Différents types d’organisations possibles pour scolariser les enfants « Dys » Mme Laurence Hanry, inspecteur d’académie ASH C'est chose pas facile du tout que de prendre la parole pour l'Éducation nationale. D'abord, parce que c'est très net aujourd'hui : l'environnement est devenu extrêmement médical. Cependant, dans cet environnement, il y a l'Éducation nationale. De plus, c'est souvent à l'école qu'on voit vraiment apparaître les difficultés de l'enfant lorsqu'il se confronte à la lecture, à la parole, à l'écriture, d'une façon finalement beaucoup plus normée qu'à la maison. Ce qu'il me semble important de dire, le docteur Maitrot en a parlé, mais je crois que c'est primordial, c'est qu'il s'agit bien d'un partenariat. Elle a expliqué que les ministères concernés (ceux de la Santé et de l'Éducation nationale), s'étaient positionnés dès le départ sur tout ce travail autour des "dys" ; et c'est effectivement une voie qui a été poursuivie constamment. Or, ce n'est pas une évidence quand on connaît les fonctionnements des uns et des autres. J'avais préparé quelques éléments d'historique que je n'exposerai pas, finalement. Malgré tout, il me semblait important de rappeler que le principe de reconnaissance de l'existence de déficiences du langage ou de la parole comme déficiences des modes de communication, avait été posé en 1989. Or, arrivé en 2007, on a parfois l'impression de ne pas avoir énormément avancé ; et cependant on a quand même avancé. Je tiens à rappeler cela, comme je reviendrai tout à l'heure sur les problèmes propres aux enseignants et à leur formation qui me semblent extrêmement importants. Le point de départ de ce qui se fait actuellement, cela a été le Haut Comité de la santé publique. Celui-ci a posé les troubles d'apprentissage (qu'ils touchent le langage, l'oral, l'écrit ou le calcul) comme un problème de santé publique ; ce qui équivalait quand même leur donner absolument toute leur place. Quelle est la définition des troubles spécifiques du langage pour l'Éducation nationale ? Elle ne peut que s'appuyer sur la définition qu'en donne, pour le coup, l'OMS et ses définitions répertoriées par ces classifications internationales. Je me suis longtemps occupée de circonscriptions que l'on disait "ordinaires", qui comportaient donc des écoles élémentaires, des écoles maternelles et pas uniquement des établissements spécialisés ou un point d'ancrage sur l'enfant en très grande difficulté ou handicapé. En allant inspecter des classes, puisque c'est quand même le coeur de mon métier, j'ai été étonnée de constater à chaque fois la façon dont on pouvait manier facilement le terme de "dyslexie". Ainsi, j'ai eu très souvent face à moi des personnes qui m'ont avoué avoir face à elles, dans leur classe "un grand nombre d'enfants dyslexiques". Les études sont quand même relativement récentes et c'est depuis ces 5 dernières années que l'on a progressé extrêmement rapidement, je me disais que c'était quand même poser très vite des mots sur des choses qui ne le sont pas obligatoirement. C'est pour cela qu'il me semblait important de rappeler que le mal-lire et le mal-parler constituent certes des déficiences, mais que tous les enfants qui présentent ces déficiences ne sont pas pour autant en situation de handicap ; d'où l'importance d'un diagnostic. Celui-ci s'avère d'autant plus important - on en a parlé tout à l'heure et il ne faut pas se leurrer sur cela - l'enfant est parfaitement conscient de sa différence. Lui en est conscient, sa famille en est consciente. Étant très attachée aux mots, il me semble qu'à partir du moment où on met un mot sur quelque chose, on change fondamentalement le regard des uns et des autres sur la personne à laquelle on applique ce mot : le regard du parent sur l'enfant ; celui de l'enseignant sur ce même enfant ; celui de l'enfant sur les autres élèves... Tous ces regards-là changent. Et peu ou prou, on assiste à un effet de marginalisation. Il se pose aussi la question du repérage et du dépistage. Le docteur Maitrot en a parlé tout à l'heure : ce sont deux champs qui, pour le coup, relèvent l'un et l'autre de deux entités différentes. Qui repère ? Qui dépiste ? Avec le repérage, on applique plutôt un principe de prévention, tandis qu'avec le dépistage, c'est plutôt un principe de précaution. Cela laisse penser, à juste