D O S S I E R Analyse des microcalcifications ● R. Gilles*, B. Barreau**, M.H. Dilhuydy** UN PEU D’HISTOIRE C’est en 1913 que Salomon radiographie des seins après mastectomie et décrit pour la première fois des “petites taches blanches” au centre des carcinomes, qu’il interprète comme “une dégénérescence kystique”. En 1949, Leborgne montre que, dans 30 % des cancers du sein, on peut mettre en évidence des microcalcifications sur les mammographies. Elles sont décrites à l’époque comme “innombrables, ponctuées, parfois linéaires, fines comme des grains de sel, généralement en foyers. Ces microcalcifications peuvent se trouver à l’intérieur ou aux alentours d’une opacité tumorale, ou bien isolées sans opacité tumorale”. En 1969, Egan conclut : “Ces microcalcifications sont pathognomoniques de cancer. Elles sont si spécifiques qu’en leur présence un diagnostic histologique de bénignité ne peut signifier que deux choses : soit le chirurgien n’a pas enlevé le cancer au cours de l’intervention, soit l’histologiste n’a pas bien analysé le prélèvement opératoire”. En 1980, le même auteur infirme cette assertion : “Ces signes sont si peu spécifiques que toutes les mammographies comportant des foyers de microcalcifications ne nécessitent qu’une vérification histologique”. L’illusion de pouvoir diagnostiquer d’une manière simple et efficace les cancers du sein disparaît 30 ans après la première description de ce signe. 0 %, les microcalcifications indéterminées, dont la VPP varie entre 20 et 40 %, et enfin les microcalcifications malignes, dont la VPP est comprise entre 60 et 95 %. Les microcalcifications bénignes Ce sont les calcifications annulaires à centre clair et les calcifications lobulaires sédimentant sur l’incidence de profil (type 1 de la classification de Le Gal). La valeur prédictive positive de cancer du sein est de 0 %. Les calcifications annulaires à centre clair, quelle que soit leur morphologie, sont toujours associées à une pathologie bénigne. Les plus fréquentes sont les séquelles de microkystes calcifiés, une cytostéatonécrose, une mastite à plasmocyte, qui se distingue par une morphologie en bâtonnets. Les calcifications lobulaires sédimentant sur l’incidence de profil correspondent à des microcalcosphérites sédimentant au fond d’un microkyste. Leur aspect dépend de la taille du kyste, réalisant un niveau liquide dans les kystes de grande taille, ce qui est rare, ou un simple trait linéaire horizontal sur l’incidence de profil, Type VPP Type 1 0% Type 2 19 % Type 3 39 % Type 4 59 % ANALYSE DES MICROCALCIFICATIONS Elle nécessite comme prérequis l’obtention de clichés de bonne qualité, avec agrandissement radiologique systématique pour les uns, dans les situations diagnostiques difficiles pour les autres. Cette analyse comprend principalement une étude de la morphologie des microcalcifications (en France, celle-ci est basée sur la classification de Mme Le Gal) (figure 1) mais aussi la distribution du foyer dans le parenchyme mammaire, le nombre et la densité des foyers ainsi que leur caractère plurifocal. Il ne faudra pas oublier, devant un aspect morphologique inhabituel, d’évoquer des artéfacts tels que des traces de doigts sur le film, des déodorants à localisation préférentielle dans l’aisselle ainsi que le talc. ANALYSE SÉMIOLOGIQUE MORPHOLOGIQUE DES MICROCALCIFICATIONS Elle permet de distinguer trois grands groupes en fonction de leur valeur prédictive positive de malignité (VPP). On distingue les microcalcifications bénignes, dont la VPP est de * Polyclinique Bordeaux-Nord-Aquitaine, Bordeaux. ** Institut Bergonié, Bordeaux. La Lettre du Sénologue - n° 8 - mai 2000 Type 5 96 % Figure 1. Classification morphologique des microcalcifications (d’après Le Gal). VPP : valeur prédictive positive de cancer du sein. 13 D O S S I E ce qui est le plus fréquent. On en rapprochera les calcifications de fils de suture, réalisant un aspect de calcifications linéaires grossières parfois troublantes quand elles se dessinent dans les suites d’un traitement conservateur. Les calcifications indéterminées Elles sont représentées par les microcalcifications des types 2 et 3 de la classification de Le Gal, dont la VPP varie entre 20 et 40 %. Leur morphologie peut être rassurante (type 2). C’est dans ce groupe de microcalcifications