facilitée, incluant par ailleurs la dimension médico-sociale. Cette dernière, souvent né-

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Réseaux de soins :
de quoi parlons-nous
et quels sont les vrais
objectifs de santé publique ?
G. Moutel*, C. Hervé*
es articles L162-31-1 du Code de la
sécurité sociale et L712-3-2 du Code
de la santé publique énoncent que
l’organisation des soins peut faire appel à
des réseaux de soins, sans en donner les caractéristiques avec précision. De quoi s’agitil, en fait ?
Il convient, dans un premier temps, de
bien distinguer les notions de filières et de
réseaux.
• La filière correspond à l’organisation du
parcours d’un patient dans un système de
soins organisé, quel qu’il soit, réseau ou non.
Ainsi, un patient qui va de son médecin traitant vers l’hôpital, puis bénéficie des soins
d’un kinésithérapeute de ville et d’une infirmière, emprunte une filière de soins au sein
de l’organisation territoriale actuelle du système de santé mis à sa disposition.
• Le réseau, quant à lui, correspond à une entité spécifique, reposant sur l’organisation coordonnée de personnes morales ou physiques
(institutions de soins, médecins ou soignants)
qui se fixent des objectifs communs de prise
en charge des personnes, en accroissant les
rationalités médicale, technique, voire, dans
certains cas, économique, d’un dispositif
d’offre de soins. Dans un réseau, un patient
circule de manière organisée suivant des pro-
L
* Laboratoire d’éthique médicale, de droit de
la santé et de santé publique, faculté de médecine Necker-Enfants malades, Paris. Site :
www.inserm.fr/ethique.
cédures et des protocoles, contrairement à ce
qui se passe dans une filière. Les réseaux permettent d’additionner des compétences, de
diminuer les doublons de prise en charge,
d’optimiser les temps de réponse médicale et
d’assurer une meilleure coordination des
soins apportés aux patients.
Il existe trois grandes catégories de réseaux :
– des réseaux de prise en charge globale qui
s’adressent à une catégorie de population
(femmes enceintes, handicapés, personnes en
situation de précarité ou réseau de prévention
pour la population globale d’un bassin de
vie...) ;
– des réseaux centrés sur une pathologie
(sida, diabète, cancer, toxicomanie, etc.) ;
– des réseaux hautement spécialisés (chirurgie cardiaque, maladie rare, génétique, etc.) ;
Au sein de chaque catégorie, on distingue :
– les réseaux purement médicaux (dits “sanitaires”), qui regroupent des personnes physiques ou morales délivrant des soins ;
– les réseaux purement sociaux, qui regroupent des institutions à vocation uniquement
sociale et des travailleurs sociaux ;
– les réseaux mixtes, qui assurent une prise
en charge globale des personnes sur les plans
médical et social et qui allient de manière
synergique le secteur sanitaire et le secteur
social. Ils reposent sur une fédération de compétences autour des patients et sur un décloisonnement des structures permettant une
prise en charge médicale pluridisciplinaire
Le Courrier de l’Arcol et de la SFA (3), n° 2, avril/mai/juin 2001
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facilitée, incluant par ailleurs la dimension
médico-sociale. Cette dernière, souvent négligée du fait de la séparation entre le secteur
médical et le secteur social qui a prévalu jusqu’à ces dernières années, doit être réintégrée
dans la pratique médicale.
Enfin, sur le plan administratif, il existe différents types d’organisation de réseaux :
– les réseaux interhospitaliers, qui mettent en
commun des compétences entre des établissements de santé ;
– les réseaux ville-hôpital, qui font collaborer des personnes ou institutions des domaines privé et public.
Au-delà de ces classifications, l’idée des réseaux est de favoriser des prises en charge
plus souples, moins contraignantes pour les
patients, c’est-à-dire favorisant l’ambulatoire,
le maintien à domicile des personnes et une
prise en charge globale optimisée. C’est pourquoi un réseau novateur doit reposer sur des
structures de médecine libérale ou hospitalières ambulatoires (consultations, hôpital de
jour) et sur des composantes médicales et sociales dans le cadre d’une pluridisciplinarité
répondant aux attentes des patients.
Les réseaux apparaissent alors comme un
moyen de décloisonner les systèmes de prise
en charge entre la ville et l’hôpital, d’ouvrir
ce dernier sur la ville, et de développer des
expériences de prise en charge innovante avec
de nouveaux financements et de nouvelles
formules de tarification.
Les réseaux ont pour objectif d’améliorer, à
terme, les indicateurs de santé dans un pays
qui consomme de plus en plus de soins, mais
peut-être de moins en moins bien, puisque
l’état de santé de la population, en général,
ne s’est que peu amélioré au cours des dix
dernières années.
C’est une des raisons pour lesquelles les réseaux favorisant une prise en charge globale
des personnes doivent particulièrement être
développés, non pas en concurrence, mais
aux côtés des réseaux de pathologie, et en
synergie avec eux.
Un réseau de prise en charge globale (au sens
très large du terme) doit se préoccuper d’éducation à la santé et de repérage de tous les
facteurs de risque que présente une personne,
de manière à rationaliser non seulement le
soin, mais aussi la prévention des facteurs de
risque et des états de vulnérabilité.
C’est pourquoi, à côté de réseaux hautement
spécialisés (réseau de chirurgie cardiaque, réseau des maladies génétiques, etc.), doivent
cohabiter des réseaux intermédiaires (réseau HTA, réseau diabète, etc.) qui assurent
une prise en charge globale centrée sur une
pathologie et, enfin, des réseaux généralistes
totalement orientés vers la prise en charge
globale des personnes, prenant en compte
tous leurs aspects médicaux et sociaux (réseaux de généralistes et internistes qui proposent, pour tout patient, des prises en charge
ciblées et personnalisées en regard de tous les
facteurs de risque qu’il présente).
