Thème 1 (ECO) : Croissance, fluctuations et crises. Chapitre 2

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Thème 1 (ECO) : Croissance, fluctuations et crises.
 Chapitre 2 : Comment expliquer l’instabilité de la croissance ?
 Objectifs.
Il s’agit de mettre en évidence que la croissance économique n’est pas un phénomène harmonieux
puisque l’on observe des fluctuations économiques. Malgré une tendance à l’augmentation des richesses
créées sur le long terme, on constate néanmoins des phases de croissance plus ou moins soutenue et des périodes de crise. Les fluctuations économiques peuvent se mesurer par le décalage entre la croissance potentielle (trend de croissance de long terme que l’économie devrait suivre en l’absence de chocs exogènes et de
tensions) et la croissance effective (croissance observée).
Il s’agit ensuite d’aborder les facteurs explicatifs de ces fluctuations économiques, autour des effets
provoqués par l’existence de chocs. On développera notamment les chocs d’offre et les chocs de demande.
Enfin, on montrera les enchaînements amenant à un ralentissement de l’activité en insistant sur le
cercle vicieux de la déflation.
 Plan.
I.
Les fluctuations de l’activité économique.
Doc. 1 / doc. 2 p. 46 ; doc. 3 / doc. 4 p. 47
II.
Les explications des fluctuations économiques.
A. Les chocs de demande.
Doc. 1 / doc. 2 p. 48 ; doc. 3 /doc. 4 p. 49
B. Les chocs d’offre.
Doc. 1 / doc. 2 p. 50 ; doc. 3 / doc 4 p. 51
C. La déflation par la dette.
Doc. 1 / doc. 2 p. 52 ; doc. 3 / doc. 4 p. 53
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Thème 1 (ECO) : Croissance, fluctuations et crises.
 Chapitre 2 : Comment expliquer l’instabilité de la croissance ?
Dans le chapitre précédent, nous avons souligné que la croissance économique dépendait de l’offre et
de la demande. L’offre dépendait de l’accumulation des facteurs de production et de la productivité générale
des facteurs de production. Pour que la croissance soit régulière, il faudrait que les quantités de facteurs
croissent régulièrement, que les innovations surviennent de manière continue et la demande progresse aussi
de façon continue. Or, ce n’est pas ce qui observé. Ainsi, les combinaisons productives se modifient au
cours du temps, la demande dépend des comportements des entreprises ou des ménages, les innovations surviennent de façon aléatoire.
I.
Les fluctuations de l’activité économique.
Les fluctuations de l’activité économique représentent l’ensemble des mouvements de ralentissement ou d’accélération du rythme de la croissance économique. Elles correspondent à des évolutions de
court terme de variables macroéconomiques, le plus souvent le PIB.
Le repérage des fluctuations s’effectue grâce à des séries statistiques qui portent sur le volume de la
production, les prix, le chômage, le niveau des stocks, etc. (En France, par exemple, il existe les enquêtes de
conjoncture réalisées par l’INSEE).
Les fluctuations sont donc les écarts par rapport à la tendance de long terme. L’objet de ce chapitre
est donc de constater et d’expliquer l’existence de ces fluctuations.
On peut donc souligner que la croissance effective, observée diffère de la croissance potentielle.
La croissance potentielle d’une économie est le sentier de croissance de long terme (le trend) que
l’économie devrait suivre en l’absence de chocs exogènes et de tensions. La croissance potentielle est donc
une croissance fictive. Elle est évaluée par le taux de croissance du PIB potentiel, c'est-à-dire la croissance
maximale de production sans accélération de l’inflation. Cette croissance est déterminée par l’évolution de
la quantité des facteurs de production (W : évolution population active, durée du travail, taux d’emploi ;
K : stock de capital, utilisation des capacités de production, investissement) ainsi que leur productivité.
Remarque : Le PIB potentiel diffère donc du niveau maximal de production réalisable à un instant donné
car il s’agit d’un PIB soutenable c'est-à-dire sans accélération de l’inflation et de la croissance des salaires.
En revanche, la croissance effective d’une économie est la croissance réelle, constatée du PIB au
cours d’une année. Elle est instable. On observe des périodes de croissance soutenue (expansion) et des périodes de fort ralentissement, voire de recul de l’activité économique pendant une période plus ou moins
longue (récession ou dépression). Elle résulte notamment de l’importance de la demande.
