L`échelle d`évaluation du risque suicidaire RSD possède-t

738 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 738-45, cahier 1
PSYCHOPATHOLOGIE
L’échelle d’évaluation du risque suicidaire RSD possède-t-elle
une valeur prédictive ?
J.L. DUCHER (1), J.L. TERRA (2)
(1) Clinique de l’Auzon, 63670 la Roche Blanche.
(2) CHS Le Vinatier, 95, boulevard Pinel, 69500 Bron.
Travail reçu le 3 novembre 2003 et accepté le 24 février 2005.
Tirés à part : J.L. Ducher (à l’adresse ci-dessus).
Is the suicidal risk assessment scale RSD of predictive value ?
Summary. Introduction. A part (60 % to 70 %) of those who are going to act out their suicide consult a doctor the month
before. Studies have shown the need to improve the practitioner’s capacity to diagnose depression. The assessment of
the suicidal risk is crucial. The search for suicidal risk factors helps to define the populations at risk. However, it doesn’t
provide information concerning the possibility of acting out in the short term. And how does one react when faced with
those who do not present any of the risk factors ? Psychometric instruments attempt to help the therapist in his/her reaso-
ning. Suicidal risk assessment. Among them, the suicidal risk assessment scale RSD should be mentioned. Its objective
is to estimate the seriousness of the suicidal risk, with 11 levels. It is built around a possible will to commit suicide rather
than a single assessment of the frequency of suicidal ideas. Its construction in hierarchical order permits the progressive
assessment of the suicidal risk, in the form of a semi-structured interview. Hence, the suicidal risk assessment scale
RSD looks for the existence of death wishes (levels 1-2), of suicide ideations and its frequency (levels 3-4-5), and of a
passive desire to die (level 6). Level 7 shows the onset of a decision making process, except that the patient is still inhibited
by various important factors in his/her life. More often, the fear of inflicting immense suffering to his/her loved ones or for
religious beliefs, is found. From level 8, determination has made way to hesitation. An active death wish exists, and although
the plan remains undefined, the act is decided on. At level 9 the methods of application are developed and a plan is
established. The ultimate level exists when there is a start in the preparation of the act of suicide (level 10). This hierarchical
order has been confirmed by some epidemiological studies. Method. The inclusion of the suicidal risk assessment scale
RSD in a double-blind, placebo-controlled study, which tested the efficacy of fluvoxamine in reducing the risk of recurrence
of depression over 18 months, appears of particular interest. In this multicentre study, patients of both sexes were included,
aged between 18 and 70 years, presenting a major depressive episode with a MADRS equal to a minimum of 25, and
having had a minimum of two episodes of major depression within the last five years. Results. The resulting analysis
carried out on 103 patients showed a satisfactory concurrent validity between the suicidal risk assessment scale RSD
and the items « suicide » of the MADRS (
ρ
= 0.79 ; p = 0.0001) and the Hamilton Depression Scale (
ρ
= 0.70 ; p = 0.0001),
and fairly satisfactory concurrent validity with the depression degree assessed by the MADRS overall score (
ρ
= 0.40; p
= 0.0001). The short-term follow-up under treatment revealed enhanced sensitivity of the RSD versus the MADRS. The
improvement in suicidal risk, assessed by the RSD, was faster than the improvement in depression, which is interesting
from a clinical point of view. The medium-term follow-up tested the predictive validity of RSD and confirmed a greater
level of suicidal risk from a score of 7 on the RSD, with the death by suicide of 2 subjects among the 15 who exhibited
a score between 7 and 10 on the RSD on inclusion. On the other hand, no acting out, no attempted suicides, and no
suicides were noted in the group of 88 subjects whose RSD was lower or equal to 6 on inclusion (p = 0.02 using Fisher’s
exact test). Conclusion. Thus, the RSD appears of interest, from a clinical point of view, by providing a diagnostic, or a
scientific approach.
Key words : Assessment ; Attempted suicide ; Predictive validity ; Scale ; Suicidal risk ; Suicide.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 738-45, cahier 1 L’échelle d’évaluation du risque suicidaire RSD possède-t-elle une valeur prédictive ?
