Nous proposons dans cet article261

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Volatilité du taux de change, incertitude du taux de couverture et leurs
impacts sur l’investissement dans l’industrie manufacturière en Tunisie
BEN HAMAD Salah 1
MEDHIOUB Imed2
Résumé
Dans ce papier on tente de mettre en évidence les effets de la variation du taux de change et
du taux de couverture sur l’investissement. L’évaluation des ces séries est entachée à une grande
incertitude qui influence l’activité économique.
L’application empirique sur des données tunisiennes couvrant la période mars 1994septembre 2004 montre que l'incertitude du taux de change et celle du taux de couverture affecte de
manière significative la production industrielle manufacturière en Tunisie. L’existence d’un
raccordement entre l'incertitude du taux de change, celle du taux de couverture et l’investissement
explique le résultat auquel nous avons abouti.
Abstract
In this paper, we try to highlight the effects of the variation of both, the exchange and the
cover rates, on investment. The evaluation of these series can be related to a great uncertainty, which
influences the economic activity.
The empirical application on Tunisian data, covering the period ranging from March 1994 to
September 2004, shows that the uncertainty of both, the exchange EURO/TND and the cover rates,
significantly affect the manufacturing industrial production in Tunisia. This finding demonstrates the
existence of a connection between the uncertainty of the exchange rate, that of the cover rate and of
investment.
1
Ecole Supérieure de Commerce de Sfax, Université de Sfax.
[email protected]
2
Ecole Supérieure de Commerce de Sfax, Université de Sfax.
[email protected]
-1-
1. INTRODUCTION
Nous examinons dans la présente étude la relation entre le taux de change réel et
l’investissement. La question qui nous intéresse plus précisément est la mesure dans laquelle le
régime de changes flottants a pu nuire à l’investissement en Tunisie. Selon certains auteurs, un
régime de changes flottants adopté en Tunisie depuis 1994 peut se traduire par une variabilité
excessive du taux de change à court terme, à l’occasion, par des déséquilibres persistants des
taux de changes, ce qui limiterait le système de verrouillage du marché par la banque centrale et
par la suite entraverait le mouvement d’intégration économique des pays favorisé par les
accords de libre-échange conclus par la Tunisie avec les pays membres de l’Union Européenne,
outre les accords de Barcelone, en 1995, ont donné une nouvelle dynamique aux relations euroméditerranéennes.
Le développement de cette zone intervient alors que les crises financières des années
1990 et la guerre du Golfe ont mis en lumière l’importance, pour la Tunisie un pays émergent,
d’entrées de capitaux stables à long terme pour financer les investissements, par opposition aux
financements à court terme, instables.
La Tunisie est confrontée à cet égard à une double contrainte. D’une part, elle éprouve des
difficultés à attirer les investissements étrangers moins de 4% du PIB, alors qu’il s’élevait à 5,7
% du PIB (soit 18 milliards de dollars) dans sept PECO (Pays Centrale et Orientale) dont la plus
grande partie des pays adhérents et candidats actuels seront membres de l’union à part entière.
La question de l’attraction des investissements apparaît donc essentielle pour la Tunisie.
D’autre part, ce dernier se trouve potentiellement non seulement en concurrence avec les
PECO au sein de la zone Euro méditerranéenne mais avec les autres du PSME (Pays du sud
Méditerrané) comme le Maroc. L’intégration économique, qui devrait renforcer les liens
économiques de la Tunisie avec l’Union Européenne et autres pays méditerranéens, devrait
encore aggraver la concurrence qu’ils se livrent
et limiterait l’éventail des débouchés à
l’exportation susceptibles d’être rentables.
A côté de ces accords de libre-échange, l’adoption de la Tunisie d’un régime flottant a
engendré une forte volatilité du dinar par rapport à l’Euro, cette incertitude a par conséquent un
effet sur l’incertitude des investissements.
