Rock around Tchekhov
« Platonov » ? Oui, mais dans une version rock et choc. Avec guitare, batterie, clavier... une
troupe qui sait jouer et chanter. « Platonov » raccourci, concentré sur huit personnages, mais «
Platonov » à plein... dans la traduction limpide de François Morvan et André Markowicz. Alexis
Armengol et sa compagnie du Théâtre à cru n'ont pas cherché à faire un spectacle branché de
l'oeuvre de jeunesse de Tchekhov (1880), ni à faire un nouveau monstre de cette « pièce
monstre » à dix-huit personnages, retrouvée en 1921, dix-sept ans après sa mort. Du tableau
acide d'une microsociété provinciale frustrée, fascinée par un jeune faux dieu qui a perdu tous
ses idéaux, ils tirent un drame moderne, un portrait saisissant de jeunes adultes, en mal de
repères. Platonov est l'ange de « Théorème » qui se serait coupé les ailes ; il fascine les
hommes, séduit les femmes pour ce qu'il était jadis, ou ce qu'il aurait devenir. Il n'éclaire
pas leur destin, il l'appauvrit. Les comédiens qui parlent et chantent « cru » avec le phrasé
d'aujourd'hui, recréent une petite bande de trentenaires assez cool, mais vaine, qui tourne en
rond. L'illusion de l'amour masque momentanément leur désoeuvrement, leur incapacité à se
battre et à changer de vie.
Petites chansons pop ou rock
Dans la première partie, l'orchestre n'est que la bande-son des retrouvailles dans la maison de
campagne d'Anna Petrovna, la jeune veuve. Petites chansons pop ou rock qui racontent l'été,
brèves sonates romantiques. Camille Trophème, qui joue à la fois Sacha, la femme de Platonov,
et Grékova, la fiancée de Nikolaï, est à la manoeuvre - voix et clavier. C'est elle qui a composé
les morceaux avec Christophe Rodomisto/Bougrov (guitare, batterie et chant). Tout est très
frais, tranchant,joyeusement rock « indé ». Après le feu d'artifices (bref et émouvant), le
désordre amoureux s'installe : Platonov perd pied, soliloque sur le plateau nu, parmi les
cadavres de bouteilles. La musique se fait plus rare, déchirante. Dans la dernière partie,
rocambolesque à souhait, « Platonov mais... » devient oratorio, slam lyrique parlé-chanté
derrière les micros, tandis que l'action - hystérique - se déroule à la façon d'une pantomime en
fond de scène. Jusqu'au dernier « beat » : le coup de pistolet qui tue Platonov. Les comédiens
sont tous très justes, Alexandre Le Nours en tête, qui campe un Platonov odieusement
sympathique. Mentions spéciales à Céline Langlois, gouailleuse et douloureuse Anna, et à
Camille Trophème, rockeuse « transformiste », aussi à l'aise en épouse soumise qu'en jeune
étudiante rebelle. Avec insolence, mais respect, « Platonov mais » rend sa jeunesse au
dramaturge russe - la révolte ardente, tuée dans l'oeuf Un Tchekhov « a cru », dérangeant et
neuf.
Philippe Chevilley
29 mars 2012
PLATONOV MAIS… d’après Platonov d’Anton Tchekhov
D’emblée, mieux vaut le dire, le nouveau spectacle de la compagnie THEATRE A CRU, PLATONOV MAIS…. ne s’adresse pas aux
puristes de Tchekhov.Il s’agit d’une adaptation d’une première pièce inachevée de Tchekhov qu’il écrivit à18 ans alors qu’il était
encore au lycée, et qui ne fut jamais jouée de son vivant.
Qu’est-ce qui pousse un jeune à écrire ? Pourquoi, comment ? Un exégète de de TCHEKHOV, devrait trouver dans cette pièce
de jeunesse la marque de son œuvre future.
De fait, cette pièce foisonne d’interrogations existentielles. Il y sourd une certaine angoisse, celle d’un jeune qui se demande ce
qu’il va devenir, qu’est ce qu’il va pouvoir faire dans une société qu’il appréhende d’un regard cynique.
Tchékhov vient de vivre l’éclatement du foyer familial suite à la ruine de son père. Dans cette pièce, il évoque le milieu petit
bourgeois dont il est issu, il fustige l’oisiveté, l’inertie des étudiants, il s’adresse aussi au père de façon extrêmement crue et
violente mais surtout il porte son regard sur les femmes de manière assez inouïe comme si l’avenir de son personnage
Platonov, pouvait dépendre d’une ou plusieurs femmes.