que des critères tels que la distribution des foyers dans le parenchyme mammaire, leur nombre, leur densité et leur plurifocalité peuvent être utiles. En 1979, Lanyï décrit un groupement de microcalcifications caractéristiques des lésions galactophoriques. Elles sont disposées en un triangle à sommet mamelonnaire, comme l’arbre galactophorique dans lequel elles sont moulées. Pour de petits foyers, il propose de dessiner les contours ; s’ils sont angulaires, la probabilité de cancer du sein est élevée. Un aspect de foyer à disposition linéaire, triangulaire, dont le sommet est dirigé vers le mamelon est évocateur d’une distribution canalaire des microcalcifications et par définition suspect. À l’opposé, une distribution ronde ou ovalaire du foyer de microcalcifications est plus rassurante. Plus leur nombre et leur densité sont élevés, plus le risque de malignité est élevé. Malheureusement, il n’existe pas de seuil qui permette de séparer avec fiabilité ces deux groupes. Les calcifications malignes Elles sont représentées par les microcalcifications des types 4 et 5 de la classification de Le Gal, dont la VPP varie entre 60 et 95 %. Leur morphologie peut être rassurante (type 2). Ces microcalcifications sont habituellement associées à des formes de carcinomes intracanalaires agressives “comédomateuses”, actuellement classées dans les carcinomes in situ de haut grade. R Tableau I. Les microcalcifications bénignes qu’il faut reconnaître. Les calcifications annulaires à centre clair, correspondant à des séquelles de kystes calcifiés Les calcifications avec une clarté centrale, correspondant à une cytostéatonécrose Les calcifications vasculaires Les calcifications linéaires, bilatérales, en bâtonnets, de séquelles de mastite à plasmocytes Les calcifications sédimentant, à bien rechercher sur un cliché de profil, parfois simple petit trait linéaire horizontal (classification Le Gal, type 1) Les calcifications annulaires de topographie sous-cutanée des glandes sudoripares Des calcifications inhabituelles : pensez aux artéfacts ! Tableau II. Les microcalcifications malignes qu’il ne faut pas manquer. Les calcifications vermiculaires, linéaires, même s’il ne s’agit que d’un élément parmi des microcalcifications plus rassurantes Une distribution linéaire ou triangulaire du foyer de microcalcifications évoquant une disposition intracanalaire Distribution morphologique 1. Classification morphologique de Le Gal Le type 1 correspond aux microcalcifications annulaires, parfois horizontales ou arciformes (aspect en “tea-cup”), visibles sur un cliché de profil à rayon horizontal. La valeur prédictive positive de cancer du sein est de 0 %. Le type 2 comprend les microcalcifications rondes, punctiformes et régulières. La valeur prédictive positive de cancer du sein est de 20 %. Le type 3 comprend les microcalcifications pulvérulentes, trop fines pour que l’on puisse analyser leur morphologie. La valeur prédictive positive de cancer du sein est de 40 %. Le type 4 regroupe les microcalcifications punctiformes irrégulières en “grains de sable”, polymorphes. La valeur prédictive positive de cancer du sein est de 60 %. Le type 5 comprend les microcalcifications vermiculaires, en X ou en Y. Elles dessinent fréquemment l’arbre galactophorique. Elles sont pratiquement synonymes de cancer du sein, avec une valeur prédictive positive de 96 %. 14 Distribution triangulaire du foyer de microcalcifications. 2. Distribution linéaire du foyer de microcalcifications. La Lettre du Sénologue - n° 8 - mai 2000 Microcalcifications bénignes 1. 4. Artéfacts dus à de la pommade. Cytostéatonécrose. 2. 5. Aspect de sédimentation dans un kyste. Calcifications kystiques et vasculaires. 3. 6. Aspect de sédimentation dans plusieurs microkystes. La Lettre du Sénologue - n° 8 - mai 2000 Fils de suture. 15 D O S S I E R Calcifications indéterminées 1. 3. Type II de la classification de Le Gal. Type II de la classification de Le Gal. 2. 4. Type III de la classification de Le Gal. Type II de la classification de Le Gal. Calcifications malignes 1. 3. Type IV de la classification de Le Gal. 2. Type V de la classification de Le Gal. 16 Type V de la classification de Le Gal. 4. Type V de la classification de Le Gal avec distribution triangulaire. La Lettre du Sénologue - n° 8 - mai 2000