-2-
Cet article offre une analyse théorique du lien entre incertitude sur le change et
investissement, en s’appuyant sur le fait que cette incertitude affecte la demande. Après avoir
proposé une revue rapide de la littérature, cet article présente un modèle théorique qui montre
que le lien entre investissement et volatilité des changes dépend fortement de la structure du
marché dans laquelle opère la firme. Cette analyse théorique est ensuite appliquée à la Tunisie, à
travers une analyse économétrique qui tient compte explicitement de la nature du commerce
extérieur.
Les résultats empiriques confirment la réalité dont vive l’économie tunisienne
essentiellement au niveau de son développement. A travers la connexion trouvée entre les
différentes variables examinées, nous essayons de voir leurs impacts sur l’investissement.
Ce papier traite dans un premier temps l’investissement en situation d’incertitude à travers
la volatilité du taux de change. Ensuite, nous présentons l’analyse empirique où nous traitons en
premier lieu l’incertitude du taux de change et celle du taux de couverture, et en second lieu
leurs impacts sur la production manufacturière en Tunisie. Finalement, on conclut le travail.
2. L’INVESTISSEMENT EN SITUATION D’INCERTITUDE SUR LE TAUX DE
CHANGE : CADRE THEORIQUE
La question de l’impact de l’incertitude sur l’investissement n’est pas nouvelle. Elle a par
exemple été développée par Lucas (1967) qui montre que l’incertitude réduit l’investissement en
présence des coûts d’ajustement. L’incertitude a également un impact négatif sur
l’investissement dans le modèle du q de Tobin (1969), où lorsque qu’il existe une irréversibilité
dans le processus d’investissement (Nickell, 1974 et 1978).
L’idée de Meyers (1977) et Kester (1984) consiste à établir une analogie conceptuelle
entre les opportunités d’investissement dans l’avenir et une option européenne d’achat sur
action.
Les travaux les plus récents ont mis en évidence l’existence d’une option d’attente dans
les projets irréversibles, dont la valeur peut conduire soit à reporter la décision d’investissement
en situation d’incertitude, qui donne à la société l’opportunité de nouvelles informations ou
refléter le caractère irréversible d’un investissement (Pindyck (1991) et (Dixit et Pindyck,
1994). Childs, Ott et Triantis (1998), Bellalah M.(2001) proposent un modèle pour l’évaluation
des options réelles en prenant en considération l’interdépendance. L’incertitude affecte en effet
-3-
la valeur de l’investissement qui devient variable dans le temps et imprévisible. Dès lors qu’il
existe un coût irréversible, on montre que la firme n’investit que s’il existe une équivalence
entre l’espérance de rendement associée au report de l’investissement et le coût d’opportunité de
ce report. Par conséquent, la firme peut trouver de l’intérêt à la stratégie d’attente, car celle ci
est équivalente pour elle à la détention d’une option de report de l’investissement. En effet, dans
ce cas, “reporter la décision d’investissement et détenir l’option est équivalent à la détention
d’un actif qui ne rapporte pas de dividende, mais peut s’apprécier au cours du temps” (Carruth
et al., 2000, p. 122). La firme n’investira donc que si l’espérance de valeur de l’investissement
dépasse un seuil. Le niveau de ce seuil augmente avec l’incertitude sur les rendements futurs (ce
qui est conforme avec la théorie des options, qui montre que la valeur d’une option augmente
avec la volatilité de l’actif sous-jacent). Il augmente également avec le taux d’actualisation, et
avec le terme de tendance inclus dans l’évolution du taux de rendement anticipé. Ces résultats
sont assurés en l’absence d’aversion pour le risque.
De même, un bon nombre de travaux ont mis en évidence l’impact négatif d’une
incertitude au sens large sur l’investissement : ainsi, Isabelle Dauner et Gardol (2004) montrent
l’impact de l’incertitude de l’épargne sur l’investissement. Price (1996) a étudié l’effet négatif
de l’incertitude du PIB sur l’investissement (Price, 1996). Quant à Aizenman et Marion (1996),
ils montrent que la volatilité macroéconomique, définie globalement par un indice incluant la
volatilité des variables monétaires, budgétaires et externes, a un impact négatif limité à
l’investissement privé.
