Les sages juifs et la coopération à la Rédemption
Il y a parmi les sages juifs des courants de pensées très différents les uns des autres, et la signification de la
Rédemption atteint des oppositions[1] :
Pour la majorité des sages juifs, l'homme peut mériter, « par les mérites de la circoncision, par les mérites
de la Torah ». Mais la responsabilité humaine ne va jamais jusqu'à provoquer le retrait de Dieu si
l'homme pèche ou à l'attirer si l'homme est juste. Les patriarches (comme Abraham) ou les matriarches
(comme Sarah) ont mérité le salut de l'Exode par leurs œuvres, parce qu'ils connaissaient d'avance la Torah.
(La Torah est révélée depuis toujours, et les yeux humains assez purs pour la voir).[2] L'Esprit Saint est
dans le peuple et dans la majorité du sanhédrin. Il n'y a plus besoin de prophètes, ni d'anges, ni de miracles
pour confirmer les prophètes. On attend un messie collectif qui sera Israël réunissant tous les peuples autour
de la Torah. (Et Jésus est irrecevable).
De façon très différente, pour d'autres sages : la relation entre Dieu et les hommes est une relation
d'Amour, c'est une réciprocité. Quand l'homme pèche, Dieu ne s'impose pas à celui qui le refuse et Dieu se
retire[3], on dit alors que le Temple et la Torah sont voilés, ils sont « au ciel », ou au 7ème ciel, et le monde
est donc dans les ténèbres. La responsabilité humaine va jusqu'à provoquer le retrait de Dieu si
l'homme pèche ou à l'attirer si l'homme est juste.
On ne met pas l'accent sur les œuvres parce qu'il est impossible d'agir toujours bien dès lors que la Torah qui
définit la justice est voilée aux cœurs enténébrés : l'homme et la femme méritent par la foi (une foi qui ne va
pas sans des bonnes œuvres correspondantes).
Nous lisons par exemple : « Shemaya dit : Elle a suffi la foi dont Abraham leur père a cru en moi pour que
je leur fende la mer. Comme il est dit (Gn 15, 6) : "Il crut en YHWH et il le lui compta comme justice".
Abtalion dit : Elle a suffi la foi par laquelle ils (les Israélites) ont cru en moi pour que je leur fende la mer.
Comme il est dit (Ex 4, 31) : "Le peuple crut et ils entendirent" ».[4] On attend un nouveau pardon (par le
Temple céleste, non fait de main d'homme) et on attend un dévoilement de la Torah céleste. Le salut ne peut
venir que de « l'ouverture du ciel ».
On attend un rédempteur personnel.
La venue du Christ, dès lors qu'il est le messie attendu et le Fils de Dieu incarné, sera alors comprise comme
l'acte de miséricorde de Dieu, son grand pardon.
De nombreux indices permettent de situer Marie dans ce dernier courant de pensée :
Marie accueille un ange, elle adhère à l'annonce de la naissance d'un messie personnel, elle croit au miracle
qui confirme cette parole (Elisabeth malgré son âge attend un enfant, et Marie elle-même concevra dans la
virginité).
Dans cette optique, prennent du relief la foi de Marie, sa prière humble, et aussi sa responsabilité
humaine qui peut aller jusqu'à attirer la venue de Dieu.
La prière de Marie et le Oui de toute sa personne ont un mérite immense pour "l'ouverture du ciel".