Cependant, depuis quelques années, les différenciations spatiales se fragmentent en
une multitude de micro-espaces aux comportements parfois divergents : des reprises
apparaissant même dans certaines communes de zones traditionnellement en déclin,
comme la petite montagne ou l'ouest de la Haute-Saône.
On retrouve cette complexité au niveau des agglomérations qui, comme partout, ont
été touchées par la périurbanisation. La Franche-Comté n'est devenue majoritairement
urbaine qu'en 1962 ; or, dès le début des années 1970, les villes-centres ont vu leur
population régresser ou stagner tandis que les communes périurbaines captaient
l'essentiel de la croissance démographique. Durant les années 1990, le bilan
migratoire des villes-centres est encore quelque peu déficitaire, mais moins que
précédemment ; les premières couronnes, celles qui sont intégrées aux pôles urbains,
ont des comportements très divers, et c'est dans les espaces périphériques des aires
urbaines que l'évolution est la plus positive.
Une terre d'industrie
Le profil économique de la Franche-Comté apparaît, à bien des égards, paradoxal.
Malgré des allures campagnardes, elle est la région la plus industrialisée de France en
proportion de l'emploi. Malgré une topographie et un climat contraignants, elle
dispose de productions agricoles d'une grande notoriété. En dépit d'atouts naturels et
patrimoniaux remarquables, elle n'a qu'une activité touristique d'estime et demeure
une région où l'on passe mais s'arrête peu. Enfin, elle souffre encore d'un sous-
équipement tertiaire, en particulier dans les services aux entreprises, malgré
l'ancienneté de son histoire industrielle.
L'industrie, en effet, remonte à une époque où le sel, les eaux vives et les forêts ont
fait naître un peu partout une proto-industrie active, pendant que de multiples
productions artisanales permettaient d'occuper les longs hivers du haut pays. Les
initiateurs allogènes furent nombreux également : horlogers suisses, industriels
alsaciens du textile et des constructions mécaniques, plus tard entrepreneurs de la
plasturgie de la région d'Oyonnax. Mais la Franche-Comté fut aussi une terre de
capitaines d'industrie, avec le rôle décisif des dynasties Japy et Peugeot dans le nord
de la région, dès le xixe siècle. Aujourd'hui, l'industrie occupe environ 30 % de la
population active, mais elle a dû faire face, depuis les années 1980, à la remise en
cause du modèle fordiste, à l'internationalisation de l'économie et au défi des
nouvelles technologies. Après avoir perdu 50 000 emplois entre 1975 et 1990,
l'industrie comtoise offre aujourd'hui un visage rénové, mais conserve encore une
certaine fragilité.
Le nord de la région est marqué par la présence de grandes entreprises aujourd'hui
fortement restructurées. Le centre de production Peugeot de Sochaux, qui était en
1979 le plus grand établissement industriel européen, compte aujourd'hui 15 000
salariés, mais est devenu l'un des sites de production automobile les plus modernes
d'Europe. Entouré de tout un réseau de sous-traitants et d'équipementiers, il continue à
être l'acteur économique dominant du pays de Montbéliard. À Belfort, les fleurons
industriels, Bull et Alstom (anciennement Alsthom), ont connu bien des vicissitudes,
mais certaines productions comme les motrices de T.G.V., les turbines ou les
alternateurs demeurent des atouts remarquables.
Ailleurs, un certain nombre de bassins industriels peuvent être plus ou moins
assimilés à des systèmes productifs localisés (S.P.L.). Il s'agit de districts très
spécialisés et territorialisés, constitués d'entreprises petites ou moyennes, censées
entretenir des relations partenariales et employant une main-d'œuvre à haute