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Résumé. La recherche de facteurs de risque suicidaire per-
met de définir des populations à risque. Elle ne donne pas
au clinicien d’informations sur l’éventualité imminente d’un
passage à l’acte. Des instruments psychométriques cher-
chent à aider le thérapeute dans cette démarche. Parmi ceux-
ci, on peut citer l’échelle d’évaluation du risque suicidaire
RSD. Son inclusion dans une étude de prévention des réci-
dives dépressives à long terme montre une validité concou-
rante satisfaisante de la RSD avec les items « suicide » de
la MADRS (
ρ
= 0,79 ; p = 0,0001) et de l’échelle Hamilton-
dépression (
ρ
= 0,70 ; p = 0,0001) et moins satisfaisante avec
le degré de dépression évalué par le score global de la
MADRS (
ρ
= 0,40 ; p = 0,0001). Le suivi à court terme sous
traitement démontre la sensibilité de la RSD qui s’améliore
plus rapidement que la MADRS. Ceci pose certaines ques-
tions par rapport à l’augmentation du risque suicidaire décrite
dans la littérature pour certains antidépresseurs. Le suivi à
moyen terme permet de tester la validité prédictive de la RSD.
Il confirme un niveau de risque suicidaire aggravé à partir d’un
score de 7, avec le décès par suicide de 2 patients parmi les
15 qui avaient lors de leur inclusion un score entre 7 et 10 à
la RSD. En revanche, aucun suicide, ni aucune tentative de
passage à l’acte n’ont été à déplorer, sur les 18 mois de suivi,
dans le groupe témoin des 88 patients pour lesquels la RSD
était inférieure ou égale à 6 à J0 (p = 0,02 au test exact de
Fisher).
Mots clés : Échelle ; Évaluation ; Risque suicidaire ; Suicide ; Ten-
tative de suicide ; Validité prédictive.
INTRODUCTION
Le risque suicidaire peut-il être évalué ? Certains
auteurs pensent que seule la reconnaissance de facteurs
de risque suicidaire demeure possible. Mais celle-ci ne
permet pas de répondre à la question de l’éventualité d’un
passage à l’acte, à un moment précis, chez une personne
donnée, ayant ou non des facteurs de risque. D’où la
nécessité de développer des moyens d’aide au
diagnostic permettant de faciliter une telle approche.
L’inclusion de l’échelle d’évaluation du risque suicidaire
RSD (5) dans une étude de prévention des récidives
dépressives a permis d’étudier sa validité prédictive, ainsi
que sa validité concourante face à la MADRS.
DÉPRESSION ET RISQUE SUICIDAIRE
La conférence de consensus sur la crise suicidaire (6)
rappelle que 60 à 70 % des suicidants ont consulté un
médecin généraliste dans le mois précédant leur passage
à l’acte, 36 % dans la semaine avant, et que la mise en
place d’un programme spécifique sur l’île de Gotland
(Suède) a permis de diminuer le taux de suicide de 60 %
en deux ans. Aussi recommande-t-elle la mise en place
d’une expérience de formation sur ce modèle.
Mais si l’amélioration du dépistage et de la prise en charge
de la dépression est nécessaire, est-elle suffisante ?
Une enquête réalisée en France (13), auprès de
2 502 médecins généralistes et 667 psychiatres de ville,
portant sur leur dernier patient ayant fait un passage à
l’acte, montre que sur un an, les psychiatres se sont retrou-
vés confrontés en moyenne à plus de 4 tentatives de sui-
cide et les médecins généralistes à 2,63. Seuls 11 % des
omnipraticiens et 5 % des psychiatres ne signalent pas de
passage à l’acte suicidaire dans leur clientèle durant cette
période. À l’inverse d’une idée souvent émise, lors du pas-
sage à l’acte, la relation entre le thérapeute et le patient
existe depuis longtemps : en moyenne 3 ans et demi pour
le spécialiste et près de 6 ans pour le médecin généraliste.
Tous les deux ont été consultés par leurs patients
durant le mois précédant dans 70 % des cas environ, voire
80 % lorsque le patient va décéder et est suivi par un spé-
cialiste.
Dans près de 82 % des cas pour le généraliste et de
77 % pour le spécialiste, les praticiens estiment que la
consultation qui précède l’acte est en rapport direct avec
un état dépressif.
Ainsi, 8 fois sur 10, le diagnostic de dépression est
posé. En revanche, les intentions suicidaires de ces
patients qui ne vont pas tarder à passer à l’acte ne sont
repérées que dans 6 % des cas par le médecin généraliste
et 11,8 % par le psychiatre.