L’écart (gap) entre croissance effective et croissance potentielle permet d’observer l’instabilité de la
croissance.
1. La croissance effective peut être temporairement supérieure à la croissance potentielle, par exemple,
suite à un choc économique positif (une demande dynamique) – cf. paragraphe suivant – qui peut provoquer
une hausse de l’activité économique si rapide que des tensions vont apparaitre : des tensions sur les prix
(avec l’inflation) ou sur le marché du travail (certains secteurs d’activité auront des difficultés à recruter des
salariés ayant les capacités requises). On parle alors de « surchauffe ».
Mais il est aussi possible, à court et moyen terme, que le taux de croissance effectif soit supérieur au
taux de croissance potentiel sans qu’il y ait déséquilibre, s’il existe un déficit initial de production.
2. La croissance effective peut être inférieure à la croissance potentielle (par exemple, une politique
économique visant à réduire la dette souveraine). Cette situation entraine un sous-emploi des facteurs de
production (chômage et faible taux d’utilisation des capacités de production). Face à une situation où la
croissance est insuffisante pour assurer le plein emploi, il est nécessaire de déterminer si cela résulte d’une
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croissance effective inférieure à la croissance potentielle (ce qui relève d’une politique économique conjoncturelle) ou d’une croissance potentielle insuffisante (ce qui relève d’une politique économique structurelle).
Par ailleurs, si la croissance effective reste durablement (plusieurs années) inférieure à la croissance
potentielle, le potentiel de croissance peut être diminué. En effet, cette situation risque de limiter les efforts
d’investissement et d’innovation comme de décourager une partie de la population active.
En France, la croissance potentielle est estimée à 2,1% par an sur la période 2008 – 2015. En 2010,
la croissance effective a été de 1,4% et en 2011, de 1,7%.
 Crises et fluctuations économiques.
L’histoire économique a montré que la croissance économique n’est pas linéaire. Elle alterne des périodes d’expansion et des périodes de récession qui se caractérisent par un ralentissement de la croissance,
voire une baisse de la production ; et par des différentes manifestations (baisse de l’emploi, des salaires et
des profits et généralement des prix).
Les explications de la crise sont diverses :
- Elle peut être considérée comme un phénomène cyclique (objet de ce paragraphe)
- Elle peut être considérée comme un phénomène exogène dû à des facteurs extra économiques (par
exemple, un choc pétrolier)
- Elle peut être considérée comme un phénomène endogène trouvant ses origines dans le fonctionnement même de l’économie.
Selon la théorie des cycles, l’économie subirait des fluctuations qui reviennent avec une certaine régularité et une certaine périodicité.
Un cycle économique définit les fluctuations de l’activité économique en les décomposant en une
succession de phases identifiables dans le temps en fonction du taux de croissance. On distingue quatre
phases successives dans un cycle économique :
- Expansion : le taux de croissance est positif et élevé (hausse de l’emploi, des salaires et des profits).
- Crise : moment de retournement de la conjoncture.
REMARQUE : au sens large, la crise englobe aussi la période de récession et de dépression. Par
ailleurs, le terme récession peut aussi avoir deux significations :
1. Lorsque la croissance économique devient inférieure à la tendance de croissance de long terme.
2. Une croissance économique négative pendant au moins six mois consécutifs.
- Récession voire dépression : phase de ralentissement de l’activité économique (le taux de croissance
est positif mais plus faible et il être négatif : hausse du chômage et baisse des salaires et des profits).
- Reprise : retour dans une phase d’expansion.
 Un cycle peut être schématisé de la manière suivante :
Taux de croissance
du PIB
crise
expansion
récession
reprise
expansion
temps
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Un cycle économique se définit donc par sa périodicité et son amplitude. L’analyse économique en
retient notamment trois grandes catégories de cycles selon leurs durées/
- Les cycles longs sont appelés « cycles Kondratiev » (1)
- Les cycles des affaires ou cycles majeurs ou cycles Juglar (2)
- Les cycles mineurs ou cycles Kitchin (3)
(1) Nikolaï Kondratiev (1892 – 1938) était un économiste soviétique. Il a montré que les fluctuations
économiques sont inhérentes au capitalisme.
