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Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas
figurer sur la copie.
Introduction
La réflexion sur le langage, et particulièrement celui des mots, doit forcé-
ment s’intéresser à sa raison d’être. Pourquoi avons-nous été dotés de
cette capacité à créer et émettre des signes qui expriment nos pensées et
les rendent partageables ? La réponse semble contenue dans la question.
Le langage servirait avant tout à la communication de nos idées. Or
Berkeley soutient que cette finalité est secondaire. Il estime que le langage
a d’abord pour fonction de modifier l’état d’esprit de celui qui écoute ou qui
lit. Cette dimension pragmatique serait de loin la plus importante, bien que
l’opinion courante ne s’en aperçoive pas. La communication n’est qu’un
auxiliaire de l’action. Cela revient à dire que l’aspect rationnel compte moins
que l’aspect affectif ou passionnel. Quels sont les arguments de Berkeley ?
1. Les deux fins du langage et leur hiérarchisation
A. La communication des idées
La première phrase aborde le thème de la communication des idées, qui
passe pour être la fin unique et principale du langage. Notons immédiate-
ment que Berkeley s’intéresse au statut des mots. Ceux-ci sont comme des
« marques » de nos idées. Que signifie ce terme ? Les idées sont des repré-
sentations mentales formées par notre esprit. L’idée du chien, par exemple,
est celle d’un d’animal pourvu de caractéristiques spécifiques qui permet-
tent de l’identifier dans l’ensemble des quadrupèdes. Mais cette conception
reste intérieure à notre esprit. Nous ne pouvons la faire exister que grâce
aux mots qui matérialisent nos pensées. Lorsque nous prononçons le terme
« chien », notre interlocuteur saisit sans peine l’objet de notre pensée. Les
mots permettent ainsi la communication, c’est-à-dire la transmission et la
mise en commun des idées. Rien ne serait communicable si nous ne parta-
gions pas l’usage de certains signes. Nous percevons des sons auxquels
nous lions, par habitude, une signification.
Définir le langage par la communication des idées est une conception cou-
rante. La vie sociale exige l’échange par le dialogue ou la diffusion
d’informations. Le signe linguistique est un moyen efficace et économe de
créer un monde partagé. Pensons à notre quotidien si nous devions mimer
ou dessiner ce que nous voulons dire ! Un « petit » mot, un son articulé et
porteur de sens suffit à faire connaître ce que nous pensons.
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Le sujet La culture
La raison et le réel La politique
La morale Sujets d’oral
B. Le pouvoir des mots
Berkeley n’ignore pas ce point mais il soutient, contre les apparences, que
communiquer n’est « ni la seule ni la principale fin du langage ». Le texte
dévoile alors une autre dimension. Le langage sert à agir sur les esprits.
Les linguistes parlent de sa fonction pragmatique, par référence au grec
pragma qui signifie la chose faite par l’intervention des hommes.
Berkeley souligne la capacité du langage à créer ou à modifier des
conduites. Il peut pousser à accomplir une action, ou au contraire à s’en
abstenir. Les mots sont donc ici envisagés du point de vue de leur pouvoir
sur les hommes. L’orateur grec Gorgias comparait ainsi le langage à un
despote tout-puissant. Celui qui sait le manier dispose à sa guise des
humeurs d’autrui. Enfin, Berkeley radicalise son propos. La communication
des idées est présentée comme une fin secondaire du langage. Elle est
subalterne ou carrément inutile.
[Transition]
Ce point pose problème car il semblerait que nous agissions sans même
comprendre le sens de ce qui est dit. Comment les mots pourraient-ils avoir
un effet sur nous si nous ne les comprenions pas ? Berkeley doit maintenant
justifier cette thèse.
2. La preuve par les faits
A. La méthode empiriste
Dans cette partie médiane, Berkeley implique directement le lecteur afin
d’obtenir son assentiment. Chacun est invité à « se consulter », c’est-à-dire
à réfléchir aux opérations de son propre esprit. L’expérience courante est
présentée comme une source de vérité à laquelle il faut savoir prêter atten-
tion. Nous pouvons donc dire que ce passage a d’abord une dimension
méthodologique. Rendons-nous attentifs à ce que nous accomplissons de
façon si quotidienne que nous ne nous en rendons plus compte. Ce point
est, d’une façon générale, caractéristique de la philosophie empiriste. Il
s’agit d’analyser le fonctionnement de notre esprit, de remarquer comment
s’enchaînent les diverses impressions ou perceptions sensibles afin de
saisir le mode de formation de toutes nos idées.
