CONSEIL PERMANENT DE OEA/Ser.G
LORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS CP/CAJP-1896/02
4 avril 2002
COMMISSION DES QUESTIONS JURIDIQUES Original: anglais
ET POLITIQUES
LES DROITS DE LHOMME ET LENVIRONNEMENT
EXPOSÉ DE LA PROFESSEURE DINAH SHELTON
LES DROITS DE LA PERSONNE ET LENVIRONNEMENT
EXPOSÉ DE LA PROFESSEURE DINAH SHELTON
Les préoccupations internationales en matière de droits de lhomme et de protection de
lenvironnement ont pris une ampleur considérable au cours des dernières décennies. En
conséquence, la communauté internationale a créé un large éventail dinstruments juridiques
internationaux, des organes spécialisés et des institutions à léchelle régionale et à léchelle mondiale
afin de répondre à des problèmes précis dans chaque domaine. Souvent, ces domaines ont semblé se
développer isolément lun de lautre, mais à partir de la première conférence internationale sur
lenvironnement humain, qui sest tenue à Stockholm en 1972, les liens entre les droits de lhomme et
la protection environnementale sont devenus tout à fait évidents. Le Principe 1 de la Déclaration de
Stockholm a établi un cadre liant les droits de lhomme et la protection de lenvironnement en
déclarant que «Lhomme a un droit fondamental à la liberté, à légalité et à des conditions de vie
satisfaisantes, dans un environnement de qualité lhabilitant à vivre dans la dignité et le bien-être».
Au cours des trente années qui se sont écoulées depuis la Conférence de Stockholm, les liens
qui avaient été établis ont été reformulés et précisés sous différentes formes dans les divers
instruments juridiques et dans les décisions rendues par les tribunaux. En majeure partie, ces
instruments et décisions supposent ladoption dune approche des sujets qui est axée sur les droits,
quoiquà des degrés différents. Les quatre approches décrites ci-après ne sexcluent pas mutuellement
et peuvent même se renforcer lune et lautre.
La première approche, qui est peut-être la plus proche à celle de la Déclaration de
Stockholm, convient quun environnement sain constitue une condition préalable à la jouissance de
droits humains consacrés sur le plan international. La protection de lenvironnement devient par
conséquent un instrument essentiel de leffort visant à assurer la jouissance universelle effective des
droits de lhomme.
La deuxième approche axée sur les droits, celle qui est la plus répandue dans les accords
internationaux conclus en matière denvironnement depuis 1992, revêt également une fonction
instrumentale, mais au lieu de considérer la protection environnementale comme un élément essentiel
des droits de lhomme, elle considère certains droits de lhomme comme des éléments essentiels à la
pleine protection de lenvironnement. Cette approche est bien illustrée par la Déclaration de Rio sur
lenvironnement et le développement, adoptée à la fin de la Conférence de Rio de Janeiro (1992) sur
lenvironnement et le développement. Dans la Déclaration de Rio, le lien existant entre les droits de
lhomme et la protection de lenvironnement est largement formulé en termes de procédures, comme
en témoigne le Principe 10 qui établit que laccès à linformation, la participation du public et laccès
effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment les réparations et des voies de recours,
doivent être garantis, car «la meilleure façon de traiter les questions denvironnement est dassurer la
participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient». Par conséquent, les trois droits
relatifs à la procédure, qui figurent dans tous les instruments des droits de lhomme, sont incorporés
également dans les textes sur lenvironnement afin de favoriser une meilleure prise de décision et des
moyens plus adéquats de protéger lenvironnement.
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La troisième approche, et également la plus récente, considère les droits de lhomme et la
protection de lenvironnement comme des domaines indivisibles et inséparables et, par conséquent,
fait état du droit à un environnement sain et sécuritaire comme un droit de lhomme fondamental
indépendant. À lheure actuelle, on retrouve des exemples principalement et de plus en plus dans le
droit national et dans les traités régionaux de droits de la personne et de lenvironnement. La plupart
des énoncés sur le droit de lenvironnement utilisent des qualificatifs tels que: «sain», «sécuritaire»,
«sûr» et «propre».