Cela montre bien l’intérêt d’améliorer la capacité des
médecins à porter le diagnostic de dépression, mais plus
encore celle d’apprécier le risque suicidaire. Certains
cependant appréhendent de renforcer le risque de pas-
sage à l’acte en abordant ces questions. La conférence
de consensus citée plus haut insiste sur la nécessité de
ne pas hésiter à questionner les patients sur leurs idées
de suicide : « cette attitude, loin de renforcer le risque sui-
cidaire, ne peut que favoriser l’expression des troubles,
si l’entretien est fait dans un climat de confiance, avec tact
et sans émettre de jugement de valeur, en sorte que le
patient se sente reconnu dans sa souffrance ».
FACTEURS DE RISQUE SUICIDAIRE
Le problème majeur qui se pose au clinicien convaincu
de la nécessité de rechercher et d’évaluer le risque suici-
daire d’un patient devient alors de savoir comment le faire.
Le plus souvent, il n’a pas été formé à cette démarche. Il
peut rechercher les facteurs de risque suicidaire classi-
ques maintes fois cités. La conférence de consensus sur
le risque suicidaire propose de rechercher :
les facteurs de risque dits primaires : présence de
troubles psychiatriques (leur association, même lorsqu’ils
sont subliminaires, augmente le risque), antécédents per-
sonnels ou familiaux de suicide, communication d’une
intention suicidaire, impulsivité (elle représente un trait qui
facilite le passage à l’acte) ;
les facteurs secondaires : pertes parentales préco-
ces, isolement social, chômage, difficultés financières et
professionnelles, événements de vie négatifs qui peuvent
être des facteurs prédisposants ou précipitants ;
les facteurs tertiaires : sexe, âge, période de vulné-
rabilité.
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À l’inverse, on peut également rechercher la présence
de facteurs de protection comme le support social…
Cette démarche permet de renforcer la vigilance du thé-
rapeute face à un patient appartenant à une population à
risque.
DÉTERMINATION DE PLUSIEURS NIVEAUX
D’URGENCE SUICIDAIRE
Afin de mettre en place la prise en charge la plus adap-
tée, la question fondamentale reste toujours celle du ris-
que actuel, que des facteurs de risque soient repérables
ou non. Pour cela, la conférence de consensus a défini
plusieurs niveaux d’urgence :
faible : présence entre autres éléments, d’idées de
suicide, mais sans scénario suicidaire précis ;
moyen : envisage clairement le suicide et un scéna-
rio suicidaire, mais son exécution est reportée ;
élevé : la planification et le passage à l’acte sont pré-
vus à court terme.
Elle rappelle par exemple que chez l’adolescent le ris-
que de passage à l’acte est « évalué à 1 % en l’absence
d’idées suicidaires, à 14 % en cas d’idées occasionnelles
et à 41 % en cas d’idées fréquentes ». Ainsi se trouve con-
firmée la notion que le risque suicidaire est lié à l’intensité
des idées suicidaires.
Cependant, le rapport de la conférence de consensus
continue ainsi : « la sévérité de ces idées de suicide n’est
que faiblement corrélée avec le risque suicidaire ». Autre-
ment dit, même si l’intensité des idées suicidaires joue un
rôle dans la propension au passage à l’acte, celui-ci reste
limité. « Elles donnent lieu à un plan pour la réalisation
d’une tentative chez environ un tiers des sujets. Parmi
ceux-ci, 70 % feront un passage à l’acte, alors que seu-
lement 25 % de ceux qui n’ont pas de plan en feront ». Le
fait d’avoir imaginé l’acte renforce donc le risque de sa réa-
lisation. Ainsi, on voit que la simple appréciation quanti-
tative des idéations suicidaires ne peut être suffisante pour
apprécier le risque de passage à l’acte.
PRÉSENTATION DE L’ÉCHELLE D’ÉVALUATION
DU RISQUE SUICIDAIRE RSD
La hiérarchisation du risque suicidaire énoncée par la
conférence de consensus correspond à la structuration de
l’échelle d’évaluation du risque suicidaire RSD (5)
(tableau I). Sa particularité tient à sa démarche qui s’inté-
resse plus à la volonté du patient d’en finir avec la vie, donc
à son risque de passage à l’acte, qu’à une simple quan-
tification de ses idéations suicidaires.
Elle comprend 11 items hiérarchisés recherchant l’exis-
tence d’idées de mort (degrés 1-2), de suicide avec leur
fréquence (degrés 3-5), d’un désir de mourir d’abord passif
(degré 6), puis actif, mais encore retenu par un lien à la vie.
