Billet de l’investisseur Regard sur les marchés financiers
Taux dintérêt négatifs : et ensuite ?
La Banque nationale suisse recourt à des mesures non conventionnelles et espère réduire l’at-
trait des investissements en francs suisses en appliquant des taux dintérêt négatifs. À l’instar
du Libor à trois mois, le rendement des obligations de la Confédération jusquà dix ans est par-
fois passé dans la zone négative. Si elles absorbent les taux négatifs, les banques commerciales
subissent en outre une diminution de leurs marges bénéficiaires dans les opérations d’intérêts.
Comment se présente l’avenir pour les clients bancaires et pour l’économie dans son ensemble ?
27 avril 2015
à trois mois, désormais comprise entre –1,25 % et –0,25 % ;
cette mesure non conventionnelle vise à réduire lattrait des
placements en francs suisses an datténuer la pression à la
hausse sur le franc suisse et de protéger léconomie suisse.
Rendement négatif aussi pour les obligations d’Etat
Outre les taux de dépôt négatifs, le rendement de certains
emprunts d’Etat européens est également passé en territoire
négatif. Du côté des obligations de la Confédération, même
les emprunts à dix ans ont été partiellement touchés (voir les
La BNS introduit des taux d’intérêt négatifs
Le 18 décembre 2014, la Banque nationale suisse (BNS) an-
nonçait, à la surprise générale, qu’elle prélèverait un intérêt de
0,25 % sur les avoirs en comptes de virement dès le 22 janvier
2015. Cet intérêt négatif a ensuite été porté à –0,75 % dans le
sillage de labandon du cours plancher entre leuro et le franc
suisse, le 15 janvier 2015. Les banques commerciales helvé-
tiques paient ainsi 0,75 % sur les dépôts à vue qui dépassent
le vingtuple du montant de réserve minimale exigé par la loi.
La BNS a également adapté la marge de uctuation du Libor
graphiques 1 et 2). Les investisseurs étrangers semblent miser
sur une tendance à la hausse du franc suisse sur le long terme
car, dans ce cas, les rendements seraient tout de même positifs
pour eux dans leur monnaie nationale. Les rendements néga-
tifs des emprunts d’État allemands et français dénotent cepen-
dant une certaine pénurie de placements. Pour ne pas sexpo-
ser à la volatilité du marché en ces temps de crise de leuro, les
investisseurs s’accommodent même de pertes. De leur côté,
les caisses de pensions et les assureurs sont contraints, par le
biais de règlements et de statuts, de détenir des placements à
taux xe. La demande de placements rs demeure soutenue
en pit de rendements nominaux négatifs. Grâce à la déa-
tion actuelle, il est au moins possible, à court terme, de réali-
ser des rendements réels positifs.
Les intérêts négatifs ne sont pas sans danger
Certes, les taux d’intérêt négatifs peuvent stimuler une écono-
mie, mais ils ne sont pas pour autant sans danger. Fondamen-
talement, des taux négatifs ont pour effet de déposséder les
épargnants et les investisseurs d’une partie de leur bien et de
sanctionner les politiques commerciales timorées. Ils incitent
à investir dans des placements plus risqués, avec le danger de
voir se créer une bulle des actifs. Comme les emprunteurs sont
payés, le taux d’endettement devrait augmenter. A cela s’ajoute
le fait que les intérêts négatifs entraînent une pénurie de pla-
cements, tant et si bien que les systèmes de prévoyance suisses,
liés à des quotes-parts précises pour certaines classes dactifs,
sont mis sous forte pression. Si les banques commerciales ab-
sorbent lintérêt négatif sur des placements auprès de la BNS
et ne le répercutent pas sur les épargnants, leur rentabilité sen
ressent. L’un des cœurs de métier des banques consiste à servir
d’interdiaire entre les crédits à long terme et les placements
des clients à court terme ; c’est ce quon appelle l’interdia-
tion nancière. Or, lorsque les intérêts sont bas, la demande
d’hypothèques à taux xe de longue durée augmente : les
échéances posent de plus en plus de problèmes, et le risque de
pertes en cas de remontée des taux saggrave. La hausse des
frais de couverture des taux en résultant entraîne une dimi-
nution des marges bénéciaires sur les opérations d’intérêts,
ce qui représente une lourde charge pour les banques suisses.