Il a observé l’existence de cycles économiques d’une durée de 40 – 60 ans (durée moyenne : 53 ans),
à partir d’une étude réalisée sur quatre pays (France, États-Unis, Grande-Bretagne et Allemagne) sur la période 1770 – 1920. Selon lui, un cycle comprend deux phases :
- Une phase A d’expansion (20 – 25 ans) caractérisée par une hausse du volume de la production et
des prix.
- Une phase B de récession (20 – 25 ans) caractérisée par une baisse des prix, un ralentissement de la
production ou une baisse de la production (dépression).
Il observe que les phases d’expansion coïncident avec une innovation technologique massive. Par
exemple, l’arrivée du chemin de fer a nécessité de très lourds investissements économiques. Quand la hausse
des prix rend l’investissement trop lourd, il s’installe une phase de récession. Mais, globalement, Kondratiev
a réalisé des constats sans donner d’explication.
C’est Joseph Aloïs Schumpeter (1883 – 1950) qui va construire une « théorie de l’évolution économique » à partir des travaux réalisés par N. Kondratiev.
De manière schématique, les cycles que subit l’économie peuvent s’expliquer par les grappes
d’innovation qui créent des opportunités de profit élevé attirant de nouveaux entrepreneurs. La production
augmente de même que l’emploi, l’économie est alors en phase d’expansion.
Quand tous les débouchés sont exploités, le taux de profit des entreprises commence à stagner voire à
diminuer. Les effets bénéfiques des innovations disparaissent et l’économie se retourne, entrainant une
phase de ralentissement jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle grappe d’innovations.
(2) Les cycles Juglar. Clément Juglar (1819-1905) était docteur en médecine puis jusqu’en 1883, professeur
à l’École libre des Sciences politiques (Paris). Il était membre de la Société de Statistique (Paris, président),
de la Société d’Économie sociale (Paris, président), de la Société d’Économie politique (Paris), de la Royal
Statistical Society (Londres) et de l’Institut international de Statistique. Membre du Comité des Travaux
historiques et scientifiques et du Conseil supérieur de la Statistique. Fondateur de l’Économiste français et
rédacteur au Journal des Économistes (1851).
La durée moyenne des cycles est de 6 – 10 ans. Ces cycles sont liés à des variations conjoncturelles
de l’activité économique qui influencent le comportement des agents économiques en termes de consommation et de production.
Ces cycles comportent deux phases et deux retournements :
- 1ère phase : l’expansion. La demande importante permet l’augmentation de tous les indicateurs économiques. (prix, production, profit, investissement, emploi…)
- 1er retournement : la crise. Juglar affirme que « La cause de la dépression, c’est la prospérité ». il
s’agit d’un retournement brutal dû à la surchauffe de l’économie.
- 2ème phase : la dépression. L’offre est supérieure à la demande, ce qui provoque la baisse de tous les
indicateurs économiques. Cette dépression, en favorisant la baisse des prix
et des salaires, permet un assainissement de l’économie, d’où la reprise.
ème
- 2 retournement : la reprise. Renversement de tendance annonçant une nouvelle expansion et donc
un nouveau cycle.
Mais l’économie est toujours en déséquilibre. Lorsque la demande est supérieure à l’offre, les prix
puis la production augmentent ; mais au lieu de parvenir à une situation d’équilibre (La hausse des prix permet d’augmenter l’offre et de diminuer la demande), l’économie se retrouve dans une situation inverse :
l’offre devient supérieure à la demande, ce qui se traduit par une baisse des prix et de la production.
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(3) Les cycles Kitchin. Joseph Kitchin (1861-1932) est un statisticien anglais qui a mené des travaux sur
les cycles économiques. En 1923, Joseph Kitchin publie dans le Harvard University Press un article intitulé
"Review of Economic Statistics" montrant l’existence de cycles d’une durée de quarante mois à partir des
séries sur les économies américaine et britannique de 1890 à 1922.
Son étude est basé sur les travaux de Clément Juglar. Il a décelé des cycles mineurs au sein même
des cycles de Juglar. Ces cycles sont donc de l'ordre de trois à quatre années. Ces cycles courts seraient au
nombre de deux au sein de chaque cycle de Juglar.