La sensibilité de l’incertitude sur les prix a été testée sur différents types de prix. On
montre généralement qu’il est négatif sur le volume de l’investissement : c’est la conclusion à
laquelle parvient Jose De Gregorio (1993) à partir de l’incertitude de l’inflation et Huizinga
(1993), à partir d’une analyse de l’incertitude sur les salaires réels.
La relation qui étudie l’incertitude sur les taux de change et l’investissement, a été
développée par les travaux qui portent aussi bien sur l’investissement domestique que sur
l’investissement direct étranger.
Agnès Quere. A, Fontagne .A et Lahreche R. (2001) mettent en évidence l’impact des
régimes de changes sur l’investissement direct étranger (IDE) entrant dans les pays du sud et de
l’est de la Méditerranée (PSEM). Leurs résultats confirment les analyses empiriques antérieures
-4-
qui font apparaître une influence négative de la volatilité des changes sur l’IDE (Cushman, 1988
Campa, 1993, Quéré et al, 2001, sur l’IDE vers les pays émergents).
De même les études effectuées par Jean-Louiset Lahrèche-Revil (2002) décrivent le lien
entre volatilité des changes et investissement à l'aide d'un modèle théorique où l'incertitude sur
le change génère une incertitude sur la demande, et où les firmes investissent pour servir les
marchés étrangers. Ce modèle montre que la structure de marché est déterminante pour
comprendre l'impact de la volatilité des changes sur l'investissement. Une analyse empirique
portant sur les pays de l'Union Européenne confirme ces conclusions.
En ce qui concerne l’incertitude sur la demande, Ogawa et Suzuki (2000) montrent que,
au Japon, plus l’investissement est irréversible, plus l’impact de cette incertitude (mesurée par la
volatilité du taux de croissance des ventes) est important. Ces conclusions confirment les
travaux antérieurs de Guiso et Parigi (1996, 1999), menés sur des firmes italiennes.
Or, dans une économie ouverte, une partie de l’incertitude sur la demande provient en fait
d’une incertitude portant sur la demande étrangère. Celle-ci peut avoir deux origines : il peut
exister une incertitude sur le volume de la demande étrangère, liée à des évolutions
conjoncturelles ou encore à l’évolution des préférences des consommateurs étrangers. Il peut
également y avoir une incertitude sur les prix étrangers, qui affecte par conséquent les
importations et les exportations, autrement dit le taux de couverture. À court terme, dans la
mesure où les prix des produits domestiques des firmes ne seront plus compétitifs, cette
incertitude affecte donc directement leurs profits. À plus long terme, cette sensibilité des profits
à l’incertitude de change, qui provient de la variabilité des recettes peut affecter à long terme
l’investissement. Dès lors, l’incertitude sur la demande est en fait indissociable de l’incertitude
sur le taux de change et le taux de couverture. Le modèle auquel on s’intéresse s’attache
précisément à analyser l’impact de cette interdépendance sur les choix d’investissements. En
effet, le modèle présenté ci-dessous se propose de mettre en évidence l’impact de la volatilité du
taux de change et du taux de couverture sur l’investissement.
3. RESULTATS EMPIRIQUES
L’analyse empirique de notre étude a été implémentée à des fréquences mensuelles. Les
données ont été obtenues à partir de la base des données publiée par l’organisation
internationale des statistiques financières (IFS).
-5-
Les variables utilisées sont respectivement, le taux de change euro/dinar tunisien, les
exportations et les importations expliquées par le taux de couverture et la production industrielle
de la Tunisie couvrant la période mars 1994, date où la Tunisie ne peut plus à travers la Banque
Centrale verrouiller le marché, jusqu'à septembre 2004.
3.1 Le Choix de Variables
Le choix du taux de change de l’euro par rapport au dinar tunisien et non autres variables
comme le taux d’inflation qui affectent les cash flows d’un investissement est simple.
D’abord, nous avons constaté l’inexistence d’une volatilité dans la série temporelle qui
détermine le taux d’inflation, ceci s’explique par le système de verrouillage appliqué par la
politique de l’état pour limiter l’inflation.
