la sécurité de la communauté.
Il ne faut pas perdre de vue que le respect d'une règle cérémonielle n'est jamais
confondu avec une mitsvah ou bonne action.
La mitsvah est essentiellement religieuse ou
éthique. Or, la longue liste des péchés dont
la communauté s'accuse et pour lesquels elle
demande pardon dans la liturgie de Kippour,
ne fait jamais état de manquements aux lois
cérémonielles, mais uniquement aux transgressions de la loi morale. Seules ces dernières sont considérées comme des péchés. Et
à l'époque messianique, c'est à dire lorsque
le combat pacifique aura assuré la préservation du judaïsme, ces règles auront atteint
la limite de leur validité et cesseront d'être
appliquées. Cependant, si on se méprend,
volontairement ou non, quant à la nature
véritable de cette "haie protectrice", cela tient
peut-être à une erreur de traduction du terme
"Tora" qui signifie "enseignement" et que la
Septante, (première traduction de la Bible en
grec) a rendu par "Loi". Ce dernier terme peut
parfois prêter à confusion en signifiant une
obligation dont la liberté cherche à s'affran-
le shofar
chir. Or s'il est vrai que la Tora est une Loi, il
est tout aussi vrai qu'elle est considérée par
le judaïsme comme une loi libératrice que les
Juifs acceptent avec joie. C'est si vrai qu'il
sont allés jusqu'à instituer une fête qui célèbre avec des chants et des danses : "Simhat
Tora", la Joie de la Tora.
En effet, loin de limiter la liberté de l'homme,
les lois religieuses tissent des liens d'amour
entre Dieu et l'homme. C'est en toute liberté
que nous répétons, tous les jours et à tout
moment, la bénédiction "Béni sois-Tu, Eternel, Roi de l'univers qui nous a sanctifié
par tes commandements et nous a ordonné
de.....". Par ces bénédictions nous sanctifions
le cours entier de notre vie. C'est ainsi que la
communauté juive, persécutée et chassée de
toute part à pu, grâce à sa fidélité à la Tora,
devenir une communauté de penseurs, illustrant cette citation : "Il (le peuple d'Israël)
trouve sa joie dans la doctrine de l'Eternel et
réfléchit sur sa Tora jour et nuit."
Dans le judaïsme la "Loi" a également une portée sociale. Tout acte de pitié, même envers l'inconnu prend un caractère personnel. L'étranger qui frappe à la porte pour obtenir quelque
chose à manger, est le convive qu'il faut servir
à table. La sollicitude qu'enseigne la Tora ne
concerne pas seulement les vivants, mais également les défunts. Leur soin n'est pas confié à
des entreprises commerciales, mais à la Hevra
Kadisha ou "Société sainte" qui les prendra
en charge avec un total désintéressement,
puisqu'il n'y a aucune reconnaissance à attendre de leur part.
La loi protège et réglemente aussi l'intimité
familiale. Le mariage est une sanctification,
un devoir moral que tout homme doit accomplir. Lorsque un homme et une femme sont
unis pour la vie, ils introduisent dans leur
foyer l'esprit de Dieu. La famille juive qui
accueille avec joie la naissance des enfants
et qui s'épanouit au rythme des fêtes religieuses a su, au cours des siècles, résister
à toutes sortes de détresses et de persécutions. En résumé, la loi enseigne à être
reconnaissant pour chaque heure de la vie,
elle montre ce qui est remarquable dans le
quotidien, elle nous apprend le contrôle de
soi, la mesure, la sobriété ainsi que l'obéissance librement consentie au Créateur. La
multiplicité de ses formes exprime la suprématie de la vie spirituelle et de la pensée sur
à la vie matérielle. Chaque Juif sanctifie le
Nom divin en faisant le bien, en s'écartant
du mal, et en donnant ainsi au monde une
image conforme à la Loi et à l'éthique. A
contrario, on insiste sur le point suivant : la
moindre injustice envers un membre d'une
autre religion est bien plus grave que celle
que l'on commettrait envers un autre Juif,
car elle profane le Nom de Dieu et porte
atteinte à la dignité du judaïsme.
Le judaïsme, par sa seule existence au
sein des nations, est une contradiction qui
n'a jamais pu être réduite au silence. Dans
l'Histoire universelle, il incarne l'idée que le
droit a plus de valeur que l'opinion exprimée
par les foules et que la vérité ne peut être
asservie par la force. Il faut avoir du courage pour accepter d'être juif et pour ne pas
se soumettre, car il n'existe pas une seule
ignominie utilisée contre le judaïsme, pas
un seul mensonge proféré contre les Juifs,
où l'on n'ait voulu voir une vérité historique.
L'appartenance au judaïsme implique une
certaine façon d'être au monde, elle exige
aussi une fidélité qui dépasse les intérêts
personnels.