Enfin, lapproche par réglementaire vise la protection de lenvironnement mais nest pas
axée sur les droits. Les mesures économiques dincitation et de dissuasion, le droit pénal et les
régimes de responsabilité privés ont tous fait partie du cadre du droit national et international de
lenvironnement. Laccent mis sur les responsabilités plutôt que sur les droits fait écho à la
terminologie adoptée par la Déclaration de Stockholm et par les instruments ultérieurs qui insistent
sur le devoir de chaque personne de protéger et daméliorer lenvironnement pour les générations
présentes et futures. Une telle approche est conforme également aux instruments relatifs aux droits de
lhomme qui énoncent les devoirs de chaque individu envers la communauté de promouvoir et de
respecter les droits de lhomme garantis sur le plan international.
En droit international, la plupart des traités relatifs aux droits de lhomme ont été élaborés et
adoptés avant que la protection de lenvironnement ne devienne un sujet de préoccupation mondiale.
En conséquence, il existe peu de références sur les sujets environnementaux dans les instruments
internationaux relatifs aux droits de lhomme, même si le droit à la vie et le droit à la santé en font
partie et même si des questions environnementales sont soulevées dans certaines formulations au sujet
du droit à la santé. En labsence de procédures régissant le dépôt de pétitions dans les accords
internationaux sur lenvironnement, les institutions des droits de lhomme ont été saisis dun nombre
accru de causes concernant limpact des dommages environnementaux sur les individus ou sur les
communautés. Les droits invoqués comprenaient le droit à la vie, le droit à la santé, le droit à la
culture, le droit à la liberté dassociation, le droit à une audition équitable et le droit à une réparation.
Deux traités régionaux relatifs aux droits de lhomme comportent des dispositions particulières sur le
droit de lenvironnement. Leur approche diffère en ce sens que la Charte africaine établit un lien entre
lenvironnement et le développement, alors que le Protocole de la Convention américaine parle dun
«environnement sain».
La santé de lhomme est non seulement un droit figurant dans les instruments relatifs aux
droits de lhomme, mais également un thème constant des accords sur lenvironnement et, en fait,
lun des principaux objectifs de la protection environnementale. Une définition courante du mot
«pollution», telle quon la retrouve dans les textes juridiques, est «lintroduction directe ou indirecte
par lhomme, dune substance ou dune énergie dans [lenvironnement] qui cause des effets
destructifs, de nature à mettre la santé humaine en péril, à causer des dommages aux ressources
vivantes, (…)». En outre, les droits humains en matière de procédures sont fréquemment accentués
dans les accords sur lenvironnement, puisque les États ont reconnu que ces droits menaient à une
meilleure prise de décision en matière denvironnement et à ladoption de mesures plus adéquates
pour protéger des dizaines de traités internationaux conclus depuis la Conférence de Stockholm
réclament des États quils prennent des mesures particulières afin de sassurer que le public soit
informé adéquatement des risques que certaines activités font peser sur lenvironnement. Outre le
droit à linformation, on reconnaît au public les droits de participation à la prise de décisions et
laccès à des recours pour des dommages environnementaux. La portée et lampleur de la protection
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accordée ont augmenté depuis ladoption du Principe 10 de la Déclaration de Rio sur lenvironnement
et le développement.
À léchelle nationale, plus de 100 constitutions dans le monde entier garantissent un droit à
un environnement sain et propre, imposent à lÉtat le devoir de prévenir les dommages à
lenvironnement mentionnent la protection de lenvironnement ou des ressources naturelles. Plus
de la moitié de ces constitutions, et la presque totalité des constitutions adoptées depuis 1992,
reconnaissent explicitement le droit à un environnement sain et propre. Quatre-vingt-douze
constitutions imposent au gouvernement le devoir de prévenir les dommages à lenvironnement. Les
tribunaux appliquent de plus en plus le droit constitutionnel à un environnement sain.
