FEDERATION FRANCOPHONE DES TRAVAILLEURS SOCIAUX DE RUE ASBL - 300 Avenue Victor Rousseau 1190 Bruxelles – Tel : 0491/255 095 [email protected] / www.travailsocialderue.be Compte bancaire : BE42 0016 9467 3054 L’ACTION COMMUNAUTAIRE Septembre 2013 En cette année 2013, Traces de rue, l’atelier belge des travailleurs de rue francophones, est devenu une fédération francophone de travailleurs sociaux de rue qui s’est constituée grâce à la volonté d’un collectif de travailleurs sociaux de rue de divers secteurs désirant s’engager en tant qu’acteur de changement social. La fédération a pour objet social de promouvoir le travail social de rue qui vise à permettre aux individus et collectifs d’individus de sortir ou d’échapper à toute forme d’exclusion sociale dans une démarche à visée émancipatrice. L’association promeut la reconnaissance du travail social de rue et sa spécificité dans le champ du travail social, défend la profession, les intérêts des différents publics, la déontologie et l’éthique telle qu’elles sont définies dans la charte de l’association. L’enjeu étant de promouvoir une approche du travail social de rue à visée préventive et émancipatrice et d’interpeller les responsables politiques et les pouvoirs publics sur les causes structurelles de l’exclusion sociale. Pour ce collectif de travailleurs sociaux de rue, il est impératif d'arrêter de faire de la “gestion de la pauvreté » en ne travaillant que sur les symptômes, de dénoncer les plans, mesures et dispositifs qui produisent une grande précarité et de la souffrance sociale, et donc d’agir aux différents niveaux de pouvoir où ces causes peuvent être dénoncées pour apporter des changements structurels en mettant en place des politiques publiques garantes d’une réelle cohésion sociale pour un mieux vivre ensemble. Travailler sur les causes structurelles qui produisent de la précarité et de l’exclusion sociale. En Belgique, un certain équilibre entre défense sociale et protection sociale a constitué la base de notre système social jusque dans les années septante. Voyons de quoi il s’agit. Un système de défense sociale prône une intervention sociale qui couple assistance et répression. L’idée étant de défendre et protéger les individus qui s’en sortent et de faire en sorte que les individus aux comportements «asociaux ou marginaux» soient bénéficiaires d’une aide ou de la suspension d’une sanction que s’ils se plient aux normes dominantes des politiques structurelles. Un système de protection sociale prône une intervention sociale qui couple l’aide et le droit d’accès automatique à la sécurité sociale et aux mesures rétablissant une égalité de traitement en cas de difficulté. L’idée étant que les individus en situation de vulnérabilité et précarité sont victimes de politiques structurelles qui produisent des inégalités et des mécanismes d’exclusion. Aujourd’hui, nous observons que les politiques surfent, à des fins électoralistes, sur la vague du sentiment d’insécurité, très subjectif, des citoyens qui ont peur de perdre leurs acquis sociaux se sentant menacés, pour une partie d’entre eux, par les laissés pour compte du système et stigmatisent de plus en plus une importante frange de citoyens en les rendant responsables de leur non intégration sociale et de leur exclusion. Nous constatons une prévalence des idées de la défense sociale au chef des politiques publiques mises en œuvre, un détricotage des droits sociaux acquis, un recul dans l’action de prévention générale. En Belgique, tous les jours, en rue, les travailleurs sociaux de rue sont les témoins de situations, d’injustice dans l’accès aux droits, de pauvreté et précarité, de marginalisation, de discrimination, de stigmatisation et de dysfonctionnement de certaines institutions publiques voire privées, situations auxquelles sont confrontés leurs différents publics et qu’ils doivent affronter avec ceux-ci sur leurs terrains au quotidien. Le diagnostic social local, demandé à de nombreux services sociaux subsidiés, qu'ils dépendent du secteur public ou associatif, lorsqu’il est travaillé sur base des constats des travailleurs de terrain, rend compte des réalités d’un territoire. C’est un outil qui permet, lorsqu’il est empreint d’authenticité, de mettre en lumière des problématiques qui y opèrent, pointant des causes structurelles qui demandent à être enrayées. Ce sont ces problématiques qui méritent des mesures politiques transversales et volontaristes garantes d’une protection sociale pour tous