***
Par règles cérémonielles, on n'entend nullement la prescription du Shabbat lui-même et
l'interdiction de consommer certains aliments
qui sont des commandements bibliques, mais
par exemple parmi les règles concernant le
Shabbat et élaborées par les Rabbins : l'interdiction d'allumer le feu, de porter de l'argent
sur soi, de se déplacer au-delà d'une certaine
distance, et parmi les règles concernant la
cacherout, le fait de considérer que les vins
fabriqués ou même les bouteilles ouvertes
par des non-Juifs ne sont pas cachères. ■
23
AG EN DA
JUILLET 2009 - Tamouz 5769
Vendredi 3 juilet 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 4 juillet 2009
12 Tamouz 5769 – Hukat Balak
10h30 : Office
Jeudi 9 juillet 2009
17 Tamouz 5769
Tsom Tamouz
Vendredi 10 juillet 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 11 juillet 2009
19 Tamouz 5769 - PinHas
10h30 : Office
24
Vendredi 17 juillet 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 18 juillet 2009
26 Tamouz 5769 – Matot Masei
10h30 : Office
Mercredi 22 juillet 2009
Roch Hodech Av
Vendredi 24 juillet 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 25 juillet 2009
4 Av 5769 – Devarim – CHABBAT HAZON
10h30 : Office
Jeudi 30 juillet 2009
9 Av 5769 – Ticha Be'Av
Vendredi 31 juillet 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
AOÛT 2009 - Av 5769
Samedi 1er août 2009
11 Av 5769 - Va'etHanan – CHABBAT
NACHAMU
10h30 : Office
Vendredi 7 août 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 8 août 2009
18 Av 5769 – Ekev
10h30 : Office
Vendredi 14 août 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 15 août 2009
25 Av 5769 – Re'eh
10h30 : Office
Vendredi 21 août 2009
Roch Hodech Eloul
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 22 août 2009
2 Eloul 5769 – Choftim
10h30 : Office
Vendredi 28 août 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 29 août 2009
Eloul 5769 – Ki Tetsé
10h30 : Office
Dimanche 30 août 2009
Mariage de Elisabeth Drielsma
et David Jacob
le shofar
SEPTEMBRE 2009 - Eloul 5769
Mercredi 2 septembre 2009
Dès 14h00 : Séance d'accueil de TALMIDI
(voir annonce dans ce Shofar)
Vendredi 4 septembre 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 5 septembre 2009
16 Eloul 5769 – Ki Tavo
10h30 : Office
Bar Mitsva Antonin Vital
Lundi 7 septembre 2009
20h00 à 21h30 : Préparation à une année
renouvelée, avec Rabbi Chinsky
Vendredi 11 septembre 2009
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 12 septembre 2009
23 Eloul 5769 – Nitsavim VayeleH
10h30 : Office
Dimanche 13 septembre 2009
11h00 : Pèlerinage à Gan Hashalom
Lundi 14 septembre 2009
20h00 à 21h30 : Préparation à une année
renouvelée, avec Rabbi Chinsky
25
Un peu d’humour
Une jeune journaliste de CNN avait entendu
parler d'un très, très vieux juif qui se rendait
deux fois par jour prier au Mur des lamentations, depuis toujours.
Pensant tenir un sujet, elle se rend sur place
et voit un très vieil homme marchant lentement vers le mur.
Après trois quarts d'heure de prière et alors
qu'il s'éloigne lentement, appuyé sur sa
canne, elle s'approche pour l'interviewer.
- Excusez-moi, monsieur, je suis Rebecca
Smith de CNN. Quel est votre nom ?
- Morris Fishbein, répond-t-il.
- Depuis combien de temps venez-vous prier ici ?
- Plus de 60 ans, répond-t-il.
- 6 0 ans ! C'est incroyable ! Et pour quoi
priez-vous ?
- J e prie pour la paix entre les Chrétiens, les
Juifs et les Musulmans.
Je prie pour la fin de toutes les guerres et
de la haine.
Je prie pour que nos enfants grandissent en
sécurité
et deviennent des adultes responsables,
qui aiment leur prochain.
-E
t que ressentez-vous après 60 ans de prières ?
- J 'ai l'impression de parler à un mur.
■
J U DA Ï S M E
26
le shofar
C O M M U N AU T É
L’ étude à Beth Hillel en 5770
Par Rabbi Floriane Chinsky
Comme nous l’affirmons dans notre office
du matin, « Talmud Torah kénéguèd koulam », l’étude de la Torah équivaut à tous les
commandements.
L’étude est fondamentale,
aujourd’hui, plus que jamais.
pour
nous,
En effet, notre tradition se heurte,
aujourd’hui, en Belgique, à de nombreux
obstacles. Perte identitaire, perpétuation
des blessures de la Choa, antisémitisme,
antisionisme, ou tout simplement difficultés
de nos vies, surmenage et manque de temps
pour le volontariat, viennent porter atteinte
à notre développement personnel et au
développement du soutien communautaire.
Aujourd’hui, nous avons besoin de toutes
nos forces, et l’étude est un merveilleux
moyen de se ressourcer.
Grâce à l’étude, les personnes éloignées de
notre tradition peuvent renouer. L’étude permet de se défaire des présupposés et des clichés qui en entachent notre tradition et de
découvrir ou de redécouvrir sa beauté.
Grâce à l’étude, les personnes rattachées de
façon forte à notre synagogue gardent un lien
toujours actif et dynamique à leur identité.
Pour ceux qui pratiquent, l’étude permet de
trouver un sens toujours renouvelé à leurs actes
quotidiens. Pour ceux qui veulent pratiquer,
l’étude ouvre la porte d’une pratique éclairée et
pleine de sens. Pour ceux qui ne pratiquent pas,
l’étude tisse un lien fort avec la tradition.
L’étude juive ne consiste pas à s’asseoir
devant un livre et à étudier.
L’étude juive, c’est l’étude vivante de la
Torah, Torah qui signifie « enseignement »
et non pas loi ou connaissance. L’érudition
est une valeur de notre peuple, mais l’étude
« lichma », gratuite, pour le simple plaisir
de l’étude vaut mieux encore. L’étude juive
consiste à s’asseoir à deux en face d’un texte,
à le lire, à le questionner, à le décortiquer,
à le confronter à nos expériences et à nos
sagesses personnelles, à s’ouvrir mutuellement l’esprit autant pour des découvertes
intellectuelles que des découvertes de la vie.
C’est la Hévrouta, le compagnonnage dans
l’étude, le soutien mutuel dans la recherche
de la compréhension du sens du texte et du
sens de nos vies.
Telle est l’étude que nous voulons vivre
à Beth Hillel. Elle s’incarne de diverses
façons depuis des années et continuera à se
développer à l’avenir.
Commençons par l’enseignement le plus
pressant pour notre avenir : celui de Talmidi, qui prépare les enfants à leur vie
d’adultes juifs et à la célébration de leur Bar
ou Bat Mitsva. Josiane Goldschmidt en est
la directrice. Nous travaillons, d’année en
année à en améliorer chaque aspect. Cette
année encore, nous comptons sur chacun
pour faire passer le mot et permettre au
maximum de jeunes de profiter d’un enseignement actuel d’une identité juive moderne,
authentique et dynamique.
27
C O M M U N AU T É
Depuis des années, le cours de midrach de
Rabbi Dahan, un jeudi sur deux, interroge
les textes de l’enseignement oral, présente les
réflexions de nos maîtres dans leur aspects
les plus actuels et les plus interpelants.