Les causes nationales et internationales dont les tribunaux ont été saisis mettent en évidence
de nombreux avantages quoffre le recours à lune ou lautre approche axée sur les droits et
concernant les problèmes de santé et à denvironnement.
Dabord, laccent sur les droits à linformation, sur la participation et sur laccès à la justice
favorise lintégration de valeurs démocratiques et la promotion de la primauté du droit dans les
structures générales de gouvernement. Lexpérience démontre que la prise de décisions et la mise en
œuvre sont plus efficaces lorsque les personnes concernées sont informées et participent au processus:
la légitimité accrue des décisions prises avec la participation de toutes les parties intéressées exerce
une action de renforcement du respect face aux mesures adoptées.
Ensuite, lapproche axée sur les droits donne lavantage de pouvoir se prévaloir des
procédures internationales régissant le dépôt de pétitions devant les institutions des droits de
lhomme. De telles procédures permettent à ceux qui ont été victimes de préjudices damener la
communauté internationale à exercer des pressions sur les gouvernements ne manifestent pas la
volonté de prévenir ou de mettre un frein à la pollution grave qui menace la santé et le bien-être de
lhomme. Dans plusieurs cas, les requérants ont obtenu réparation et les gouvernements ont pris des
mesures visant à remédier aux violations. Dans dautres cas, lorsque le préjudice semblait résulter
dune combinaison de manque de capacité et manque de volonté du gouvernement, les procédures de
pétitions ont permis didentifier les préjudices et ont favorisé le dialogue permettant dy remédier,
ainsi que lobtention du soutien technique approprié. Lorsque la pollution est causée par de très
importantes sociétés et surtout par des sociétés étrangères, un tel soutien peut savérer dune grande
nécessité.
Étant donné lampleur des dispositions des traités et du droit jurisprudentiel qui se fondent
sur les droits de lhomme actuels, on peut se demander si un droit reconnu explicitement à un
environnement sain, sécuritaire et écologiquement rationnel apporterait ou non quelque chose de plus
aux protections existantes et, ensuite, aux valeurs internationales représentées par le droit
environnemental et les droits de lhomme. Largument principal en faveur dun tel droit, cest quil
élève toute la gamme des questions environnementales au rang de valeur fondamentale de société, au
même niveau que dautres droits qui ont atteint un rang supérieur à la législation courante. En
labsence de droits de lenvironnement garantis, les droits de propriété constitutionnellement protégés
peuvent automatiquement bénéficié de la priorité au détriment des préoccupations environnementales,
de constituer un garde-fou contre eux. Dautres droits peuvent par ailleurs être invoqués pour
renverser des mesures environnementales qui ne sont pas elles-mêmes fondées sur des droits. Bien
entendu, même lorsquil existe un droit garanti à lenvironnement, il doit encore être confronté à
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dautres droits en cas de litige. Dans certains cas, une priorité particulière peut être établie par la loi.
Larticle 19 de la Constitution de lÉquateur contient par exemple des dispositions sur «le droit de
vivre dans un environnement libre de pollution». La Constitution investit lÉtat de la responsabilité
dassurer la jouissance de ce droit et «détablir par loi, des restrictions sur dautres droits et libertés
lorsque cela savère nécessaire à la protection de lenvironnement». Dautres États peuvent régler des
litiges par le biais dautres instruments, mais par lintégration du droit rend cette option possible.
En somme, les liens entre les droits de lhomme, la santé et la protection de lenvironnement
sont aujourdhui bien consacrés par le droit international, reconnus par les États dans les accords et
mis en oeuvre dans la pratique. Une plus grande attention aux liens et aux conflits potentiels entre les
objectifs visés par les trois domaines sera profitable à tout point de vue.
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