le shofar revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique N° d’agréation P401059 JUILLET-août 2009— n°306 / TAMOUZ-AV 5769 synagogue beth hillel bruxelles Étude et transmission n°306 juillet-août 2009/ TAMOUZ-AV 5769 N° d’agréation P401059 re vue mensuelle de l a communauté isr aélite libér ale de belgique EDITEUR RESPONSABLE : Rabbin Floriane Chinsky COMITÉ DE RÉDACTION : Rabbi Abraham Dahan, Monique Ebstein, Rabbi Floriane Chinsky, Ralph Bisschops, Gilbert Lederman, Philippe Lewkowicz, Serge Weinber, Emmanuel Wolf Secrétaire de Rédaction : Giny Susswein Mise en page : www.inextremis.be Le Shofar est édité par la COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE A.S.B.L. N° d’entreprise : 408.710.191 Synagogue Beth Hillel 80, rue des Primeurs, B-1190 Bruxelles Tél. 02 332 25 28 Fax 02 376 72 19 www.beth-hillel.org [email protected] CBC 192-5133742-59 RABBINS : Abraham Dahan et Floriane Chinsky président exécutif : Philippe Lewkowicz CONSEIL D’ADMINISTRATION : Président : Gilbert Lederman Avishaï Ben David, Ralph Bisschops, Patrick Ebstein, Paul-Gérard Ebstein, Ephraïm Fischgrund, Josiane Goldschmidt, Gilbert Lederman, Willy Pomeranc, Elie Vulfs, Serge Weinber, Emmanuel Wolf. Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. Photo de couverture PAR Serge Weinber Sommaire 05 LE MOT DU PRESIDENT 06 JUDAÏSME Par Gilbert Lederman Mikvé – le retour aux sources…, par Rabbi Floriane Chinsky 12 La Mishna et l’Etude, la démocratisation du savoir par les Tannaïm, par Ralph Disschops, Dr. Phil. 19 Leo Baeck: «L’Essence du Judaïsme», Croire en l’humanité, par Monique Ebstein 6 24 AGENDA 25 Un peu d’humour 27 VIE COMMUNAUTAIRE L’ étude à Beth Hillel en 5770 par Rabbi Floriane Chinsky 29 Lev, nouveau groupe d’étude à Beth Hillel, par Rabbi Floriane Chinsky 19 30 Carnet 33 In mémoriam Raf Sanua z’’l, par Rabbi Abraham Dahan 34 Laissez-moi vous présenter…, par Rabbi Floriane Chinsky 39 Hommage au Cardinal Godfried Danneels, par Philippe Lewkowicz 40 LIBRE OPINION Durban II? Une mauvaise soupe, par Emmanuel Wolf 33 41 Dernière minute… , par Monique Ebstein 43 Lu pour vous : Mémoires inachevés de Yitzkhok Laybush Peretz, par Monique Ebstein 47 INFORMATIONS UTILES L e mot du pr és i d ent Pour l’organisation de vos Simhot Un nom : Solange ! Un numéro : 0497.57.47.27 ! le shofar Le mot du Président par Gilbert Lederman Une fois de plus, le numéro d'été du Shofar remplit à la lettre sa double mission de mensuel de la Communauté Israélite Libérale de Belgique, à savoir réfléchir sur le Judaïsme et diffuser des informations concernant les activités de Beth Hillel. Le thème traité dans ce numéro est l'Etude, activité indissociable de la pratique du Judaïsme. Ralph Bisschops rappelle dans son article que le commandement de l'étude fait partie de ceux qui sont prescrits par la Torah : "tu les incluqueras à tes enfants", et que "la Mishna donne à l'étude une lace centrale dans la vie des Juifs depuis deux millénaires." Dans le dernier chapitre de son étude, Monique Ebstein aborde l'interprétation que Leo Baeck donne au sens de l'Histoire et à celui de l'homme dans l'Histoire. Ces derniers mois, des célébrations de bné/ bnot mitsvah, événements inoubliables pour les familles de ces jeunes ainsi que pour notre communauté tout entière, se sont succédé à un rythme soutenu. Les commentaires de leurs drachot représentent l'application exemplaire de la pratique de l'étude à Beth Hillel. Ils reflètent fidèlement l'excellent travail du Rabbin Chinsky, de tout le corps enseignant du Talmud Torah et de sa directrice Josiane Goldschmidt. Recommandation de saison : Dans le présent numéro, nous vous proposons également un récapitulatif de nos activités communautaires. Le Talmud Torah ainsi que les cours d'étude confirment le dynamisme et le rayonnement de Beth Hillel. Comme preuve supplémentaire de son intégration dans le yichouv, l'unique mikvé bruxellois est désormais accessible aux membres de notre communauté. La rubrique "Lu pour vous" présente un compte-rendu des "Mémoires inachevés" d'Y.L. Peretz, traduit par Nathan Weinstock. Rabbi Chinsky, dans une nouvelle rubrique : "Laissez-moi vous présenter…" donne la parole à une dame, membre de notre communauté, et à un nouveau membre de Beth Hillel. Clins d'œil d'actualité : Emmanuel Wolf commente Durban II, et Monique Ebstein propose "Dernière minute". Le menu de ce Shofar est copieux : excellente lecture ! Au nom des Rabbins, du Conseil d'administration et du Président exécutif, je vous souhaite d'excellentes vacances. Cordial shalom, Gilbert Lederman Président du Conseil d'administration. Pendant la période estivale, n'oubliez pas que votre présence est peut-être indispensable pour qu'il y ait minyan aux offices ! ! ! ■ 5 J U DA Ï S M E Mikvé – le retour aux sources… Par Rabbi Floriane Chinsky 6 Le mot mikvé est l’un des premiers mots de la Torah. Un traité entier du Talmud est dévolu à cette question. Sociologiquement, la présence de mikvaot au cours de l’histoire de notre peuple atteste de notre attachement à mikvé de Montpellier ce commandement. (XII° siècle) Les concepts et les images attachées au mikvé en font un outil puissant de ressourcement. Précéder le commencement… « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était solitude et chaos ; des ténèbres couvraient la face de l’abîme, et l’esprit de Dieu planait sur la face des eaux. Dieu dit : " Que la lumière soit…"…1 » Nos commentaires s’interrogent sur l’allusion à l’existence de « quelque chose » avant la création. Une terre de solitude, des ténèbres, un abîme, des eaux, auraient-ils précédé la création ? Bien sûr, les mots sont impuissants à décrire ce qui pouvait exister avant la matière et le temps, et il ne faut pas s’y arrêter. Lorsqu’on parle de choses tellement mystérieuses, les mots sont une poésie sur laquelle l’imagination s’appuie pour se représenter l’inaccessible. 1 2 Quoi qu’il en soit, la Torah pose le caractère premier et primordial de l’eau. « L’esprit de Dieu » plane au dessus des eaux. Le Rabbin IfraH, z"l, invitait à garder cette image en tête lors de l’immersion. C’est l’idée d’une renaissance qui remonte aux sources mêmes de la création du monde. Quelle belle leçon pour remettre à leur place nos préoccupations quotidiennes ! Quelle belle façon d’affirmer que nous ne pouvons pas nous soumettre au piège du passé, mais que nous pouvons, et devons au contraire, préparer l’avenir ! Le mikvé, c’est l’affirmation de la renaissance toujours possible. Une renaissance non seulement à partir du temps de notre venue au monde, mais également une remontée au temps ayant précédé la création. Nos sages affirment que la téchouva permet de modifier le passé2. Nous croyons pouvoir retisser le passé, comme un vaccin contre la soumission à une réalité qui aurait pu être différente et qui peut toujours être remodelée. Voilà jusqu’où va la liberté, mais aussi la responsabilité juive. Aujourd’hui, ce rêve devient « réaliste ». Le monde contemporain est capable de percevoir cette incroyable prétention comme légitime, et non plus comme un rêve mystique et archaïque. En effet, dans notre quotidien, nous pensons être en relation avec « la réalité ». Pourtant, les sciences sociales comme les théories de l’organisation, la psychologie tout autant que la neurologie, comprennent Genèse I, v. 1 ,2 ,3 Voir par exemple dans les chapitres consacrés aux fêtes de Tichri : Le chandelier d'or – les fêtes juives dans l’enseignement de Rabbi Zalman De Lady, Josy Eisenberg, Adin Steinsaltz, Paris, Verdier, 1988. le shofar Mikve de Spire que l'individu est le grand créateur de la réalité telle que nous l’expérimentons. Depuis toujours, notre tradition nous encourage à surfer sur les vagues émotionnelles, à les canaliser. La consécration des temps (moadim lésimHa…) fait partie de ce processus, le symbole du mikvé également. Lorsque Dieu nomme les mers, le mikvé primaire, « yamim », il nous rappelle l’autre élément dans lequel nous sommes immergés, le temps, les jours, également « yamim ». S’immerger dans une autre réalité Le verset dix du premier chapitre de la Genèse met en scène le « rassemblement des eaux », mikvé hamaim. C’est ce rassemblement que l’éternel nomme mer, yamim. C’est alors que la terre émerge. L’idée est celle de la contention des eaux. De l’apparition d’un territoire terrien, d’un sol où marcher. Nous affirmons dans les bénédictions du matin : « Bénis sois tu Eternel, qui étend la terre sur la mer ». En rassemblant les eaux, on crée un territoire indépendant qui en est protégé, mais également un lieu où ces eaux restent accessibles. On conserve la possibilité de renouer à volonté avec cet élément mouvant, fluide, libre et pourtant stable qu’est l’eau. L’eau renvoie symboliquement aux sentiments. La mer des émotions nous est toujours ouverte. Le judaïsme n’est pas une expérience intellectuelle mais une expérience de vie, qui travaille à l’intégration de la raison et des sentiments. Ces deux domaines doivent se démarquer tout en conservant un point de jonction fort et fonctionnel. Aller au Mikvé, c’est traverser ce point de jonction. C’est encore de l’eau qu’émergera la vie première, au verset vingt de Genèse I. L’eau est le lieu de mélange et d’imbrication des atomes et des molécules, un lieu de recomposition des éléments physiques comme des éléments mentaux et émotionnels. Si l’on remonte au plus loin dans le temps, l’eau est le lieu de la formation de notre espèce. Qui peut dire si ce souvenir persiste, profondément enfoui en nous ? Au niveau de l’espèce humaine, le développement embryonnaire en milieu amniotique évoque le développement marin des espèces. L’eau du mikvé est également celle du liquide amniotique, une expérience enfouie dans nos sens, un élément associé à la chaleur, à la douceur et à la protection. Le bain reste le moment privilégié pour partager des expériences avec les jeunes enfants. On témoigne d’avancées thérapeutiques importantes dans le cadre du bain, pour les enfants à problèmes. Il est bon, à tout âge, de profiter de cette détente qui régénère. Aller au mikvé c’est se replonger dans la matrice initiale, retrouver la chaleur et la sécurité qui permettent d’affronter la vie. Enfin, le symbole de l’eau évoque aux yeux de la tradition la Torah. Cet enseignement de vie, cet enseignement d’éthique et de savoir vivre est un milieu dans lequel nous nous sentons « comme un poisson dans l’eau »3. Le midrach enseigne que la création de la Torah4, elle aussi, aurait précédé la création du monde. C’est dans cet enseignement ini- Ainsi que le rappelle également cette belle parabole talmudique dans laquelle Rabbi Akiva compare le peuple juif aux poissons pour démontrer combien l’étude qui est notre milieu est indispensable, et combien l’abandonner sous prétexte qu’elle est interdite par l’occupant romain est un danger et non une mesure de protection. Ce n’est pas en quittant son identité qu’on devient plus fort… 4 Il faut prendre ici le mot Torah au sens large, comme l’enseignement transcendant et non comme les détails de la halaHa actuelle. 3 7 J U DA Ï S M E tial, cette loi d’amour et de vie que le mikvé nous replonge. 8 Le mikvé, une histoire de femmes ? Le ressourcement est-il l’apanage des femmes ? Certainement non. Au cours de l’histoire, hommes et femmes ont vécu l’expérience du mikvé, dans des circonstances parfois similaires et parfois différentes. Pour les hommes comme pour les femmes, l’immersion permettait un retour à la « pureté » nécessaire à l’accomplissement des pratiques liées au temple. L’impureté des hommes comme des femmes trouvait sa source dans un contact externe avec la mort (toum’a) (toucher un cadavre) ou un « contact interne », dans la perte de matière liée à la procréation (sperme ou sécrétions menstruelles), ou encore, dans la perte (toujours par voie génitale) de substances témoignant d’une maladie ou au moins d’une anomalie (zav, zava). L’impureté est donc toujours un dérivé de ces différentes situations. Elle représente une blessure du rapport à la vie qu’il faut cicatriser au plus vite, en renouant avec l'intégrité physique d’une part et avec le sentiment d’être en vie et d’être responsables et libres de ce que nous faisons de nos vies. Après la destruction du premier et du second Temple, les commandements attachés aux femmes se sont perpétués avec une force supérieure aux obligations touchant les hommes, parce qu’un autre commandement s’est associé à celui concernant les règles de pureté individuelle. Il s’agit des règles de « pureté familiale ». Ce nom qui sonne d’une façon un peu étrange en français fait référence à la séparation sexuelle5 du couple pendant la période des règles et quel- ques jours après, ainsi qu’aux retrouvailles et à la reprise de l’intimité physique avec le renouvellement du cycle de l’amour. La transition entre la séparation et les retrouvailles est marquée par une visite de la femme au mikvé. Il est bon de penser à la possibilité d’une démarche parallèle impliquant l’homme, comme cela se produit déjà dans certains milieux. Le mikvé a ainsi pris une forte connotation féminine. Les fiancées s’y rendent avant leur mariage, les femmes pratiquantes à la reprise du cycle amoureux. Le mikvé est perçu de deux façons différentes par le féminisme juif. L’une est très critique de l’intrusion par la tradition dans un domaine qui relève de l’intimité féminine. L’autre approche consiste à faire de ce puissant symbole un outil de libération et de régénération. Certaines interprétations féministes affirment que la période de séparation est pour la femme une occasion de retour à elle-même6. Anita Diamant témoigne de la réalité sociologique de ces interprétations7. Certaines approches féministes orthodoxes veulent tirer le mikvé de sa connotation conjugale pour en faire un centre de ressourcement et d’étude pour les femmes . Le mikvé devient ainsi une façon de traverser différentes étapes de la vie, de tourner des pages. Il est utilisé après un viol par exemple, ou après une fausse couche. Les femmes veulent s’approprier certai- Mikvé moderne nes pratiques, comme Mayyim Hayyim otre tradition s’intéresse à tout ce qui est central dans nos vies. Il ne fait aucun doute que la sexualité en fait partie. Pour cette N raison, nous évitons d’être prisonniers de tabous qui font obstacle à ce que notre âme, notre corps et notre raison vivent en harmonie. Je me permets donc d’aborder librement ce sujet. 