28
Le cours du lundi soir (20h-21h30), « Notre
judaïsme, pensée et pratique » (JPP) a
pour vocation de permettre une redécouverte des pratiques juives à la lumière de
la pensée moderne et de nos expériences
personnelles. L’an prochain, nous nous
pencherons sur les grands classiques de
la vie juive à partir de différents points
de vue. Nous confronterons les opinions
cœxistantes à propos de chaque pratique,
nous réserverons un temps important à
l’étude directe des textes traditionnelle
dans un cadre de Hévrouta, nous consacrerons un moment à la « judaïca » la réalisation des objets dont nous avons besoin
pour mettre en pratique nos enseignements. De cette façon, nous serons fidèles,
cette année encore à notre double mission,
renouer les identités écartelées par l’histoire et faire grandir celles qui sont prêtes
à s’épanouir.
Le cycle « Préparation à une année
renouvelée » commencera en septembre,
à l’horaire du cours JPP. Comme chaque
année, notre but sera de nous replonger
dans les belles prières des fêtes de Tichri,
leurs textes, leurs mélodies et leur signification, pour en tirer un enseignement personnel, une lumière qui éclairera nos offices des
fêtes ainsi que notre année.
A ces enseignements classiques s’ajoute
depuis peu une étude du chabbat matin,
à 9h30, centrée sur les commentaires de
Rachi à propos de la paracha qui sera
lue à l’office. Cette étude sur texte permet
d’aborder le texte de la Torah et ses « irrégularités » tant grammaticales que philosophiques, à travers et au-delà des questions
et des réponses posées par le célèbre commentateur.
L’hébreu est la base de la compréhension de
nos textes, qu’il s’agisse des textes d’étude
ou de l’hébreu des prières. Dans cette optique aura lieu chaque vendredi juste avant
l’office, à 19h, un cours dédié à l’apprentissage de la lecture en hébreu et à la compréhension du vocabulaire de base des prières.
Ce cycle, « Lilmod BéyaHad », aura un
fonctionnement particulier fondé sur un
système de volontariat. Tous mes encouragements et tous mes remerciements à ces
volontaires, dont vous retrouverez l’appel
dans ces pages.
De nombreuses autres activités d’étude sont
« dans l’incubateur » et verrons le jour, je
l’espère, l’année prochaine. L’une d’entre elle
est un groupe de discussion en hébreu
facile, qui permettrait à nombre d’entre
nous de conserver ou de développer l’usage
de la langue hébraïque qui nous est si chère.
Si vous souhaitez y participer je vous prie de
prendre contact avec moi dès que possible.
Tous ces projets auront le temps de s’enrichir pendant l’été, peut-être grâce à vos
idées et à vos suggestions. ■
Envie de nous écrire ?
de participer à la rédaction du Shofar ?
N’hésitez pas et contactez nous !
le shofar
LeV - Nouveau groupe
d’étude à Beth Hillel
Vous êtes intéressé(e) par la lecture et la
compréhension des prières en hébreu ?
Rejoignez le groupe LEV de Beth Hillel ! !
LeV, Lilmod BéyaHad, apprendre ensemble,
est une méthode innovante mise au point par
un groupe de volontaires avec Rabbi Chinsky.
Un groupe d’étude et d’enseignement est
en cours d’élaboration afin de développer,
aider, enseigner la lecture et la compréhension des prières de nos offices et fêtes.
Pour ce faire, nous avons mis au point un
programme hebdomadaire de cinquante
minutes qui se déroulera le vendredi à 19h,
avant l’office de Kabalat Chabbat.
La conférence inaugurale sera donnée par
Rabbi Chinsky, chabat béréchit, le vendredi
16 octobre à 19h, sur le thème :
L’alphabet et la langue hébraïque, une logique pleine de sens
Les cours nous permettront :
Une familiarisation avec l’hébreu et la lecture
et une participation plus active aux offices.
Une approche conviviale dans l’esprit du
chabbat basée sur une participation exclusivement orale.
Un suivi écrit par l’intermédiaire d’internet
et de matériel pédagogique adapté.
Une approche non dogmatique du sens des
prières.
Un apprentissage par l’enseignement et un
encouragement à devenir enseignant pour
aider les autres.
Une participation symbolique aux frais,
considérée comme contribution au fonctionnement de la synagogue sera demandée.
Tous ceux qui veulent débuter ou améliorer
leur lecture et leur compréhension de l’hébreu sont les bienvenus.
Les cours débuteront le 13 Novembre.
Au cours de cette première année académique, nous étudierons des textes liés aux
thèmes suivants :
1) les BraHot, les bénédictions du chabbat
à la maison (Kidouch, bénédiction des
enfants, etc.)
2) le Chema
3) la Amida
Le cours se divisera en :
20 minutes d’apprentissage de la lecture
20 minutes de repérage des mots clefs et traduction
10 minutes de réflexions sur le sens du texte
Les objectifs du cours sont à la fois ambitieux, donc modestes : nous espérons améliorer la lecture par une approche pratique
et vivante, en nous concentrant sur des textes courts et centraux dans la tradition.
The course will be taught mainly in French.
Nonetheless, English and Dutch speakers are
warmly welcome and efforts will be made to
ensure they follow classes without difficulties”.
Inscrivez-vous auprès de Paco Bataller : [email protected] ou au 02 358 12 95 en soirée
Au plaisir d’étudier ensemble, Chana Tova !
L’équipe LeV :
ItsHak Azzarello
Paco Bataller
Rabbi Floriane Chinsky
Hélène Minc
Elisa Pataschnik
Daliah Ruijtinx
Michal Salomon
Pieter Van Cauwenberge
■
29
C O M M U N AU T É
Carnet
Naissances
Bné Mitsva
•Jonathan Ebstein est né le 4 mai 2009. A
ses parents David et Silke ainsi qu'à ses
grands parents Jacqueline et Philippe Ebstein, nous adressons notre plus chaleureux
Mazal Tov !
•Le 5 septembre 2009 – chabbat Ki Tavo : Bar
Mitsva de Antonin Vital
•Liliane Hillman est née le 15 mai 2009.
Chaleureux Mazal Tov aux heureux
parents Iris et Andrew !
Mariage
•Un grand Mazal Tov à Julia Mayer et David
Rozental qui se sont mariés le 31 mai 2009.
•Le 30 août 2009 sera célébré le mariage
d'Elisabeth Drielsma et David Jacob. Un
chaleureux Mazal Tov au jeune couple !