Un patient peut dès lors appartenir à un ou
plusieurs réseaux en fonction de ses besoins.
Appartenir à un réseau de prise en charge globale, qui fonctionnera en interopérabilité avec
un réseau spécialisé dans telle ou telle pathologie, semble grandement souhaitable.
Les réseaux doivent permettre d’améliorer la
prise en charge globale des personnes.
La prise en charge globale apparaît en effet
comme un des objectifs de santé publique à
atteindre à travers la mise en place des réseaux et de leur interopérabilité. La prise en
charge globale des personnes pour les éléments ne relevant pas de la compétence du
réseau hautement spécialisé devra être organisée par le réseau plus généraliste.
Cette démarche de prise en charge globale au
sein d’un nouveau réseau devra s’adresser à
tout patient, chacun d’entre nous étant par définition porteur d’un ou de plusieurs éléments
de vulnérabilité médicale et/ou sociale. Les
médecins se doivent alors d’optimiser et de
systématiser leur rôle de conseillers en incluant dans les consultations le curatif, le préventif et de plus en plus, dans certains domaines, le prédictif, en particulier en regard
des traits de risque familiaux et de l’avènement des marqueurs génétiques. C’est donc
une nouvelle vision du corps et de la prestation médicale qui se dessine. Ainsi, une pa-
tiente suivie pour HTA se verra non seulement
proposer des prises en charge tenant compte
de ses autres facteurs de risque cardiovasculaires, mais également, si sa tranche d’âge
l’exige ou si le contexte familial le suggère,
la réalisation d’une mammographie en temps
utile et, si besoin, un conseil oncogénétique
familial si des antécédents évocateurs existent. Une telle approche doit ainsi éviter des
dépistages de cancer du sein à un stade trop
tardif chez des femmes bénéficiant par ailleurs
d’un excellent suivi et d’un excellent contrôle
des facteurs de risque cardiovasculaire ; elle
pourra éviter des retards de prise en charge de
diabète, des non-repérages de comportements
à risque concernant les MST lors d’une demande de contraception orale ou des nonmises à jour des vaccinations. L’idée générale, en regard des indicateurs actuels de santé
publique, paraît donc claire : éviter qu’un élément non pris en charge vienne réduire à néant
les efforts faits par ailleurs sur d’autres facteurs de risque chez la personne.
L’émergence des nouveaux pôles de compétences que sont les réseaux, s’ils s’articulent
entre eux, doit permettre d’optimiser les
moyens, d’éviter les doublons de structures,
voire les conflits d’intérêts disciplinaires qui
peuvent se révéler délétères pour l’optimisation de l’utilisation des fonds publics.
Une telle réorganisation de la prise en charge
médicale devra nous amener à structurer les
partenariats entre réseaux afin d’asseoir réellement le concept de prise en charge globale.
Cette réorganisation de notre système de
soins devra donc :
• apporter une réponse au motif de consultation du patient ;
• proposer au patient d’y associer systématiquement et avec son consentement :
– un repérage de ses facteurs de risque et de
ses comportements à risque,
– un repérage précoce des maladies dépistables,
– une prévention primaire ou secondaire ciblée.
– une prise en compte des éléments sociaux
participant aux grands équilibres et donc à la
santé des patients (emploi, logement, famille,
vie en couple, sexualité, handicap, prise en
charge sociale...).
Pour cela, les réseaux doivent :
• promouvoir l'éducation à la santé de manière personnalisée, en fonction du profil des
patients ;
• promouvoir des outils pour répondre à ces
objectifs : dossier médical unique, fiches médicales de repérage systématique des besoins
en santé des personnes et fiches de suivi, ces
outils pouvant donner lieu à une informatisation au sein d’un dossier médical unique
facilitant et rationalisant la prise en charge ;
• mettre au point des stratégies et des procédures communes de dépistage, de prévention,
puis de prise en charge des pathologies et
d’hospitalisation permettant d’améliorer leur
pertinence en fonction de l’évolution des données médicales et épidémiologiques nationales et locales ;
• conjuguer et coordonner les prises en charge
médicale et sociale en cas de besoin ;
• mobiliser les techniques de communication
ainsi que les nouveaux médias pédagogiques
pour répondre à ces objectifs (brochures pédagogiques, modules Internet, réunions de
patients, journées d’information).
La prise en charge globale des personnes
au sein des réseaux pourrait ainsi être reconnue comme une obligation de moyens et sa
non-mise en œuvre pourrait concourir à
des revendications de la part des patients ou
d’associations constituées pour leur défense.
Celles-ci seraient fondées à arguer, comme
elles le font déjà, d’une relative “perte de
chance” dès lors que les prises en charge ne
seraient pas conformes à l’évolution des
connaissances en termes de dépistage, de
prévention primaire ou secondaire, d’accès
aux droits et d’orientations médico-sociales.
C’est pourquoi, aujourd’hui, la notion d’accès aux soins semble indissociable des notions d’accès aux droits et d’éducation à
●
la santé.
Annonceurs
LABORATOIRES MSD CHIBRET (Zocor), p. 62-63 ;
FOURNIER FRANCE (Lipanthyl, Cholstat), p. 46, p. 88.
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Le Courrier de l’Arcol et de la SFA (3), n° 2, avril/mai/juin 2001
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