Monde | Inde des quatre volontaires sur les dix du corps professoral qui ont fait vœu de donner leur vie à l’institution religieuse. Pour elle, l’hindouisme doit être accepté comme la seule religion de l’Inde, et même du monde. Musulmans et chrétiens du pays sont sommés de suivre l’Hindutva, le renouveau de l’hindouisme, l’esprit de l’Inde, idéologie qui n’est souvent qu’une façade pour ceux qui œuvrent en faveur d’une Inde exclusivement hindoue. Emanation de l’Arya Samaj, un groupe religieux traditionaliste, l’école de Bénarès est autant destinée à former des promotions de filles aguerries à l’usage du sanskrit qu’à engendrer des bataillons de paramilitaires. « Les vrais ennemis de l’hindouisme sont ici, en Inde, dit encore l’enseignante. Nous les combattrons… » déroulée dans le calme. Pour lui, les 2 000 morts consécutifs aux émeutes sont pur mensonge… Ayodhia, justement. C’est le lieu de toutes les crispations. Un lieu symbolique qui inquiète tant les défenseurs des droits de l’homme que les figures de proue des minorités indiennes. La bourgade sainte aux venelles tortueuses, dans le nord de l’Uttar Pradesh, Etat le plus peuplé d’Inde avec 170 millions d’habitants, a des allures de ville en guerre, dans des odeurs d’épices qui surgissent des échoppes de bibelots religieux. Militaires à chaque coin de ruelle, guérites surprotégées, hautes barrières de métal destinées à canaliser la foule des dévots : maintes fois mentionnée dans le Ramayana, la grande épopée indienne, la cité des dieux est désormais bien éloignée de Ayodhia, ville symbole son antique réputation de quiétude. Partout en Inde déferle la vague safran, Quand les militants hindouistes, en déla couleur sacrée de l’hindouisme. En Les musulmans d’Inde ? « Ils auraient cembre 1992, ont pris d’assaut la mos1998, le BJP, le Parti du peuple indien, dû partir lors de la partition, en 1948, quée de Babur, lieu présumé de naisen arrivant au pouvoir, n’était qu’une vers le Pakistan. » La fin de la tolérance ? sance du dieu Rama, ce fut une orgie fragile formation soumise au bon vou- « Le dieu Shiva a deux yeux pour voir, d’émeutes qui dégénérèrent dans tout loir des coalitions. Cinq ans plus tard, et le troisième pour détruire. Nous le sous-continent. Aujourd’hui, la mosle parti fondamentaliste a le vent en aussi… » quée en ruine reste une blessure dans poupe. Il a réussi à remporter les élecSur la terrasse de sa haute maison, le cœur de tous les musulmans d’Inde. tions dans l’Etat du Gujerat, en proie à devant une nuée de cerfs-volants agi- D’autant que les militants hindouistes des émeutes entre hindous et musul- tés par des enfants, Ashok Pande, per- se disent prêts à édifier, en quelques mans au début de l’année, et mise sur sonnage plein de faconde, figure de la jours s’il le faut, un temple sur les une propagation de ses idées par les nouvelle identité sur les rives boueuses cendres de l’édifice. « La décision doit réseaux en place, telles les écoles venir de la Cour suprême ! Sinon, fondamentalistes. A la veille des ce sera à nouveau le feu aux scrutins d’automne dans quatre poudres », avertit un membre de grands Etats et quelques mois l’importante communauté muavant les élections générales de sulmane de Lucknow, la grande 2004, le BJP semble gagner du terville voisine d’Ayodhia. rain. Une stratégie qui n’est pas Symbole de la nouvelle fièvre sans risque, dans une Inde comde la ville sainte aux cent temples : posite où les musulmans, avec le chantier de marbres roses où 140 millions d’âmes, représentent se pressent une cinquantaine de la deuxième communauté de l’issculpteurs et d’artisans. Entre lam au monde, après l’Indonésie. leurs mains jaillissent colonnes, « L’Inde, un milieu de révoltes », effigies du panthéon hindouiste, écrit le prix Nobel de littérature frises taillées dans la pierre du V. S. Naipaul… Rajasthan. Les pièces détachées Atal Behari Vajpayee, avec un hindouiste fondamentaliste ■ Longtemps, Ashok Pande n’a du temple de la discorde… « Tout cru être qu’un militant de l’ombre. Un du Gange, est intarissable sur le réveil est prêt pour un montage express, si de ces dévots dévoués à la cause de de la conscience hindouiste, sur la l’ordre en était donné », assure Sharad l’Hindutva. Et puis brusquement, avec nécessité de bouter dehors ceux qui Sharma, l’un des responsables du VHP la vague safran, ce responsable de la seraient soupçonnés de déviance ou (Visvha Hindu Parishad, le Conseil monRSS, une formation fondamentaliste, encore sur l’avènement d’un gouver- dial hindou), autre organisation fonqui est aussi l’un des dirigeants locaux nement idéal, socle du règne du dieu damentaliste et d’extrême droite qui fidu BJP, est propulsé sur le devant de Rama. Quant aux risques d’une telle nance l’opération. la scène. A Bénarès, tout le monde le vindicte, le héraut de la rue les écarte Dans un coin du chantier, un imconnaît. Yeux ronds et brillants, la ha- d’un geste preste de la main. Pour lui, mense mur de 500 000 briques défie rangue facile, entre camelots des bords la destruction de la mosquée d’Ayod- l’entente communautaire indienne : chadu Gange et ascètes en pagne, il est de- hia, voilà deux ans, ne fut qu’un épi- cune d’entre elles, à 1,25 roupie pièce, venu le chantre de la nouvelle mode phénomène. Et devant quelques fidèles, soit 2 centimes d’euro, est un don d’un fondamentaliste, la fierté d’être hindou. il déclare que cette destruction s’est militant désireux de construire le singh/reuters ÿ 40 | 18 juillet 2003 | Le Point 1609