30
Retenez dès à présent les dates
des prochaines fêtes de Tichri
Pèlerinage à Gan Hashalom :
le dimanche 13 septembre à 11h00
Roch Hachana Erev Roch Hachana
Roch Hachana I et II
le vendredi 18 septembre 2009
le samedi 19 septembre 2009
le dimanche 20 septembre 2009
Yom Kippour
le dimanche 27 septembre 2009
le lundi 28 septembre 2009
Kol Nidré
Yom Kippour
le shofar
C O M M U N AU T É
Pour vos cartes de vœux
de Roch Hachana 5770
Commandez-les dès à présent !
Gan Binjamin
les petits de
TALMIDI
vous propose
une variété de cartes de toutes couleurs
Au prix de 10.00 € le carnet de 4 cartes
(enveloppes comprises)
Il vous suffit de verser le montant correspondant à
votre commande
au compte C.B.C. 192-5133742-59,
avec la mention "Cartes R.H. 5770"
Vous pourrez les retirer au secrétariat
dès la rentrée de septembre.
31
C O M M U N AU T É
« La pensée n’a pas de
frontières : là où le cœur
la conduit, elle va »
Chmouel Yossef Agnon
Gan Binjamin
Si tu as entre 5 et 8 ans
Viens apprendre avec tes yeux,
tes oreilles et tes mains.
32
Nous cheminerons de contes en
jeux, d’histoires bibliques en récits
traditionnels, de fêtes en bricolages,
de préparations gourmandes en
partages fraternels.
De nos mains sortiront des trésors
et de nos têtes un feu d’artifice de
questions.
Parents, offrez-leur ce cadeau qui
les portera toute leur vie !
Laissez-les construire leur boîte à
souvenirs.
C O M M U N AU T É
le shofar
In memoriam Raf Sanua z''l
par Rabbi Abraham Dahan
Raf, l'ami, le frère de tant d'années, s'en est
allé soudain, vite, trop vite…
Il me semble bien que Raf est le premier de la
seconde génération de Bâtisseurs de Beth Hillel
à nous quitter. Comme un torrent
les images du passé me sont revenues. Raf et Laura étaient venus
me voir en 1973, avenue Albert.
Je n'oublie pas ses questions,
son intérêt pour la synagogue
et la communauté qui ne s'est
jamais démenti, son sourire,
la fidélité à l'étude que Raf et Laura
ont montré et, depuis, le lien
profond et vrai qui s'est tissé
entre nous.
Puis, vint le mariage et les
enfants et, depuis 35 ans, malgré la distance, les problèmes de
nos vies, le lien avec la synagogue est resté fort. C'était d'ailleurs plus qu'un
lieu, une présence remarquable, un intérêt,
une participation à tous les projets, comme
une émotion que nous partagions tous dans
notre volonté de construire Beth Hillel.
Raf était heureux de voir notre synagogue se
maintenir et se développer. Il était toujours
là avec nous, au Conseil d'administration,
pour la préparation des fêtes, le partage des
tâches, dévoué et prêt à prendre sa part.
Je me souviens des infinies discussions, des
soirées, des réunions difficiles pour le "Projet". Raf était là, l'imagination toujours en
travail pour organiser, structurer; comment
oublier ses fameux organigrammes, les diapositives…, qui sera responsable de quoi,
comment trouver l'argent, comment éviter
les gaspillages, plans et re-plans…?
Comment oublier les questions de Raf, pointues, pensées, mais tatillonnes et passionnées? Quand il avait un conviction, impossible de l'en faire démordre. Et quand on croyait
en avoir fini, il y revenait d'une
autre manière…
C'est vrai que, parfois, il nous
sortait les tripes par son côté
pointilleux, mais c'était par
amour et son attachement à
Beth Hillel était tel que cela
nous faisait dépasser la fatigue.
Il était très préoccupé par Gan
Hashalom, notre petit cimetière qui, hélas, se remplit, les
changements de législation,
l'acquisition éventuelle d'une
nouvelle parcelle. Il s'était
attaché à la rédaction d'un fascicule pour informer la communauté sur Gan
Hashalom. Il avait prévu une réunion pour le
lundi 4 mai à 17h00 et, le même jour, c'est Gan
Hashalom qui le recueille…
A sa femme Laura, à ses enfants Valérie et
Olivia, je veux redire, au nom de toute notre
communauté, notre plus profonde sympathie
et notre affection.
Puisse son amour du Judaïsme, son souci,
son espoir, son rêve de voir notre communauté se maintenir et se développer s'éclairer
en vous.
Nos vies? Elles sont "comme une ombre fugitive". Ce qui en reste ici-bas, c'est le sens qu'on
y a apporté pour éclairer, ouvrir nos vies audelà d'elles-mêmes, travailler à ce qui humanise. C'est cela la foi de notre vieux peuple, et
Raf l'avait ! Il a rempli son contrat. ■
33
C O M M U N AU T É
« Laissez-moi vous présenter… »
Par Rabbi Floriane Chinsky
Introduction
Comme nous aimons l’enseigner, une synagogue, c’est avant tout un minian, un groupe
de juifs décidés à faire vivre ensemble leur
tradition.
Beth Hillel rassemble de nombreux membres, qui gagnent tous à être connus. A travers leur histoire, c’est l’histoire du judaïsme
belge, son passé et son avenir qui se racontent. Je suis certaine de me reconnaître
dans chacun de ces témoignages, et ce sera
peut-être également votre cas…
34
Pour ce numéro, exceptionnellement, il m’a
semblé important de mettre face à face deux
témoignages qui à mes yeux se répondent.
Le premier est celui de notre amie Hélène
Minc, volontaire active à Beth Hillel et membre de longue date. Il se présente sous forme
d’interview. Le second est celui d’Emmanuel De Smackers, devenu récemment membre de notre synagogue. Il dédie une lettre
publique à sa grand-mère, Sarah Poznanski,
décédée le 24 mars dernier à l’âge de 85 ans,
enterrée à Dilbeek auprès du grand-père
d'Emmanuel, Georg Berke, parti en 1993.
Laissez-moi vous présenter…
Hélène Minc (Descamps)
Chalom Hélène, voulez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Hélène Descamps. C’est le nom
que j’ai porté pendant la guerre, qui m’a per-
mis d’aller à l’école alors que j’étais cachée
chez ma marraine. Mon vrai nom est Hélène
Minc. C’est celui de ma maman, partie dans
le 34ème convoi de Drancy qui est arrivé à
Auschwitz la veille de Kipour 1942. Elle-même
est morte en déportation. Aujourd’hui, j’ai fait
toutes les démarches pour m’appeler de nouveau de mon nom de naissance.