titre, que le repérage sera plutôt assuré par l'Éducation nationale tandis que le dépistage sera plutôt l'affaire des services de santé. Comment passe-t-on du repérage au dépistage ? On suit une sorte de continuum qui fait qu'au fond, c'est pris en compte par les différents acteurs s'occupant de l'enfant, à des moments légèrement décalés dans le temps, parfois parallèles, mais pas innocents. Les premiers observateurs du problème sont représentés par les parents. C'est eux qui posent les premières questions lorsque l'enfant commence à parler, se disant qu'ils sont là en présence de quelque chose qui relève d'une difficulté ou en tout cas suscite une inquiétude. Souvent, ils en restent au stade de l'inquiétude. Puis l'enfant arrive à l'école (comme l'a dit le docteur Maitrot, chez nous c'est quand même souvent à deux ans). Là, ce sont les enseignants qui vont apporter un complément à ce regard porté par la famille. Les parents font part de leur inquiétude ; alors, on fait appel aux professionnels de la santé et on quitte l'étape du repérage pour passer à la phase du dépistage en lui-même. Quel est le problème qui se pose à nous, enseignants ? C'est celui qui s'est posé à moi aussi. En effet, ayant enseigné pendant 20 ans, je me suis souvent très posé ces questions-là. C'est qu'au bout du compte, il n'est pas du tout simple de différencier certaines choses. - S'agit-il de difficultés ? - S'agit-il de retard ? - Est-on en présence d'un enfant qui serait mauvais lecteur parce que n'aimant pas lire ? - Est-on confronté à un trouble global de l'apprentissage ? - Est-on confronté à un trouble sévère spécifique du langage ? Toutes ces questions ne sont pas simples et quelquefois les frontières séparant un terme de l'autre s'avèrent extrêmement ténues, au moins pour les enseignants. Parce qu'effectivement nous sommes enseignants ; et en tant que tels, c'est un certain nombre de connaissances médicales, neurologiques, que nous ne possédons pas. Cela nous empêche de fixer clairement cette frontière entre difficultés, retard, trouble global ou trouble sévère. J'en reviens donc à mon précédent propos : il convient d'éviter, et cela à tout prix, de mettre une étiquette avant qu'un diagnostic soit posé ou de faire un diagnostic précipité. D'où cette légère gêne que je ressens régulièrement lorsqu'un enseignant me confie avoir plusieurs enfants dyslexiques dans sa classe. Une chose est sûre : lorsqu'un enfant pose souci dans une classe, la première chose à organiser, c'est une confrontation au langage oral et au langage écrit. Pour notre part - je précise bien pour notre part, nous enseignants de l'Éducation nationale - nous évitons de parler d'un trouble spécifique du langage oral avant l'âge de 5 ans, qui est l'âge de la maternelle des grands. Jusqu'à ce stade, en gardant une attitude de veille, en essayant d'entourer l'enfant de toutes les aides possibles et imaginables, cependant on évite de parler de troubles spécifiques. Il en va de même du langage écrit avant 8 ans, puisqu'il est quand même difficile de parler d'un trouble spécifique du langage écrit avant que l'enfant ait appris à lire. Je disais tout à l'heure que l'Éducation nationale s'occupait de l'aspect du repérage ; c'est une tâche qui revient donc à un enseignant car c'est quand même lui qui arrive en première position vis-à-vis de cet enfant. L'enseignant se demande quels signes d'alerte il va trouver, de quels outils il peut disposer et quel relais il va pouvoir solliciter face à cette problématique. Il convient de poser d'emblée le fait que l'on applique un principe de prévention et que, quel que soit l'enfant, on part du postulat qu'il a besoin, essentiellement besoin, d'un certain nombre de connaissances et que ces connaissances-là sont à construire dès l'école maternelle. A ce titre-là, le premier outil qui s'avère indispensable à l'école et à tout enseignant c'est le BO, le Bulletin officiel de 1999, qui fixait les langages comme priorité de l'école maternelle, précisant d'ailleurs "école maternelle, école de tous les possibles". Les langages, parce que de fait il existait le langage oral, le langage écrit... ; mais c'étaient également le langage artistique, le langage corporel, le langage informatique. Il s'agissait bien de tous les langages. Sauf que certains langages deviennent d'un abord