et toutes. Agir à quel niveau ? Aller du niveau ultra local à un niveau macro … La proposition du Street workers network – Dynamo International de réaliser une publication sur l’action communautaire fit écho au collectif des travailleurs sociaux de rue de l’atelier rejoignant ainsi un des objectifs de ce pourquoi la fédération s’est fondée, l’action politique. C’est ainsi que nous nous sommes réunis en atelier pour échanger et réfléchir ensemble à cette question de l’action communautaire. Dans un premier temps, nous avons partagé les exemples d’expérience de chacun au sein de son association pour ensuite nous poser la question de ce qui différencie l’action collective de l’action communautaire et enfin réfléchir au fondement et au sens, pour ce collectif, de l’action communautaire en nous basant sur l’article « Travail de rue et action communautaire : quels enjeux ? » écrit par Jean Blairon pour le Réseau International et sur un article de notre collègue Camille Dejean travaillant au sein d’un PCS (projet cohésion sociale). Ainsi, nous avons identifié quelques initiatives collectives qui renforcent la cohésion sociale, l’échange et le recueil de la parole et la participation des publics. Toutes ces initiatives sont représentatives des nombreuses actions menées par des travailleurs sociaux de rue sur leurs différents terrains ruraux et urbains. Nous avons laissé ouvert le débat tout en concluant que l’action communautaire part de constats de problématiques communautaires et a pour finalité un intérêt collectif qui dépasse le groupe et doit amener un changement dans le milieu de vie. Il fait appel à des travailleurs sociaux engagés dotés d’une forte éthique professionnelle. Une distinction est à faire entre un travail à visée communautaire et un processus avec une méthodologie qui mène à une action communautaire. Un processus renvoie aussi à la notion de temporalité, c’est un travail permanent sur le long terme. Une action à visée communautaire peut être impulsée par des travailleurs sociaux, par contre, une action communautaire est le fruit d’un processus qui impliquera impérativement un collectif d’individus pour une action politique qui transcendera le collectif et installera un rapport de force. Cet atelier a constitué une première étape d’un processus permanent de l’atelier des travailleurs sociaux de rue en tant que laboratoire de pensées collectives pour répondre entre autre à la mission d’interpellation de la fédération. Une deuxième étape fut de rassembler les constats des réalités de terrains auxquelles sont confrontés les différents publics et les travailleurs sociaux de rue. Force est de constater que les travailleurs sociaux de rue ressentent de plus en plus un sentiment de solitude et d'impuissance et se sentent souvent instrumentalisés lorsqu’ils se retrouvent à compenser les manques, insuffisances et dysfonctionnements des politiques publiques qu’ils constatent. Les récurrences dans les constats des réalités de terrains nous amènent à les énoncer en tant que problématiques communautaires. Elles sont reliées à des causes structurelles similaires qui réclament des actions politiques aux différents niveaux de pouvoir, communes, communautés, régions, fédéral, union européenne, dont l’enjeu est l’avenir du bien vivre commun pour notre société. Voici les deux textes qui ont inspiré nos réflexions Travail de rue et action communautaire : quels enjeux ? Jean Blairon Cette analyse nous a été demandée par le Réseau International du travail de rue qui souhaite organiser une enquête parmi ses membres (plus de quarante pays représentés) pour explorer cette dimension du travail de rue et pour rendre raison de ses enjeux et modalités d'action. Cette initiative nous semble non seulement pertinente mais cruciale : nous allons essayer de montrer dans ces lignes que le lien entre le travail de rue et une action à un autre niveau (nous allons immédiatement préciser ce qu'il convient d'entendre par « communautaire ») engage non seulement les orientations fondatrices d'un travail social mais aussi le modèle de développement qui détermine ce que sont ou pourraient être nos sociétés : il est en effet acquis désormais1 qu'elles disposent d'une forte capacité d'action sur elle-même et que les transformations qu'implique ce type d'action ne sont pas référées, dans les sociétés modernes (ce qui ne veut pas dire occidentales), à une quelconque historicité. Action communautaire, de quoi parle-t-on ? Selon les traditions nationales