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Charles de Gaulle est né en 1890 à Lille. Son courage, son intelligence et sa maîtrise de
l’art militaire le destinaient théoriquement à occuper un rôle de tout premier plan dans
l’armée. Mais en 1940, les chefs militaires du pays ont sombré. Ils se raccrochent à des
conceptions stratégiques dépassées, ont manqué le passage à la guerre moderne. Face à
eux, de Gaulle est un colonel atypique, dont les théories novatrices passent mal et l’ont
marginalisé au sein de l’Etat- Major. Mais c’est lui qui comprend son époque.
Quelles sont ses idées? Il suit de près la politique étrangère, ce qu’on appelle aujourd’hui
la géopolitique, car il sait que la puissance militaire n’est qu’un outil au service d’une vision
du destin national et du monde. Il a compris que la guerre de 1914-18 avait définitivement
marqué une coupure entre deux époques. Lui qui a été, après 1918, en poste en Pologne
et auprès de l’armée hongroise, connaît la force de progression du communisme, et la
redoute. Mais c’est aussi un homme des marches de la France, des terres du Nord et de
l’Est maintes fois envahies, et il sait que par la force de la géographie comme du
sentiment nationaliste, le pangermanisme l’Allemagne est aussi un danger, le principal
danger, de sorte qu’il ne sera pas aveugle devant la montée du nazisme. Ses plaidoyers en
faveur d’une modernisation de l’armée, reposant sur un usage accru des blindés, ont été
exposés dans les deux ouvrages qu’il a publiés, « Au fil de l’épée » et « Vers l’armée de
métier », mais il n’a pas été écouté par une armée qui reste figée sur les charges de
cavalerie et le rôle de l’infanterie.
Chez de Gaulle, il n’y a pas que les idées qui dérangent. L’homme, par son caractère,
déroute. Il refuse la carrière pour la carrière. Il a une haute idée de sa mission et de lui-
même. Il est de droite, né dans un milieu catholique conservateur, mais il est aussi
profondément républicain et patriote. Il ne supporte pas l’idée du déclin de la France, qui
sert d’alibi à l’action du régime de Vichy. C’est ce qui le pousse à quitter la France pour
l’Angleterre et à continuer le combat.
L’Appel du 18 Juin fait de lui le premier des résistants, mais pas encore le chef de la
Résistance, encore embryonnaire et dispersée. Il lui faut donc l’organiser, la fédérer, faire
de la Résistance intérieure une véritable armée, rassembler toutes les forces politiques
qui acceptent de taire leurs divergences pour travailler en commun à la libération du pays
et à son relèvement. Il doit aussi se faire accepter des Britanniques, afin de disposer d’un
minimum de moyens matériels, dont il est totalement dépourvu, arrivant seul et sans
fortune. Il s’attelle donc à unifier les réseaux, à constituer, grâce à l’action du préfet Jean
MOULIN, du général DELESTRAINT, l’Armée Secrète, ainsi qu’un service de
renseignements, sous la houlette de Jacques SOUSTELLE et du colonel PASSY. Il
entreprend enfin de former un gouvernement provisoire au sein duquel se retrouvent des
patriotes de tous bords, depuis la droite, représentée par Alliance démocratique et la
Fédération républicaine, jusqu’au Parti Communiste, la SFIO, les démocrates chrétiens et
bien sûr ceux qui formeront, après la Libération, le mouvement « gaulliste ». De Gaulle
aurait pu se borner à mettre en œuvre la libération militaire du pays, qu’il aurait laissé
ensuite aux hommes politiques de l’avant-guerre. Mais il sait que la défaite de 1940 a
prouvé la faillite des élites de la IIIè République. Il veut donc que la Libération marque le
début d’une ère nouvelle, d’une République renovée. Il veut des institutions plus efficaces,
adaptées à un pays qui devient une puissance industrielle, largement urbanisé, où les
classes moyennes s’étoffent, où la condition des classes populaires, modifiée déjà par le
Front Populaire, reste à améliorer. Ce fut le rôle du Conseil National de la Résistance
d’élaborer ce programme de rénovation et de redressement national, qui permit après
1944 de mettre en place nombre des réformes économiques et sociales qui ont fait de la