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Volatilité du taux de change, incertitude du taux de couverture et leurs
impacts sur l’investissement dans l’industrie manufacturière en Tunisie
BEN HAMAD Salah 1 MEDHIOUB Imed2
Résumé
Dans ce papier on tente de mettre en évidence les effets de la variation du taux de change et
du taux de couverture sur l’investissement. L’évaluation des ces séries est entachée à une grande
incertitude qui influence l’activité économique.
L’application empirique sur des données tunisiennes couvrant la période mars 1994-
septembre 2004 montre que l'incertitude du taux de change et celle du taux de couverture affecte de
manière significative la production industrielle manufacturière en Tunisie. L’existence d’un
raccordement entre l'incertitude du taux de change, celle du taux de couverture et l’investissement
explique le résultat auquel nous avons abouti.
Abstract
In this paper, we try to highlight the effects of the variation of both, the exchange and the
cover rates, on investment. The evaluation of these series can be related to a great uncertainty, which
influences the economic activity.
The empirical application on Tunisian data, covering the period ranging from March 1994 to
September 2004, shows that the uncertainty of both, the exchange EURO/TND and the cover rates,
significantly affect the manufacturing industrial production in Tunisia. This finding demonstrates the
existence of a connection between the uncertainty of the exchange rate, that of the cover rate and of
investment.
1 Ecole Supérieure de Commerce de Sfax, Université de Sfax.
2 Ecole Supérieure de Commerce de Sfax, Université de Sfax.
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1. INTRODUCTION
Nous examinons dans la présente étude la relation entre le taux de change réel et
l’investissement. La question qui nous intéresse plus précisément est la mesure dans laquelle le
régime de changes flottants a pu nuire à l’investissement en Tunisie. Selon certains auteurs, un
régime de changes flottants adopté en Tunisie depuis 1994 peut se traduire par une variabilité
excessive du taux de change à court terme, à l’occasion, par des déséquilibres persistants des
taux de changes, ce qui limiterait le système de verrouillage du marché par la banque centrale et
par la suite entraverait le mouvement d’intégration économique des pays favorisé par les
accords de libre-échange conclus par la Tunisie avec les pays membres de l’Union Européenne,
outre les accords de Barcelone, en 1995, ont donné une nouvelle dynamique aux relations euro-
méditerranéennes.
Le développement de cette zone intervient alors que les crises financières des années
1990 et la guerre du Golfe ont mis en lumière l’importance, pour la Tunisie un pays émergent,
d’entrées de capitaux stables à long terme pour financer les investissements, par opposition aux
financements à court terme, instables.
La Tunisie est confrontée à cet égard à une double contrainte. D’une part, elle éprouve des
difficultés à attirer les investissements étrangers moins de 4% du PIB, alors qu’il s’élevait à 5,7
% du PIB (soit 18 milliards de dollars) dans sept PECO (Pays Centrale et Orientale) dont la plus
grande partie des pays adhérents et candidats actuels seront membres de l’union à part entière.
La question de l’attraction des investissements apparaît donc essentielle pour la Tunisie.
D’autre part, ce dernier se trouve potentiellement non seulement en concurrence avec les
PECO au sein de la zone Euro méditerranéenne mais avec les autres du PSME (Pays du sud
Méditerrané) comme le Maroc. L’intégration économique, qui devrait renforcer les liens
économiques de la Tunisie avec l’Union Européenne et autres pays méditerranéens, devrait
encore aggraver la concurrence qu’ils se livrent et limiterait l’éventail des débouchés à
l’exportation susceptibles d’être rentables.
A côté de ces accords de libre-échange, l’adoption de la Tunisie d’un régime flottant a
engendré une forte volatilité du dinar par rapport à l’Euro, cette incertitude a par conséquent un
effet sur l’incertitude des investissements.
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Cet article offre une analyse théorique du lien entre incertitude sur le change et
investissement, en s’appuyant sur le fait que cette incertitude affecte la demande. Après avoir
proposé une revue rapide de la littérature, cet article présente un modèle théorique qui montre
que le lien entre investissement et volatilité des changes dépend fortement de la structure du
marché dans laquelle opère la firme. Cette analyse théorique est ensuite appliquée à la Tunisie, à
travers une analyse économétrique qui tient compte explicitement de la nature du commerce
extérieur.
Les résultats empiriques confirment la réalité dont vive l’économie tunisienne
essentiellement au niveau de son développement. A travers la connexion trouvée entre les
différentes variables examinées, nous essayons de voir leurs impacts sur l’investissement.
Ce papier traite dans un premier temps l’investissement en situation d’incertitude à travers
la volatilité du taux de change. Ensuite, nous présentons l’analyse empirique où nous traitons en
premier lieu l’incertitude du taux de change et celle du taux de couverture, et en second lieu
leurs impacts sur la production manufacturière en Tunisie. Finalement, on conclut le travail.
2. L’INVESTISSEMENT EN SITUATION D’INCERTITUDE SUR LE TAUX DE
CHANGE : CADRE THEORIQUE
La question de l’impact de l’incertitude sur l’investissement n’est pas nouvelle. Elle a par
exemple été développée par Lucas (1967) qui montre que l’incertitude réduit l’investissement en
présence des coûts d’ajustement. L’incertitude a également un impact négatif sur
l’investissement dans le modèle du q de Tobin (1969), où lorsque qu’il existe une irréversibilité
dans le processus d’investissement (Nickell, 1974 et 1978).
L’idée de Meyers (1977) et Kester (1984) consiste à établir une analogie conceptuelle
entre les opportunités d’investissement dans l’avenir et une option européenne d’achat sur
action.