6 Greenberg, Blu. "In Defense of the 'Daughters of Israel' : Observations on Niddah and Mikveh." In On Women and Judaism : A View from Tradition. JPS, 1981 7 Sapiro, Susan. "Living Waters : An Interview with Anita Diamant," in Journey, Spring 2002, 22-25). 8 Goldstein, Elyse. ReVisions : Seeing Torah Through a Feminist Lens. Key Porter Books, 1998, p. 127-128 9 Le Rabbin Jœl Roth encourage à l’immersion des deux membres du couple cf. Susan Gross CJLS 13 nov 2006 10 Michné Torah, Mikva'ot 11 :12 5 le shofar celles consistant à utiliser le mikvé avant le chabat et à l’occasion des fêtes, des yamim noraim (les fêtes de tichri) en particulier, pratiques traditionnellement masculines. On voit qu’à aucun moment le mikvé n’a été exclusivement une affaire de femme, puisque les hommes l’utilisaient à des fins spirituelles, en préparation aux fêtes, avant d’écrire le nom divin pour les sofrim, après avoir effectué une taharat hamet, une toilette mortuaire. A l’inverse, les hommes décident parfois de faire leur la pratique du mikvé précédant les retrouvailles conjugales, la reprise de l’intimité sexuelle par le couple8. Nous mentionnerons un autre usage du mikvé usage essentiel et qui témoigne de sa signification. En effet, nos conversions sont « scellées » par une immersion, permettant une « réinitialisation identitaire » à celui qui décide d’inscrire sa vie dans l’alliance juive. Cet acte nous apprend à tous, nouveaux comme anciens juifs, le caractère vivifiant du mikvé lorsqu’on éprouve la nécessité de faire siennes de nouvelles décisions de vie. Comme le rappelle Maïmonide10 ou encore la liturgie des jours de « réinitialisation identitaire » que sont Roch hachana et Yom kipour, l’Eternel promet : « Je vous aspergerai d’eau pure et vous serez purifiés, de tous vos résidus et de toutes vos idolâtries je vous purifierai. » (Ezéchiel 36 :25) Telle est l’origine également du baptême chrétien, du lavage des mains avant le repas (nétilat yadaim) ou de celui que l’on effectue à la sortie d’un cimetière. Comment se préparer au mikvé ? Le premier des mikvaot est donc la mer, puis tout amas d’eau naturel d’une taille suffisante à une immersion totale confortable, piscine naturelle ou rivière. L’essentiel est 11 12 13 qu’il s’agisse d’une « eau vivante », « maim Haim ». Le plus simple est souvent de se rendre dans le mikvé de la ville, construit spécialement pour collecter des eaux naturelles. La préparation au mikvé demande d’abord une bonne compréhension intellectuelle et émotionnelle11, il faut prendre le temps d’investir ce moment particulier. L’étape suivante consiste à se faire une idée du déroulement des évènements, prendre connaissance des détails techniques12. La préparation concrète au mikvé nous rend à notre état initial. Tout ce qui nous en écarte doit être enlevé, qu’il s’agisse de saletés ou d’articles de beauté. L’eau définira ainsi les limites de notre corps et de lui seul, ce qui est nous, de la façon la plus directe. Le Mikvé, du premier temple à nos jours… Le premier et le plus grand mikvé dont il soit fait mention était nommé « la mer de Salomon » et était réservé aux prêtres. Situé dans le temple, sa contenance était celle de 150 mikvaot13. A l’époque du second temple, chacun était respectueux des lois de pureté. Mêmes les rois étrangers étaient conscients de la nécessité de s’immerger avant d'entrer dans l’aire du temple. Les mikvaot de Massada, Maon et Hérodion attestent de la similitude des mikvaot antiques et de ceux de l’époque actuelle. La tradition d’Erets Israel s’est transmise à l’Italie avant de s’étendre à la Germanie par l’intermédiaire des sages rhénans des communautés de Spire, Worms et Mainz. Le mikvé est partie intégrante de la vie juive au Moyen-Âge en Italie, en Germanie, en Bohême Lituanie, Pologne et dans de nombreux autres endroits. Les communautés prenaient soin de la décoration des installations. Le plus ancien mikvé de cette période est celui de Cologne, qui date de 1170. Notons qu’à cette époque, comme mesure d’isolement et de séparation, les a littérature en langue française sur la question n’est pas très développée. Si l’on doit recommander un ouvrage, c’est celui de L Rabbi Miriam Berkowitz, Taking the Plunge : A Practical and Spiritual Guide to the Mikveh (Jerusalem : Schechter Institute, 2007) qui offre une discussion globale sur les questions actuelles posées par le mikvé ainsi que les raisons traditionnelles de ce commandement. Pour ces deux étapes, vous devez considérer la possibilité de prendre rendez-vous avec le rabbin. Talmud Babylonien Erouvin 14a 9 J U DA Ï S M E Photo d'une immersion par Janice Rubin de l'exposition, "The Mikvah Project" 10 juifs n’avaient pas le droit de se baigner avec les non juifs dans les rivières ouvertes. Aujourd’hui, selon des critères plus modernes, l’architecture du mikvé est toujours soignée. Les installations comprennent une salle d’attente, un lieu où se laver avant l’immersion ainsi que tous les ustensiles nécessaires. Des services esthétiques sont parfois proposés. Un rabbin orthodoxe peut ainsi affirmer à propos d’un mikvé new-yorkais en construction : « This will be a first-class mikvah, a spa for the soul.” De son côté, le monde libéral se penche avec un intérêt renouvelé sur cet important commandement. Ainsi, le MJLF est en train de mettre son mikvé aux normes de la halaHa, alors que la CJL du Rabbin Pauline Bebe a prévu d’en inclure un dans sa nouvelle synagogue. Le GIL, à Genève, prévoit également un mikvé dans ses plans. Comme on le voit, le mikvé garde sa valeur traditionnelle tout en acceptant de nouvelles mutations. Le féminisme et la spiritualité s’y invitent, sans sexisme puisque les hommes aussi s’intéressent à ce commandement. Pour rendre compte des développements actuels autour du mikvé, il faut mentionner deux intéressantes initiatives américaines. Celles d’Anita Diamant, célèbre auteure juive américaine, fondatrice de « Mayyim Hayyim 14 13 16 Living Waters Community Mikveh and Education Center »14 en 2004. Elle déclare : « Je veux un mikvé qui encourage la prière du cœur de tout juif quelle que soit son étiquette et sa façon de se définir… un lieu accueillant dès l’instant où l’on en franchit le seuil… un lieu de rire, de « mazal tov » … un centre d’étude et de célébration. » La mission de ce centre est « de se réapproprier et de réinventer l’un de nos plus anciens rituels juifs, l’immersion dans le mikvé, dans une perspective spirituelle, et de rendre cet espace aussi ouvert et accessible que possible… »15 Une autre initiative intéressante est celle de « The Mikvah Project »16, une exposition itinérante proposant des photographies et des entretiens. Ce projet rend compte des développements actuels autour du mikvé en tant qu’expérience de renaissance et de spiritualité. Quel sera notre mikvé ? Comme beaucoup d’autres commandements, celui de l’immersion dans un mikvé présente des aspects très anciens et des aspects extrêmement modernes. Ce grand éventail de représentations du mikvé peut permettre à chacun de faire vivre ce commandement d’une façon qui lui convienne et ait un sens pour lui. Il nous invite à croire en la possibilité d’une renaissance, en notre liberté de devenir nous-mêmes. Il prend toute son importance dans le cadre de la préparation au mariage, des retrouvailles des époux, de la préparation aux fêtes, de l’entrée dans le judaïsme ou du renouement avec la vie. Aujourd’hui, à Bruxelles, ce commandement prend également la valeur d'un point de rencontre entre communautés, d'un symbole de collaboration pour faire vivre l'identité juive. En effet, le mikvé de la CIOB est ouvert à tous, et les membres de notre communauté sont invités http ://www.mayyimhayyim.org Une interview de Anita Diamant (en anglais) est disponible sur http ://www.boomerstv.com/episodes_video.php?lid=239 http ://www.mikvahproject.com/index.html le shofar à en faire usage à leur convenance. Madame Haddad vous accueillera avec beaucoup de gentillesse. Mikvé a la même racine que le mot Tikva, l’espoir. Que nous ayons tous le mérite de nous plonger dans l’espoir de jours meilleurs et d’un renouvellement complet. En attendant, nous garderons en mémoire que le plus beau mikvé est l’océan, on peut compter sur chacun d’entre nous pour en faire bon usage cet été ! ■ Aujourd’hui, l’esprit de communauté et l’engagement vis-à-vis de notre tradition a permis à Beth Hillel de devenir membre du mikvé de la CIOB, de le soutenir et d’en faire profiter ses membres. Que cet esprit de « chitouf péoula » nous inspire tous dans nos actions. Coordonnées des Mikvaot de Bruxelles (CIOB) : Mikvé pour dames : Rue Saint Augustin 40 1190 Bruxelles Tel : 02/347 33 29 (Mme Haddad) Mikvé pour hommes : Rue de la Clinique 67A 1070 Bruxelles Tel : 02/521 12 89 11 Laissez-vous séduire par le fait d’être chouchouté ! Concierge PRIVÉ pour particulier Arnaud 0477 90 24 18 Thomas 0472 97 76 40 www.privateconcierge.be J U DA Ï S M E La Mishna et l’Étude La démocratisation du savoir par les Tannaïm par Ralph Bisschops, Dr. phil. Sans la Mishna l’étude n’aurait jamais reçu la place centrale qu’elle occupe dans la vie des Juifs depuis deux millénaires. Afin d’éclaircir cette notion, nous devrions d’abord nous rappeler l’esprit très particulier de la Mishna. Comme la spécificité de cette œuvre a surtout été mise en exergue par les recherches de Jacob Neusner1 et de son école, l’article présent les prend comme point de départ. 12 I La Mishna La Mishna a été rédigée au troisième siècle, donc après la destruction du deuxième temple (70 EC) et la suppression de la révolte de Bar Kochba (135 EC). Elle est la description d’un paradis perdu. Elle imagine un monde où le gouvernement d’Israël gravite autour du Temple de Jérusalem, lieu où la Cour suprême est établie. Or, à l’époque de sa rédaction finale le temple n’existait plus et l’accès à Jérusalem était proscrit aux Juifs.2 Les historiens sont intrigués par le fait que la Mishna est une œuvre qui a surgi pour ainsi dire du « néant ». Il n’existe pas de documents antérieurs qui attestent sa 1 2 3 4 gestation. La tradition juive enseigne qu’elle aurait été la mise par écrit d’une longue tradition orale, remontant jusqu’à la révélation au Sinaï. Les historiens actuels tendent plutôt à croire qu’elle fut rédigée d’une traite, tant sa cohérence – aussi bien au niveau de la forme que du contenu – est frappante, pour ne pas dire surprenante.3 Les caractéristiques formelles de la Mishna La Mishna tente de reconstruire une époque heureuse mais révolue ainsi que la législation en vigueur en ce temps, mais dont une grande partie n’était plus applicable au moment de sa rédaction. Elle est à la fois nostalgique et utopique. Au niveau de la composition la Mishna est un document absolument unique dans toute la littérature juive. Selon Jacob Neusner, une des autorités les plus notoires dans l’étude historique du Talmud, elle présente trois caractéristiques qu’aucun autre document de l’antiquité juive ne possède : Premièrement, la Mishna ne fait pas appel à l’autorité de Dieu et ne se réfère que rarement à la Torah (sauf dans le traîté Avoth) son procédé n’étant pas exégétique.4 La Mishna est un document « stand alone »; c’est à Jacob Neusner (1932) fit ses études à Harvard, Oxford et au Jewish Theological Seminary où il reçut son ordination de rabbin. Il a été professeur dans plusieurs universités américaines et est membre de l'Institute of Advanced Study à Princeton. " The (then non-existent) Israelite government imagined by the second-century philosophers centers upon the (then nonexistent) Temple, and the (then forbidden) city, Jerusalem. For the Temple is one principal focus. There the highest court is in session; there the high priest reigns." (Neusner 1999, 87) "What is veiled from active, systematic inquiry, even recognition is each document's character as a distinct, idiomatic literary œuvre, authored, not simply compiled, by some person or persons with their own agenda, outlook, style, purpose, and social provenance. " (Lightstone 2002, 7) “ The Mishnah never invokes God’s name as source of truth, and only occasionally even cites proof-texts of Scripture’s law.” (Neusner 1999, 93) le shofar dire un document autonome, suffisant à lui- seulement un jeu de l’esprit. Elles sont des instruments indispensables afin d’assurer la même. Deuxièmement, les chapitres de la Mishna gouvernance et la jurisprudence d’un Etat. sont présentés sous forme