Nous avons choisi le taux de change de l’euro par rapport au dinar tunisien pour deux
raisons.
D’une part, vu les accords de libre-échange entre la Tunisie et les pays membres de
l’union européenne outre les accords de Barcelone, en 1995, ont donné une nouvelle dynamique
aux relations économiques entre la Tunisie et les autres pays faisant parties de la zone euroméditerranéenne (faisant des échanges essentiellement en euro).
D’autre part, nous avons constaté durant toute la période étudiée une relation symétrique
entre le dinar par rapport à l’euro et celui du dollar comme le montre le schéma suivant :
-6-
Figure 1 : L’évolution des cours EUR/TND et USD/TND depuis janvier 2002.
EUR
USD
Source : Salle des marchés Citi-Bank Tunis
On constate, d’après ce schéma, que les deux courbes USD/TND et EUR/TND sont
symétriques, ce qui nous amène à dire qu’une évolution croissante du cours USD/TND lui
correspond d’une manière complètement opposée, une évolution décroissante du cours
EUR/TND.
Concernant le taux de couverture comme variable choisie dans notre étude, se résulte du
rapport entre l’exportation et l’importation. Le choix de cette variable réside au fait qu’elle peut
expliquer et saisir les enjeux, les risques et les opportunités, dans une économie de plus en plus
ouverte et mondialisée où on adopte une politique de change flexible.
Le choix de la production industrielle peut être considéré comme variable déterminante
l’investissement (Ogawa et Suzuki, 2000).
3.2 Les Tests
Les tests ADF de racines unitaires appliqués sur les séries, citées ci-dessus, en niveau ne
permettent pas de rejeter l’hypothèse nulle de la non stationnarité des séries contre l’alternative
de stationnarité à un niveau de signification de 5%.
-7-
Ces séries ont été transformées afin de les rendre stationnaires en utilisant le log de la
différence première des séries.
En conséquence, nous constatons que ces séries transformées présentent des fortes
variations qui tendent à la hausse, traduisant une variation temporelle au niveau de la variance
conditionnelle. L’utilisation des tests ARCH comme l’indique le tableau 1, nous a permis de
confirmer cette volatilité des observations constatées. D’où le recours à la modélisation qui
suppose que l’investissement est affecté par le taux de change, le taux de couverture et leurs
incertitudes.
3.3 Variation Temporelle de l’Incertitude des Variables
Pour déterminer la source sous-jacente à l’incertitude des séries temporelles concernant
le taux de change de l’euro par rapport au dinar tunisien, nous utilisons le modèle ARCH(q) qui
mesure la variance conditionnelle, la même procédure est appliquée pour l’incertitude dans le
taux de couverture. Comme le suggère Engle (1982), l’utilisation du modèle ARCH(q), reflète
la décision qui précise une mesure particulière de l’incertitude, peut être évaluée par la variance
conditionnelle.
Les résultats d’estimation des processus ARCH univariés sont présentés dans le tableau
suivant :
Tableau 1 : Estimation du modèle ARCH univarié
Constant
Yt=t
Yt=Ct
0.0138(0.71
0.154(2.263)
)
Yt-1
--
-0.201(-2.27)
Ut-1
-0.81(15.21)
--
A0
1.254 (5.54)
0.373
(5.079)
U2t-1
0.303 (2.51)
0.371 (2.12)
TR2
8.617
5.472
Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student des coefficients estimés
-8-
Ces résultats ont été obtenus en combinant les processus ARMA avec les processus
ARCH. D’après ce tableau, nous constatons, pour un niveau de signification de 10%, que les
variances conditionnelles des séries examinées sont statistiquement significatives. D’où
l’importance potentielle économique de la variation temporelle de l’incertitude. Cette
importance peut être aussi constatée en examinant les figures 2 et 3 qui représentent
respectivement les déviations standard conditionnelles estimées du taux de change et du taux de
couverture.
