INNOVATIONS EN IMAGERIE MEDICALE N°2 NOVEMBRE 2011 ACTUALITES EN SCINTIGRAPHIE CARDIAQUE La performance en plus, l’irradiation en moins La mortalité cardiovasculaire, qui était de loin la première cause de mortalité dans les pays industrialisés a baissé de plus de 50% depuis 25 ans, du fait de la prévention (réduction du tabagisme, amélioration de l’alimentation, dépistage et traitement de l’hypertension artérielle et de l’hypercholestérolémie) mais aussi des progrès diagnostiques et thérapeutiques, tant dans le syndrome coronaire aigu que dans la prise en charge du coronarien chronique (imagerie, médicaments, angioplasties et chirurgie coronaire). Cet optimisme doit toutefois être tempéré en raison de l’importante augmentation actuelle de l’obésité et du diabète. De nombreuses études ont montré que, en dehors de l’urgence (syndrome coronaire aigu), le risque dépendait essentiellement de l’existence ou non d’une souffrance myocardique, en particulier à l’effort, et peu de l’état anatomique des artères coronaires. La scintigraphie myocardique qui visualise, grâce à l’injection d’un radio-traceur (thallium, sestaMIBI ou tétrofosmine), la perfusion du muscle cardiaque, au repos et à l’effort, et la topographie et l’étendue de l’ischémie myocardique, est un examen fonctionnel simple, non-invasif et performant. Elle est devenue un examen clé pour le diagnostic de l’ischémie myocardique, la stratification du risque, la prise de décision thérapeutique et le suivi des patients. Aux Etats-Unis, plus de neuf millions de scintigraphies myocardiques sont réalisées chaque année. On estime que celles-ci sont responsables de plus de 20% de la quantité totale de rayons reçue par la population américaine. Même si aucune complication de ces irradiations n’a jamais pu être mise en évidence, cela incite à diminuer l’exposition aux rayonnements. C’est dans ce contexte que l’apparition des caméras cardiaques à semi-conducteurs trouve sa place. Qu’est-ce qu’une caméra cardiaque à semi-conducteur (CZT) ? Le photo-détecteur est un cristal de cadmium-zinc-telluride, semi-conducteur opérant à température ambiante, pixellisé et convertissant directement le photon X en un signal électrique qui crée une image numérique avec une précision de localisation de 2.5mm. La caméra va comporter 76 détecteurs, regroupés par 4, cernant le cœur sur 3 rangées et 180 degrés. Cette couronne de détecteurs « braquée » sur le cœur va visualiser instantanément l’ensemble du muscle cardiaque, sans mouvement de la caméra. Couronne de détecteurs “braquée” sur le coeur ! Centre Cardiologique du Nord (CCN) - Saint-Denis NOVEMBRE 2011 INNOVATIONS EN IMAGERIE MEDICALE N°2 QUELS SONT LES AVANTAGES DES CAMERAS A SEMI-CONDUCTEURS ? Du fait de la meilleure sensibilité de détection, les activités de radiotraceurs injectées aux patients ont pu être diminuées de manière très significative. Avec le thallium, que nous réservons au suivi des patients coronariens connus (antécédent d’infarctus du myocarde, de pontage coronaire ou d’angioplastie coronaire), la dose efficace délivrée est ainsi inférieure à 10 millisieverts, c'est-à-dire 2 à 3 fois moins que auparavant. Avec les agents technétiés, que nous utilisons pour le bilan de dépistage de la maladie coronarienne, la dose délivrée au patient pour un examen d’effort est encore plus faible, inférieure à 1 millisievert dans la plupart des cas, c'est-à-dire 3 fois moins que l’irradiation naturelle annuelle ! Les performances diagnostiques sont améliorées : accroissement de la qualité des images, meilleure sensibilité avec une très bonne détection des territoires pathologiques peu étendus, meilleure spécificité avec diminution du nombre d’examens équivoques (beaucoup moins d’artéfacts, en particulier dans le territoire inférieur). Pour ces raisons, la durée de l’examen a pu être réduite : acquisitions scintigraphiques plus rapides, diminution du délai requis entre deux acquisitions successives, possibilité d’enchainer rapidement effort et repos avec deux isotopes différents du fait de la très faible dosimétrie, moindre recours à des images tardives. Dans la plupart des cas, une exploration complète de la perfusion myocardique à l’effort et au repos sera réalisée en moins de 2 heures au total. Qu’est-ce qu’un milliSievert ? Le millisievert (mSv) est une unité de mesure permettant de quantifier une exposition à des rayonnements ionisants. Il n’y a pas besoin de passer un examen aux rayons X ou une scintigraphie pour être exposé à des rayonnements. Il existe différentes sources d’irradiation naturelle, comme les rayons cosmiques solaires, les éléments radioactifs du sol, ou le radon, un gaz qui se dégage de la croûte terrestre et qui est donc présent dans l’air que nous respirons. Notre corps contient aussi des formes radioactives de potassium et de carbone. Au total, la dose annuelle naturelle reçue