d’appel à un débat. La Torah en tant que telle ne suffit pas à Elles contiennent généralement au moins créer un Etat viable car elle ne donne que deux affirmations conflictuelles. Ceci est des directives générales. De surcroît Dieu et sa justice y occupent une place absolument nouveau dans l’écriprédominante dans l’exercice ture juive. Ni le Tanakh, ni les La Mishna du pouvoir judiciaire (il inflige documents de Qumram ne présentent une telle composition. reconstruit une ou ordonne une grande partie Certes, Abraham et Moïse dia- époque heureuse des punitions), or aucun Etat ne peut fonctionner en se fiant seuloguèrent avec Dieu, mais ce ne mais révolue. lement à Dieu dans l’exercice du fut jamais d’égal à égal. La seule tradition où la pensée se déve- Elle est à la fois droit. Il a besoin d’un pouvoir clairement défini, loppe sous forme de discussion nostalgique et judiciaire c’est-à-dire de tribunaux, ainsi entre égaux est la philosophie que d’une législation qui exclut grecque. Dans les "Dialogues" utopique. toute incertitude. La Mishna de Platon nous assistons aux discussions de Socrate avec les philosophes définira la compétence et la composition de son époque (les sophistes). Pour cette des tribunaux et ajoutera des lois là où cela raison Jacob Neusner, sans rentrer dans des s’avère nécessaire. questions de filiation, soutient avec fermeté que la Mishna tient le même discours que la Quelques exemples de classification mishnaïque philosophie grecque. Troisièmement la Mishna est rédigée, Voici quelques précisions essentielles que contrairement à la Torah, sous forme d’in- la Mishna apporte et qui ne se trouvent que ventaire. Elle énumère et classifie les sous forme d’ébauche dans la Torah. composantes économiques et politiques La Mishna établit les 10 degrés de sainteté remondu monde révolu et idéal. C’est donc une tant de la terre d’Israël jusqu’au tabernacle. entreprise « scientifique » dans la mesure La Mishna dresse la liste des pouvoirs : 1. Dieu où science équivaut à « classification ». (qui châtie les transgressions rituelles volonLa Mishna classifie, dresse des tableaux taires), 2. le Temple (qui permet l’expiation des allant de l’abstrait au concret, du supérieur transgressions involontaires), 3. la royauté à l’inférieur. Le savoir étalé dans la Mishna (pouvoir exécutif), 4. les différents tribunaux s’articule donc sous forme de « listes », de (allant du droit civil au droit pénal). catégories, aussi bien des choses naturelles Elle discerne (entre) les principes juridiques que surnaturelles. En ceci la Mishna procè- (« pères » ou avoth) et les devoirs déduits de derait, selon Neusner, également comme la ces principes (« enfants » ou toledot). Les 39 travaux interdits le Shabbath sont des avoth, pensée grecque. les interdictions qui découlent de chacun de La gouvernance et la jurisprudence de ces principes sont les toledot. La Mishna classifie les actions humaines l’Etat idéal Mais les catégories de la Mishna ne sont pas sous un vaste éventail d’optiques afin de ren5 6 " In the Mishna’s representation of matters, the sages always “knew and criticized one another’s ideas,” just as did the early Greek philosophers." (Neusner 1999, 103) "Their intention is to create nothing less than a full-scale Israelite government, subject to the administration of sages. This government is fully supplied with a constitution and bylaws. It makes provision for a court system and procedures, as well as a full set of laws governing civil society and criminal justice. " (Neusner 1999, 87) 13 J U DA Ï S M E entendu, le devoir de l’étude est inscrit dans la Torah dans la mesure où il est inclus dans le commandement « tu les inculqueras à tes enfants » (Dt. 6,7).14 L’apport le plus sensationnel de la Mishna est que l’étude devient la mitsvah suprême. Le primat de l’étude devient déjà manifeste dans un texte que nous lisons jour après jour dans l’office du matin. Il s’agit de la Mishna péah que les rabbis ont insérée – et pour cause ! – dans notre liturgie (voire « elou La description d’un Etat virtuel La Mishna est la description méticuleuse devarim »). Elle traite des commandements « qui n’ont pas de mesure » et d’un Etat, où les conditions termine par la phrase : « l’étude de la sainteté sont réunies Dans la Mishna de la Torah équivaut à tous ces par le fait que la terre pro(talmud mise est habitée par Israël l’étude de la Torah commandements » Torah keneged koulam). Ce (et Israël seulement13), où les devient le devoir verset signale une véritable sacrifices peuvent être apporrévolution, surtout parce qu’il tés et la dîme peut être prélede chaque Juif. s’adresse à tout un chacun. vée. Contrairement aux idées reçues, la Mishna n’est pour- Elle ne se fait pas Avant, dans le Tanakh, l’étude tant pas un ouvrage religieux par procuration. de la Torah était l’apanage des prêtres (Kohanim) et des rois. à proprement parler. Tout en restant la constitution d’une théocratie On pourrait y inclure les prophètes, mais elle clarifie ou ajoute tous les éléments qui pas au niveau institutionnel. Les prophèen font également un Etat de droit. Il est tes s’occupaient de la Torah d’une manière intéressant d’observer qu’au moment de sa qu’on appellerait maintenant « free-lance ». rédaction cet Etat était un Etat virtuel par Il travaillaient de façon indépendante, à excellence. Sous cet aspect Jacob Neusner leurs propres risques et périls. Il importe soutient à juste titre que la Mishna est une également de noter qu’ils s’adressaient œuvre philosophique. C’est vrai dans la avant tout aux rois et aux leaders politiques mesure où elle ne contient ni un enseigne- ou religieux. Le peuple était censé avant ment religieux, ni une législation qui pou- tout d’obéir à la Torah, non pas de l’étudier. vait s’appliquer telle quelle à l’époque de sa Pour être plus précis : Les documents bibliques qui enjoignent au commun des mortels mise par écrit. de l'étudier font défaut. Dans la Mishna, par II L’étude, exigence centrale de contre, l’étude de la Torah devient le devoir de chaque Juif. L’étude ne se fait pas par prola Mishna (Pirkè Avoth) Même si de nos jours la Mishna n’est connue curation. La thèse centrale des Pirké Avoth que de quelques experts, l’immense appel est que l’homme a été créé pour étudier à l’étude qui émane de cet ouvrage est pro- (Avoth 2, 8). C’est dans l’étude que l’homme fondément ancré dans tous les cœurs. Bien trouve sa vraie et seule destinée. dre plus sûre leur évaluation par un tribunal. Elle discerne leurs conditions au départ7, le nombre de transgressions qu’elles causent8, leurs conséquences concrètes 9, juridiques10 et cultuelles11. Telle analyse de nos actes permet, de surcroît, d'aiguiser la conscience que nous avons de ce que nous sommes et ce que nous faisons. L’art de la pensée rabbinique était celui du discernement12. 14 Permis ou interdit, intentionnel ou inconscient. Un seul acte peut en comprendre plusieurs (dans la langage du Talmud “plusieurs transgressions”). Les dommages qu’elle cause. 10 La sanction qu’elle entraîne. 11 Le degré d’impureté qu’elle confère, les sacrifices que sa réparation exige. 12 “ The rabbi is the one who can multiply and ramify defining and differentiating factors in order to better distinguish one case from another, where others can perceive or create no differentiation at all.” (Lightstone, 2002, 184) 7 8 9 le shofar Et la Mishna ne manque pas d'être claire, contexte du traité Horayot nous en apporte voire menaçante à ce sujet : Celui qui n’étu- également la raison. Cette Mishna porte sur die pas la Torah ne mérite pas de vivre, les erreurs judiciaires. Il se peut que l’auto(Avoth, 5, 13) il risque la mort et même le rité ou un tribunal se trompe. Il faut donc Gehinnom (Avot 1, 5). Celui, en revanche, des personnes suffisamment instruites pour qui étudie mérite le monde à venir (Avoth, contester ces erreurs.16 Même si l’étude est 2, 7). Il ne faudrait pas se dire « j’étudierai une valeur en elle-même, comme le veut la Torah quand j’aurai le temps » car il est le Pirké Avoth, elle revêt également une possible qu’on ne l’aura jamais (Avoth, 4) ; grande importance sociale et politique. Un le célèbre proverbe « im lo archav, mataï ? » état qui ne compte pas parmi ses citoyens (« si pas maintenant, quand? ») s’appliquait des contestataires, court à sa perte. Mais originairement à l’étude (Avoth 2, pour pouvoir dire « non » il 14). Chacun doit se chercher un faut d’abord savoir. Vue sous L’homme maître et un compagnon d’étude cet angle, l’étude est avant tout (Avoth 1, 6 ; 1,16). Shammaï a été créé pour un devoir citoyen. conseille de faire de l’étude une étudier discipline régulière (Avot 1, 15). Il Etude et subsistance maté(Avoth 2, 8). n’y a d’homme libre que celui qui rielle est versé dans l’étude de la Torah (Avoth 6, Tous les maîtres de la Mishna s’accordent 2). Ces quelques extraits pris au vol expri- sur le fait que l’étude doit être accompagnée ment un renversement de la hiérarchie d’une profession. En l’absence d’un gagneancienne. Ce qui avant était le privilège des pain régulier l’étude mènerait au péché prêtres et des rois devient maintenant le (Avoth 2,2). L’étude ne doit pas non plus nous devoir de chaque Juif : l’étude. apporter des bénéfices concrets. Qu’elle ne soit pas « une pelle avec laquelle on creuse, » La dimension politique de l’étude enseigne Rabbi Tzadok (Avoth 4,5b). Et Mais d’où vient cette insistance soudaine Hillel d’ajouter : « Chacun qui tire profit de sur l’étude ? Une ébauche de la réponse se l’enseignement de la Torah, éloigne sa vie du trouve dans Mishna Horayot 3 : 6-8 : « Un monde. » (4, 5c). En d’autres termes : L’étude cohen a priorité sur un lévite, un lévite sur n’est pas une valeur économique. Ce titre ne un Israélite, un Israélite sur un bâtard (mam- revient qu’à la propriété foncière, qu’il faut zer), un bâtard sur un nathin (descendant continuer à cultiver. Pour rappel, la Mishna des Gibéonites), un nathin sur un converti, n’octroie qu’une place subordonnée à l’arun converti sur un esclave émancipé. Cette gent, considérant le troc comme transaction ordre des priorités s’applique si tous sont idéale,17 et endigue la spéculation. Cet idéal égaux sous d’autres aspects. Si, par contre, antique subira un profond changement dans le mamzer est un érudit et le cohen gadol un les documents ultérieurs rédigés pendant ignorant, le bâtard érudit a priorité sur le les siècles suivant la clôture de la Mishna. cohen gadol (grand-prêtre).15 » Ce changement s’illustre notamment par la Le fait que dans cette hiérarchie un mamzer légende suivante (Lévitiqe Rabbah 34, 16), qui a étudié l’emporte sur un prêtre ignorant datant du 5ème siècle : Rabbi Tarfon donna est en tant que tel une révolution sociale. Le à Rabbi Akiva une somme d’argent en lui 13 14 15 16 17 En ceci la Mishna se montre plus exigeante que la Torah. Maïmonide, Sefer Hamitsvoth, P 10-13 Remarquons que cette Mishnah ne précise pas en quoi l’un a priorité sur l’autre, son but est donc d’établir une hiérarchie dans l’absolu entre les différentes classes de la société israélienne. Cette manière de classifier les choses (dans l’absolu, sans conséquences concrètes) fait partie du programme de la Mishna, voire Jacob Neusner (1992), p. 161. Je dois cette analyse à Neusner (2002), p. 29 Neusner (1992), p. 68. 15 J U DA Ï S M E 16 disant « achète un morceau de terre, pour immédiate d’une économie de marché. Tandis que nous puissions en tirer notre subsis- que dans l’économie rurale chacun s’occupait tance et étudier la Torah ensemble. » Que de tout, l’économie de marché nécessite la fit Rabbi Akiva ? Au lieu d’acheter un lot, spécialisation. De nombreux textes tenteront il fonda, au désarroi de Rabbi Tarfon, une d’illustrer que 1. la Torah est une richesse matérielle et 2. que celui qui offre des dons à yeshivah. Ce texte signale que c’est le savoir qui consti- des sages deviendra riche à son tour. Le fait tue la richesse et non pas la terre. Même que la Torah est perçue comme valeur matési Rabbi Akiva, un Tanna,18 figure comme rielle est illustré par une légende selon laquelle Ardavan envoya une perle à un protagoniste légendaire19 dans rabbi en lui demandant de lui ce document, celui-ci est en Sans renvoyer quelque chose d’aussi contradiction flagrante avec précieux. Grande fut sa décepl’esprit de la Mishna.20 Il importe contestataires, lorsqu’il reçut en retour un de ne pas voir dans l’équation un Etat court à tion petit rouleau de mezuzah. Arda« étude égale richesse » une sa perte. L’étude van répondit : « Je t’ai envoyé image pieuse mais un renversement radical de l’économie de la est avant tout un une perle d’une valeur inestimable et tu me rends quelque Mishna. Alors qu’auparavant la devoir citoyen. chose qui ne coûte que quelques richesse était définie en termes sous. » Le rabbi de répondre : de propriété foncière, celle-ci se voit maintenant supplantée par le savoir « Je t’ai envoyé quelque chose qui veillera sur et l’enseignement.21 Car, en effet, au fil du toi pendant ton sommeil. »24 temps l’étude deviendra progressivement une source de revenus matériels. Les rabbis insis- L’étude versus l’autorité du sage teront sur le fait qu’il est impossible de com- La croyance que celui qui donne aux sages biner l’étude avec une autre activité. Dans ce ferait lui-même fortune (voir supra) est illustrée contexte apparaissent les midrashim qui rela- par la légende selon laquelle