La figure 2, décrit l’incertitude de la série du taux de change estimée. Cette variation tend
à la hausse essentiellement au cours des périodes 1995-1997 et 2000. L’incertitude du taux de
change est estimée d’être forte durant les périodes qui paraissent être a priori raisonnables. Cette
forte incertitude à cause d’une forte appréciation du dinar par rapport à l’euro apparu
uniquement comme monnaie scripturale et cette appréciation est la conséquence de la
dépréciation de l’euro par rapport au dollar qui a passé d’un taux de 1,1837 en 4 janvier 99 au
premier jour de cotation officielle de l’euro par rapport au dollar, jusqu'à 0,85 dollar américain
le 20 septembre 2000.
Mais à partir de cette date, nous avons constaté la dépréciation du dinar par rapport à
l’euro tout au long de la deuxième période de la série étudiée qui a atteint par exemple un taux
de dépréciation de 7,9% vis-à-vis de l’euro en l’an 2003.
Par conséquent, nous pouvons constater que lorsque le taux de change effectif réel reste
stable, ceci facilite les projets d’investissement et d’exportation par le secteur privé. Aussi,
l’expérience internationale démontre que l’instabilité au niveau du taux de change augmente les
coûts de transaction et ainsi le coût des exportations, accroît l’incertitude et pourrait décourager
l’investissement privé.
-9-
Figure 2
Deviation Standard conditionnelle du taux de change EUR/DNT
3
2,5
2
Dev Std EUR/DNT
1,5
1
0,5
mai-04
nov-03
mai-03
nov-02
mai-02
nov-01
mai-01
nov-00
mai-00
nov-99
mai-99
nov-98
mai-98
nov-97
mai-97
nov-96
mai-96
nov-95
mai-95
nov-94
mai-94
0
La figure 3 qui présente l’incertitude du taux de couverture, indique une forte variation
durant les périodes qui paraissent aussi raisonnables (1994-1995, 1997-1998, 2001, 2003-2004).
Cette forte variation est expliquée par les raisons suivantes.
La dépréciation du dinar tunisien par rapport à l’euro est due au phénomène de
« glissement » : une politique voulue par la banque centrale tunisienne visant à promouvoir les
exportations et le secteur du tourisme. Mais ceci n’a pas aboutit aux résultats attendus en terme
du taux de couverture.
Le commerce extérieur a évolué, ces dernières années, dans un environnement
international caractérisé par une reprise de l’économie mondiale impulsée par l’amélioration du
rythme de croissance aux Etats-Unis d’Amérique et dans les pays asiatiques, notamment le
Japon et la Chine, et ce, en dépit de l’atonie observée durant la majeure partie de cette période
dans les pays de la Zone Euro. Cette reprise s’est, d’ailleurs, illustrée, outre l’affermissement
des échanges internationaux, à travers la forte hausse des cours des principales matières
premières industrielles.
Le renchérissement des prix mondiaux tient tant à l’amélioration de la conjoncture
économique internationale qu’à l’accroissement de la demande, sous le double effet de
l’intensification des importations par les pays de l’Europe de l’Est et, surtout, de la poursuite du
-10-
dynamisme économique de la Chine qui a connu une expansion exceptionnelle de ses achats et
ses opérations d’exportations.
Cette conjoncture, a aboutit à une évolution considérable des exportations qui a presque
triplé, atteignant 6,1% en 2003 contre 2,2% l’année précédente, tandis que les importations se
sont accrues de 3,9%.
L’analyse de l’évolution de la balance commerciale par régime permet de relever, dans
le cadre du régime général qui intéresse 31% des exportations totales et 64% des importations.
L’analyse ratio de couverture du commerce extérieur recèle un repli poursuivi, pour la
deuxième année consécutive, de leurs niveaux respectifs après avoir atteint, en 2001, leurs
maximums des dix dernières années étudiées.
