
siècle2. Un événement presque fondateur de la montée en puissance des courants nationalistes
hindous au pays de Gandhi. On imagine quel peut être le poids de tels événements dans un
contexte de tensions régionales récurrentes, avec deux pays musulmans de plus de 130 millions
d’âmes pour voisins immédiats, à l’est comme à l’ouest.
La communauté musulmane indienne n’est pas la seule à être exposée à un possible
vindicte de la large majorité hindoue. En 1998, la petite communauté chrétienne de l’Union (2,4 %
de la population totale) a fait les frais d’attaques violentes et meurtrières de la part d’éléments
extrémistes hindous3, totalisant en une seule année autant d’incidents à son encontre qu’au cours
des cinquante années précédentes. Cette situation crisogène, susceptible des pires débordements,
attira sur New Delhi la condamnation d’une communauté internationale inquiète pour le sort d’une
minorité jusqu’alors épargnée.
Les tensions intercommunautaires, œuvre de la majorité dirigée contre une minorité
ethnico religieuse, ne crédibilise pas à l’étranger le gouvernement central d’un État où elles
surviennent. Les capitales, inquiètes devant les débordements mal contenus d’un exécutif
impuissant, témoigneront à son égard d’un scepticisme servant mal d’ambitieux intérêts
stratégiques. Or, la montée en puissance des mouvements nationalistes, parvenus par trois fois en
trois ans au pouvoir à New Delhi, ne permet pas d’imaginer un affaiblissement du risque
d’affrontements entre communautés religieuses. Le discours sectaire de certains courants radicaux,
ouvertement hostiles aux "privilèges" garantis par la constitution aux minorités, ne semble pas sur
le point de s’atténuer. Si elle venait à se renforcer, l’influence des idéologues nationalistes hindous
sur le gouvernement agirait négativement sur l’harmonie de cet État laïc et démocratique ; elle
constituerait une véritable menace pour sa stabilité interne. Son image à l’étranger s’en trouverait
affectée, ce qui finirait par avoir une implication sur la réussite de ses projets.
2. Le régionalisme
W.H Morris montra que l’expression des besoins politiques en Inde mettait en œuvre
plusieurs langages, selon les circonstances et les questions soulevées : un langage laïque et
moderne, un langage traditionnel de la caste et celui de la religion. La démocratie indienne a dû
s’insérer dans un tissu d’une société profondément hétérogène. La force du patriotisme régional
appartient à ces contraintes, au même titre que la contrainte des castes et communautés. Le
patriotisme régional s’incarne dans la culture, la langue, et parfois dans la religion ou la secte Les
clivages régionaux sont si forts qu’ils laissent émerger des quasi-nations fortement individualisées :
le Tamil Naidu, l’Orissa, le pays telugu, le Kerala au sud, le Bengale et l’Assam à l’est, le Pendjab
au nord-ouest, le Gujarat et le Maharastra à l’ouest. La force des coutumes, cultures et des langues
confère alors de l’importance aux partis régionaux ce qui conduit à une multiplication des
2 La démolition de cette mosquée du xvie siècle située en Uttar Pradesh (nord de l’Inde) provoqua les pires
émeutes entre hindous et musulmans depuis la partition de 1947. On estime le nombre des victimes à plus de
3 000.
3 La minorité chrétienne d’Inde a été victime d’une centaine d’agressions de la part d’extrémistes hindous entre
début 1998 et février 1999. Durant Noël 1998, des destructions d’églises ont eu lieu dans l’État du Gujarat.