un philanthrope tent qu’en étudiant un passage difficile l’étu- appauvri vendit la moitié de son champ pour diant perd ses forces physiques.22 L’étude des l’offrir à un rabbi qui visita son village. En guise textes sacrés ou halakhiques exténue et fra- de reconnaissance le rabbi lui octroya l’hongilise. La rémunération des rabbins s’avérait neur d’être assis à côté de lui. Mais la véritable incontournable, mais se trouvait en contradic- récompense vint plus tard : Notre philanthrope tion flagrante avec l’enseignement de la Mis- trouva un trésor dans la partie du champ qui hna, selon laquelle le sage devrait exercer un lui restait.25 L’on imagine facilement les supersmétier et étudier pendant ses loisirs.23 A cela titions qui se grefferont sur telles données. A s’ajoute le fait que l’économie, sous la domina- l’étude de la Torah, de la Mishna et surtout du tion romaine, était une économie de marché Talmud26 seront attribués des effets salvateurs, avec l’argent comme ressource primordiale. qui doivent être compris dans un sens concret : Or, la division du travail est une conséquence la guérison de la maladie, la prospérité et la 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 Maître de la Mishna. En l’état actuel des recherches les attributions de paroles à des sages de la Mishna ne sont pas toujours crédibles. Neusner, 1992, p. 165. Neusner observe ce reversement des notions économiques dans son chapitre “The Transvaluation of Values” in « The Transformation of Judaism from Philosophy to Religion » (1992), pp. 151- 182. Par exemple Lévitique Rabbah, 11 ; 22, 1 Neusner (1992), p. 175. Talmud Yerushalmi, Péa 1 :1, 17 Pesiqta de Rav Kahana, 5 :4,2 William Scott Green (1995, p. 32) observe que l’étude du Talmud tendait progressivement à supplanter celle de la Torah ou de la Mishna (cf. Yerushalmi, Shabbat, 16,1). Neusner (1995), p. 46. le shofar sécurité en temps de guerre.27 Le sages étaient perçus comme les défenseurs de la cité et, dans une époque plus tardive, étaient exempts des taxes destinées à construire les remparts de la ville, parce que leur étude de la Torah la protégerait.28 Dans un article aussi érudit que persifleur William Scott Green (Université de Miami) affirme que l’image d’Épinal du rabbi qui se vouait à l’exégèse des significations multiples de la Torah serait issue de milieux protestants admiratifs ( !). En réalité l’interprétation de la Torah était fortement codifiée et évitait toute incertitude.29 Si quelqu’un voulait être un bon Juif, il ne suffisait pas d’étudier les Ecritures, il fallait également se soumettre à l’autorité du sage.30 Assurer la continuité du judaïsme sous des conditions politiques et économiques aussi dramatiquement différentes nécessitait peutêtre les concessions à la dévotion populaire que nous venons d’observer. L’économie de marché étant en vigueur, le sage doit, pour le dire avec William Scott Green, « développer une sociologie du savoir qui le rend irremplaçable »31 et le recours aux superstitions est le moyen le plus facile pour arriver à ces fins. Force est d’ajouter que, parmi toutes les superstitions possibles, celle qui confère une auréole au livre, à l’étude et à l’enseignement est probablement la moins nocive. La situation n’a pas fortement changé depuis lors, et cela n’est pas seulement vrai pour les communautés juives. La spécialisation scientifique a de plus en plus comme corollaire l’ignorance ainsi qu'une vénération pseudo-religieuse des universités et de son corps professoral. Par rapport au monde académique actuel, le penseur Baruch Spinoza, qui gagnait sa vie en polissant des lentilles, est l’incarnation séculière du sage de la Mishna. Conclusion La notion de césure entre la Mishna et les écrits ultérieurs, introduite par Neusner, se révèle judicieuse. Dans la Mishna l’étude de la Torah est une source de mérites, dans les documents ultérieurs (Talmud, Midrashim) 28 29 30 31 Neusner (1992), p. 179. William Scott Green, op. cit. p. 42 The Hebrew Scriptures in Rabbinic Judaism (1995), p. 39. Op. cit. p. 39. elle deviendra une source de richesses matérielles et une cause de bien-être et de succès. Alors que dans la Mishna le sage est hautement valorisé parce qu’un Etat ne peut exister sans contestataires, il deviendra progressivement celui qui monopolise le savoir qui à son tour revêt de plus en plus un caractère magique. Ressourçons-nous dès-lors à l’enseignement initial de la Mishna selon lequel l’étude est le devoir de tout Juif et qu’il ne faut pas se laisser décourager par le fait que l’expertise des autres peut surpasser de loin la nôtre. C’est grâce à cet idéal mishnaïque que nous rencontrons au cours de l’histoire juive tous ces hommes et ces femmes qui travaillaient le jour et étudiaient la nuit. C’est bien cet effort au cours de deux millénaires qui, au grand dam des puissants de cette terre, nous a rendus si difficilement manipulables. Ouvrages cités : Die Mischna (traduite et annotée par Dietrich Correns). 2005. Wiesbaden : Marix Verlag. Green, William Scott. 1995. The Hebrew Scripture in Rabbinic Judaism in : Neusner, Jacob. Rabbinic Judaism, Structure and System. Minneapolis : Fortress Press. Lightstone, Jack N. 2002. Mishnah and the Social Formation of the Early Rabbinic Guild : A Socio-Rhetorical Approach. Waterloo (Canada) : Wilfrid Laurier University Press. Moïse Maïmonide. (éd. 1878) Le Livre des Commandements. Lausanne : L’Âge d’Homme Neusner, Jacob. 1992. The Transformation of Judaism from Philosophy to Religion. Urbana & Chicago : University of Illinois Press. Neusner, Jacob. 1999. The Four Stages of Rabbinic Judaism. New York : Routledge, 1999. Neusner, Jacob. 2002. How the Talmud Works. Leiden/Boston : Brill. Talmud Bavli. (éd. 1989 par Isidore Epstein). London : The Soncino Press. ■ 17 Brochures Rapports annuels Identités visuelles +32 2 663 85 85 www.inextremis.be le shofar Leo Baeck : « L’ Essence du Judaïsme » Croire en l'humanité. par Monique Ebstein Voici le 6ème numéro du Shofar où nous synthétisons l'enseignement que Leo Baeck donne dans "L'Essence du Judaïsme". Leo Baeck est un homme d'une foi totale. Il l'a prouvé tout au long de sa vie. C'est cette foi qui l'a soutenu pendant la terrible épreuve de son internement au camp de Theresienstadt. Dans ce (provisoirement) dernier chapitre de notre étude, il expose son interprétation du sens de l'Histoire, et de l'homme dans l'Histoire. *** L'homme est créé à l'image de Dieu et la "fin des temps" ne peut être que la réalisation du bien. Notre foi en Dieu est fondée sur la foi en l'avenir. Cet avenir n'est pas un "destin" ni un fatum, mais quelque chose qui existe vraiment; il est l'objectif vers lequel notre chemin nous conduit. Le futur est une idée typiquement juive, le judaïsme est imprégné par la tension qui existe entre la proximité du chemin qui débute avec chaque existence humaine, et l'éloignement du but qui est bien au-delà de cette existence. Les prophètes, qui étaient les émissaires de Dieu, ont été les annonciateurs d'un messianisme signifiant l'accomplissement des temps où les hommes réaliseront la volonté de Dieu sur terre. Chaque homme, au cours de sa vie, est appelé à parcourir un bout du chemin dont l'objectif est le royaume de Dieu. La vie humaine est brève, et personne ne doit désespérer de ne pouvoir atteindre le but, car le relais sera assuré de génération en génération. Le jour de l'homme est bref, mais celui de l'humanité est long. Or, l'humanité se déploie à la fois dans le temps et dans l'espace. Elle ne représente pas seulement l'unité des peuples, mais aussi l'unité des jours où chaque génération fait partie de l'Histoire, et avance sur le chemin dont le terme est l'accomplissement. L'unité des nations et celle des temps forme l'univers de l'homme. Au sein de cette unité, l'existence individuelle n'est plus limitée, puisque son sens lui est donné par le chemin qu'elle doit parcourir, que ce chemin sera poursuivi par les générations suivantes et qu'il conduit aux jours à venir. Cependant, face à tous les crimes et délits commis au cours de l'Histoire au nom de la fin recherchée et du succès que l'on veut obtenir, le judaïsme a toujours condamné la double morale qui permet la justification de la politique par le déni de l'éthique. L'accomplissement de l'individu se situe dans l'au-delà, mais l'accomplissement de l'humanité 19 J U DA Ï S M E 20 se situe de ce côté-ci de la vie, et c'est le chemin de l'Histoire qui y conduit. L'accomplissement du bien comporte donc deux aspects, transcendant et immanent, il se situe à la fois dans l'éternité, mais aussi dans l'Histoire. Le judaïsme ressent cette polarité avec une égale intensité, elle apparaît presque comme une unité. Or l'humanité, même lorsque elle dévie de son chemin, a toujours la faculté de se renouveler, son avenir ressemble à toute réconciliation, celle du fini avec l'infini, de la vie humaine avec la Loi. Le jour à venir est la révélation de l'Eternel dans l'humain, le règne de la paix sur la terre, dans un certain sens le rapprochement de l'immanence et de la transcendance. La vocation de l'humanité est d'avancer vers la réalisation du bien, c'est à dire, de génération en génération il nous est demandé de faire évoluer l'éthique vers toujours plus d'exigence. Or l'unité du genre humain est due à son caractère divin. Tous les peuples, sans distinction d'aucune sorte, ont ceci en commun : ils sont faits à l'image de Dieu qui les a créés pour qu'ils soient à leur tour des créateurs. L'Histoire universelle est celle de l'évolution du bien, et elle atteindra son but lorsque le bien sera reconnu par tous. L'unité du genre humain devient donc une exigence éthique, un devoir qui incombe à tous les peuples de la terre, car tous les peuples sont les instruments de l'Histoire. Dieu a placé devant eux le bien et le mal, la vie et la mort. Il leur a dit : "Tu dois choisir" .... "pour déraciner et pour saccager, pour détruire et pour arracher, ou pour bâtir et pour planter" (Jér. 1,10). Tous les peuples appartiennent à Dieu, ils peuvent tous devenir son peuple et bénéficier de ses bienfaits : "N'ai-je pas tiré Israël du pays d'Egypte, les Philistins de Caphtor et les Araméens de Kir ?" (Amos 9,7). "L'Eternel des armées parle : Béni soit mon peuple, l'Egypte, l'Assyrie, œuvre de mes mains, et Israël est mon héritier" (Is.19,25). Ce sens religieux de l'Histoire s'est très tôt manifesté en Israël dont l'existence nationale a débuté par l'acte historique fondateur de sa libération d'Egypte. La première expérience d'Israël fut donc la présence de Dieu agissant dans l'Histoire. Or Israël, petite nation, avait d'autres valeurs, une autre vérité que les nations riches et puissantes qui l'entouraient : "Ce n'est ni par le nombre ni par la puissance, mais par mon esprit, a dit le Dieu des armées....." (Zac 4,6). La pensée prophétique conçoit l'équité et l'éthique comme étant les seuls fondements de l'existence, aussi dès qu'une nation ne satisfait plus à cette exigence première, elle doit périr. Tous les peuples comparaissent devant le Dieu de justice; leur liberté dépend de lui, c'est lui qui "juge le globe terrestre dans l'équité et les nations dans la rectitude" (Ps 98,9.). Cependant, ce Dieu de justice est aussi un Dieu d'amour, lent à la colère qui répète sans cesse : "Repentez-vous, O vous fils de l'homme" (Ps 90,3). En découvrant le chemin qui mène à Dieu, les hommes se découvrent les uns les autres. La réconciliation de l'humanité avec Dieu aura lieu lorsque tous les hommes auront réussi à s'unir dans l'égalité et la solidarité. L'accomplissement ultime sera atteint lorsque les peuples reconnaîtront que tout ce qui sépare est artificiel, que tout ce qui unit est humain, que tous les hommes sont frères. Ce sera l'avènement des temps messianiques, à ce moment le royaume de Dieu sera advenu sur terre, Dieu sera Un, et son Nom sera Un : "Le loup habitera avec l'agneau et le tigre reposera avec le chevreau" (Is 11,6). Le discours prophétique avait commencé par affirmer cette certitude, il conclut avec une vision porteuse de cet espoir. Le messianisme juif ne consiste pas dans la foi en un homme qui changerait le monde, du reste le judaïsme n'accepte pas qu'un homme soit placé au-dessus de l'humanité. Le messianisme juif tend vers la réalisation du royaume de Dieu qui sera le lieu de rencontre de tous les hommes. Ce royaume sera réalisé lorsque l'homme aura librement reconnu et accepté Dieu comme unique souverain. Tous ceux qui veulent participer aux jeux du pouvoir ont déjà rejeté le royaume de Dieu, selon ce que Dieu avait dit à Samuel, lorsque Israël réclamait un roi : ".... Ils m'ont rejeté en ne voulant plus que je sois leur roi !" (I Sam.8,7) Malgré des déviances ésotériques apparues surtout durant des périodes d'intenses souffrances dues aux le shofar persécutions, le judaïsme a préservé un fondement religieux solide et une réflexion raisonnable sur la nature du royaume de Dieu. Depuis toujours, l'idée messianique a été liée à deux fêtes qui sont les seules dans la liturgie juive à ne pas être rattachées à un fait précis de l'Histoire d'Israël, elles concernent le destin de l'humanité dans son ensemble : Rosh Hashana et Kippour. Elles ne sont pas en effet, une commémoration du passé, mais une tension vers l'avenir. A Rosh Hashana, nous, et avec nous tous les peuples de la terre, devons prouver que nous méritons notre place sur la terre en pratiquant l'équité et en