Ce cycle a une faible amplitude. On ne remarque ni de vraies crises, ni d’expansions fortes, mais seulement des accélérations économiques et des décélérations.
Il existerait une certaine périodicité dans la gestion des stocks. Ainsi, des périodes durant lesquelles
les entreprises stockent (d’où une production plus forte) succéderaient à des périodes durant lesquelles les
entreprises épuisent leurs stocks (d’où une production moins forte).
II.
Les explications des fluctuations économiques.
Les fluctuations cycliques de la croissance peuvent être dues à différentes transformations au sein de
l’environnement économique. Les chocs de demande, les chocs d’offre, le cycle du crédit et la déflation par
la dette sont des facteurs explicatifs de celles-ci.
On appelle « choc » une modification, brutale et inattendue de l’environnement économique provoquant des variations sur le niveau de la production des entreprises, et par suite du PIB. Un choc affecte soit
la demande, soit l’offre.
Les chocs peuvent être positifs lorsqu’ils permettent la réalisation des grands équilibres économiques
(cf. carré magique de N. Kaldor) ou négatifs lorsqu’ils ont pour conséquence une dégradation de l’activité
économique et du niveau de l’emploi.
Les chocs peuvent être symétriques ou asymétriques. On appelle choc symétrique un évènement
exogène ayant un impact similaire sur la demande agrégée et/ou l’offre agrégée des différents pays d’une
zone économique (par exemple, la C.E.). On appelle choc asymétrique (ou spécifique) un évènement ayant
un impact macro-économique seulement dans un pays, ou avec une intensité différente selon les pays (par
exemple, une variation de la demande dans un secteur de spécialisation ; un évènement politique ou social).
A. Les chocs de demande.
L’irrégularité de la croissance effective s’explique principalement par les variations de la demande
globale :
Lorsqu’une des composantes de la demande globale (demande interne – consommation et/ou investissement – et/ou demande externe) adressée aux producteurs se modifie, on parle de choc de demande.
Un choc demande positif se produit lorsque la demande globale est affectée par des chocs positifs
(par exemples, hausse des salaires réels, baisse des taux d’intérêt, hausse des dépenses publiques), sa hausse
peut favoriser une phase d’expansion.
Ainsi, un choc de demande positif peut avoir pour origine :
Soit une hausse des revenus (par exemple, une hausse des revenus de transfert) ou de la richesse des
consommateurs (par exemple, une hausse du cours des actions) leur permettant de dépenser plus ;
Soit une augmentation de leur propension à consommer (par exemple, un taux d’intérêt moins élevé
favorise les achats à crédit ou une amélioration de la situation économique rend les ménages plus optimistes)
avec un revenu inchangé.
Inversement, si des chocs de demande négatifs se produisent (hausse des taux d’intérêt, hausse des
prélèvements obligatoires,…), ils peuvent provoquer une diminution de la demande globale et conduire à
une récession.
Ces chocs de demande risquent d’avoir un impact amplifié sur l’activité économique du fait du comportement des entreprises en matière de stocks. Ainsi, lorsque la demande ralentit, la production peut baisser
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beaucoup plus fortement si les entreprises décident de réduire leurs stocks afin d’anticiper une baisse plus
importante de la demande ; la hausse du chômage et la baisse du nombre d’heures travaillées en général risquent alors de contribuer à accentuer ce ralentissement.
Inversement, lorsque la hausse de la demande s’accélère, les entreprises produisent d’autant plus
qu’elles devront reconstituer leurs stocks et que des entreprises investiront pour étendre leurs capacités de
production ; la baisse du chômage et la hausse du nombre d’heures travaillées peuvent alors contribuer à
entretenir l’augmentation de la demande dans la mesure où des revenus supplémentaires auront été distribués.
Néanmoins, les effets à court terme des variations autonomes de la demande sur la croissance sont
d’autant plus réduits que les propensions à épargner et à importer des agents économiques sont élevées.