et les secteurs d'activités, on trouve évidemment des définitions différentes du terme communautaire. Par exemple, il existe une forte tradition dans le champ de la santé qui évoque par ce terme la mobilisation de la « communauté » (le quartier par exemple, ou un réseau de groupes divers) aux côtés des professionnels pour assurer la prise en compte d'une série de situations. C'est dans une autre acception que nous proposerons d'entendre le terme dans ces lignes, en nous référant notamment au travail de rue ou au travail « dans le milieu de vie » (désigné parfois sous le terme « milieu ouvert ») mis en oeuvre notamment en faveur des jeunes. La dimension communautaire recouvre alors la volonté de ces travailleurs et des associations qui les emploient de ne pas se limiter à une aide sociale individuelle, c'est-à-dire à la résolution du problème vécu par tel individu avec qui un lien a pu se créer. Cette « non-limitation » articule deux dimensions. La première consiste à se rendre capable d'observer des récurrences dans les demandes éventuelles qui sont reçues : si des situations semblables sont constatées, c'est qu'elles n'ont pas seulement le statut d' « accident de la vie », mais qu'elles peuvent et doivent être reliées à des causes similaires. Ces causes sont le plus souvent des politiques structurelles, soient qu'elles produisent 1 C'est notamment le travail constant d'Alain Touraine que de rappeler que les sociétés modernes se définissent comme capables de se transformer et qu'elles entendent le faire sans autre référence qu'à elles-mêmes : c'est leur « historicité ». Il suffit de penser au rapport qu'elles se définissent et entretiennent par rapport à la « nature » pour comprendre cette dimension : plus rien n'est considéré comme irrévocablement déterminé par les « lois de la «nature ». activement les situations qui sont observées, soit qu'elles sont insuffisantes pour les empêcher. Le travail de rue entend dès lors aussi s'attaquer à ces causes, parce qu'il estime qu'elle relèvent de sa responsabilité. Cette logique change le regard sur les situations individuelles auxquelles le travailleur de rue peut être confronté (elles ne sont pas qu'individuelles), mais aussi sur les politiques et leurs conséquences, même involontaires : elles ne peuvent être considérées comme hors d'atteinte ni comme indépendantes de l'action (ou de l'absence d'action) des citoyens. Il s'agit dès lors, comme nous y invitait Pierre Bourdieu, de permettre « à ceux qui souffrent de découvrir la possibilité d'imputer leur souffrance à des causes sociales et de sentir ainsi disculpés ; et en faisant connaître largement l'origine sociale, collectivement occultée, du malheur sous toutes ses formes, y compris les plus intimes et les plus secrètes. » Il s'agit donc d'entendre les souffrances dont on est le témoin comme produites par des causes sociales, alors que cette production est occultée ; ensuite, il s'agit d'agir au niveau où ces causes peuvent être enrayées : « Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que rien n'est moins innocent que le laisser-faire : s'il est vrai que la plupart des mécanismes économiques et sociaux qui sont au principe des souffrances les plus cruelles, notamment ceux qui règlent le marché du travail et le marché scolaire, ne sont pas faciles à enrayer ou à modifier, il reste que toute politique qui ne tire pas pleinement parti des possibilités, si réduites soient-elles, qui sont offertes à l'action, et que la science peut aider à découvrir, peut être considérée comme coupable de non-assistance à personne en danger. »2 Nous sommes loin, dans ce cas, d'un travail social que nous qualifierions d'humanitaire ou de caritatif – qui vise seulement à soulager la souffrance immédiate ; cette conception est de plus souvent couplée à une vision paternaliste refoulée, qui postule l'ignorance de la personne ou du groupe dont il faut soulager la souffrance. La citation de Confucius, aujourd'hui rabâchée, sur l'intérêt d' « apprendre à pêcher » à celui qui a faim (plutôt que lui donner du poisson) cache souvent, dans ses usages sociaux, un mépris intrinsèque pour les ressources des populations en souffrance ; elle sert souvent de litière à un impérialisme culturel technocratique qui a succédé à l'impérialisme religieux et économique. Ce que l'on propose donc de désigner par « action communautaire » est donc un double refus : – – celui de l'occultation des causes de la souffrance économique,sociale et culturelle ; celui de la résignation politique. Une attente particulière peut alors s'exprimer par rapport à l'enquête du Réseau International des Travailleurs de rue : c 'est qu'elle nous informe sur certains ressorts de la résignation politique (Pierre Bourdieu parlait à ce sujet des «rouages bien huilés des complicités résignées »). Cette « résignation » (dotée de degrés très variables d'hypocrisie) peut en effet se déployer à un triple niveau : – lorsque les politiques démissionnent ou se paient de mots : on définit des slogans, on 2 P. Bourdieu, La misère du monde, Paris, seuil, 1993, p. 944. cite des chiffres, on fait du marketing (« diminuer de 20% la pauvreté à l'horizon 2020 »), mais l'action réelle ne suit pas ; il arrive ainsi que la politique se réduise à échafauder des plans, à communiquer à leur propos (leur lancement, leurs ponctuations intermédiaires, par exemple la remise pompeuse d'un rapport de consultance)- et s'arrête là ; – lorsque le découpage bureaucratique fait en sorte que les mêmes tombent toujours « dans les trous noirs » des frontières floues entre les compétences : « trop ceci ou pas assez cela », certaines « catégories » sociales se voient ballotter sans cesse d'un « guichet » à l'autre ; – lorsque les politiques jouent avec les niveaux qui les structurent (c'est pas nous, c'est – l'Europe, la mondialisation, le FMI, etc.) et qui s'alimentent réciproquement (ce qui est évidemment occulté). La surface internationale du Réseau pourrait ainsi lui permettre de mettre en lumière les mécanismes de la résignation en mettant au jour certaines façons de faire de la politique. – Les politiques semblables menées ici et là ; s'interroger sur leur inspiration éventuellement commune peut par exemple conduire à comprendre comment elles cumulent leurs effets (voire se présentent comme inévitables). – Les politiques déplacées ou en boomerang ;Philippe Bourgois, dans son enquête sur les dealers de crack à East Harlem, montre ainsi que c'est bien la politique nord-américaine de déstructuration de l'agriculture portoricaine qui a produit une émigration massive à un moment où une transformation profonde de l'économie américaine elle-même supprimait les emplois peu qualifiés , d'où la production de dealers : « Du jibaro portoricain au revendeur de crack hispanique »3 - la « culture de la rue » et « l'économie souterraine » sont ainsi le résultat d'un impérialisme culturel et de l'économie officielle. La prostitution forcée de rue ou la mendicité gagneraient peut-être à être réfléchies en ces termes ? – La mondialisation dont on a tant vanté les vertus salvatrices et la force inéluctable pourrait peut-être ainsi se révéler comme le produit d'un double effacement (qui en est une condition) : l'effacement des causes cumulées et déplacées, puis les tentatives d'effacement des effets : bien des politiques se révèlent aujourd'hui des politiques d'effacement des dimensions visibles de la souffrance économique, sociale et culturelle, qu'il convient alors de mettre au jour. Le double niveau de la critique sociale Le travail de rue possède alors une dimension de critique politique et sociale. On gagne peutêtre à rappeler qu'elle peut alors se déployer à un double niveau. Si nous suivons les travaux de Luc Boltanski4, nous entendons que la vie en commun est rendue possible parce que des institutions statuent sur ce qui est « la réalité ». Faute de cette « institution » de la réalité, les disputes entre les protagonistes pourraient être sans fin, puisque les « ajustements entre protagonistes », dans toutes sortes de cas, ne se font pas à l'état pratique . L'établissement de la réalité dont sont responsables les institutions passe souvent par la définition de procédures ou d'épreuves. On définit par exemple la procédure qui permet de dire qui réussit ou échoue à un examen, qui a droit à une aide ou pas, qui peut être plaignant ou non, etc. 3 4 P. Bourgois, En quête de respect, Le crack à New York, Paris, Seuil, 1995, pp. 84 et sq. L. Boltanski, De la critique, Précis de sociologie de l'émancipation, Paris, Gallimard, 2009. Les institutions ont donc pour rôle de dire la réalité ou de la confirmer (« oui, le contrôle de sécurité a bien eu lieu dans les règles de l'art, x ne peut donc être tenu pour responsable de cet accident »). Ce dernier exemple montre qu'une première critique sociale (Luc Boltanski l'appelle réformiste) peut contester la manière dont l'épreuve a été effectuée, voire l'adaptation de l'épreuve à la réalité qu'il