recherchant la vérité. Le jour de Kippour s'adresse lui aussi à l'humanité pour lui accorder le pardon des fautes commises et promettre le royaume à venir en récompense de tous les efforts accomplis. Israël et toute l'humanité prient : "Car nous savons, O Eternel, que la puissance est là devant toi, la force est dans ta main, la bravoure dans ta droite, et ton Nom est redouté par tout ce que tu as créé". L'horizon du judaïsme est ainsi tracé : il va bien au-delà du temps présent et aussi au-delà des limites du seul Israël : "Car c'est de Sion que sortira la Tora, et la parole de Dieu de Jérusalem". Le judaïsme ne conçoit pas d'humanité sans que lui-même y participe, et inversement, il ne se conçoit pas en dehors de l'humanité. A la question qu'Israël se pose sur le sens de toutes les souffrances endurées au cours des siècles, Isaïe répond qu'elles ont été envoyées à Israël pour rédimer l'univers. Car Israël est le "serviteur de l'Eternel" que le prophète décrit ainsi : "...un être de souffrance qui, ....alors qu'il était atteint par nos péchés, battu en raison de nos fautes, acceptait les coups pour notre bienêtre, et par sa blessure nous trouvions notre guérison....... (cependant dit l'Eternel) il est le Juste, il est mon serviteur....C'est pourquoi je tiens à lui accorder une large part, il sera sur le même niveau que les forts parce que son âme a goûté la mort, on l'a considéré comme un malfaiteur alors qu'il a assumé les péchés des autres et intercédé en faveur des méchants". La souffrance comporte elle aussi un élément messianique. Elle fait partie de la substance même de l'Histoire d'Israël. C'est sa manière d'assumer le pardon. Parallèlement à la prise de conscience de la souffrance, il y a celle du "reste" d'Israël. En effet l'Histoire opère un grand tri au sein d'Israël, les souffrances incitent à la fuite. Lorsque la réalité se fait trop dure et qu'on sonne le rassemblement, seul le "reste" répond : "présent". Contrairement à l'espoir d'être un jour aussi nombreux que les grains de sable de la mer et que les étoiles du ciel, ce sera seulement "le reste d'Israël (qui) demeurera à Jérusalem et (qui) sera nommé saint, chacun sera inscrit pour la vie, et ce qui sera sauvé de la maison de Juda plongera ses racines vers le bas et portera des fruits vers le haut". La nature du messianisme juif est de confesser le Dieu unique, de renverser les idoles, qu'elles soient de pierre, ou qu'elles soient aujourd'hui l'or et l'argent. Le messianisme juif, lorsqu'il est fidèle à lui-même, annonce le royaume de Dieu et non le règne des puissances de ce monde. En ce sens, il se fait contradicteur et réprobateur, il apporte au triomphalisme des nations un témoignage radical et révolutionnaire. La religion juive a offert la possibilité de s'engager dans une voie nouvelle où le pardon permet de toujours recommencer (teshuva), et où la souffrance et la consolation, la volonté de combattre, et l'acceptation de la Loi trouvent leur point d'équilibre. En guise de conclusion : Le Judaïsme face à l'Histoire Dans les rares périodes où Israël ne dut pas lutter pour sa survie et connut quelque répit, des communautés juives s'implantèrent bien au-delà des frontières nationales et il y eut d'assez nombreuses conversions au judaïsme parmi les nations environnantes. Ces périodes ne furent jamais très longues, et les persécutions dont les Juifs furent victimes, depuis la conquête de leur pays par les Romains jusqu'aux temps modernes, en ont énormément réduit le nombre. Cependant même si, à travers les siècles, l'Eglise était devenue la nouvelle puissance mondiale, elle fut obligée de faire des concessions aux 21 J U DA Ï S M E 22 Juifs, car c'est d'eux qu'elle avait hérité la révélation de la parole de Dieu. Mais, paradoxe, le peuple dont elle avait reçu l'héritage était encore vivant et il continuait à espérer en l'avenir. Le judaïsme devint ainsi une sorte de contradiction vivante, mettant en cause la vérité universelle et exclusive que revendiquait l'Eglise. Ce fut la cause d'un long combat. Après avoir subi le martyre infligé par les Romains, le christianisme employa les mêmes méthodes et les mêmes pratiques tortionnaires vis-à –vis des Juifs. Dieu qui les avait réprouvés était désigné comme étant la cause des malheurs qui les accablaient ! Cependant malgré leur haine, l'Eglise et les nations durent se résoudre à ce que survive le peuple juif. Une série de règles hostiles furent alors établies pour isoler les Juifs des populations au milieu desquelles ils habitaient. On voulait donner l'impression qu'ils n'existaient pas, mais aussi les empêcher d'avoir la moindre influence religieuse sur leurs voisins chrétiens. Leur seule présence avait la valeur d'un témoignage. Tous les efforts des Juifs se tendirent alors vers un seul but : survivre en préservant l'héritage religieux. Il leur fallait à vivre dans le monde tout en assumant leur différence, ce qui nécessita de leur part une inébranlable volonté. Survivre en tant qu'individu, signifiait faire survivre la religion. Un vieil adage proclame qu'Israël doit son existence à la Tora, mais inversement la Tora ne vit ici-bas que par son peuple. Elle pourrait certes exister par elle-même dans le monde des idées, mais elle disparaîtrait de ce monde si Israël venait à disparaître. C'est pourquoi l'éducation de chaque Juif doit se faire dans ce sens. Son témoignage est un témoignage de non-conformisme et de dissidence par rapport à la société environnante et à l'Histoire. Son combat est toujours resté un combat de survie, individuelle et religieuse, un combat qui n'a jamais visé à conquérir le pouvoir, mais qui fut tout au long des siècles la manifestation d'une force indomptable face au nombre et à la puissance des nations. C'est pourquoi, sans perdre de vue la sanctification individuelle, mais dans un souci de préservation et de survie, les Juifs ont dû organiser la cohésion de chaque "sainte communauté" et en assurer la structure. Ainsi, aux obligations qu'implique la foi en Dieu et en l'homme, s'ajoutent des devoirs qui se fondent sur la nécessité de faire vivre la communauté et sur la solidarité qu'il faut lui témoigner, devoirs qui se traduisent par des actes concrets. Ces obligations et ces devoirs sont nombreux, ils concernent pour la plupart ce que l'on nomme à tort ou à raison les lois cérémonielles, c'est à dire les nombreuses règles régissant la casherout et le shabbat. L'essentiel de ces règles* est développé et expliqué dans le Talmud et le Shoulhan Aroukh. Elles ne sont pas de nature uniquement religieuse, et ne sont pas prescrites par les textes bibliques, mais elles contribuent à assurer une "haie protectrice autour de la Tora", et à travers cette haie, la protection et la sécurité de la communauté. Il ne faut pas perdre de vue que le respect d'une règle cérémonielle n'est jamais confondu avec une mitsvah ou bonne action. La mitsvah est essentiellement religieuse ou éthique. Or, la longue liste des péchés dont la communauté s'accuse et pour lesquels elle demande pardon dans la liturgie de Kippour, ne fait jamais état de manquements aux lois cérémonielles, mais uniquement aux transgressions de la loi morale. Seules ces dernières sont considérées comme des péchés. Et à l'époque messianique, c'est à dire lorsque le combat pacifique aura assuré la préservation du judaïsme, ces règles auront atteint la limite de leur validité et cesseront d'être appliquées. Cependant, si on se méprend, volontairement ou non, quant à la nature véritable de cette "haie protectrice", cela tient peut-être à une erreur de traduction du terme "Tora" qui signifie "enseignement" et que la Septante, (première traduction de la Bible en grec) a rendu par "Loi". Ce dernier terme peut parfois prêter à confusion en signifiant une obligation dont la liberté cherche à s'affran- le shofar chir. Or s'il est vrai que la Tora est une Loi, il est tout aussi vrai qu'elle est considérée par le judaïsme comme une loi libératrice que les Juifs acceptent avec joie. C'est si vrai qu'il sont allés jusqu'à instituer une fête qui célèbre avec des chants et des danses : "Simhat Tora", la Joie de la Tora. En effet, loin de limiter la liberté de l'homme, les lois religieuses tissent des liens d'amour entre Dieu et l'homme. C'est en toute liberté que nous répétons, tous les jours et à tout moment, la bénédiction "Béni sois-Tu, Eternel, Roi de l'univers qui nous a sanctifié par tes commandements et nous a ordonné de.....". Par ces bénédictions nous sanctifions le cours entier de notre vie. C'est ainsi que la communauté juive, persécutée et chassée de toute part à pu, grâce à sa fidélité à la Tora, devenir une communauté de penseurs, illustrant cette citation : "Il (le peuple d'Israël) trouve sa joie dans la doctrine de l'Eternel et réfléchit sur sa Tora jour et nuit." Dans le judaïsme la "Loi" a également une portée sociale. Tout acte de pitié, même envers l'inconnu prend un caractère personnel. L'étranger qui frappe à la porte pour obtenir quelque chose à manger, est le convive qu'il faut servir à table. La sollicitude qu'enseigne la Tora ne concerne pas seulement les vivants, mais également les défunts. Leur soin n'est pas confié à des entreprises commerciales, mais à la Hevra Kadisha ou "Société sainte" qui les prendra en charge avec un total désintéressement, puisqu'il n'y a aucune reconnaissance à attendre de leur part. La loi protège et réglemente aussi l'intimité familiale. Le mariage est une sanctification, un devoir moral que tout homme doit accomplir. Lorsque un homme et une femme sont unis pour la vie, ils introduisent dans leur foyer l'esprit de Dieu. La famille juive qui accueille avec joie la naissance des enfants et qui s'épanouit au rythme des fêtes religieuses a su, au cours des siècles, résister à toutes sortes de détresses et de persécutions. En résumé, la loi enseigne à être reconnaissant pour chaque heure de la vie, elle montre ce qui est remarquable dans le quotidien, elle nous apprend le contrôle de soi, la mesure, la sobriété ainsi que l'obéissance librement consentie au Créateur. La multiplicité de ses formes exprime la suprématie de la vie spirituelle et de la pensée sur à la vie matérielle. Chaque Juif sanctifie le Nom divin en faisant le bien, en s'écartant du mal, et en donnant ainsi au monde une image conforme à la Loi et à l'éthique. A contrario, on insiste sur le point suivant : la moindre injustice envers un membre d'une autre religion est bien plus grave que celle que l'on commettrait envers un autre Juif, car elle profane le Nom de Dieu et porte atteinte à la dignité du judaïsme. Le judaïsme, par sa seule existence au sein des nations, est une contradiction qui n'a jamais pu être réduite au silence. Dans l'Histoire universelle, il incarne l'idée que le droit a plus de valeur que l'opinion exprimée par les foules et que la vérité ne peut être asservie par la force. Il faut avoir du courage pour accepter d'être juif et pour ne pas se soumettre, car il n'existe pas une seule ignominie utilisée contre le judaïsme, pas un seul mensonge proféré contre les Juifs, où l'on n'ait voulu voir une vérité historique. L'appartenance au judaïsme implique une certaine façon d'être au monde, elle exige aussi une fidélité qui dépasse les intérêts personnels. *** Par règles cérémonielles, on n'entend nullement la prescription du Shabbat lui-même et l'interdiction de consommer certains aliments qui sont des commandements bibliques, mais par exemple parmi les règles concernant le Shabbat et élaborées par les Rabbins : l'interdiction d'allumer le feu, de porter de l'argent sur soi, de se déplacer au-delà d'une certaine distance, et parmi les règles concernant la cacherout, le fait de considérer que les vins fabriqués ou même les bouteilles ouvertes par des non-Juifs ne sont pas cachères. ■ 23 AG EN DA JUILLET 2009 - Tamouz 5769 Vendredi 3 juilet 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 4 juillet 2009 12 Tamouz 5769 – Hukat Balak 10h30 : Office Jeudi 9 juillet 2009 17 Tamouz 5769 Tsom Tamouz Vendredi 10 juillet 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 11 juillet 2009 19 Tamouz 5769 - PinHas 10h30 : Office 24 Vendredi 17 juillet 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 18 juillet 2009 26 Tamouz 5769 – Matot Masei 10h30 : Office Mercredi 22 juillet 2009 Roch Hodech Av Vendredi 24 juillet 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 25 juillet 2009 4 Av 5769 – Devarim – CHABBAT HAZON 10h30 : Office Jeudi 30 juillet 2009 9 Av 5769 – Ticha Be'Av Vendredi 31 juillet 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat AOÛT 2009 - Av 5769 Samedi 1er août 2009 11 Av 5769 - Va'etHanan – CHABBAT NACHAMU 10h30 : Office Vendredi 7 août 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 8 août 2009 18 Av 5769 – Ekev 10h30 : Office Vendredi 14 août 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 15 août 2009 25 Av 5769 – Re'eh 10h30 : Office Vendredi 21 août 2009 Roch Hodech Eloul 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 22 août 2009 2 Eloul 5769 – Choftim 10h30 : Office Vendredi 28 août 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 29 août 2009 Eloul 5769 – Ki Tetsé 10h30 : Office Dimanche 30 août 2009 Mariage de Elisabeth Drielsma et David Jacob le shofar SEPTEMBRE 2009 - Eloul 5769 Mercredi 2 septembre 2009 Dès 14h00 : Séance d'accueil de TALMIDI (voir annonce dans ce Shofar) Vendredi 4 septembre 