théologico-politique que c'est le meilleur des systèmes même si, enfin d'une certaine façon, on peut dire
qu'il est le plus grand précurseur des Lumières. J'aurais tendance à dire que cet homme qui écrivait au milieu
du XVIIème siècle a déjà formulé l'essentiel de la philosophie des Lumières, sauf peut-être la croyance en
un progrès historique qui n'est pas exclu chez Spinoza mais qui n'est vraiment pas mis en évidence
effectivement. Mais il y a chez lui une sorte de paysage de la rationalité extrêmement complet dont je ne
peux évidemment pas ici donner le détail, mais qui fait que quand on a lu Spinoza, on a l’impression de le
retrouver constamment dans toute la philosophie du XVIIIème siècle.
Alors, tout ce que je viens d'expliquer du désir chez Spinoza explique la référence très appuyée de Lacan,
je vous l'ai dit, ça n'empêche pas la critique qu'il effectue à la fin des quatre concepts : Spinoza, nous dit-il,
a institué le désir dans la dépendance de ce qu'il appelle cette universalité des attributs divins, une raison
universelle en somme, qui n'est pensable, ajoute Lacan, qu'à travers la fonction du signifiant. C'est pas très
clair, mais enfin on peut dire ceci : le conatus dépend de la causalité divine qui nécessite toute chose, et
notamment à travers lui la puissance d'agir du sujet et cette action divine s'effectue dans les attributs divins,
la pensée et l'étendue qui sont parfaitement intelligibles. Le désir le plus parfait et le plus puissant, là pour
nous ça fait quand même question, est un désir parfaitement clair que l'individu connaît dans sa vérité. Si
ce pur symbolique ne peut être lu dans la théorie psychanalytique qu'à partir de la fonction du signifiant, je
ne crois pas forcer les choses, enfin je prends un risque, en énonçant que Spinoza réduit le désir et le sujet
lui-même au signifiant. Autrement dit élude tout ce qui est de l'ordre de la castration symbolique et on peut
penser que l'amour effectivement c'est plutôt de l'ordre de l'aveuglement, que cet amour qui accomplit en
quelque sorte le désir rationnel et en toute lucidité s'adresse à Dieu à la fin de l'Ethique, quant au désir tel
que Lacan le conçoit, c'est exactement le contraire. C'est à dire que nous savons qu'il vise le manque à être,
qu'il est la métonymie de ce manque à être et qu'il cherche toujours à le préserver. Il fait exactement le
contraire de ce que fait le conatus de Spinoza. ça pose d'ailleurs un problème, là je bavarde une minute,
parce que je n'ai pas fait état d'un passage qui est très impressionnant, ou si vous me permettez cette boutade,
c'est pas très rigoureux mon propos, Spinoza réfute la pulsion de mort. C'est à dire il soutient la thèse que
lorsqu'un individu se détruit par exemple dans un suicide ou montre en quelque sorte un désir apparemment
négatif, ça ne peut pas venir de lui ; ça ne peut venir que d'une causalité extérieure. En lui-même, le conatus
est pleinement positif. Alors c'est à la fois complètement à l'envers par rapport à Freud évidemment, mais
je crois qu'on peut dire que le fait qu'il ait tellement insisté sur ce point est l'indice que il y avait quelque
chose qu'il ne voulait visiblement pas laisser passer d'une certaine manière dans le discours philosophique.
Bon, ça, ... parce que tout le monde dit la vérité,... vous le savez, c'est une chose que les psychanalystes
savent bien.
Est-ce que dans ces conditions tout semble se construire autour d'un dieu signifiant idéal et de l'amour qui
lui est adressé à l'opposé de ce que tout ce que la psychanalyse peut nous enseigner concernant la vérité du
désir? Je crois que les choses sont plus complexes, c'est ce que j'essaierai de montrer un peu plus loin n'est-
ce pas, pour deux raisons. D'abord, parce que Lacan ne va pas en rester à l'universalité du signifiant, mais
il va se référer aussi à la Chose, das Ding. Et d'autre part comme je le montrerai, chez Spinoza l'idéal, si je
puis dire, se résorbe en quelque sorte, même s'il y a amour, dans le savoir vrai de la nécessité pour ne pas
dire de la structure. J'emploie ce terme volontairement et je reviendrai tout à l'heure sur cette question.
Donc, la question du désir en quelque sorte reste posée, mais en même temps c'est peut-être avec l'amour
que les choses vont trouver leur plein achèvement.
Alors je passe à la question de l'amour maintenant dans un second temps en soulignant d'emblée que c'est
un affectus qui joue un rôle essentiel mais qui ne fait pas partie tout de même, je l'indique, des affectus
absolument premiers que sont le Désir, la Joie et la Tristesse qui expriment directement la puissance d'agir
du conatus, puisque la Joie correspond à l'augmentation de la puissance d'agir et la Tristesse à sa réduction.
Mais on peut définir l'amour immédiatement à partir de la Joie comme la Joie qu'accompagne l'idée d'une
cause extérieure. A son premier niveau nous sommes face à un amour sensible disons un amour imaginatif.
Le mot imaginatif est très ambigu chez Spinoza et c'est pour ça que je vais me permettre une digression sur
ce que j'appellerai sa théorie de l'imaginaire à partir de quoi je reviendrai sur l'amour imaginatif. Le terme