Toutefois, un choc de demande positif peut ne pas entrainer une hausse de la production, mais une
hausse des prix et des importations. Cette situation se produit si les entreprises n’ont pas la possibilité
d’augmenter les facteurs de production :
- Il existe une pénurie de main d’œuvre ou les chômeurs n’ont pas les compétences requises pour occuper les postes dont les entreprises ont besoin.
- Les entreprises n’investissent pas parce que la rentabilité des projets est estimée insuffisante (coûts
de production trop élevés, taux d’intérêts élevés alourdissant le coût du crédit dans le cas d’un financement
par emprunt…)
En conséquence, le choc de demande positif se traduira soit :
- Par une hausse des importations et une dégradation de la balance commerciale ;
- Une hausse des prix provoquée par le déséquilibre offre – demande.
B. Les chocs d’offre.
Les chocs d’offre correspondent à des variations des conditions de la production et ont pour origine
notamment la productivité ou les prix des facteurs de production.
Un choc d’offre positif peut s’expliquer :
- par un choc technologique (choc de productivité), qui crée un mécanisme d’impulsion à la production et à l’emploi, puis un phénomène de propagation (diffusion à l’ensemble de l’économie) ;
- par une baisse du prix des facteurs de production ou des consommations qui améliore la rentabilité
des entreprises.
Une augmentation de la productivité permet de modifier la fonction de production. Par ailleurs, les
innovations permettent de générer des gains de productivité et d’abaisser les coûts unitaires de production de
production favorisant un choc d’offre positif : en abaissant les prix des produits, elles favorisent leur diffusion auprès des consommateurs et donc l’augmentation de la production.
Un choc d’offre positif permet donc d’améliorer la situation des producteurs par la diminution de
leurs coûts de production. Ils peuvent dès lors éventuellement produire davantage et tirer la croissance économique.
Les chocs d’offre négatifs sont généralement provoqués par une hausse du coût des matières premières, par des hausses de salaires supérieures aux gains de productivité ou par un alourdissement de la fiscalité sur les entreprises. En cas de choc d’offre négatif, l’activité économique devient plus coûteuse et les
entreprises les moins productives et compétitives risquent de disparaitre, entrainant une hausse du chômage.
Par ailleurs, il faut souligner que les chocs d’offre peuvent avoir des conséquences durables ou
temporaires. Ainsi, les innovations de procédé ou organisationnelles (fordisme, toyotisme…) sont des
chocs d’offre positifs durables permettant des gains de productivité conduisant à une nouvelle répartition des
richesses et une augmentation de la demande globale (exemple : croissance économique des Trente Glorieuses en France). En revanche, une hausse du prix des matières premières constitue un choc d’offre négatif
temporaire. Les chocs d’offre temporaires sont à l’origine des fluctuations de l’activité économique.
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C. Le cycle crédit et la déflation par la dette.
Le cycle du crédit contribue à expliquer le caractère endogène de l’instabilité de la croissance.
Remarque : Les chocs exogènes peuvent résulter d’un accident climatique (conséquences sur la production agricole), d’une hausse du prix de certains biens importés (matières premières par exemple), de
guerres, de révolutions ou d’actions de l’Etat. C’est une approche plus spécifique aux économistes Classiques. Les chocs endogènes sont inhérents au fonctionnement du système capitaliste. C’est une approche
plus spécifique aux économistes relevant de Marx ou de Keynes.
En période d’expansion, surtout si la situation économique est saine (faible taux d’intérêt, faible inflation), l’euphorie, « le paradoxe de la tranquillité » (Hyman MINSKI) joue. Les agents économiques
s’endettent, financent des investissements ou une consommation à crédit, ce qui dynamise la demande et
renforce la croissance donc l’optimisme général. Cependant, le taux d’endettement des agents augmente, des
crédits sont accordés à des agents économiques moins solvables, des comportements spéculatifs se développent, des bulles peuvent se former sur les prix de certains actifs.
REMARQUE : J.M. Keynes avait montré en 1936 dans la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de
la monnaie » que la valeur des titres sur le marché financier ne dépendait pas forcément des fondamentaux
(par exemple, les profits des entreprises) mais des anticipations des agents. Il comparait le fonctionnement
du marché financier à un concours de beauté où le gagnant est celui qui a deviné quelle sera la gagnante.