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 5 septembre 2009 16 Eloul 5769 – Ki Tavo 10h30 : Office Bar Mitsva Antonin Vital Lundi 7 septembre 2009 20h00 à 21h30 : Préparation à une année renouvelée, avec Rabbi Chinsky Vendredi 11 septembre 2009 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 12 septembre 2009 23 Eloul 5769 – Nitsavim VayeleH 10h30 : Office Dimanche 13 septembre 2009 11h00 : Pèlerinage à Gan Hashalom Lundi 14 septembre 2009 20h00 à 21h30 : Préparation à une année renouvelée, avec Rabbi Chinsky 25 Un peu d’humour Une jeune journaliste de CNN avait entendu parler d'un très, très vieux juif qui se rendait deux fois par jour prier au Mur des lamentations, depuis toujours. Pensant tenir un sujet, elle se rend sur place et voit un très vieil homme marchant lentement vers le mur. Après trois quarts d'heure de prière et alors qu'il s'éloigne lentement, appuyé sur sa canne, elle s'approche pour l'interviewer. - Excusez-moi, monsieur, je suis Rebecca Smith de CNN. Quel est votre nom ? - Morris Fishbein, répond-t-il. - Depuis combien de temps venez-vous prier ici ? - Plus de 60 ans, répond-t-il. - 6 0 ans ! C'est incroyable ! Et pour quoi priez-vous ? - J e prie pour la paix entre les Chrétiens, les Juifs et les Musulmans. Je prie pour la fin de toutes les guerres et de la haine. Je prie pour que nos enfants grandissent en sécurité et deviennent des adultes responsables, qui aiment leur prochain. -E t que ressentez-vous après 60 ans de prières ? - J 'ai l'impression de parler à un mur. ■ J U DA Ï S M E 26 le shofar C O M M U N AU T É L’ étude à Beth Hillel en 5770 Par Rabbi Floriane Chinsky Comme nous l’affirmons dans notre office du matin, « Talmud Torah kénéguèd koulam », l’étude de la Torah équivaut à tous les commandements. L’étude est fondamentale, aujourd’hui, plus que jamais. pour nous, En effet, notre tradition se heurte, aujourd’hui, en Belgique, à de nombreux obstacles. Perte identitaire, perpétuation des blessures de la Choa, antisémitisme, antisionisme, ou tout simplement difficultés de nos vies, surmenage et manque de temps pour le volontariat, viennent porter atteinte à notre développement personnel et au développement du soutien communautaire. Aujourd’hui, nous avons besoin de toutes nos forces, et l’étude est un merveilleux moyen de se ressourcer. Grâce à l’étude, les personnes éloignées de notre tradition peuvent renouer. L’étude permet de se défaire des présupposés et des clichés qui en entachent notre tradition et de découvrir ou de redécouvrir sa beauté. Grâce à l’étude, les personnes rattachées de façon forte à notre synagogue gardent un lien toujours actif et dynamique à leur identité. Pour ceux qui pratiquent, l’étude permet de trouver un sens toujours renouvelé à leurs actes quotidiens. Pour ceux qui veulent pratiquer, l’étude ouvre la porte d’une pratique éclairée et pleine de sens. Pour ceux qui ne pratiquent pas, l’étude tisse un lien fort avec la tradition. L’étude juive ne consiste pas à s’asseoir devant un livre et à étudier. L’étude juive, c’est l’étude vivante de la Torah, Torah qui signifie « enseignement » et non pas loi ou connaissance. L’érudition est une valeur de notre peuple, mais l’étude « lichma », gratuite, pour le simple plaisir de l’étude vaut mieux encore. L’étude juive consiste à s’asseoir à deux en face d’un texte, à le lire, à le questionner, à le décortiquer, à le confronter à nos expériences et à nos sagesses personnelles, à s’ouvrir mutuellement l’esprit autant pour des découvertes intellectuelles que des découvertes de la vie. C’est la Hévrouta, le compagnonnage dans l’étude, le soutien mutuel dans la recherche de la compréhension du sens du texte et du sens de nos vies. Telle est l’étude que nous voulons vivre à Beth Hillel. Elle s’incarne de diverses façons depuis des années et continuera à se développer à l’avenir. Commençons par l’enseignement le plus pressant pour notre avenir : celui de Talmidi, qui prépare les enfants à leur vie d’adultes juifs et à la célébration de leur Bar ou Bat Mitsva. Josiane Goldschmidt en est la directrice. Nous travaillons, d’année en année à en améliorer chaque aspect. Cette année encore, nous comptons sur chacun pour faire passer le mot et permettre au maximum de jeunes de profiter d’un enseignement actuel d’une identité juive moderne, authentique et dynamique. 27 C O M M U N AU T É Depuis des années, le cours de midrach de Rabbi Dahan, un jeudi sur deux, interroge les textes de l’enseignement oral, présente les réflexions de nos maîtres dans leur aspects les plus actuels et les plus interpelants. 28 Le cours du lundi soir (20h-21h30), « Notre judaïsme, pensée et pratique » (JPP) a pour vocation de permettre une redécouverte des pratiques juives à la lumière de la pensée moderne et de nos expériences personnelles. L’an prochain, nous nous pencherons sur les grands classiques de la vie juive à partir de différents points de vue. Nous confronterons les opinions cœxistantes à propos de chaque pratique, nous réserverons un temps important à l’étude directe des textes traditionnelle dans un cadre de Hévrouta, nous consacrerons un moment à la « judaïca » la réalisation des objets dont nous avons besoin pour mettre en pratique nos enseignements. De cette façon, nous serons fidèles, cette année encore à notre double mission, renouer les identités écartelées par l’histoire et faire grandir celles qui sont prêtes à s’épanouir. Le cycle « Préparation à une année renouvelée » commencera en septembre, à l’horaire du cours JPP. Comme chaque année, notre but sera de nous replonger dans les belles prières des fêtes de Tichri, leurs textes, leurs mélodies et leur signification, pour en tirer un enseignement personnel, une lumière qui éclairera nos offices des fêtes ainsi que notre année. A ces enseignements classiques s’ajoute depuis peu une étude du chabbat matin, à 9h30, centrée sur les commentaires de Rachi à propos de la paracha qui sera lue à l’office. Cette étude sur texte permet d’aborder le texte de la Torah et ses « irrégularités » tant grammaticales que philosophiques, à travers et au-delà des questions et des réponses posées par le célèbre commentateur. L’hébreu est la base de la compréhension de nos textes, qu’il s’agisse des textes d’étude ou de l’hébreu des prières. Dans cette optique aura lieu chaque vendredi juste avant l’office, à 19h, un cours dédié à l’apprentissage de la lecture en hébreu et à la compréhension du vocabulaire de base des prières. Ce cycle, « Lilmod BéyaHad », aura un fonctionnement particulier fondé sur un système de volontariat. Tous mes encouragements et tous mes remerciements à ces volontaires, dont vous retrouverez l’appel dans ces pages. De nombreuses autres activités d’étude sont « dans l’incubateur » et verrons le jour, je l’espère, l’année prochaine. L’une d’entre elle est un groupe de discussion en hébreu facile, qui permettrait à nombre d’entre nous de conserver ou de développer l’usage de la langue hébraïque qui nous est si chère. Si vous souhaitez y participer je vous prie de prendre contact avec moi dès que possible. Tous ces projets auront le temps de s’enrichir pendant l’été, peut-être grâce à vos idées et à vos suggestions. ■ Envie de nous écrire ? de participer à la rédaction du Shofar ? N’hésitez pas et contactez nous ! le shofar LeV - Nouveau groupe d’étude à Beth Hillel Vous êtes intéressé(e) par la lecture et la compréhension des prières en hébreu ? Rejoignez le groupe LEV de Beth Hillel ! ! LeV, Lilmod BéyaHad, apprendre ensemble, est une méthode innovante mise au point par un groupe de volontaires avec Rabbi Chinsky. Un groupe d’étude et d’enseignement est en cours d’élaboration afin de développer, aider, enseigner la lecture et la compréhension des prières de nos offices et fêtes. Pour ce faire, nous avons mis au point un programme hebdomadaire de cinquante minutes qui se déroulera le vendredi à 19h, avant l’office de Kabalat Chabbat. La conférence inaugurale sera donnée par Rabbi Chinsky, chabat béréchit, le vendredi 16 octobre à 19h, sur le thème : L’alphabet et la langue hébraïque, une logique pleine de sens Les cours nous permettront : Une familiarisation avec l’hébreu et la lecture et une participation plus active aux offices. Une approche conviviale dans l’esprit du chabbat basée sur une participation exclusivement orale. Un suivi écrit par l’intermédiaire d’internet et de matériel pédagogique adapté. Une approche non dogmatique du sens des prières. Un apprentissage par l’enseignement et un encouragement à devenir enseignant pour aider les autres. Une participation symbolique aux frais, considérée comme contribution au fonctionnement de la synagogue sera demandée. Tous ceux qui veulent débuter ou améliorer leur lecture et leur compréhension de l’hébreu sont les bienvenus. Les cours débuteront le 13 Novembre. Au cours de cette première année académique, nous étudierons des textes liés aux thèmes suivants : 1) les BraHot, les bénédictions du chabbat à la maison (Kidouch, bénédiction des enfants, etc.) 2) le Chema 3) la Amida Le cours se divisera en : 20 minutes d’apprentissage de la lecture 20 minutes de repérage des mots clefs et traduction 10 minutes de réflexions sur le sens du texte Les objectifs du cours sont à la fois ambitieux, donc modestes : nous espérons améliorer la lecture par une approche pratique et vivante, en nous concentrant sur des textes courts et centraux dans la tradition. The course will be taught mainly in French. Nonetheless, English and Dutch speakers are warmly welcome and efforts will be made to ensure they follow classes without difficulties”. Inscrivez-vous auprès de Paco Bataller : [email protected] ou au 02 358 12 95 en soirée Au plaisir d’étudier ensemble, Chana Tova ! L’équipe LeV : ItsHak Azzarello Paco Bataller Rabbi Floriane Chinsky Hélène Minc Elisa Pataschnik Daliah Ruijtinx Michal Salomon Pieter Van Cauwenberge ■ 29 C O M M U N AU T É Carnet Naissances Bné Mitsva •Jonathan Ebstein est né le 4 mai 2009. A ses parents David et Silke ainsi qu'à ses grands parents Jacqueline et Philippe Ebstein, nous adressons notre plus chaleureux Mazal Tov ! •Le 5 septembre 2009 – chabbat Ki Tavo : Bar Mitsva de Antonin Vital •Liliane Hillman est née le 15 mai 2009. Chaleureux Mazal Tov aux heureux parents Iris et Andrew ! Mariage •Un grand Mazal Tov à Julia Mayer et David Rozental qui se sont mariés le 31 mai 2009. •Le 30 août 2009 sera célébré le mariage d'Elisabeth Drielsma et David Jacob. Un chaleureux Mazal Tov au jeune couple ! 30 Retenez dès à présent les dates des prochaines fêtes de Tichri Pèlerinage à Gan Hashalom : le dimanche 13 septembre à 11h00 Roch Hachana Erev Roch Hachana Roch Hachana I et II le vendredi 18 septembre 2009 le samedi 19 septembre 2009 le dimanche 20 septembre 2009 Yom Kippour le dimanche 27 septembre 2009 le lundi 28 septembre 2009 Kol Nidré Yom Kippour le shofar C O M M U N AU T É Pour vos cartes de vœux de Roch Hachana 5770 Commandez-les dès à présent ! Gan Binjamin les petits de TALMIDI vous propose une variété de cartes de toutes couleurs Au prix de 10.00 € le carnet de 4 cartes (enveloppes comprises) Il vous suffit de verser le montant correspondant à votre commande au compte C.B.C. 192-5133742-59, avec la mention "Cartes R.H. 5770" Vous pourrez les retirer au secrétariat dès la rentrée de septembre. 31 C O M M U N AU T É « La pensée n’a pas de frontières : là où le cœur la conduit, elle va » Chmouel Yossef Agnon Gan Binjamin Si tu as entre 5 et 8 ans Viens apprendre avec tes yeux, tes oreilles et tes mains. 