Depuis combien de temps êtes-vous à Beth
Hillel, et comment y êtes vous arrivée ?
La toute première fois, je suis venue à Beth
Hillel lorsque la synagogue était avenue
Albert, il y a 31 ans, à l’occasion d’une Bar
Mitsva. Une amie de ma maman venait régulièrement d’Israël et m’emmenait à Beth
Hillel lors de ses visites.
Comment vous y sentiez vous ?
Je me sentais bien à la synagogue, comme si
je retrouvais un lieu déjà connu. J’étais étonnée car je ne m’imaginais pas qu’une grande
salle à manger pouvait tenir lieu de synagogue. La synagogue était très différente des
églises où on m’avait emmenée enfant. L’ambiance me semblait chaleureuse et les gens
proches les uns des autres.
Que signifie être juive pour vous aujourd’hui ?
Je me sens profondément juive. Pouvoir vivre
ce sentiment, c’est pour moi renouer avec mon
identité. J’ai été coupée de mes racines juives
depuis la déportation de ma mère, alors que
j’avais quatre ans et demi. Après la guerre, je
le shofar
dépendais de ma tante qui m’écartait de toute
possibilité de renouer avec mon identité et
même avec ma famille. Je suis reconnaissante
envers ma marraine et, aujourd’hui encore, je
ne veux pas la critiquer car elle m’a sauvé la
vie. Jeune adulte, je me suis mariée. J’ai alors
échappé à son emprise et j’ai pu revoir ma
famille. Je conservais cependant la crainte de
lui faire du mal en m’éloignant de son enseignement. De plus, les préoccupations de la vie
et le manque de bases pour renouer ne m’ont
pas facilité la tâche.
J’ai le sentiment de m’être toujours conduite
en juive, même lorsque, petite, j’étais obligée d’accompagner ma marraine à l’église.
J’aimais l’église pour l’aspect communautaire et pour la spiritualité, mais je sentais
que quelque chose ne me correspondait pas.
Le résultat de mon rapprochement de la
synagogue, et le recul des années, m’ont permis de comprendre ce qui ne me convenait
pas alors. Il est vrai que je posais beaucoup
de questions concernant certaines croyances et on me répondait que je devais croire
car c’était ainsi. J’ai parfois aussi bénéficié
de compréhension et de soutien, puisque la
jeune religieuse qui était ma maîtresse en
première primaire nous racontait l’Ancien
Testament en faisant des dessins sans aucune
allusion critique au judaïsme. Cette approche respectueuse m’a permis de rêver que
peut-être devenir catholique n’était pas une
trahison au judaïsme. En effet, je savais que
Jésus lui-même était juif, et un bon juif. Lui
être fidèle me semblait acceptable. Je pensais
que lui-même était un juif devenu catholique
et qu’il n’était pas si grave pour moi de faire
de même. Cela me réconfortait.
Vous rapprocher du judaïsme a-t-il été
difficile ?
Oui, parce qu’il a fallu d’abord que je prenne
du recul vis-à-vis du catholicisme. Je n’avais
personne pour me guider, et j’ai dû chercher
seule ma voie.
Je me suis intéressée à différentes religions, y compris au bouddhisme. J’ai alors
réalisé qu’il y avait des croyances communes, mais aussi que seul le judaïsme
me convenait. Ce choix n’était pas seulement intellectuel et j’aurais certainement
eu besoin de concrétiser mon renouement
par une immersion dans un mikvé. J’ai
donc commencé à chercher ce qu’était le
judaïsme. J’ai acheté des livres. L’hébreu
était un obstacle, mais j’avais cette amie
de ma mère qui venait d’Israël une fois par
an. Elle m’ouvrait les portes du judaïsme
et de la synagogue, elle me considérait
comme juive et cela me faisait du bien. Mes
sentiments étaient clairs, mais concrétiser
n’était pas facile pour une mère de quatre
enfants.
En 1994, des années après, je me suis inscrite au cours d’hébreu du CCLJ. Puis, je
suis venue à Beth Hillel, avenue de Kersbeek, et j’y ai retrouvé une connaissance qui
est devenue une amie. Avec elle, j’ai suivi les
cours d’initiation au judaïsme donnés par
Rabbi Dahan, et j’ai voulu venir de temps en
temps le chabbat, surtout le vendredi soir.
Entre le travail, les enfants et les trajets de
Schaerbeek, ce n’était pas facile.
Où en êtes-vous maintenant ?
J’ai pris ma retraite, je me suis rapprochée
de la synagogue, j’ai eu l’opportunité d’habiter à un endroit plus accessible. J’ai senti
le désir de m’impliquer davantage à la synagogue. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que je
dois absolument en savoir plus. Je ne veux
plus être spectatrice, je veux savoir. Je me
sens parfois dépassée, car le judaïsme est
tellement vaste qu’il y a toujours plus de
choses à découvrir. Chaque fois que j’étudie,
j’ai l’impression que c’est nouveau pour moi.
Je ne me laisse pas arrêter par l’immensité
de la tâche, il faut bien qu’il y ait un début…
Je commence tard, mais qu’y faire ? Je ne
saurai pas tout, mais j’aurai appris ce que
je pouvais…
35
C O M M U N AU T É
J’aime voir que les enfants de douze ans
peuvent prendre conscience qu’ils sont
juifs, qu’ils n’ont pas peur de l’affirmer. Je
me sens bien, même si parfois je sais que
je n’ai pas eu leur chance. Participer à leur
bar ou bat mitsva, c’est pour moi un cadeau
de la vie.
36
Un message pour les jeunes ?
Le judaïsme est une chance qu’il faut saisir.
Aujourd’hui je ne me sens pas différente
des autres, je me sens parmi tous, ensemble, dans le milieu qui correspond à ce que
mon âme ressent. Quand j’étais enfant,
j’ai toujours aimé les prières, ce qui était
religieux, mais c’est dans une synagogue
que je me sens chez moi. J’aime prier Dieu,
c’est un plaisir, un épanouissement. Je suis
de plus en plus heureuse d’avoir retrouvé
la religion de mes grands-parents, de toute
ma famille. Pour moi Beth Hillel est aussi
une famille.
En quoi la synagogue Beth Hillel est-elle
spéciale pour vous ?