Pour ces raisons, les banques commerciales ont récemment
relevé les taux hypothécaires à long terme, de sorte que les
assurances font actuellement partie des prestataires les plus in-
ressants sur le marché des hypothèques. Si l’on renonce aux
intérêts négatifs, cest-à-dire que l’on maintient le taux d’in-
rêt proche de zéro pour les clients privés, les dépôts à vue
auprès des banques à forte solvabilité seront plus attrayants
parce quils seront assortis, à taux égal, d’une sécurité accrue.
Pour ces établissements, le taux dintérêt négatif entraîne une
charge supplémentaire. En outre, il leur est de plus en plus
difcile d’émettre des obligations étant donné que le rende-
ment de ces emprunts « rs » est comparativement peu inté-
ressant. La stabilité du secteur nancier est en jeu. Si, malg
tout, les banques commerciales répercutent les taux négatifs
sur les clients privés, on risque une ruée sur les banques et
une thésaurisation avec, pour corollaire, un ralentissement de
linvestissement et de la consommation. En Suisse, les coffres
bancaires et les billets de 1000 francs connaissent déjà un en-
gouement croissant, quand bien même les taxes appliquées aux
coffres ont un effet analogue à celui de linrêt négatif.
–0.8%
–0.6%
–0.4%
–0.2%
0.0%
0.2%
0.4%
0.6%
0.8%
1.0%
963 87542
1.2%
10
Graphique 2 : évolution de la courbe de taux suisse
Sources : Thomson Datastream, Zürcher Kantonalbank
0.0%
0.5%
1.0%
1.5%
2.0%
742 86531
2.5%
9 01
–0.5%
–1.0%
Graphique 1 : comparaison internationale des courbes
de taux
Sources : Thomson Datastream, Zürcher Kantonalbank
Suisse
Aujourd’hui
Allemagne
Il y a 6 mois
France
Il y a 1 an
États-Unis Royaume-Uni
Le présent document a une pure valeur informative. Il ne s’adresse expressément pas à des personnes dont la nationalité ou le domicile interdit l’accès à de telles informations en raison de
la législation en vigueur. Il ne constitue ni une offre, ni une recommandation d’achat ou de vente de placements, et n’est pas une incitation à procéder à d’autres transactions. Ce document
a été rédigé par la Banque cantonale de Zurich (ZKB) avec le plus grand soin, en toute conscience et honnêteté. La ZKB ne donne cependant aucune garantie quant au caractère correct et
complet des informations y gurant, et décline toute responsabilité pour des pertes qui pourraient résulter de l’utilisation de ces informations.
Franchir la limite de l’intérêt zéro
Largent numéraire a un rendement nominal de 0 % ; le taux
applicable aux dépôts est donc en théorie égal à zéro. Si les
intérêts négatifs devaient étendre leur portée, il faudrait ré-
échir à la possibilité de franchir cette limite. En réalité, la
thésaurisation saccompagne de certains frais tels que la taxe
sur les coffres et le risque de vol. La population devrait donc
saccommoder d’un intérêt légèrement négatif. Seulement, si
les taux négatifs excèdent les coûts de la solution de rechange
(thésaurisation), il faudrait prendre d’autres mesures écono-
miques pour éviter la re sur les banques, comme lintroduc-
tion de taxes sur les billets de banque, voire l’abolition pure et
simple de la monnaie. Dans un monde exclusivement nu-
rique, le franchissement de la frontière du taux d’intérêt zéro
ne représente en effet pas vraiment un problème. Si largent
comptant était peu attrayant ou supprimé, les investisseurs
accepteraient des placements à rendement plus bas ou même
légèrement négatif, puisque la perte ne serait pas plus impor-
tante que s’ils ne faisaient rien (la thésaurisation étant sanc-
tionnée par un intérêt négatif). La BNS pourrait ainsi égale-
ment imposer sa politique monétaire dans un environnement
de taux d’inrêt négatifs à long terme. On peut toutefois dou-
ter que la population soit prête pour ce changement : largent
virtuel suscite plus de ance que le numéraire physique,
il contraint à une dépendance aux systèmes informatiques et
rend chaque transaction traçable. Il faudrait en outre procé-
der à des adaptations légales consirables étant donné que,
contrairement à l’argent comptant, les montants en dépôt ne
sont pas un moyen de paiement inscrit dans la loi.