B. Valeur de l’expérience intime
Berkeley nous convie donc à considérer ce qui se produit en nous à lecture
ou à l’audition d’un discours. Remarquons à cette occasion que le pouvoir
des mots ne se limite pas à leur expression orale. Nous savons que le ton
de la voix, les gestes ou les mimiques de l’orateur influencent le jugement
porté sur le contenu de son discours. Berkeley soutient qu’un texte lu en
silence peut exciter lui aussi de vives réactions. Ce point renforce l’aspect
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passionnel du langage que l’on peut opposer à sa dimension rationnelle. La
raison est présente dans la communication des idées car il faut faire
entendre clairement le sens de sa pensée. Mais dans le cas présent, ce sont
les désirs, les humeurs, la sensibilité qui dominent. L’audition ou la lecture
de certaines phrases déclenchent en nous toute la gamme des passions.
Amour, haine, admiration, mépris, le langage fait naître en notre esprit tous
ces sentiments opposés. Gorgias le notait déjà en comparant un orateur à
un médecin dont les produits peuvent guérir ou tuer.
[Transition]
Ce recours à l’expérience est habile car il est vrai que chacun a pu vérifier
par lui-même ce pouvoir des mots. Berkeley va cependant jusqu’à dire que
nous sommes affectés « sans que des idées s’interposent. » N’est-ce pas
donner trop d’importance à l’aspect sensible du langage ?
3. De l’idée à l’émotion
A. La genèse du sens
Berkeley commence cette dernière partie par une concession. Il reconnaît
qu’il faut bien avoir l’idée de ce qui est dit pour être ému en quelque façon.
Il semble en effet difficile d’admettre une définition purement affective du
langage. Certes, le son d’un mot peut nous faire réagir car nous le trouvons
agréable ou déplaisant, mais nous n’obéissons pas qu’à nos sensations. La
signification du terme, l’idée générale qu’il exprime, font que nous dépas-
sons le niveau sensible. Les hommes créent des signes abstraits qui
représentent leurs pensées, et non de simples signaux sonores destinés à
provoquer des conduites.
Berkeley admet ce point, mais c’est finalement pour conforter sa thèse. Sa
démarche consiste d’abord à retracer la genèse de notre rapport au lan-
gage. Il faut bien apprendre la langue que l’on nous parle. L’enfant écoute
et s’instruit en découvrant le sens de ce qu’il entend. Cette période est
marquée par des confusions, des tentatives et des échecs. Nous avons tous
balbutié avant de tenir des discours maîtrisés. Cependant, « une fois le
langage devenu familier », nous n’avons plus à penser à nos débuts diffi-
ciles. C’est alors que l’aspect passionnel prend le dessus, d’une façon qui
reste à préciser.
B. Le rôle de l’habitude
L’originalité des dernières lignes tient à une conception de l’idée plus
subtile que celle qui a prévalu jusqu’ici. En effet, Berkeley attribue à l’idée
un pouvoir de produire des émotions. Il est vrai que certains propos nous
mettent hors de nous quand d’autres nous charment et nous font rire. Il ne
faut donc pas opposer schématiquement l’aspect sensible des mots – leur
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sonorité, le ton avec lequel on les prononce – à leur dimension intellectuelle.
La signification a beau être apprise, elle est la source de nouvelles affec-
tions. Ici encore, il faut analyser notre expérience intime. Une fois le sens
des mots appris, nous avons contracté une habitude qui efface les traces
de notre apprentissage. L’habitude est une disposition permanente qui rend
capable d’effectuer des actions sans avoir besoin d’y réfléchir. C’est pour-
quoi Berkeley soutient que les idées n’ont plus à intervenir. Leur sens a été
tellement assimilé que nous y réagissons immédiatement. Ainsi, la charge
émotive des mots renforcée par l’habitude de les entendre font triompher la
valeur pragmatique du langage. Quand un orateur veut enflammer une foule,
il faut qu’il choisisse les termes susceptibles de déclencher les applaudisse-
ments ou les cris. Nous voyons bien alors qu’il ne s’agit pas de
communiquer des idées susceptibles d’être discutées, mais de dicter des
conduites en jouant sur l’impact de certaines tournures. Des noms propres
ont également cet impact. Notre attitude face aux discours est souvent
conditionnée par le poids des opinions. Un nom peut être une référence qui
impressionne.
Conclusion
Ce texte de Berkeley nous force à réfléchir à la valeur du langage. Peut-être
surestimons-nous sa dimension intellectuelle sans voir que les idées signi-
fiées par les mots sont elles-mêmes des moyens d’agir sur la sensibilité.
Cela dit, la réduction de l’idée au rang de moyen d’action doit nous
inquiéter. Le langage révèle par là son aspect irrationnel. L’expérience ne
montre que trop qu’il est facile de jouer sur les émotions des autres pour les
dominer en les séduisant. Il importe donc d’être vigilant à la lecture ou à
l’écoute d’un discours. L’analyse du sens des mots, l’application de l’esprit
à démêler ce que l’opinion présente comme des évidences, est, depuis
Platon, une des raisons d’être de la philosophie
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