Beth Hillel est pour moi une synagogue ouverte sur la société et la culture
moderne. J’aime les moments où nous partageons un même élan. Je sais que cet élan
existe également parfois dans des synagogues orthodoxes et je respecte le choix de
ceux qui y prient. Il y a à Beth Hillel des
gens très impliqués, chacun à sa façon,
pleins de savoir, de cœur et d’élan. En
tant que femme, cette implication passe
par une synagogue où je peux monter à la
téva, où je peux porter un tallit et dire les
prières.
Où peut-on vous trouver à Beth Hillel ?
J’aime me rendre utile et je suis souvent présente avant le début des offices du chabbat
et dans les moments d’étude. J’invite tous
ceux qui le souhaitent à partager l'élan de la
communauté et à s’impliquer à nos côtés.
Comment un égaré
revient au judaïsme,
Lettre à ma défunte grand-mère,
Par Emmanuel De Smackers
Chère Sarah, chère grand-mère,
Tu sais combien j’ai grandi dans l’ignorance
de notre mémoire, comme la plupart des
membres de la famille. Car, en tant que rescapée de la Seconde Guerre mondiale, tu as
été happée par la nouvelle vie à reconstruire
qui s’offrait à toi. Nous sommes ainsi des
« Egarés » de la nouvelle génération, pour
paraphraser Maïmonide.
Et pourtant, depuis ta disparition, une chose
étrange se passe chaque jour. Je me rapproche à nouveau de la culture et l’histoire de
tes parents, de nos ancêtres communs. J’ai
repris contact avec Beth Hillel et je relis
quelques ouvrages anciens et modernes
pour m’y retrouver. J’ai été à l’office pendant
les vacances de printemps et j’ai célébré à
nouveau Pessah.
Ce rapprochement a commencé peu avant ton
enterrement. Ta fille aînée m’a demandé de me
renseigner auprès des communautés juives
de Bruxelles. Elle craignait que le minian ne
puisse être atteint ou que ton seul fils ne soit
en mesure de lire le Kaddish des endeuillés.
Ainsi ai-je découvert que la communauté libérale comptait également les filles du défunt
dans le minian et que le rabbin officiant était
une femme. Une nouvelle qui a commencé à
me réconcilier, moi qui ne supporte plus le
machisme, même symbolique, des religions.
Au lendemain de l’inhumation, je suis venu
à l’office du samedi matin. Au sortir de
la synagogue, j'ai erré seul dans la ville.
Mes pas m’ont conduit dans une librairie
accueillante. A la vitrine, un grand livre en
promotion. Son titre m’a parlé : « Résistances juives à l’anéantissement » .
le shofar
J’ai acheté ce livre. Il retrace de façon fort
sérieuse et documentée tous les actes de
résistance et de sauvegarde systématique
des Juifs contre les nazis. En lisant l’ouvrage,
j’ai pu me faire une idée de ta survie pendant
ces années d’effroi. Comment tu as pu troquer ta carte d’identité, échapper aux rafles,
subvenir à tes besoins.
Pendant ce long Shabbat de tristesse, de
réflexions et de lectures, je me suis interrogé (ou l’On m’a soufflé le questionnement). « Je suis en train de m’ouvrir lentement aux rites juifs qui jalonnent le deuil,
puis la vie nous reprend, n’est-ce pas
aussi se donner les moyens de contrer cet
anéantissement qui menace, comme toi tu
l’as pu? » Je me suis même demandé si tes
parents, deux de tes frères et toi-même
n’allaient pas ainsi revivre.
La Shoah nous a affectés sans nous détruire,
nous le devinons et le sentons tous les jours. Car
tu as vécu miraculeusement jusqu’à 85 ans et il
m’arrive d’entonner le refrain de « Sim Shalom »
en sentant la présence de nos chers disparus.
Se sentir Juif, c’est donc pouvoir combattre le néant. Je cherche encore sagesse et
culture dans Les Livres, nos Livres, temples
du Temps. Et nous ne mourrons plus. Je
t’embrasse de tout mon cœur,
Ton petit-fils Emmanuel
37
J U DA Ï S M E
TALMIDI
Préparation Bar/Bat Mitsva
Beth Hillel
Tu as dix ans,
l’indépendance n’est pas loin.
Pendant deux ans, viens approfondir
ton identité juive et faire partie de notre
communauté.
C’est à la portée de tous,
C’est une expérience inoubliable.
Tu as douze ans ou plus?
Notre programme formation t’est ouvert.
38
Parents, grands parents,
Offrez cette expérience unique à vos
enfants.
Ouvrez-leur la porte de la communauté et
de la responsabilité.
Séance d’acceuil
de Talmidi
Mercredi 2 septembre 2009
Information personnalisée des parents,
Rencontre familiale avec Rabbi Chinsky,
Définition du programme individuel,
Rencontre avec les enseignants,
Constitution des groupes.
14h00: Nouveaux inscrits
15h30: Deuxième année
16h30: Bné Mitsva de l’année
le shofar
C O M M U N AU T É
Hommage au Cardinal
Godfried Danneels
Le dimanche 14 juin dernier, la communauté
juive de Belgique rendait un hommage et
exprimait sa reconnaissance au Cardinal
Danneels.
Cette cérémonie, tout à fait justifiée, est à
l'initiative de la Communauté Israélite de
Bruxelles (rue de la Régence) et, plus particulièrement de son président, Monsieur
Philippe Markiewicz. Qu'ils en soient ici
remerciés.
A la veille du départ à la retraite de Monseigneur Godfried Danneels, il était nécessaire
de reconnaître publiquement les qualités
d'ouverture et d'humanisme de cet homme
de bien.
Avant même qu'il soit fait cardinal, alors
qu'il était évêque d'Anvers, il avait déjà pris
à plusieurs reprises des initiatives en faveur
du dialogue avec la communauté juive et
contre toute forme d'antisémitisme.
Ce n'est pas le lieu, ici, de retracer tout le
chemin que Monseigneur Danneels a par-
Par Philippe Lewkowicz
Président exécutif
couru de concert avec la communauté juive,
mais je citerai simplement l'événement
majeur qu'a été son engagement ferme et
militant en faveur du déplacement du Carmel d'Auschwitz.