Figure 3
Deviation Standard conditionnelle du taux de Couverture
2,5
2
1,5
1
0,5
Dev Std (ARCH bivarié)
juil-04
janv-04
juil-03
janv-03
juil-02
janv-02
juil-01
janv-01
juil-00
janv-00
juil-99
janv-99
juil-98
janv-98
juil-97
janv-97
juil-96
janv-96
juil-95
janv-95
juil-94
0
L’examen de la corrélation entre l’incertitude du taux de change et l’incertitude du taux de
couverture indique l’existence d’une connexion en sens inverse entre ces incertitudes. En effet,
le coefficient de corrélation entre la déviation standard conditionnelle du taux de change et celle
du taux de couverture est égale à -0.16.
Puisqu’on dispose de deux séries, et dans le but d’améliorer la qualité des résultats et de
donner plus d’importance à la connexion entre les incertitudes des séries étudiées, nous utilisons
les modèles ARCH Bivariés. Ces modèles nous permettent de faire le lien directement entre le
-11-
taux de change et le taux de couverture, autrement dit entre l’importation par rapport à
l’exportation de la période étudiée. Le modèle que nous avons estimé est le suivant :
Ct  B11 B12 u1,t 1 u1,t
 t  B21 B22 t 1 u2,t
 

u1t  N 0 , h1t h12t
Et u
2t
h12t h2t

h12t  h1t h 2t 
h2t   02   21u22,t 1
h1t   01  11u12,t 1
1/2
Le tableau suivant présente les résultats du modèle ARCH bivarié.
Tableau 2 : Estimation du modèle ARCH bivarié
Yt=t , Ct
B11
-0.0042 (-0.426)
B12
-0.794
(-14.18)
B21
0.173
(2.749)
B22
-0.214
(-2.397)
VC(1,1)
1.326
(5.782)
VC(2,1)
0.0364 (0.392)
VC(2,2)
0.46
(5.429)
VB(1,1)
0.259
(1.958)
VB(2,1)
0.0624 (0.498)
VB(2,2)
0.292
(2.13)
Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student des coefficients estimés
D’après les résultats empiriques, on remarque une amélioration au niveau de la
significativité de la variation temporelle de l’incertitude à travers les modèles ARCH bivariés
(voir figures 4 et 5)
-12-
Figure 4
Déviation Standard conditionnelle du taux de change EURO/TND
(ARCH univarié et bivarié)
3
2,5
2
Dev Std EUR/DNT
1,5
Dev Std (ARCH bivarié)
1
0,5
ju
il9
ja 4
nv
-9
5
ju
il9
ja 5
nv
-9
6
ju
il96
ja
nv
-9
7
ju
il97
ja
nv
-9
8
ju
il9
ja 8
nv
-9
9
ju
il9
ja 9
nv
-0
0
ju
il00
ja
nv
-0
1
ju
il01
ja
nv
-0
2
ju
il0
ja 2
nv
-0
3
ju
il03
ja
nv
-0
4
ju
il04
0
Figure 5
Déviation Standartd conditionnelle du taux de couverture
(ARCH univarié et bivarié)
2,5
2
1,5
1
Dev Std Couv
Dev Std (ARCH bivarié)
0,5
juil-04
janv-04
juil-03
janv-03
juil-02
janv-02
juil-01
janv-01
juil-00
janv-00
juil-99
janv-99
juil-98
janv-98
juil-97
janv-97
juil-96
janv-96
juil-95
janv-95
juil-94
0
Le coefficient de corrélation comme moyen de mesure de la connexion entre les
différentes incertitudes est de l’ordre de- 0,28. Cette valeur décrit l’existence d’une relation
négative entre les incertitudes.
En guise de conclusion, le modèle ARCH bivariés confirme les résultats empiriques
précédemment obtenus, précisant que l’incertitude présente un mouvement statistiquement
significatif au cours du temps. Le plus intéressant, les valeurs élevées des coefficients des
modèles ARCH suggèrent que suivant les périodes où le taux de change inespéré est élevé, il
-13-
existe une augmentation substantielle dans l’incertitude. D’où l’importance accordée à l’idée
d’étudier la forte volatilité du taux de change, et celle de l’incertitude du taux de couverture et
son impact sur l’incertitude de l’investissement manufacturier en Tunisie.