32 Nous cheminerons de contes en jeux, d’histoires bibliques en récits traditionnels, de fêtes en bricolages, de préparations gourmandes en partages fraternels. De nos mains sortiront des trésors et de nos têtes un feu d’artifice de questions. Parents, offrez-leur ce cadeau qui les portera toute leur vie ! Laissez-les construire leur boîte à souvenirs. C O M M U N AU T É le shofar In memoriam Raf Sanua z''l par Rabbi Abraham Dahan Raf, l'ami, le frère de tant d'années, s'en est allé soudain, vite, trop vite… Il me semble bien que Raf est le premier de la seconde génération de Bâtisseurs de Beth Hillel à nous quitter. Comme un torrent les images du passé me sont revenues. Raf et Laura étaient venus me voir en 1973, avenue Albert. Je n'oublie pas ses questions, son intérêt pour la synagogue et la communauté qui ne s'est jamais démenti, son sourire, la fidélité à l'étude que Raf et Laura ont montré et, depuis, le lien profond et vrai qui s'est tissé entre nous. Puis, vint le mariage et les enfants et, depuis 35 ans, malgré la distance, les problèmes de nos vies, le lien avec la synagogue est resté fort. C'était d'ailleurs plus qu'un lieu, une présence remarquable, un intérêt, une participation à tous les projets, comme une émotion que nous partagions tous dans notre volonté de construire Beth Hillel. Raf était heureux de voir notre synagogue se maintenir et se développer. Il était toujours là avec nous, au Conseil d'administration, pour la préparation des fêtes, le partage des tâches, dévoué et prêt à prendre sa part. Je me souviens des infinies discussions, des soirées, des réunions difficiles pour le "Projet". Raf était là, l'imagination toujours en travail pour organiser, structurer; comment oublier ses fameux organigrammes, les diapositives…, qui sera responsable de quoi, comment trouver l'argent, comment éviter les gaspillages, plans et re-plans…? Comment oublier les questions de Raf, pointues, pensées, mais tatillonnes et passionnées? Quand il avait un conviction, impossible de l'en faire démordre. Et quand on croyait en avoir fini, il y revenait d'une autre manière… C'est vrai que, parfois, il nous sortait les tripes par son côté pointilleux, mais c'était par amour et son attachement à Beth Hillel était tel que cela nous faisait dépasser la fatigue. Il était très préoccupé par Gan Hashalom, notre petit cimetière qui, hélas, se remplit, les changements de législation, l'acquisition éventuelle d'une nouvelle parcelle. Il s'était attaché à la rédaction d'un fascicule pour informer la communauté sur Gan Hashalom. Il avait prévu une réunion pour le lundi 4 mai à 17h00 et, le même jour, c'est Gan Hashalom qui le recueille… A sa femme Laura, à ses enfants Valérie et Olivia, je veux redire, au nom de toute notre communauté, notre plus profonde sympathie et notre affection. Puisse son amour du Judaïsme, son souci, son espoir, son rêve de voir notre communauté se maintenir et se développer s'éclairer en vous. Nos vies? Elles sont "comme une ombre fugitive". Ce qui en reste ici-bas, c'est le sens qu'on y a apporté pour éclairer, ouvrir nos vies audelà d'elles-mêmes, travailler à ce qui humanise. C'est cela la foi de notre vieux peuple, et Raf l'avait ! Il a rempli son contrat. ■ 33 C O M M U N AU T É « Laissez-moi vous présenter… » Par Rabbi Floriane Chinsky Introduction Comme nous aimons l’enseigner, une synagogue, c’est avant tout un minian, un groupe de juifs décidés à faire vivre ensemble leur tradition. Beth Hillel rassemble de nombreux membres, qui gagnent tous à être connus. A travers leur histoire, c’est l’histoire du judaïsme belge, son passé et son avenir qui se racontent. Je suis certaine de me reconnaître dans chacun de ces témoignages, et ce sera peut-être également votre cas… 34 Pour ce numéro, exceptionnellement, il m’a semblé important de mettre face à face deux témoignages qui à mes yeux se répondent. Le premier est celui de notre amie Hélène Minc, volontaire active à Beth Hillel et membre de longue date. Il se présente sous forme d’interview. Le second est celui d’Emmanuel De Smackers, devenu récemment membre de notre synagogue. Il dédie une lettre publique à sa grand-mère, Sarah Poznanski, décédée le 24 mars dernier à l’âge de 85 ans, enterrée à Dilbeek auprès du grand-père d'Emmanuel, Georg Berke, parti en 1993. Laissez-moi vous présenter… Hélène Minc (Descamps) Chalom Hélène, voulez-vous vous présenter ? Je m’appelle Hélène Descamps. C’est le nom que j’ai porté pendant la guerre, qui m’a per- mis d’aller à l’école alors que j’étais cachée chez ma marraine. Mon vrai nom est Hélène Minc. C’est celui de ma maman, partie dans le 34ème convoi de Drancy qui est arrivé à Auschwitz la veille de Kipour 1942. Elle-même est morte en déportation. Aujourd’hui, j’ai fait toutes les démarches pour m’appeler de nouveau de mon nom de naissance. Depuis combien de temps êtes-vous à Beth Hillel, et comment y êtes vous arrivée ? La toute première fois, je suis venue à Beth Hillel lorsque la synagogue était avenue Albert, il y a 31 ans, à l’occasion d’une Bar Mitsva. Une amie de ma maman venait régulièrement d’Israël et m’emmenait à Beth Hillel lors de ses visites. Comment vous y sentiez vous ? Je me sentais bien à la synagogue, comme si je retrouvais un lieu déjà connu. J’étais étonnée car je ne m’imaginais pas qu’une grande salle à manger pouvait tenir lieu de synagogue. La synagogue était très différente des églises où on m’avait emmenée enfant. L’ambiance me semblait chaleureuse et les gens proches les uns des autres. Que signifie être juive pour vous aujourd’hui ? Je me sens profondément juive. Pouvoir vivre ce sentiment, c’est pour moi renouer avec mon identité. J’ai été coupée de mes racines juives depuis la déportation de ma mère, alors que j’avais quatre ans et demi. Après la guerre, je le shofar dépendais de ma tante qui m’écartait de toute possibilité de renouer avec mon identité et même avec ma famille. Je suis reconnaissante envers ma marraine et, aujourd’hui encore, je ne veux pas la critiquer car elle m’a sauvé la vie. Jeune adulte, je me suis mariée. J’ai alors échappé à son emprise et j’ai pu revoir ma famille. Je conservais cependant la crainte de lui faire du mal en m’éloignant de son enseignement. De plus, les préoccupations de la vie et le manque de bases pour renouer ne m’ont pas facilité la tâche. J’ai le sentiment de m’être toujours conduite en juive, même lorsque, petite, j’étais obligée d’accompagner ma marraine à l’église. J’aimais l’église pour l’aspect communautaire et pour la spiritualité, mais je sentais que quelque chose ne me correspondait pas. Le résultat de mon rapprochement de la synagogue, et le recul des années, m’ont permis de comprendre ce qui ne me convenait pas alors. Il est vrai que je posais beaucoup de questions concernant certaines croyances et on me répondait que je devais croire car c’était ainsi. J’ai parfois aussi bénéficié de compréhension et de soutien, puisque la jeune religieuse qui était ma maîtresse en première primaire nous racontait l’Ancien Testament en faisant des dessins sans aucune allusion critique au judaïsme. Cette approche respectueuse m’a permis de rêver que peut-être devenir catholique n’était pas une trahison au judaïsme. En effet, je savais que Jésus lui-même était juif, et un bon juif. Lui être fidèle me semblait acceptable. Je pensais que lui-même était un juif devenu catholique et qu’il n’était pas si grave pour moi de faire de même. Cela me réconfortait. Vous rapprocher du judaïsme a-t-il été difficile ? Oui, parce qu’il a fallu d’abord que je prenne du recul vis-à-vis du catholicisme. Je n’avais personne pour me guider, et j’ai dû chercher seule ma voie. Je me suis intéressée à différentes religions, y compris au bouddhisme. J’ai alors réalisé qu’il y avait des croyances communes, mais aussi que seul le judaïsme me convenait. Ce choix n’était pas seulement intellectuel et j’aurais certainement eu besoin de concrétiser mon renouement par une immersion dans un mikvé. J’ai donc commencé à chercher ce qu’était le judaïsme. J’ai acheté des livres. L’hébreu était un obstacle, mais j’avais cette amie de ma mère qui venait d’Israël une fois par an. Elle m’ouvrait les portes du judaïsme et de la synagogue, elle me considérait comme juive et cela me faisait du bien. Mes sentiments étaient clairs, mais concrétiser n’était pas facile pour une mère de quatre enfants. En 1994, des années après, je me suis inscrite au cours d’hébreu du CCLJ. Puis, je suis venue à Beth Hillel, avenue de Kersbeek, et j’y ai retrouvé une connaissance qui est devenue une amie. Avec elle, j’ai suivi les cours d’initiation au judaïsme donnés par Rabbi Dahan, et j’ai voulu venir de temps en temps le chabbat, surtout le vendredi soir. Entre le travail, les enfants et les trajets de Schaerbeek, ce n’était pas facile. Où en êtes-vous maintenant ? J’ai pris ma retraite, je me suis rapprochée de la synagogue, j’ai eu l’opportunité d’habiter à un endroit plus accessible. J’ai senti le désir de m’impliquer davantage à la synagogue. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que je dois absolument en savoir plus. Je ne veux plus être spectatrice, je veux savoir. Je me sens parfois dépassée, car le judaïsme est tellement vaste qu’il y a toujours plus de choses à découvrir. Chaque fois que j’étudie, j’ai l’impression que c’est nouveau pour moi. Je ne me laisse pas arrêter par l’immensité de la tâche, il faut bien qu’il y ait un début… Je commence tard, mais qu’y faire ? Je ne saurai pas tout, mais j’aurai appris ce que je pouvais… 35 C O M M U N AU T É J’aime voir que les enfants de douze ans peuvent prendre conscience qu’ils sont juifs, qu’ils n’ont pas peur de l’affirmer. Je me sens bien, même si parfois je sais que je n’ai pas eu leur chance. Participer à leur bar ou bat mitsva, c’est pour moi un cadeau de la vie. 36 Un message pour les jeunes ? Le judaïsme est une chance qu’il faut saisir. Aujourd’hui je ne me sens pas différente des autres, je me sens parmi tous, ensemble, dans le milieu qui correspond à ce que mon âme ressent. Quand j’étais enfant, j’ai toujours aimé les prières, ce qui était religieux, mais c’est dans une synagogue que je me sens chez moi. J’aime prier Dieu, c’est un plaisir, un épanouissement. Je suis de plus en plus heureuse d’avoir retrouvé la religion de mes grands-parents, de toute ma famille. Pour moi Beth Hillel est aussi une famille. En quoi la synagogue Beth Hillel est-elle spéciale pour vous ? Beth Hillel est pour moi une synagogue ouverte sur la société et la culture moderne. J’aime les moments où nous partageons un même élan. Je sais que cet élan existe également parfois dans des synagogues orthodoxes et je respecte le choix de ceux qui y prient. Il y a à Beth Hillel des gens très impliqués, chacun à sa façon, pleins de savoir, de cœur et d’élan. En tant que femme, cette implication passe par une synagogue où je peux monter à la téva, où je peux porter un tallit et dire les prières. Où peut-on vous trouver à Beth Hillel ? J’aime me rendre utile et je suis souvent présente avant le début des offices du chabbat et dans les moments d’étude. J’invite tous ceux qui le souhaitent à partager l'élan de la communauté et à s’impliquer à nos côtés. Comment un égaré revient au judaïsme, Lettre à ma défunte grand-mère, Par Emmanuel De Smackers Chère Sarah, chère grand-mère, Tu sais combien j’ai grandi dans l’ignorance de notre mémoire, comme la plupart des membres de la famille. Car, en tant que rescapée de la Seconde Guerre mondiale, tu as été happée par la nouvelle vie à reconstruire qui s’offrait à toi. Nous sommes ainsi des « Egarés » de la nouvelle génération, pour paraphraser Maïmonide. Et pourtant, depuis ta disparition, une chose étrange se passe chaque jour. Je me rapproche à nouveau de la culture et l’histoire de tes parents, de nos ancêtres communs. J’ai repris contact avec Beth Hillel et je relis quelques ouvrages anciens et modernes pour m’y retrouver. J’ai été à l’office pendant les vacances de printemps et j’ai célébré à nouveau Pessah. Ce rapprochement a commencé peu avant ton enterrement. Ta fille aînée m’a demandé de me renseigner auprès des communautés juives de Bruxelles. Elle craignait que le minian ne puisse être atteint ou que ton seul fils ne soit en mesure de lire le Kaddish des endeuillés. Ainsi ai-je découvert que la communauté libérale comptait également les filles du défunt dans le minian et que le rabbin officiant était une femme. Une nouvelle qui a commencé à me réconcilier, moi qui ne supporte plus le machisme, même symbolique, des religions. Au lendemain de l’inhumation, je suis venu à l’office du samedi matin. Au sortir de la synagogue, j'ai erré seul dans la ville. Mes pas m’ont conduit dans une librairie accueillante. A la vitrine, un grand livre en promotion. Son titre m’a parlé : « Résistances juives à l’anéantissement » . le shofar J’ai acheté ce livre. Il retrace de façon fort sérieuse et documentée tous les actes de résistance et de sauvegarde systématique des Juifs contre les nazis. En lisant l’ouvrage, j’ai pu me faire une idée de ta survie pendant ces années d’effroi. Comment tu as pu troquer ta carte d’identité, échapper aux rafles, subvenir à tes besoins. Pendant ce long Shabbat de tristesse, de réflexions et de lectures, je me suis interrogé (ou l’On m’a soufflé le questionnement). « Je suis en train de m’ouvrir lentement aux rites juifs qui jalonnent le deuil, puis la vie nous reprend, n’est-ce pas aussi se donner les moyens de contrer cet anéantissement qui menace, comme toi tu l’as pu? » Je me suis même demandé si tes parents, deux de tes frères et toi-même n’allaient pas ainsi revivre. La Shoah nous a affectés sans nous détruire, nous le devinons et le sentons tous les jours. Car tu as vécu miraculeusement jusqu’à 85 ans et il m’arrive d’entonner le refrain de « Sim Shalom » en sentant la présence de nos chers disparus. Se sentir Juif, c’est donc pouvoir combattre le néant. Je cherche encore sagesse et culture dans Les Livres, nos Livres, temples du Temps. Et nous ne mourrons plus. Je t’embrasse de tout mon cœur, Ton petit-fils Emmanuel 37 J U DA Ï S M E TALMIDI Préparation Bar/Bat Mitsva Beth Hillel Tu as dix ans, l’indépendance n’est pas loin. Pendant deux ans, viens approfondir ton identité juive et faire partie de notre communauté. C’est à la portée de tous, C’est une expérience inoubliable. Tu as douze ans ou plus? Notre programme formation t’est ouvert. 38 Parents, grands parents, Offrez cette expérience unique à vos enfants. Ouvrez-leur la porte de la communauté et de la responsabilité. Séance d’acceuil de Talmidi Mercredi 2 septembre 2009 Information personnalisée des parents, Rencontre familiale avec Rabbi Chinsky, Définition du programme individuel, Rencontre avec les enseignants, Constitution des groupes. 