Lors de la cérémonie de dimanche dernier,
les discours de Philippe Markiewicz, président de la C.I.B., Julien Klener, président
du Consistoire et du Grand Rabbin Albert
Guigui ont tous, et chacun à sa manière,
exprimé l'hommage vibrant que la communauté se devait de lui rendre.
La réponse du Cardinal Danneels, aussi
modeste que l'est l'homme, montre si tant
est besoin, que "l'habit ne fait pas le moine".
Son discours était empreint d'amitié, de respect et de reconnaissance. Merci Monsieur
le Cardinal !
Je terminerai en disant le petit regret qu'a
suscité l'absence de nombreux membres
du yichouv. Pour un tel hommage, la salle
aurait dû être comble. ■
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39
LI B R E O PI N I O N
Durban II ?
Une mauvaise soupe
par E.Wolf
D'aucuns ont voulu nous présenter
les résultats de Durban II comme
moins mauvais que ceux de Durban
I. En réalité, c'est un leurre. Si les
mots ont changé, le fond reste le
même : les vilains racistes, ce sont
les Israéliens. On l'a simplement dit
autrement. Et on a profité de l'occasion pour mettre les abus de l'Islam a
l'abri de toute critique.
40
Après les ignominies antisémites entendues
à Durban I, aller à Durban II était une erreur
politique majeure car cela donnait une respectabilité à quelque chose de méprisable.
Dès le début de la conférence, le ton a été
donné par le discours d'Ahmadinejad dont
on oublie souvent que, même si les Européens sont sortis, il n'en a pas moins été
applaudi par une majorité des personnes
présentes. Et, en particulier, par les représentants des pays musulmans.
Dans les conclusions, on condamne certes
l'antisémitisme (du bout des lèvres) mais
aussi l'anti-arabisme et l'islamophobie. Et
c'est là que le bât blesse. On mélange une
appartenance ethnique et une appartenance
religieuse. Or l'une est innée et donc involontaire, tandis que l'autre relève d'un choix
personnel. C'est toute la différence entre
l'être et le faire.
De plus, la conception d'islamophobie est
particulièrement large. Elle implique toute
critique de l'Islam. Donc, par exemple, du
statut des femmes dans cette religion. Ou de
celui des pratiquants d'autres religions dans
les pays musulmans. Plus vicieusement, cela
permet au Hamas islamiste, par exemple, de
parler d'islamophobie quand Israël répond à
ses attaques.
Autre élément important : la conception
d'islamophobie ne tient pas compte du fait
que, pour l'Islam, le pouvoir religieux doit
toujours avoir la priorité sur le pouvoir politique. Ce qui implique le rejet de toute forme
de démocratie. On voit immédiatement les
dangereux amalgames qui deviennent possibles : toute critique politique d'un régime
islamiste devient un acte islamophobe et
donc raciste.
Ce qui revient à brider considérablement la
liberté d'expression.
Quant aux pays européens qui jouent de
toute évidence de plus en plus la carte du
communautarisme, ils n'ont pas l'air de réaliser qu'ils sapent lentement mais sûrement
les fondements de la démocratie qui repose,
en principe, sur la primauté du pouvoir politique élu par le peuple.
En clair, les islamistes et les antisémites ont
à nouveau marqué des points à Durban II qui
est une nouvelle défaite des démocraties. ■
le shofar
Dernière minute
Par Monique Ebstein
Les élections pour le Parlement européen ont
eu lieu dans une très grande indifférence. La
moyenne de l'abstention en Europe a été de
plus de 40%, en France elle a atteint 59% et
dans certains pays nouveaux adhérents elle
a frisé les 70-80% ! ! ! Quel gâchis !
Il y a presque 65 ans, notre continent sortait
d'une guerre qui l'avait cruellement déchiré
et ensanglanté. Dans un des pays les plus
civilisés du monde, celui que l'on nomme
"das Land der Dichter und Denker", (le pays
des poètes et des penseurs), un régime criminel avait perpétré le génocide le plus abominable que l'on puisse concevoir. Les deux
plus grands pays de l'Europe, la France et
l'Allemagne semblaient être à tout jamais
des ennemis irréconciliables.
Mais voilà que tout de suite après la fin de
ce drame innommable, un incroyable miracle se produisit. Quelques hommes1 (les
cabalistes ne diraient-ils pas que ce furent
des anges ?) arrivèrent à réaliser ce à quoi
d'autres n'eussent même pas osé penser : ils
soudèrent le destin de la France et de l'Allemagne par un traité2 qui les condamnait
à vivre en paix. Après 65 ans cette paix n'a
jamais été rompue et le "couple" franco-allemand cimente à présent une Union Européenne qui de 6 pays fondateurs3 est passée
à 27 pays membres.
L'Utopie est devenue réalité ! Mais les Européens n'en ont cure. Ils ne se souviennent
pas, ils n'enseignent pas à leurs enfants, ni
aux enfants de leurs enfants quelle boue
ensanglantée a été le sol de leurs pays respectifs avant cette extraordinaire "Union
Européenne". Aujourd'hui lorsque l'on parle
1
2
3
d'elle, le peuple ricane : c'est à cause des
Eurocrates, si éloignés de la réalité locale,
que tout va si mal. Erreur, fatale erreur.......
Regardons un peu plus loin, une terre qui
nous concerne et qui nous est chère : Israéliens et Palestiniens sont aujourd'hui des
ennemis aussi irréductibles que l'étaient
autrefois les Allemands et les Français. A
écouter les principaux concernés, la réconciliation est un mirage, l'horizon de la paix
recule tous les jours un peu plus. Et pourtant, il y a quelques jours, un homme a osé
parler à tous les camps ennemis. Il leur
a parlé de respect, de droit et de justice,
d'égalité dans la dignité, de reconnaissance
mutuelle aussi. Ses paroles ont été fortes
et justes. Elles paraissaient si naturelles
que l'on pouvait se prendre à penser : Mais
pourquoi personne ne les a-t-il prononcées
auparavant ? Pourquoi cultiver la haine et
le mépris, parler d'axe du mal et jeter l'anathème sur une partie du monde ? Ce qu'il dit
semble si simple à vouloir ! Et si grâce à ces
paroles enfin traduites en actes, nos enfants,
eux aussi, pouvaient enfin connaître, dans
60 ans le couple israélo-palestinien ?