faut instituer : ce qui est supposé se faire ne se fait pas ou ne se fait pas réellement dans les règles. Par exemple, La Convention Internationale des Droits de l'enfant consacre le droit de chaque jeune à l'accès à des activités culturelles : « Les Etats parties respectent et favorisent le droit de l’enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique et encouragent l’organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d’activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d’égalité. » Des conditions cachées peuvent toutefois introduire des inégalités : exiger une certaine forme d'engagement et de régularité peut par exemple se révéler inaccessible à des enfants dont les parents sont soumis à la pauvreté. Une action communautaire pourra mettre en lumière ces restrictions officieuses, qui constituent des épreuves inappropriées. Par ailleurs, Luc Boltanski est amené à indiquer qu'une critique radicale peut mettre en lumière qu'une part de ce qui se vit échappe à ce qui est décrit comme la réalité. Dans ce cas, il ne s'agit pas de critiquer la manière dont les « épreuves » sont organisées ou le bien-fondé de celles-ci, mais de montrer que des fonctionnements pourtant existants ne « font pas partie de ce qui est considéré comme étant la réalité ». Par exemple, l'article 11 de la Convention Internationale des Droits de l'enfant dispose que « Les Etats parties prennent des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d’enfants à l’étranger ». L'organisation d'un tourisme de la désolation , selon l'expression de Paul Virilio, procède toutefois à une invasion culturelle virtuelle, en étalant insolemment la richesse du mode de vie dans certains pays, couplée à un rejet réel de tout droit, malgré les déclarations officielles : une véritable politique d'éjection peut être organisée, et être éventuellement maquillée dans des « retours volontaires », apparemment licites. Si les pays riches affirment fréquemment qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, on les entend moins déclarer qu'on ne peut pas la produire ou l'aggraver5. Nous proposons ici que les articles de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant puissent servir de points de repère pour l'analyse des politiques menées, et le double niveau de critique défini par Luc Boltanski, de matrice. Nous verrions ainsi, par exemple, si les politiques qui se définissent comme inclusives le sont vraiment et pour qui. 5 Voir à ce sujet le reportage édifiant du Délégué général aux droits de l'enfant, en collaboration avec le Réseau International des travailleurs de rue « De Charybde en Scylla », sur les tribulations catastrophiques d'une famille Rom en Europe http://www.enlignedirecte.be/a-la-une/droits-des-roms-en-serbie/ Les questions touchant les modes d'action Si la critique, qu'elle soit réformiste ou radicale, permet de combattre l'occultation des causes de la souffrance sociale, économique et culturelle, elle n'a évidemment de sens que si elle permet de lutter contre la résignation. L'action communautaire doit pouvoir porter le nom d'action. Quatre questions nous semblent fondamentales pour interroger cette dimension. – A quel niveau l'action est-elle entreprise, avec quel parcours et avec quel succès ? Par exemple, il est fréquent que l'association tente de compenser elle-même l'insuffisance politique qu'elle a constatée, avec des effets tangibles, mais parfois paradoxaux. Si nous reprenons l'exemple des restrictions et inégalités cachées par rapport à l'accès à des activités culturelles, l'association qui se rend capable de la critique pourra être tentée d'apporter ellemême une réponse au groupe social concerné, en organisant par exemple des activités collectives. Elle apporte ainsi une solution effective au problème, mais laisse intactes les politiques structurelles qui le permettent ou le produisent. Comment se négocie cette tension entre la solution effective (qui a le mérite d'exister) et ses effets éventuellement paradoxaux ? – Quelle est la place du partenaire politique dans la critique ? Luc Boltanski a raison de poser que les institutions font déjà un travail réflexif lorsqu'elles entreprennent de « confirmer la réalité de la réalité », comme nous l'avons indiqué ci-dessus. Les critiques réformiste et radicale sont donc interdépendantes du travail institutionnel, ce qui conduit probablement à poser que la représentation des institutions qui les considèrent comme sourdes et aveugles par nature est erronée. Il