plus ou moins facile lorsque l'on a déjà acquis le premier d'entre eux : le langage oral. Ce qui nous semble constituer un premier signe d'alerte, c'est lorsque vers 3,5 à 4 ans, un enfant présente ce que nous appelons une "perturbation sévère du langage oral". Je dis encore nous, nous les enseignants. Ainsi, à la maternelle, un enfant de cet âge-là n'est pas capable de constituer une phrase si minime soit-elle qui soit compréhensible ; qu'il n'est pas capable de prononcer des mots qui font partie d'un lexique commun, lexique qu'il devrait avoir acquis, d'une façon qui soit compréhensible ; qu'il n'est pas capable de solliciter un vocabulaire qu'il est censé posséder. Tous ces signes-là constituent à nos yeux des signes d'alerte s'ils sont présents à l'école maternelle. Un deuxième outil nous permet à la fois de faire un peu le point, de repérer et puis peut-être ensuite de dépister (le docteur Maitrot en a parlé), c'est le Plan académique langage. Il a été passé l'an dernier dans la totalité des classes maternelles. Je vous en donnerai quelques éléments à la toute fin de ce diaporama. En effet, il s'avère quand même extrêmement intéressant dans les réponses qu'il nous a données. Nous l'avons pourtant mis en veille cette année parce qu'il ne nous a pas semblé pertinent dans la finesse d'analyse qu'il nous autorisait pour repérer les enfants qui étaient en difficulté profonde, qui souffraient de troubles sévères du langage. Il nous a permis de repérer - et c'est déjà très appréciable - des enfants qui étaient en difficulté et en difficulté avérée ; mais pas au-delà de ce stade. Et il s'est trouvé que nous distinguions deux publics : - un premier public qui avait passé ces épreuveslà (d'ailleurs dans les écoles publiques) ; et - un second public, celui des écoles privées, qui lui ne l'avait pas passé. Cette distinction nous a permis d'établir une comparaison, laquelle a montré la nécessité, dans l'état actuel des choses, d'affiner l'outil, tout intéressant qu'il était. C'est ce qui nous a amenés à en geler l'utilisation cette année, en attendant. Un autre plan est mis en place que nous appelons le repérage orthographique collectif (ROC). Cela concerne les élèves de CM 2 et de 6e ; il s'agit d'un repérage certes orthographique, mais il comporte quand même une forte incidence sur les capacités de lecture et d'écriture des élèves de 6e. Les résultats qu'il nous donne nous permettent aussi de porter un regard beaucoup plus affiné sur les difficultés de lecture et d'écriture. Ce qui est sûr, c'est qu'il nous paraît important et nécessaire, dès le départ - la loi, malgré sa présentation, a repositionné cela - d'entraîner l'enfant à la discrimination, tant auditive que visuelle, au travail de mémoire, en psychomotricité, en conscience phonologique et en compréhension orale. Quels que soient les enfants, ces mesures nous semblent absolument incontournables et encore plus pour les enfants en difficulté. Cela signifie que l'enfant va devoir faire trois choses : - apprendre à écouter pour reconnaître les sons ; - s'interroger, par exemple pour savoir quels sons composent tel mot ; - échanger : échanger avec les autres, échanger en sollicitant toutes les connaissances qu'il a pu enregistrer. Ces trois verbes là s'appliquent aussi à l'enseignant, lequel va également avoir : - à écouter l'enfant pour repérer ses difficultés ; - à s'interroger sur l'origine de ses difficultés ; et - à échanger, cela avec les différents partenaires, sur cet enfant, et sur la façon dont on va l'aider. C'est obligatoirement un travail de partenariat. Il est évident que ce travail-là ne peut se faire qu'en partenariat : - en partenariat avec les rééducateurs et en particulier avec les orthophonistes ; - en partenariat avec les médecins scolaires et avec la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ; - en partenariat avec les RASED ; et - si des médecins scolaires et la MDPH interviennent, il y a sans doute aussi médecin et traitement parfois. Je répondrai aux autres questions après. Mme Anne Chevrel Merci. Avant les échanges avec la salle, nous allons entendre Claude Delahousse, représentant la Maison départementale des personnes handicapées qui va maintenant nous présenter rapidement les différentes démarches administratives nécessaires pour l'accompagnement des enfants "dys".