14h00: Nouveaux inscrits 15h30: Deuxième année 16h30: Bné Mitsva de l’année le shofar C O M M U N AU T É Hommage au Cardinal Godfried Danneels Le dimanche 14 juin dernier, la communauté juive de Belgique rendait un hommage et exprimait sa reconnaissance au Cardinal Danneels. Cette cérémonie, tout à fait justifiée, est à l'initiative de la Communauté Israélite de Bruxelles (rue de la Régence) et, plus particulièrement de son président, Monsieur Philippe Markiewicz. Qu'ils en soient ici remerciés. A la veille du départ à la retraite de Monseigneur Godfried Danneels, il était nécessaire de reconnaître publiquement les qualités d'ouverture et d'humanisme de cet homme de bien. Avant même qu'il soit fait cardinal, alors qu'il était évêque d'Anvers, il avait déjà pris à plusieurs reprises des initiatives en faveur du dialogue avec la communauté juive et contre toute forme d'antisémitisme. Ce n'est pas le lieu, ici, de retracer tout le chemin que Monseigneur Danneels a par- Par Philippe Lewkowicz Président exécutif couru de concert avec la communauté juive, mais je citerai simplement l'événement majeur qu'a été son engagement ferme et militant en faveur du déplacement du Carmel d'Auschwitz. Lors de la cérémonie de dimanche dernier, les discours de Philippe Markiewicz, président de la C.I.B., Julien Klener, président du Consistoire et du Grand Rabbin Albert Guigui ont tous, et chacun à sa manière, exprimé l'hommage vibrant que la communauté se devait de lui rendre. La réponse du Cardinal Danneels, aussi modeste que l'est l'homme, montre si tant est besoin, que "l'habit ne fait pas le moine". Son discours était empreint d'amitié, de respect et de reconnaissance. Merci Monsieur le Cardinal ! Je terminerai en disant le petit regret qu'a suscité l'absence de nombreux membres du yichouv. Pour un tel hommage, la salle aurait dû être comble. ■ Désirez-vous recevoir notre lettre electronique hebdomadaire ? Abonnez-vous gratuitement au E-shofar ! Faites-nous connaître votre adresse e-mail à l’adresse suivante : [email protected] ou via notre site www.beth-hillel.org 39 LI B R E O PI N I O N Durban II ? Une mauvaise soupe par E.Wolf D'aucuns ont voulu nous présenter les résultats de Durban II comme moins mauvais que ceux de Durban I. En réalité, c'est un leurre. Si les mots ont changé, le fond reste le même : les vilains racistes, ce sont les Israéliens. On l'a simplement dit autrement. Et on a profité de l'occasion pour mettre les abus de l'Islam a l'abri de toute critique. 40 Après les ignominies antisémites entendues à Durban I, aller à Durban II était une erreur politique majeure car cela donnait une respectabilité à quelque chose de méprisable. Dès le début de la conférence, le ton a été donné par le discours d'Ahmadinejad dont on oublie souvent que, même si les Européens sont sortis, il n'en a pas moins été applaudi par une majorité des personnes présentes. Et, en particulier, par les représentants des pays musulmans. Dans les conclusions, on condamne certes l'antisémitisme (du bout des lèvres) mais aussi l'anti-arabisme et l'islamophobie. Et c'est là que le bât blesse. On mélange une appartenance ethnique et une appartenance religieuse. Or l'une est innée et donc involontaire, tandis que l'autre relève d'un choix personnel. C'est toute la différence entre l'être et le faire. De plus, la conception d'islamophobie est particulièrement large. Elle implique toute critique de l'Islam. Donc, par exemple, du statut des femmes dans cette religion. Ou de celui des pratiquants d'autres religions dans les pays musulmans. Plus vicieusement, cela permet au Hamas islamiste, par exemple, de parler d'islamophobie quand Israël répond à ses attaques. Autre élément important : la conception d'islamophobie ne tient pas compte du fait que, pour l'Islam, le pouvoir religieux doit toujours avoir la priorité sur le pouvoir politique. Ce qui implique le rejet de toute forme de démocratie. On voit immédiatement les dangereux amalgames qui deviennent possibles : toute critique politique d'un régime islamiste devient un acte islamophobe et donc raciste. Ce qui revient à brider considérablement la liberté d'expression. Quant aux pays européens qui jouent de toute évidence de plus en plus la carte du communautarisme, ils n'ont pas l'air de réaliser qu'ils sapent lentement mais sûrement les fondements de la démocratie qui repose, en principe, sur la primauté du pouvoir politique élu par le peuple. En clair, les islamistes et les antisémites ont à nouveau marqué des points à Durban II qui est une nouvelle défaite des démocraties. ■ le shofar Dernière minute Par Monique Ebstein Les élections pour le Parlement européen ont eu lieu dans une très grande indifférence. La moyenne de l'abstention en Europe a été de plus de 40%, en France elle a atteint 59% et dans certains pays nouveaux adhérents elle a frisé les 70-80% ! ! ! Quel gâchis ! Il y a presque 65 ans, notre continent sortait d'une guerre qui l'avait cruellement déchiré et ensanglanté. Dans un des pays les plus civilisés du monde, celui que l'on nomme "das Land der Dichter und Denker", (le pays des poètes et des penseurs), un régime criminel avait perpétré le génocide le plus abominable que l'on puisse concevoir. Les deux plus grands pays de l'Europe, la France et l'Allemagne semblaient être à tout jamais des ennemis irréconciliables. Mais voilà que tout de suite après la fin de ce drame innommable, un incroyable miracle se produisit. Quelques hommes1 (les cabalistes ne diraient-ils pas que ce furent des anges ?) arrivèrent à réaliser ce à quoi d'autres n'eussent même pas osé penser : ils soudèrent le destin de la France et de l'Allemagne par un traité2 qui les condamnait à vivre en paix. Après 65 ans cette paix n'a jamais été rompue et le "couple" franco-allemand cimente à présent une Union Européenne qui de 6 pays fondateurs3 est passée à 27 pays membres. L'Utopie est devenue réalité ! Mais les Européens n'en ont cure. Ils ne se souviennent pas, ils n'enseignent pas à leurs enfants, ni aux enfants de leurs enfants quelle boue ensanglantée a été le sol de leurs pays respectifs avant cette extraordinaire "Union Européenne". Aujourd'hui lorsque l'on parle 1 2 3 d'elle, le peuple ricane : c'est à cause des Eurocrates, si éloignés de la réalité locale, que tout va si mal. Erreur, fatale erreur....... Regardons un peu plus loin, une terre qui nous concerne et qui nous est chère : Israéliens et Palestiniens sont aujourd'hui des ennemis aussi irréductibles que l'étaient autrefois les Allemands et les Français. A écouter les principaux concernés, la réconciliation est un mirage, l'horizon de la paix recule tous les jours un peu plus. Et pourtant, il y a quelques jours, un homme a osé parler à tous les camps ennemis. Il leur a parlé de respect, de droit et de justice, d'égalité dans la dignité, de reconnaissance mutuelle aussi. Ses paroles ont été fortes et justes. Elles paraissaient si naturelles que l'on pouvait se prendre à penser : Mais pourquoi personne ne les a-t-il prononcées auparavant ? Pourquoi cultiver la haine et le mépris, parler d'axe du mal et jeter l'anathème sur une partie du monde ? Ce qu'il dit semble si simple à vouloir ! Et si grâce à ces paroles enfin traduites en actes, nos enfants, eux aussi, pouvaient enfin connaître, dans 60 ans le couple israélo-palestinien ? Toute œuvre de Paix procède du Bien. L'Europe où nous avons le bonheur de vivre, où tant d'opprimés cherchent refuge, est malgré toutes ses lenteurs, ses imperfections, ses hésitations, ses erreurs aussi, le plus magnifique engendrement du 20ème siècle. Elle est un modèle d'avenir pour d'autres parties du monde. Mais, pour s'épanouir et pour grandir, elle dépend, comme toute démocratie, du sens du devoir, de la conscience et du civisme de ses citoyens. Jean Monnet, Robert Schumann, Konrad Adenauer, Alcido de Gasperi Traité de Rome : 25 mars 1957 La Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Italie 41 LI B R E O PI N I O N 42 LI B R E O PI N I O N le shofar Lu pour vous Par Monique Ebstein Mémoires inachevés Yitzkhok Laybush Peretz Traduit du Yiddish par Nathan Weinstock, Didier Devillez Ed.Institut d'Etudes du Judaïsme Dans mon ignorance, j'ai longtemps cru que la littérature yiddish était surtout représentée par les frères Israël et Isaac Singer. Il est vrai que ce sont sans doute eux dont l'oeuvre est la plus accessible parce qu'elle est en grande partie traduite en français et en anglais. De plus, l'oeuvre d'Isaac B. Singer a été couronnée du Prix Nobel de Littérature ! A présent, Nathan Weinstock vient de traduire les "Mémoires inachevés" de Yitzkhok Laybush Peretz (1852-1915). Il nous permet ainsi de découvrir un auteur moins connu que les Singer, mais considéré avec Mendelè Mokher Sforim et Sholem Aleykhem, comme étant l'un des pères fondateurs de la littérature yiddish moderne. Pour ma part, après avoir entamé la lecture de ce livre, je ne l'ai lâché qu'après le point final. Jamais je n'ai lu des "Mémoires" à ce point jaillissantes de vie, des Mémoires où l'auteur reconstitue avec autant de tendresse, d'espièglerie, de critique sévère aussi, le monde de son enfance, un monde qu'il porte encore en lui au seuil de la vieillesse et qui, au moment où il le décrit, est déjà en voie de disparition. La mort n'a pas permis à Peretz d'achever son récit qui se termine avec le premier mariage de l'auteur. Dans son excellente présentation, Nathan Weinstock situe Peretz dans l'espace, sa ville natale de Zamoshtsh en Pologne, et dans le temps, la 2ème moitié du 19ème siècle. Contrairement à ce que beaucoup semblent croire, Peretz ne fut ni yiddishiste, ni militant socialiste, ni adepte du hassidisme. Pourtant par son oeuvre littéraire, il a permis au yiddish de devenir une langue à part entière, il a su décrire avec beaucoup de réalisme la pauvreté du shtetl et il a contribué à faire connaître les affrontements très durs qui opposèrent souvent les partisans de la Haskala à ceux du hassidisme du Baal Shem Tov. Enfant, il était captivé par la Toyré (Tora) et la Gemorè (Guemara) dont il assimile des pages et des pages sans aucune difficulté, et si les adultes sont d'accord pour dire qu'il a un cerveau prodigieux, ils le sont également pour déclarer qu'il est complètement meshuge (fou). Sans doute ce jugement était-il dû à la fantaisie débridée du petit garçon, fantaisie qui se retrouve intacte, cinquante ans plus tard, chez le conteur. C'est ainsi qu'il nous informe très clairement que ses portraits sont subjectifs: "Je ne cherche pas à dépeindre les personnes, me bornant à rapporter ici le reflet que j'en conserve dans ma mémoire. Et ces reflets correspondent rarement à la réalité.....Ainsi, il se pourrait que j'aie retenu d'une femme blonde l'impression d'un visage auréolé de noir – parce que son souvenir évoque pour moi des idées noires......" Cela ouvre une galerie de personnages hauts en couleur, tel Fayvl Geliebter. 43 LI B R E O PI N I O N 44 le shofar LI B R E O PI N I O N "Homme paré de toutes les vertus "Ah! Ah! Mais quel homme vertueux, un savant pour ainsi dire !", mais un mécréant pur sang. On n'aurait pas parié deux sous sur ses chances d'accéder à l'Au-delà !". Ou encore le vieux Rabbin Wahl qu'il dépeint avec tendresse: "Au physique, un petit Juif adorable à la barbe argentée. Avec des yeux qui étaient réellement pareils à ceux d'une colombe et adorant les enfants. Il lui suffisait de se montrer – dans la rue, à la besmedresh (beth ha midrach), qu'importe – pour se trouver entouré aussitôt d'une nuée de jeunes ! Et alors, sa tête émergeait à peine du troupeau, tel un petit coq dont la crête dépasserait légèrement celle de ses congénères. Mais lorsqu'il récitait la prière du Kol Nidré à la Shul, .....on écoutait dans un silence absolu sa voix qui se répandait dans les coins les plus reculés du bâtiment...." J'aimerais citer encore de nombreux passages à la fois drôles et lucides, mais la place me fait défaut; je ne puis que convier tous ceux qui liront ces lignes à se plonger dans ce livre profondément émouvant qui ressuscite si bien un monde qui n'est plus. Un grand merci à son traducteur, Nathan Weinstock. Un petit bémol cependant. Le texte aurait eu tout à gagner d'une meilleure relecture qui aurait permis d'éliminer de très nombreuses incorrections. Nous souhaitons à ce livre un succès tel qu'un deuxième tirage s'avère bientôt nécessaire, et qu'à cette occasion l'éditeur procède à un véritable toilettage. Le chef d'oeuvre que sont ces "Mémoires inachevés", pourra alors se présenter dans une forme digne de son fond. Je voudrais également mentionner deux des rares oeuvres de Peretz traduites en français: Métamorphose d'une mélodie Contes et récits Traduit du Yiddish par J. Gottfarstein Albin Michem "Présences du Judaïsme" ainsi que: Les Oubliés du shtetl Yiddishland Traduit du Yiddish par Nathan et Micheline Weinstock Plon "Terre Humaine" Ces œuvres feront l'objet d'un prochain "Lu pour vous" Si vous désirez recevoir notre Newsletter, envoyez votre adresse e-mail sur [email protected] avec, comme communication : Abonnement Newsletter. 45 Informat i ons ut i l es VIE COMMUNAUTAIRE OFFICES DE CHABBAT Vendredi à 20h et samedi à 10h30 ■ Talmud tora et preparation a la bar/bat mitsva Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier. ■ Cours adultes et cercles d’etude Contactez Rabbi Abraham Dahan ou Rabbi Floriane Chinsky ■ Yiskor Si vous voulez être tenus au courant des dates de Yiskor pour des membres de votre famille, contactez Giny ( 02.332.25.28 SOCIÉTÉ D’INHUMATION A.S.B.L. GAN HASHALOM En cas de nécessité, téléphonez aux numéros suivants : Le jour A Beth Hillel ( 02.332.25.28 Le soir Rabbi Floriane Chinsky ( 0485.428.490 Rabbi Abraham Dahan ( 02.374.94.80 ou 0495.268.260 Si vous désirez souscrire à Gan Hashalom, téléphonez à Willy Pomeranc Le jour ( 02.522.10.24 • Le soir ( 02.374.13.76 Gan Hashalom est réservé aux membres de la CILB en règle de cotisation et ayant adhéré à la société d’Inhumation