Le degré 7 semble occuper en clinique une place cen-
trale, car il ne traduit plus seulement le simple fait de penser
au suicide, mais bien l’apparition d’un processus décision-
nel concernant un éventuel passage à l’acte du patient,
retardé pour l’instant par une rationalisation faisant appel
aux éléments les plus importants de sa vie. Le plus sou-
vent, on retrouvera la peur de faire souffrir ses proches ou
le réconfort qu’ils lui apportent. Ce peut être aussi une
croyance religieuse… Cliniquement, ce degré peut être
dédoublé en deux niveaux (7a et 7b) en fonction de la qua-
lité du lien. Un conflit grandissant avec l’entourage par
exemple risque de favoriser le passage au niveau 7b.
À partir du degré 8, l’hésitation a fait place à la déter-
mination. Une volonté active de mourir existe, l’acte est
décidé, mais le projet non encore défini. Au degré 9, les
modalités d’application sont élaborées avec la construc-
tion d’un plan. Le niveau ultime existe dès qu’il y a au moins
un début de préparation du passage à l’acte (degré 10).
La construction de la RSD sur un mode hiérarchisé peut
permettre une évaluation progressive du risque suicidaire
sous la forme d’un entretien semi-structuré. Son mode de
lecture direct et immédiat, avec cotation seulement de
l’item le plus fort, autorise une passation dans un temps
court. Ceci représente souvent un impératif majeur dans
un service d’urgence ou simplement dans le cadre d’une
consultation médicale.
Diverses études ont montré entre autres résultats que
l’échelle d’évaluation du risque suicidaire RSD a une vali-
dité concourante satisfaisante avec l’échelle de désespoir
de Beck (2, 5), l’échelle d’idéation suicidaire de Beck (7),
moins avec l’échelle d’Hamilton-dépression (5, 7), le ques-
tionnaire des pensées automatiques d’Hollon et Kendall
(3), et peu satisfaisante avec l’échelle d’attitudes dysfonc-
tionnelles de Weissman et Beck (4).
TABLEAU I. — Échelle d’évaluation du risque suicidaire
de Ducher, RSD (coter l’item le plus fort).
0Pas d’idées de mort Ne pense pas plus à la mort
qu’habituellement
1Pense plus à la mort
qu’habituellement
2Idées de mort Pense souvent à la mort
3A quelques idées de
suicide
4Idées de suicide A assez souvent des idées
de suicide
5Pense très souvent au
suicide et parfois ne
voudrait plus exister
6Désir passif de mourir Désire mourir ou plutôt être
mort
7Désir de mort très fort, mais
retenu par quelque chose
(être cher…)
8Volonté active de mourir Veut mettre fin à ses jours
9Sait comment il veut mettre
fin à ses jours
10 Début de passage à l’acte A déjà préparé son suicide
ou a commencé de passer
a l’acte
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 738-45, cahier 1 L’échelle d’évaluation du risque suicidaire RSD possède-t-elle une valeur prédictive ?
741
ÉTUDE DE LA FLUVOXAMINE DANS LA PRÉVENTION
DES RÉCIDIVES DÉPRESSIVES
La validation d’un instrument psychométrique obéit à
des règles précises. Cependant, dans le cadre de l’éva-
luation du risque suicidaire, la démarche se trouve com-
pliquée par l’impossibilité d’un point de vue éthique de
rester sans agir face à un patient considéré en réel
danger.
Dans cette optique, l’introduction de la RSD dans une
étude de prévention des récidives dépressives paraissait
tout à fait intéressante. Il s’agissait d’une étude multicen-
trique (15) s’adressant à des patients des deux sexes,
âgés entre 18 et 70 ans, présentant un épisode dépressif
majeur modéré ou sévère, sans symptômes psychoti-
ques, avec un score d’inclusion minimal égal au moins à
25 à la MADRS. Seuls pouvaient être inclus des patients
ayant présenté au moins deux épisodes de dépression
majeure dans les cinq dernières années, séparés par un
intervalle asymptomatique d’un minimum de 6 mois.
Le but de cette étude était le suivi pendant un an, en
double aveugle, sous fluvoxamine ou placebo, de patients
répondeurs à l’issu de 6 semaines de traitement en ouvert
par fluvoxamine lors d’une récidive dépressive, qui avaient
maintenu leur réponse pendant une phase de consolida-
tion de 18 semaines, afin de comparer le taux de récur-
rence et le délai de rechute.