Comment aborder une femme ? Quel adolescent ne s’est pas posé la question ? Il y a toujours eu plusieurs types de femmes :
l’amante, la mère des enfants, l’amie confidente.
Voilà le cynisme affiché du personnage mis à dure épreuve. Platonov ne veut pas choisir, il parle à toutes à la fois parce qu’il les
aime toutes et que sans doute à travers elles, il a le sentiment d’exister.
Est-il criminel d’aimer plusieurs femmes ? Platonov se pose aussi cette question. Cela peut paraitre très naïf aux esprits
adultes et corrompus. Mais Platonov, aux prémisses, peut encore la soulever cette épine dorsale du désir, le sentiment.
Dans la navette qui ramenait les spectateurs au métro, un jeune homme a demandé, l’air plutôt inquiet, à une dame re
inconnue : « Quelle femme choisiriez-vous ? - Si j’étais un homme a répondu la dame, je me les serais toutes faites». Les
copines ont éclaté de rire mais le jeune homme est resté muet devant cette réponse plutôt vulgaire.
Parce que Tchekhov est tout sauf vulgaire. C’est là le bât blesse. C’est l’un des auteurs qui a su peindre de façon la plus
subtile les intermittences du ur de ses roïnes. Dans cette œuvre de jeunesse, le regard de Tchekhov est encore brouillé
mais il annonce d’autres pièces majeures comme « Les trois sœurs », La cerisaie », » La mouette » et nous ne pouvons
qu’inviter les jeunes spectateurs à les découvrir également.
Le metteur en scène dit avoir voulu capter dans cette pièce : la volonde changement intime et politique. La scène du théâtre
est spacieuse, elle permet de faire se mouvoir sur unme plateau plusieurs plans, plusieurs champs de vision concomitants.
Ceux-là même qui assiègent l’esprit du personnage débordé par ses affaires amoureuses et ses velléités de part, de
changement. Voilà qui n’est pas nouveau. On croirait entendre le cri de révolte de Daniel BALAVOINE dans un face à face avec à
MITTERAND, le 16 Mars 198O et sa chanson « Je ne suis pas un héros » :
Quand les cris de femmes
S'accrochent à mes larmes, je sais
Que c'est pour m'aider à porter tous mes chagrins
Je me dis qu'elles rêvent
Mais ça leur fait du bien
Un espace d’ailleurs est réservé à un petit orchestre (batterie, piano, guitare) tantôt joyeux, tantôt discret. Il faut saluer la
performance de Camille Trophème au piano, au chant, qui joue l’épouse de Platonov et la fiancée de Nicolaï.
Un spectacle pluriel -, chant, musique, texte, lecture qui entend tirer des arcanes d’une pièce inachevée d’un jeune écrivain
Tchekhov, quelques signaux pour l’avenir, comme une bouffée d’oxygène, capable d’aller à la rencontre d’un public vaste et
très demandeur.
Evelyne Trân Theâtre au vent
Paris, le 24 Mars 2012
Alexis Armengol et les membres de la compagnie Théâtre à cru revisitent Platonov en
musique, en jeu et en chansons. Un spectacle brillamment réglé, servi par des interprètes de
grand talent. Alexis Armengol et les membres de la compagnie Théâtre à cru revisitent
Platonov en musique, en jeu et en chansons. Un spectacle brillamment réglé, servi par des
interprètes de grand talent.
La maison d’Anna Petrovna, jeune veuve du général Voïnitsev, recommence à vivre après la
léthargie hivernale. « Good bye winter, hello summer » chante, à cour, Camille
Trophème, interprète protéiforme de cette mise en scène inventive, musiciens et
comédiens rivalisent de talent. Le vin et les rires mettent fin à l’ennui, mais pour que la fête
soit totale, on attend Platonov, esprit fort, grand buveur et amateur de jupons, sorte de Dom
Juan neurasthénique, ni tout à fait grand seigneur ni vraiment méchant homme. Tout à
l’ivresse de l’alcool et des femmes, Platonov joue en pantin pitoyable la partition de sa vitalité
paradoxale, qui ne repose que sur l’habitude, et est toujours menacée par le marasme.
Mikhaïl Vassilievitch Platonov, instituteur sans diplôme, époux infidèle et intellectuel raté, est
un homme sans caractère plutôt que sans qualités, un pervers narcissique qui accuse ses
victimes d’être ses bourreaux. Ce qui pourrait n’être qu’un vaudeville léger tourne bientôt au
drame : Platonov est tué par Sofia.
