Quel est le problème qui se pose à nous, enseignants ? C'est celui qui s'est posé à moi
aussi. En effet, ayant enseigné pendant 20 ans, je me suis souvent très posé ces questions-là.
C'est qu'au bout du compte, il n'est pas du tout simple de différencier certaines choses.
- S'agit-il de difficultés ?
- S'agit-il de retard ?
- Est-on en présence d'un enfant qui serait mauvais lecteur parce que n'aimant pas lire ?
- Est-on confronté à un trouble global de l'apprentissage ?
- Est-on confronté à un trouble sévère spécifique du langage ?
Toutes ces questions ne sont pas simples et quelquefois les frontières séparant un
terme de l'autre s'avèrent extrêmement ténues, au moins pour les enseignants. Parce
qu'effectivement nous sommes enseignants ; et en tant que tels, c'est un certain nombre de
connaissances médicales, neurologiques, que nous ne possédons pas. Cela nous empêche
de fixer clairement cette frontière entre difficultés, retard, trouble global ou trouble sévère.
J'en reviens donc à mon précédent propos : il convient d'éviter, et cela à tout prix, de
mettre une étiquette avant qu'un diagnostic soit posé ou de faire un diagnostic précipité. D'où
cette légère gêne que je ressens régulièrement lorsqu'un enseignant me confie avoir plusieurs
enfants dyslexiques dans sa classe.
Une chose est sûre : lorsqu'un enfant pose souci dans une classe, la première chose à
organiser, c'est une confrontation au langage oral et au langage écrit. Pour notre part - je
précise bien pour notre part, nous enseignants de l'Éducation nationale - nous évitons de
parler d'un trouble spécifique du langage oral avant l'âge de 5 ans, qui est l'âge de la
maternelle des grands. Jusqu'à ce stade, en gardant une attitude de veille, en essayant
d'entourer l'enfant de toutes les aides possibles et imaginables, cependant on évite de parler
de troubles spécifiques.
Il en va de même du langage écrit avant 8 ans, puisqu'il est quand même difficile de
parler d'un trouble spécifique du langage écrit avant que l'enfant ait appris à lire.
Je disais tout à l'heure que l'Éducation nationale s'occupait de l'aspect du repérage ;
c'est une tâche qui revient donc à un enseignant car c'est quand même lui qui arrive en
première position vis-à-vis de cet enfant. L'enseignant se demande quels signes d'alerte il va
trouver, de quels outils il peut disposer et quel relais il va pouvoir solliciter face à cette
problématique.
Il convient de poser d'emblée le fait que l'on applique un principe de prévention et que,
quel que soit l'enfant, on part du postulat qu'il a besoin, essentiellement besoin, d'un certain
nombre de connaissances et que ces connaissances-là sont à construire dès l'école
maternelle. A ce titre-là, le premier outil qui s'avère indispensable à l'école et à tout enseignant
c'est le BO, le Bulletin officiel de 1999, qui fixait les langages comme priorité de l'école
maternelle, précisant d'ailleurs "école maternelle, école de tous les possibles".
Les langages, parce que de fait il existait le langage oral, le langage écrit... ; mais
c'étaient également le langage artistique, le langage corporel, le langage informatique. Il
s'agissait bien de tous les langages. Sauf que certains langages deviennent d'un abord plus
ou moins facile lorsque l'on a déjà acquis le premier d'entre eux : le langage oral.
Ce qui nous semble constituer un premier signe d'alerte, c'est lorsque vers 3,5 à 4 ans,
un enfant présente ce que nous appelons une "perturbation sévère du langage oral". Je dis
encore nous, nous les enseignants. Ainsi, à la maternelle, un enfant de cet âge-là n'est pas
capable de constituer une phrase si minime soit-elle qui soit compréhensible ; qu'il n'est pas
capable de prononcer des mots qui font partie d'un lexique commun, lexique qu'il devrait avoir
acquis, d'une façon qui soit compréhensible ; qu'il n'est pas capable de solliciter un