Le schéma original de cette étude se développe ainsi
en trois phases (figure 1) :
phase I : phase de traitement par fluvoxamine entre
100 et 300 mg (durée 6 semaines) ;
phase II : phase de consolidation avec exclusion des
non-répondeurs et maintien sous traitement actif des
répondeurs (de J42 à 6 mois) ;
phase III : phase de prévention avec un bras placebo
et un bras sous traitement actif par fluvoxamine à la poso-
logie de 100 mg (de 6 à 18 mois).
N’entraient donc dans la phase de consolidation que
les patients répondeurs qui restaient sous traitement actif
jusqu’à la fin des 6 mois, avant de passer dans la phase
de prévention des récidives dépressives soit sous fluvoxa-
mine, soit sous placebo.
OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
L’objectif principal de cette étude était la comparaison
des taux de récurrence dépressive entre la population de
patients sous traitement actif et celle sous placebo, résul-
tats déjà publiés par ailleurs (15).
Elle permet également d’étudier la validité concourante
de la RSD avec les items « suicide » de la MADRS et de
l’échelle Hamilton-dépression, et avec le degré de dépres-
sion évalué par le score global de la MADRS, avant mise
sous traitement.
Des données récentes suggèrent que certains antidé-
presseurs augmenteraient l’incidence des idées suicidai-
res ainsi que des gestes auto-agressifs, au moins chez
certaines populations. Ceci pose la question de savoir si
tous les antidépresseurs sont égaux face au risque suici-
daire. Il s’agit là d’un enjeu de santé publique majeur.
Cette étude a été réalisée chez des patients présentant
un trouble dépressif particulièrement sévère, avec plu-
sieurs EDM sur les cinq dernières années et un score
d’inclusion d’au moins 25 à la MADRS. Le suivi à court
terme chez cette population à risque important permet de
comparer l’évolution sous traitement du risque suicidaire
et de l’humeur dépressive, évalués respectivement par la
RSD et la MADRS.
De plus, cette étude de prévention des récidives
dépressives sur 18 mois réalise un suivi à long terme de
ces patients. Il devient donc possible de tester la validité
prédictive de la RSD et de vérifier l’existence d’un seuil
de risque suicidaire aggravé à partir du niveau 7.
MÉTHODOLOGIE
Sujets
L’analyse des données a porté sur 103 patients, inclus
par 20 centres, dans le cadre d’une étude en double aveu-
gle, contrôlée contre placebo, de prévention des récidives
dépressives par fluvoxamine.
Procédure
L’intensité de l’état dépressif a été appréciée par le
score total de la MADRS à chaque visite, c’est-à-dire à
J0, J7, J14, J28, J42, puis tous les mois jusqu’à M18. En
raison de ce suivi régulier, mais espacé et à long terme,
aucune indication ou contre-indication d’un quelconque
suivi psychothérapeutique n’était donnée.
L’échelle d’évaluation du risque suicidaire était passée
à J0, J7, J14, J42, de même que l’échelle de dépression
d’Hamilton, à l’exception de J7.
FIG. 1. — Schéma de l’étude de la fluvoxamine dans la
prévention des récidives dépressives.
SCHÉMA DE L’ÉTUDE
Non-répondeurs
Répondeurs
FLUVOXAMINE
100-300 mg
PHASE I
Traitement
PHASE II
Consolidation
PHASE III
Prévention
FLUVOXAMINE
100-300 mg
FLUVOXAMINE
100 mg
Placebo
J0 J42 M6 M18
J.L. Ducher, J.L. Terra L’Encéphale, 2006 ; 32 : 738-45, cahier 1
742
L’évolution sous traitement du risque suicidaire et de
l’humeur dépressive a été appréciée par le pourcentage
d’amélioration des scores à la RSD et à la MADRS entre
J0 et J42.
La validité prédictive de la RSD a été testée en com-
parant sur toute la durée de l’étude le nombre de passage
à l’acte entre un groupe pouvant être considéré « à risque
aggravé » et un groupe témoin. La détermination de ces
deux groupes s’est faite par rapport au niveau 7, car la
présence d’idées de suicide, voire d’un désir passif de
mort semble moins préoccupante que l’existence d’une
volonté déterminée de mettre fin à ses jours, même si
celle-ci reste encore retenue. Cette hypothèse a d’ailleurs
été confirmée lors d’une étude antérieure (7).