Les travaux les plus récents ont mis en évidence l’existence d’une option d’attente dans
les projets irréversibles, dont la valeur peut conduire soit à reporter la décision d’investissement
en situation d’incertitude, qui donne à la société l’opportunité de nouvelles informations ou
refléter le caractère irréversible d’un investissement (Pindyck (1991) et (Dixit et Pindyck,
1994). Childs, Ott et Triantis (1998), Bellalah M.(2001) proposent un modèle pour l’évaluation
des options réelles en prenant en considération l’interdépendance. L’incertitude affecte en effet
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la valeur de l’investissement qui devient variable dans le temps et imprévisible. Dès lors qu’il
existe un coût irréversible, on montre que la firme n’investit que s’il existe une équivalence
entre l’espérance de rendement associée au report de l’investissement et le coût d’opportunité de
ce report. Par conséquent, la firme peut trouver de l’intérêt à la stratégie d’attente, car celle ci
est équivalente pour elle à la détention d’une option de report de l’investissement. En effet, dans
ce cas, reporter la décision d’investissement et détenir l’option est équivalent à la détention
d’un actif qui ne rapporte pas de dividende, mais peut s’apprécier au cours du temps(Carruth
et al., 2000, p. 122). La firme n’investira donc que si l’espérance de valeur de l’investissement
dépasse un seuil. Le niveau de ce seuil augmente avec l’incertitude sur les rendements futurs (ce
qui est conforme avec la théorie des options, qui montre que la valeur d’une option augmente
avec la volatilité de l’actif sous-jacent). Il augmente également avec le taux d’actualisation, et
avec le terme de tendance inclus dans l’évolution du taux de rendement anticipé. Ces résultats
sont assurés en l’absence d’aversion pour le risque.
De même, un bon nombre de travaux ont mis en évidence l’impact négatif d’une
incertitude au sens large sur l’investissement : ainsi, Isabelle Dauner et Gardol (2004) montrent
l’impact de l’incertitude de l’épargne sur l’investissement. Price (1996) a étudié l’effet négatif
de l’incertitude du PIB sur l’investissement (Price, 1996). Quant à Aizenman et Marion (1996),
ils montrent que la volatilité macroéconomique, définie globalement par un indice incluant la
volatilité des variables monétaires, budgétaires et externes, a un impact gatif limi à
l’investissement privé.
La sensibilité de l’incertitude sur les prix a été testée sur différents types de prix. On
montre généralement qu’il est négatif sur le volume de l’investissement : c’est la conclusion à
laquelle parvient Jose De Gregorio (1993) à partir de l’incertitude de l’inflation et Huizinga
(1993), à partir d’une analyse de l’incertitude sur les salaires réels.
La relation qui étudie l’incertitude sur les taux de change et l’investissement, a été
développée par les travaux qui portent aussi bien sur l’investissement domestique que sur
l’investissement direct étranger.
Agnès Quere. A, Fontagne .A et Lahreche R. (2001) mettent en évidence l’impact des
régimes de changes sur l’investissement direct étranger (IDE) entrant dans les pays du sud et de
l’est de la Méditerranée (PSEM). Leurs résultats confirment les analyses empiriques antérieures
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qui font apparaître une influence négative de la volatilité des changes sur l’IDE (Cushman, 1988
Campa, 1993, Quéré et al, 2001, sur l’IDE vers les pays émergents).
De même les études effectuées par Jean-Louiset Lahrèche-Revil (2002) décrivent le lien
entre volatilité des changes et investissement à l'aide d'un modèle théorique l'incertitude sur
le change génère une incertitude sur la demande, et les firmes investissent pour servir les
marchés étrangers. Ce modèle montre que la structure de marché est déterminante pour
comprendre l'impact de la volatilité des changes sur l'investissement. Une analyse empirique
portant sur les pays de l'Union Européenne confirme ces conclusions.
En ce qui concerne l’incertitude sur la demande, Ogawa et Suzuki (2000) montrent que,
au Japon, plus l’investissement est irréversible, plus l’impact de cette incertitude (mesurée par la
volatilité du taux de croissance des ventes) est important. Ces conclusions confirment les
travaux antérieurs de Guiso et Parigi (1996, 1999), menés sur des firmes italiennes.
Or, dans une économie ouverte, une partie de l’incertitude sur la demande provient en fait
d’une incertitude portant sur la demande étrangère. Celle-ci peut avoir deux origines : il peut
exister une incertitude sur le volume de la demande étrangère, liée à des évolutions
conjoncturelles ou encore à l’évolution des préférences des consommateurs étrangers. Il peut
également y avoir une incertitude sur les prix étrangers, qui affecte par conséquent les
importations et les exportations, autrement dit le taux de couverture. À court terme, dans la
mesure où les prix des produits domestiques des firmes ne seront plus compétitifs, cette
incertitude affecte donc directement leurs profits. À plus long terme, cette sensibilité des profits
à l’incertitude de change, qui provient de la variabilité des recettes peut affecter à long terme
l’investissement. Dès lors, l’incertitude sur la demande est en fait indissociable de l’incertitude
sur le taux de change et le taux de couverture. Le modèle auquel on s’intéresse s’attache
précisément à analyser l’impact de cette interdépendance sur les choix d’investissements. En
effet, le modèle présenté ci-dessous se propose de mettre en évidence l’impact de la volatilité du
taux de change et du taux de couverture sur l’investissement.
3. RESULTATS EMPIRIQUES
L’analyse empirique de notre étude a été implémentée à des fréquences mensuelles. Les
données ont été obtenues à partir de la base des données publiée par l’organisation
internationale des statistiques financières (IFS).
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