EMSE : Axe Processus Naturels 23/07/13 p. 2
Fig.2
: Antonio Snider-Pellegrini, un Américain émigré en France, fut l'un des
tout premiers géologues à exposer dans un traité, publié en 1858, l'idée d'une
dérive des continents illustrée par les canes ci-contre. Il prétendait, contrairement
à la thèse soutenue plus tard, que les terres qui bordent l'Atlantique avaient été
brutalement séparées par un cataclysme causé par le déluge de la Bible.
Le XIX° SIECLE : des OBSERVATIONS en AVANCE sur les CONCEPTS
La charnière du XIX° siècle est marquée dès 1805 par W. Humboldt. Il connaît très bien l'Afrique lorsqu'il
aborde l'Amérique Latine, ce qui lui permet de corréler les chaînes de montagnes tronquées par l'Atlantique avec leurs
homologues africaines. En plus de ces identités géographiques, il constate des similitudes géologiques frappantes entre ces
chaînes (brésilienne et congolaise par exemple), et entre les bassins (Amazone et Guinée). Il va plus loin encore et étend ce
principe de puzzle en pièces détachées à l'Amérique du Nord et l'Europe. La conclusion est alors évidente: l'Atlantique n'est
qu'une vallée, remplie par le déluge. Comme J.Hutton, J.B. Lamarck considère que rien n'est impossible au temps. Il lui
vient une curieuse idée pour expliquer à la fois le déplacement des continents et la présence de fossiles marins sur ceux-ci.
En s'appuyant sur les courants marins, il imagine une érosion des continents sur une de leurs façades maritimes et une
sédimentation à l'opposé, ce qui aurait pour effet d'engendrer une migration apparente des continents. La période 1830-
1850 est marquée par le développement des théories continuistes de C. Lyell. Il considérait comme Hutton que tout était le
fruit d'un processus naturel encore à l'œuvre. Il ne croyait pas aux déplacements latéraux des continents de Lamark. Vers
1850, J.D. Dana émit l'hypothèse que la Terre, originellement en fusion, se refroidissait en subissant une contraction à la
manière d'une pomme qui se ride en séchant. Les bourrelets montagneux à la surface du globe correspondaient à ces rides.
Les océans représentaient dans sa théorie des zones de contraction plus récente et donc plus profondes, les continents étant
alors figés. Les fortes contraintes engendrées aux limites océan-continent seraient responsables des montagnes jeunes
(Andes par ex). Cette théorie aura la vie dure. Pourtant dès 1858, dans "La Création et ses mystères dévoilés", Snider-
Pelegrini s'oppose à la théorie de la contraction de Dana. Il est d'accord avec lui pour une Terre en fusion au début de son
histoire, mais il réfute la contraction: pour Snider-Pelegrini, si les continents s'emboîtent, c'est qu'à une période ils n'ont
formé qu'une seule masse; ensuite ils se sont déplacés. A l'appui de sa théorie, il avait même retracé des cartes du globe
(fig. 2). Il est regrettable que ce trait de génie ait été discrédité par l'explication (enfin démodée) qu'il donnait du
déplacement ultérieur des continents, le déluge, mais aussi par l'influence grandissante des théories de Lyell et de Dana. En
1855, G. Airy réinterprète les observations de Bouguer et Everest. Il suggère d'une part que, compte tenu de leur hauteur,
les montagnes représentent un excédent de poids important et qu'elles doivent donc avoir des racines importantes, et il
suggère d'autre part qu'étant constituées de granite (matériel de densité faible), les montagnes flottaient comme des icebergs
sur la couche basaltique plus dense du manteau. "On peut supposer que la croûte flotte en équilibre". L’isostasie était née
avant l'heure. Cette notion de soulèvement progressif fut reprise vers 1870 par J.W. Powell pour expliquer le tracé sinueux
du Colorado malgré son enfoncement dans le Grand
Canyon. Le nom d' "isostasie" ainsi que la formalisation du
concept d'équilibre de la croûte en terme de gravité datent
de 1899 et sont dus à C. Dutton. En 1879, G.H. Darwin (ne
pas confondre avec Charles Darwin auteur de "De
l'origine des espèces par voie de sélection naturelle" 1859)
publia l'hypothèse selon laquelle la lune aurait été arrachée
à la Terre en des temps très reculés de l'histoire de la Terre.
L'océan pacifique en serait la cicatrice. Pour O. Fisher, qui
considère en 1881 dans "Physics of the Earth's crust" que
l'intérieur de la Terre pourrait être relativement fluide et
animé de courants de convection ascendants sous les océans
et descendants sous les continents, l'arrachement de la lune
aurait provoqué un déplacement latéral et une
fragmentation de la croûte granitique refroidie. Cette
théorie aussi restera un serpent de mer dont la gorge ne sera
tranchée que durant les années 1960: le dragage et le
carottage du fond océanique pacifique révéla qu'il n'y avait
pas de roches plus vieilles que 200 Ma environ, alors que
l'analyse des échantillons prélevés sur la lune en 1969
montra que celle-ci était née en effet il y a près de 4 Ga.
La charnière XIX° XX° SIECLE, ELASTICITE - RIGIDITE du MANTEAU
A la charnière du XX° siècle, la géophysique se développe rapidement. De 1841 à 1844, Milne avait montré
qu'un ébranlement se propage par des ondes sphériques. En 1897, Oldham distingue deux types d'ondes: les ondes "P" ou
primaires, et les ondes "S" ou secondes, qui se révélèrent être de cisaillement. Le fait qu'elles soient transmises sauf dans le
noyau imposa l'idée d'une croûte rigide et d'un noyau liquide (Oldham en 1906). Les grandes discontinuités de la Terre sont
mises en évidence par A. Mohorovicic entre croûte et manteau en 1909 et par B. Gutenberg entre manteau et noyau. Les
géologues Américains et Anglais considèrent alors que puisque le manteau et la croûte transmettent les ondes de
cisaillement, ils doivent être très rigides. Au contraire les géophysiciens Allemands adoptent généralement des conceptions
mobilistes voisines de celles de Fisher, mais leurs idées sont peu répandues (barrière linguistique). Elles sont cependant