Un théâtre complet
Platonov a pour décor un monde qui s’écroule et dont les habitants ne savent pas ils ont
mal. Modernisant la pièce par ses décors et ses costumes, Alexis Armengol en fait une
parabole sur la jeunesse castrée par ses pères, « une génération désabusée et pétrie
d’incertitudes ». André Markowicz et Françoise Morvan ont traduit la version originale de
cette première ébauche de l’œuvre de Tchekhov, jamais jouée de son vivant. Alexis Armengol
a très habilement élagué le texte, concentrant l’intrigue sur cette génération perdue, dont les
membres courent vers le néant. Tous aiment Platonov, mais Platonov ne comprend pas qu’on
l’aime. Le personnage central, pivot de l’intrigue, est un fantôme inexistant : « tous les
regards convergent vers lui et ne rencontrent qu’une image décevante », dit
Françoise Morvan. Alexandre Le Nours incarne cet antihéros avec finesse. Autour de lui, les
membres du Théâtre à cru font preuve d’une remarquable vitalité scénique, d’une grande
justesse interprétative et d’une authentique intelligence de la psychologie des personnages.
La scénographie aménage les différents espaces du drame avec efficacité, et la mise en scène,
rythmée et précise, sert la pièce de manière adroite. La scène qui mêle les reproches de Sofia
et Anna à Platonov apparaît à cet égard comme une illustration brillante de ce que le jeu peut
apporter au texte. La musique en direct, ainsi que le tuilage entre récitatif et interprétation,
permettent des ellipses narratives qui dynamisent l’intrigue. L’ensemble compose un
spectacle très réussi, qui actualise l’âme tchekhovienne en l’exaltant.
Catherine Robert
Avril 2012
« Platonov mais... » est l’œuvre d’un jeune metteur en scène qui a déjà plusieurs
réussites à son actif et qui bénéficie pour cette pièce d’une commentaire par le
directeur du théâtre de l’Aquarium comme on en voit rarement. On comprend
pourquoi...
«La pièce s’achève. On n’a pas vu le temps passer. On compte, machinalement, le
nombre de comédiens qui saluent. Surprise. On recompte. Ils ne sont bien que
sept alors qu’on avait l’impression qu’ils étaient une douzaine, tant chacun avait
de présence sur le plateau !
« Platonov mais... » est le genre de pièce dont on se méfie à priori, « encore des
fantasmes de metteur en scène sous couvert d’adaptation et de réécriture », se
dit-on. Et on a trois fois tort ! De la écriture, certes, il y en a, des répliques qui
sont chantées-mimées à la contraction du face à face de Platonov avec les trois
femmes qui l’aiment en une seule et même scène. Des coupes claires aussi,
d’ailleurs, à commencer par le fait que n’est présente sur scène que la génération
des enfants, les parents se retrouvant portraiturés, encadrés et accrochés au
mur.
Il n’empêche : l’esprit de Tchekhov est totalement présent ! On retrouve
l’atmosphère de fin de règne et d’oisiveté qui caractérise tant de ses œuvres, la
description clinique de personnages englués dans leurs contradictions et sans
volonté réelle de s’en sortir.
Le choix de mise en scène qui consiste à faire parfois chanter sur fond de
guitare électrique, clavier et batterie – des dialogues tandis que les comédiens les
miment a pour résultat d’entretenir un rythme soutenu. Le style du texte est
direct, le jeu en parfaite adéquation avec cette donnée, les personnages tous
parfaitement incarnés. Et cette pièce est excellente tant pour actualiser le
contexte décrit par l’auteur ne vivons pas, nous aussi, une période de transition
? que pour faire connaître Tchekhov aux plus jeunes. Attention, le délai des
représentations est court...
Pierre François
17 mars 2012
"Les Coups de cœur de Myrtha"
PLATONOV MAIS... d'après Platonov de Tchekhov.
Mise en scène: Alexis Armengol.
Etonnante adaptation jouée par sept jeunes comédiens dont certains
également musiciens, qui interprètent ce texte électrique, d'une vitalité
époustouflante.
Jeu des comédiens impeccable soutenu par une musique et des
chants excellents.
Une mise en scène tonique qui voile plus que jamais l'esprit de
révolte du jeune Tchekhov.
Pièce écrite à 18 ans!
A ne pas manquer! Jusqu'au 15 Avril.
Myrtha Liberman
le 26 mars
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