Sur les marchés financiers, les agents cherchent donc avant tout à prévoir ce que vont faire les autres, ce
qui explique l’apparition de comportements moutonniers et de prophéties autoréalisatrices à l’origine de
bulles spéculatives ou de krachs (une hausse excessive des prix sur un marché sans raison économique réelle).
Hyman Minski va développer les analyses keynésiennes en mettant en évidence que les crises financières étaient cycliques et inhérentes au fonctionnement du système financier. En période de croissance, un
optimum excessif amène les banques à accorder des crédits de plus en plus hasardeux. L’incapacité de certains de ces débiteurs à rembourser leurs dettes entraine une crise et une prudence excessive des banques.
Ainsi, en fixant des taux d’intérêt trop bas en période d’expansion, les banques centrales peuvent
amplifier les comportements à risque, tout comme les banques commerciales lorsqu’elles prêtent à des
agents économiques ayant des projets trop risqués. Ces excès peuvent conduire à une crise financière et
plonger l’économie réelle dans la crise par la conjonction des effets richesse négatifs sur les ménages, de la
destruction des capitaux propres des entreprises et des banques, du climat de pessimisme qui s’installe et qui
peut entrainer l’effondrement de la demande globale, de l’offre et de la demande de crédit.
C’est ainsi que la dette (période d’expansion) conduit au boom économique et que celui-ci conduit à
la crise lorsqu’un évènement provoque le retournement des anticipations et la contraction de l’offre de crédit
des banques.
Le mécanisme de déflation par la dette (Debt deflation) a été décrit par Irving Fisher en 1933. Lorsque les agents économiques prennent subitement conscience de leurs dettes, ils vendent massivement leurs
actifs pour les rembourser. Généralisées, ces ventes aboutissent à la baisse du prix des actifs conduisant alors
à un accroissement de la part de l’endettement sur la valeur des actifs.
[cf. article Les Echos n° 20647 du 31/03/10]
La puissance de ce mécanisme tient à son caractère cumulatif : la fragilité du système bancaire rend
le crédit inaccessible aux PME qui, pour retrouver de la liquidité, licencient et baissent les prix. La baisse
des prix augmente le poids réel de la dette pour les entreprises endettées ce qui provoque une multiplication
des faillites, aggravant en retour la situation des banques.
REMARQUE : La déflation, c'est-à-dire la diminution des grandeurs nominales (prix, salaires, masse monétaire) qui s’accompagne en général de celles des grandeurs réelles (demande, production, emploi), pourrait assainir l’économie si elle favorisait à long terme le redémarrage de cette dernière. En effet, la déflation peut créer les conditions de la reprise, si elle élimine les producteurs les moins efficaces.
La baisse de l’investissement pendant la déflation réduit la demande de capitaux ce qui favorise la
baise des taux d’intérêt, tandis que le chômage contribue à la baisse des salaires. A un moment, le coût unitaire de production est si faible que l’activité des producteurs ayant survécu reprend. Cependant, l’existence
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d’un tel phénomène de « régulation par la faillite » (Jacques Rueff) a été contesté par des économistes, notamment J.M. Keynes qui souligne que seule l’intervention de l’Etat peut permettre un redémarrage de
l’activité économique.
La stratégie du cycle de crédit montre que la récession est aggravée par les stratégies des établissements bancaires qui précipitent et amplifient la crise. En effet, le renchérissement du crédit et sa raréfaction
(crédit crunch) agissent sur la demande des ménages et celle des entreprises :
- Diminution de la demande des ménages (achats de biens de consommation à crédit, accession à la
propriété) : cette baisse provoque une diminution de l’activité économique, un risque de faillite pour les entreprises les plus vulnérables et une hausse du chômage.
- La diminution de la demande de biens d’équipements par les entreprises handicape la productivité
des entreprises, notamment à l’exportation.
Le cycle du crédit montre donc que les entreprises n’adoptent pas la même stratégie en période
d’expansion et en période de récession.
Expansion
hausse des crédits à
L’économie
hausse : consommation
investissement
Récession
baisse des crédits à
A l’économie
baisse : consommation
investissement

effets positifs
sur l’emploi
effets négatifs
sur l’emploi
Schéma illustrant les enchainements consécutifs à un choc de demande négatif :
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