en France est comprise entre 2,4 et 3 mSv. A titre d’exemple, un scanner peut délivrer en une seule fois 20 mSv. Pour un scanner du thorax, la dose d’irradiation reçue est simple à obtenir : il suffit de multiplier le chiffre de la DLP (produit dose longueur) par le facteur de pondération tissulaire, soit 0,14 pour le thorax. Ainsi, pour une DLP à 1000 mGy.cm, la dose efficace reçue est de 1000x0,14 soit 14 mSv. Référence : Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie ! INNOVATIONS EN IMAGERIE MEDICALE N°2 NOVEMBRE 2011 COMMENT SE DEROULE L’EXAMEN ? Exploration de la perfusion et de la fonction d’effort et de repos en moins de 2 heures chez un patient coronarien (angioplastie avec stent de l’IVA en 2008). Réalisation d’une épreuve d’effort sur bicyclette ergométrique, injection de 64 MBq de thallium 201 au maximum de l’effort et acquisition scintigraphique en 10 minutes en post-effort immédiat. Les clichés d’effort montrent une hypoperfusion antéro-septo-apicale. Des clichés de repos (160 MBq de sestaMIBI) sont utiles pour déterminer la réversibilité de ces anomalies. Les caméras à semi-conducteurs autorisent l’utilisation des deux isotopes différents pour ces deux séries de clichés et donc de raccourcir très significativement le temps global d’examen (2 heures au total), avec une dosimétrie fortement réduite. Pour ce patient, l’ischémie antéro-septo-apicale réversible (4 segments) témoigne d’une resténose intra-stent de l’IVA. L’analyse synchronisée à l’ECG objective également une hypokinésie antérieure avec une FEVG de repos normale, qui s’abaisse de 15% en post-effort immédiat avec augmentation des volumes, témoignant d’une sidération myocardique associée à l’ischémie. Etude de la fonction VG Avec ces nouvelles caméras, la rapidité d’acquisition des images permet également une analyse de la fonction ventriculaire gauche au repos et en post-effort immédiat, permettant de mieux identifier les dysfonctions ischémiques et donc les lésions pluri-tronculaires sévères. IDM inféro-latéral associé à une ischémie myocardique d’effort péri-nécrotique et antéro-septo-apicale avec signes de dysfonction VG (baisse de 11% de la FEVG) et dyskinésie apicale en post-effort immédiat. ! 1m77, 92 kgs, resténose intra-stent de l’IVA NOVEMBRE 2011 INNOVATIONS EN IMAGERIE MEDICALE N°2 Examen normal obtenu avec moins de 1 millisievert. Bilan de douleurs thoraciques chez un homme de 55 ans, diabétique, hypercholestérolémique, fumeur, pesant 72 kg. Réalisation d’une épreuve d’effort sur bicyclette ergométrique, injection de 120 MBq de sestaMIBI-Tc99m au maximum de l’effort, passage et acquisition scintigraphique en 10 minutes immédiatement après la fin de l’épreuve d’effort. La perfusion myocardique d’effort est normale, ce qui élimine une angine de poitrine. Aucune image de repos n’est donc nécessaire. Le patient est reparti du service avec son résultat moins d’une heure après son arrivée dans le service. PERSPECTIVES Dans certains cas difficiles, la fusion des données morphologiques (anatomie des artères coronaires au scanner ou à la coronarographie) et fonctionnelles (perfusion du muscle cardiaque à la scintigraphie) est utile. Il est donc possible sur une même image d’imputer précisément une sténose coronarienne à des signes de souffrance myocardique (et vice versa). Enfin, les capacités technologiques de ces nouvelles caméras cardiaques à semi-conducteurs nous font entrevoir la possibilité d’une quantification de la réserve coronaire. Il s’agira d’une avancée importante, d’une part parce que la réserve coronaire est diminuée dans les formes les plus sévères de la maladie (atteintes coronaires diffuses) mais aussi d’autre part parce qu’elle est altérée dès les stades précoces de la maladie. FUSION SCINTIGRAPHIE ET COROSCANNER PERFUSION D’EFFORT PERFUSION DE REPOS Dans cet exemple, la sténose de l’artère coronaire droite en aval du stent (flèche) est responsable d’une ischémie de la paroi inférieure du myocarde (hypoperfusion d’effort se normalisant au repos), imposant une nouve&e angioplastie de l’artère. (Réalisé en co"aboration avec le Dr Jean-Louis Sablayro"es). CONCLUSION L’apparition des caméras cardiaques à semi-conducteurs constitue une avancée importante en imagerie cardiaque et un progrès indiscutable pour les patients : meilleur confort, examens plus rapides, diagnostics plus précis, et tout cela avec une irradiation devenue faible, voire négligeable dans bon nombre de cas : en effet 1 millisievert délivré par un examen scintigraphique d’effort représente à peine le tiers de ce que chacun d’entre nous reçoit annuellement avec l’irradiation naturelle ! B.Songy, M.Guernou, D.Lussato, M.Queneau ! SERVICE DE SCINTIGRAPHIE - TEP - CENTRE CARDIOLOGIQUE DU NORD 32-36 rue des Moulins Gémeaux - 93207 Saint-Denis cedex Tél.: 01 48 20 04 33 - Fax: 01 42 43 00 74 - www.scintigraphie-ccn.com