Effet des intérêts négatifs sur l’économie réelle
On ne peut quantier avec certitude l’inuence quauront les
taux d’intérêt négatifs sur léconomie réelle en Suisse. Consi-
dérée isolément, leur introduction produit certes un effet po-
sitif sur la croissance économique à court terme, puisque la
consommation et les investissements augmentent du fait du
manque dattrait de lépargne. La construction et lindustrie
protent de la faiblesse des intérêts sur les capitaux emprun-
s, tandis que le commerce de détail augmente son chiffre
d’affaires grâce à la reprise de la consommation. À long terme,
cependant, les taux négatifs auront à notre avis des répercus-
sions défavorables sur la croissance économique, le change-
ment de la structure d’incitation risquant de susciter une allo-
cation inappropriée du capital. Concrètement, ils doivent être
considérés dans leur contexte et, notamment en Suisse, dans
leur interaction avec le taux de change. On se demande donc
comment léconomie suisse absorbera le double choc créé
par les taux dintérêt négatifs et l’abolition du cours plancher
EUR/CHF.
La Suisse pourra éviter la récession
Depuis le 15 janvier 2015, le franc suisse sest clairement dé-
précié face à toutes les devises importantes. Par rapport au
dollar US, il est même revenu au niveau d’avant labolition
du cours plancher (graphique 3). Cette tendance est proba-
blement imputable surtout aux taux dintérêt négatifs. Il nen
reste pas moins que lappréciation du franc suisse par rapport
à leuro (près de 12 %) pénalise lourdement l’industrie expor-
tatrice et le tourisme et quelle pourrait freiner la croissance.
Pour le secteur suisse des exportations, l’élasticité des prix
est inférieure à celle de la demande, et un renchérissement
de 10 % pose moins de problèmes qu’un recul équivalent de
la demande. Laugmentation de la demande en Europe et aux
États-Unis pourrait donc atténuer un peu le choc de la hausse
des prix. Cest pourquoi nous pensons que la récession sera
évitée et que le produit intérieur brut réel 2015 sera de 0,5 %
supérieur à celui de l’année précédente. Nous tablons aussi
sur une évolution latérale du cours EUR/CHF dans lannée,
même si le franc, pondéré par le commerce extérieur, se dé-
préciera encore face à la force du dollar. Il est probable que la
BNS maintienne les taux négatifs encore longtemps, un autre
abaissement des taux d’intérêt ne pouvant par ailleurs être ex-
clu. Les acteurs du marché semblent partager cet avis, à en
0.80
0.85
0.90
0.95
1.00
1.05
1.10
1.15
1.20
1.25
02/15 01/15 03/15
Graphique 3 : répercussion de la décision de la BNS
Sources : Thomson Datastream, Zürcher Kantonalbank
taux de change
USD/CHF
taux de change
EUR/CHF
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BANQUES UNIVERSELLES
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2009 2010 2011 2012 2013 2014
www.bekb.ch
Banque Cantonale Bernoise SA / Berner Kantonalbank AG
croire les futures sur le Libor à trois mois, qui seront dans la
zone négative jusquà 2020.
Pour les investisseurs ayant une certaine propension au risque,
cela signi e quen ce moment ils ne peuvent éviter le place-
ment en actions. Dans le contexte actuel, ils ont en outre la
possibilité de concentrer leurs placements sur les facteurs de
production comme le capital humain, le capital physique et
le sol.
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