3.4 Incertitude et Investissement
L’évidence présentée dans les paragraphes précédents montre la présence d’une variation
temporelle de l’incertitude des variables choisies. Dans ce paragraphe nous explorons les
connexions empiriques entre cette incertitude et l’investissement. En particulier, l’habilité de
ces variables clés à prédire les mouvements des séries temporelles de l’investissement est
étudiée en utilisant la modélisation linéaire basée sur les moindres carrés.
La variable dépendante choisie dans notre analyse qui représente l’investissement est la
production industrielle dans l’industrie manufacturière tunisienne. On représente l’équation du
modèle linéaire comme suit :
P1
P2
P3
q1
i 1
i 1
i 1
i 1
q2
I t   0    i I t i  i  t i   i Ct i  i ht i  i htCi   t

i 1
Avec :
I t : L’investissement à la période t
tt
: Le taux de change à la période t
Ct : Le taux de couverture à l’instant t
htt
: La volatilité du taux de change à la période t
htC : La volatilité du taux de couverture à la période t
 t : Terme d’erreur identiquement et indépendamment distribué
Les résultats obtenus en utilisant la méthode des moindres carrés ordinaires (voir tableau
3) montrent que les variables inclues dans le modèle ont un effet significatif sur la production
industrielle autrement dit sur l’investissement.
-14-
Tableau 3 : Estimation de l’investissement
Yt=It
Constante
0.297 (0.442)
Yt-1
-0.56 (-7.87)
Yt-2
-0.31 (-5.07)
t-1
-0.127 (-1.19)
Ct-1
0.651 (1.701)
h t
6.735 (2.38)
hCt
-1.794 (-2.252)
R2
0.436
DW
2.002
Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student des coefficients estimés
L’inclusion de l’incertitude du taux de change et celle du taux de couverture engendre
une influence significative sur l’investissement. En effet, la volatilité du taux de change affecte
positivement l’investissement, inversement, l’incertitude du taux de couverture affecte
négativement l’investissement.
Cet effet négatif de l’incertitude du taux de couverture sur l’investissement s’explique
essentiellement par le ralentissement de l’économie mondiale, au cours de la dernière période,
notamment au sein de l’Union Européenne, principal partenaire de la Tunisie, la croissance du
secteur industriel a connu, dans l’ensemble, une remarqué au cours de l’année 2002 et 2003, se
situant respectivement en terme réel 3,2 et 0,9. Ce ralentissement de l’investissement aggravé
par l’incertitude du taux de couverture a amené à l’évolution du taux de chômage qui a atteint
un seuil de 14,5% l’an 2002, malgré les mesures prises par l’état pour simplifier les formalités et
mieux assister et encadrer les entreprises dans les différentes phases de leur mise à niveau, qui
ont encouragé celles-ci à adhérer davantage à ce programme.
-15-
4 Conclusion
Cet article nous a permis de répondre à la question suivante : Est-ce que l’incertitude
du taux de change de l’euro par rapport au dinar tunisien affecte significativement l’allocation
des ressources, une relation entre taux de change incertain de l’euro par rapport au dinar tunisien
et l’investissement.
Après avoir étudié le comportement de taux de change en Tunisie, et le taux de
couverture, qui nous a permis de constater une variation temporelle de ces deux séries, nous
avons abouti à l’utilisation du modèle ARCH dans un cadre univarié et bivarié. En utilisant des
données mensuelles couvrant la période mars 1994 et septembre 2004, nous constatons que
l’incertitude du taux de change et celle du taux de couverture affecte significativement
l’investissement.
Ceci implique que les changements au niveau de l’incertitude de ces séries ont été
inclus pour signaler l’incertitude au niveau de l’investissement. Les résultats auxquels nous
avons abouti, montre que la volatilité du taux de change est associée positivement
l’investissement, tant que celle du taux de couverture a affecté négativement l’industrie, ceci
implique, que la relation entre les différents types d’incertitudes et l’investissement peut être
différente entre les séries temporelle.
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