Toute œuvre de Paix procède du Bien. L'Europe où nous avons le bonheur de vivre, où
tant d'opprimés cherchent refuge, est malgré
toutes ses lenteurs, ses imperfections, ses
hésitations, ses erreurs aussi, le plus magnifique engendrement du 20ème siècle. Elle
est un modèle d'avenir pour d'autres parties
du monde. Mais, pour s'épanouir et pour
grandir, elle dépend, comme toute démocratie, du sens du devoir, de la conscience et du
civisme de ses citoyens.
Jean Monnet, Robert Schumann, Konrad Adenauer, Alcido de Gasperi
Traité de Rome : 25 mars 1957
La Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Italie
41
LI B R E O PI N I O N
42
LI B R E O PI N I O N
le shofar
Lu pour vous
Par Monique Ebstein
Mémoires inachevés
Yitzkhok Laybush Peretz
Traduit du Yiddish
par Nathan Weinstock, Didier Devillez Ed.Institut d'Etudes du Judaïsme
Dans mon ignorance, j'ai longtemps cru que
la littérature yiddish était surtout représentée par les frères Israël et Isaac Singer.
Il est vrai que ce sont sans doute eux dont
l'oeuvre est la plus accessible parce qu'elle
est en grande partie traduite en français
et en anglais. De plus, l'oeuvre d'Isaac B.
Singer a été couronnée du Prix Nobel de
Littérature !
A présent, Nathan Weinstock vient de traduire les "Mémoires inachevés" de Yitzkhok
Laybush Peretz (1852-1915). Il nous permet
ainsi de découvrir un auteur moins connu
que les Singer, mais considéré avec Mendelè Mokher Sforim et Sholem Aleykhem,
comme étant l'un des pères fondateurs de la
littérature yiddish moderne. Pour ma part,
après avoir entamé la lecture de ce livre, je
ne l'ai lâché qu'après le point final. Jamais je
n'ai lu des "Mémoires" à ce point jaillissantes de vie, des Mémoires où l'auteur reconstitue avec autant de tendresse, d'espièglerie,
de critique sévère aussi, le monde de son
enfance, un monde qu'il porte encore en lui
au seuil de la vieillesse et qui, au moment où
il le décrit, est déjà en voie de disparition. La
mort n'a pas permis à Peretz d'achever son
récit qui se termine avec le premier mariage
de l'auteur.
Dans son excellente présentation, Nathan
Weinstock situe Peretz dans l'espace, sa
ville natale de Zamoshtsh en Pologne, et
dans le temps, la 2ème moitié du 19ème siècle.
Contrairement à ce que beaucoup semblent
croire, Peretz ne fut ni yiddishiste, ni militant socialiste, ni adepte du hassidisme.
Pourtant par son oeuvre littéraire, il a permis au yiddish de devenir une langue à part
entière, il a su décrire avec beaucoup de
réalisme la pauvreté du shtetl et il a contribué à faire connaître les affrontements très
durs qui opposèrent souvent les partisans
de la Haskala à ceux du hassidisme du Baal
Shem Tov.
Enfant, il était captivé par la Toyré (Tora)
et la Gemorè (Guemara) dont il assimile des
pages et des pages sans aucune difficulté, et
si les adultes sont d'accord pour dire qu'il a
un cerveau prodigieux, ils le sont également
pour déclarer qu'il est complètement meshuge (fou). Sans doute ce jugement était-il
dû à la fantaisie débridée du petit garçon,
fantaisie qui se retrouve intacte, cinquante
ans plus tard, chez le conteur. C'est ainsi
qu'il nous informe très clairement que ses
portraits sont subjectifs: "Je ne cherche pas
à dépeindre les personnes, me bornant à
rapporter ici le reflet que j'en conserve dans
ma mémoire. Et ces reflets correspondent
rarement à la réalité.....Ainsi, il se pourrait
que j'aie retenu d'une femme blonde l'impression d'un visage auréolé de noir – parce
que son souvenir évoque pour moi des idées
noires......" Cela ouvre une galerie de personnages hauts en couleur, tel Fayvl Geliebter.
43
LI B R E O PI N I O N
44
le shofar
LI B R E O PI N I O N
"Homme paré de toutes les vertus "Ah! Ah!
Mais quel homme vertueux, un savant pour
ainsi dire !", mais un mécréant pur sang. On
n'aurait pas parié deux sous sur ses chances
d'accéder à l'Au-delà !". Ou encore le vieux
Rabbin Wahl qu'il dépeint avec tendresse:
"Au physique, un petit Juif adorable à la
barbe argentée. Avec des yeux qui étaient
réellement pareils à ceux d'une colombe
et adorant les enfants. Il lui suffisait de se
montrer – dans la rue, à la besmedresh (beth
ha midrach), qu'importe – pour se trouver
entouré aussitôt d'une nuée de jeunes ! Et
alors, sa tête émergeait à peine du troupeau,
tel un petit coq dont la crête dépasserait
légèrement celle de ses congénères. Mais
lorsqu'il récitait la prière du Kol Nidré à la
Shul, .....on écoutait dans un silence absolu
sa voix qui se répandait dans les coins les
plus reculés du bâtiment...."
J'aimerais citer encore de nombreux passages à la fois drôles et lucides, mais la
place me fait défaut; je ne puis que convier
tous ceux qui liront ces lignes à se plonger
dans ce livre profondément émouvant qui
ressuscite si bien un monde qui n'est plus.
Un grand merci à son traducteur, Nathan
Weinstock.
Un petit bémol cependant. Le texte aurait eu
tout à gagner d'une meilleure relecture qui
aurait permis d'éliminer de très nombreuses
incorrections. Nous souhaitons à ce livre
un succès tel qu'un deuxième tirage s'avère
bientôt nécessaire, et qu'à cette occasion
l'éditeur procède à un véritable toilettage.
Le chef d'oeuvre que sont ces "Mémoires
inachevés", pourra alors se présenter dans
une forme digne de son fond.
Je voudrais également mentionner deux des
rares oeuvres de Peretz traduites en français:
Métamorphose d'une mélodie
Contes et récits
Traduit du Yiddish par J. Gottfarstein
Albin Michem "Présences du Judaïsme"
ainsi que:
Les Oubliés du shtetl
Yiddishland
Traduit du Yiddish par Nathan et Micheline
Weinstock
Plon "Terre Humaine"
Ces œuvres feront l'objet d'un prochain
"Lu pour vous"
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45
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