reste que des effets de résistance ou d'hypocrisie peuvent se repérer dans toutes sortes de situations. Il paraît donc important d'examiner les modes d'interpellation critique qui paraissent adéquats, tant sur leur registre (qui peut aller de la dénonciation à l'appel à mobilisation) que sur leurs méthodes. – Le degré de congruence entre la logique d'aide et la logique d'action communautaire peut aussi utilement être interrogé. Le Guide méthodologique du travail de rue a interrogé le modèle d'efficacité dans lequel l'aide apportée par le travailleur de rue s'inscrit (appelé modèle de propension). L'action communautaire suit-elle le même modèle ou assiste-t-on au retour d'une logique technocratique, via, par exemple, l'imposition politique quasi omniprésente de réaliser des diagnostics sociaux6 ? – Enfin, la question de la participation des groupes concernés par l'action communautaire est centrale. La logique « humanitaire » conduit en effet à agir pour sans agir avec. C'est particulièrement flagrant en matière de conception de l'action : l'avis des bénéficiaires est rarement sollicité, dans la mesure où une réelle expertise ne leur est pas vraiment reconnue. Il est donc utile de se demander selon quelles modalités cette participation est mise en place et à quelles conditions. 6 Cfr J. Blairon, « La vogue et la vague des diagnostics », http://www.intermag.be/images/stories/pdf/VogueVagueDiagnostic.pdf Texte de Camille Dejean TRAVAIL SOCIAL COLLECTIF ET COMMUNAUTAIRE TRAVAIL SOCIAL COMMUNAUTAIRE La démarche communautaire peut être envisagée comme un processus qui vise à soutenir des personnes dans l'amélioration de leur qualité de vie dans une vision globale et participative. Il s’agit de leur donner les moyens de devenir acteur et de promouvoir l’action collective et participative comme vecteur de changement social. Une des spécificités de la démarche communautaire est de faire apparaître les mécanismes qui dépassent le niveau du groupe, les mécanismes structurels. Une déontologie particulière au travailleur social communautaire est de créer une organisation communautaire démocratique. TRAVAIL SOCIAL DE GROUPE Le travail social collectif est un travail éducatif qui utilise l'expérience du groupe pour favoriser l'évolution de chaque individu. Il s’agit dans le travail social de groupe de reconstituer des lieux où les personnes peuvent se reconstruire ; le groupe est d’abord vu comme un soutien à la personne. Le travailleur social regroupe les personnes qui connaissent une problématique commune. En faisant l'expérience du groupe, les individus s'enrichissent mutuellement, ils développent, leurs capacités d'action individuelle et collective (pouvoir d'agir). Il peuvent s'y émanciper, devenir sujet. Le groupe peut prendre comme perspective centrale, l’aide aux individus, le développement du groupe lui-même ou même l’action sur l’extérieur. Si l'action revêt un intérêt collectif qui dépasse le groupe, nous pouvons la qualifier de communautaire. TRAVAIL SOCIAL DE GROUPE ET COMMUNAUTAIRE Le travail social de groupe et le communautaire ne sont pas opposés. Ce sont des démarches parallèles qui se croisent et sont complémentaires. Dans le cadre d'une démarche communautaire, les activités collectives peuvent être envisagées comme des actions "tremplin" et/ou de "prétexte à la rencontre". En effet, le travail social de groupe peut-être un préalable à la démarche communautaire. Il permet la construction d’une dynamique d’échange, de convivialité, de solidarité essentielle à l’investissement de chacun dans une démarche communautaire. Le travail social de groupe et le travail social communautaire se distinguent notamment : par le type de problème et le type de réponse apportée par la manière dont seront envisagées, par les professionnels, la définition des besoins, la réponse apportée et la portée des actions menées. TSG TSC Type de problèmes Problèmes individuels partagés, communs Problèmes identifiés comme collectifs Type de réponse Réponse collective Réponse collective Besoins ou problèmes Identifiés par les professionnels ou définis par les participants Définis par les habitants/le groupe Réponses Proposées PAR les professionnels et/ou AVEC les participants. Développées AVEC les habitants/le groupe Portée des actions Individuelle (émancipation individuelle) Intérêt collectif qui dépasse le groupe Exemple de finalité => émancipation Exemple de finalité => cohésion sociale, développement local, interpellation politique, etc.