Le premier groupe comprend donc les patients dont le
score à l’inclusion reste entre 0 et 6, pour lesquels le risque
apparaît moindre. Il représentera le groupe témoin. Le
deuxième inclut les patients à risque suicidaire supposé
majoré qui s’inscrivent dans un processus décisionnel
actif face à la volonté de mourir, avec un score à la RSD
entre 7 et 10 avant la mise sous traitement.
Analyses statistiques
La validité concourante entre la RSD et le score total
de la MADRS, entre la RSD et les items « suicide » de la
MADRS (item 10) et de l’échelle de dépression d’Hamilton
(item 3), a été en calculée avec le coefficient rhô de Spear-
man. L’existence de corrélations entre toutes ces
« échelles » a également été recherchée à J7, J14 et J42.
La validité prédictive a été étudiée en comparant le nom-
bre de suicides et de tentatives de suicide, sur les 18 mois
de suivi, entre le groupe à risque suicidaire supposé aggravé
et le groupe témoin, au moyen du test exact de Fisher.
La différence d’évolution sous traitement entre la
dimension suicidaire et la dimension dépressive a été ana-
lysée par la comparaison chez 83 patients des deltas rela-
tifs par rapport aux scores d’inclusion à la RSD et à la
MADRS à J7, J14 et J42, à l’aide du test du
χ2 ; le seuil
de signification étant fixé à 5 %.
RÉSULTATS
Scores d’inclusion à la MADRS
Ils varient de 25 à 45 avec une moyenne de 31,19 (écart
type : 4,36). L’amélioration progressive des résultats sur
cette échelle durant la période « traitement » et un score
moyen de 9,29 à J42 (tableau II) attestent de l’efficacité
du traitement prescrit sur la dimension dépressive.
Validité concourante
Elle a été évaluée sur les données obtenues à J0, c’est-
à-dire auprès de patients dépressifs, non encore sous trai-
tement. Elle s’avère satisfaisante entre la RSD et les items
« suicide » des échelles de dépression MADRS (rhô
= 0,80 ; p = 0,0001) et Hamilton (rhô = 0,71 ; p = 0,0001),
mais moins avec le score total de la MADRS (rhô = 0,40 ;
p = 0,0001) (tableau III).
Il est intéressant de noter que cette particularité se
retrouve également avec les items « suicide » des échel-
les de dépression MADRS et Hamilton, nettement corrélés
entre eux et moins avec la MADRS (tableau III).
Évolution des coefficients de Spearman
entre ces différentes « échelles » de J0 à J42
Les tableaux IV, V et VI et les figures 2 et 3 permettent
de constater :
entre la RSD et l’échelle MADRS : la corrélation
s’élève régulièrement avec l’administration du traitement
de 0,40 à 0,54 ;
entre la RSD et l’item 10 de la MADRS : la corrélation
reste toujours importante, stable jusqu’à J14 (entre 0,80
et 0,78), mais fléchie à J42 (0,68) ;
entre la RSD et l’item 3 de l’échelle Hamilton-dépres-
sion : la corrélation importante à J0 et J14 (0,71 - 076) dimi-
nue nettement à J42 (0,45) ;
entre l’échelle MADRS et son item 10 ou l’item 3 de
l’échelle Hamilton-dépression : renforcement de la corré-
lation comme avec la RSD entre J0 et J14, puis infléchis-
sement de celle-ci à J42 ;
TABLEAU II. — Score à la MADRS au cours de la phase
« traitement » (J0-J42).
MADRS total J0 J7 J14 J42
Moyenne 31,19 26,29 20,89 9,29
Écart-type 4,36 6,09 7,40 6,20
TABLEAU III. — Coefficients de Spearman à J0 : RSD –
MADRS total – MADRS item 10 – HAM-D item 3.
Rhô
(p = 0,0001) RSD MADRS
Score total MADRS
Item 10 HAM-D
Item 3
RSD 0,40 0,80 0,71
MADRS
Score total 0,40 0,46 0,45
MADRS
Item 10 0,80 0,46 0,78
HAM-D
Item 3 0,71 0,45 0,78
TABLEAU IV. — Coefficients de Spearman à J0, J7, J14, J42 :
RSD/MADRS total, MADRS item 10, HAM-D item 3.
RSD (rhô)
(p = 0,0001) MADRS
Score total MADRS
Item 10 HAM-D
Item 3
J0 0,40 0,80 0,71
J7 0,48 0,78
J14 0,51 0,79 0,76
J42 0,54 0,68 0,45
1 / 8 100%
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