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Actes de l'Université d'été de Saint-Flour
La pluridisciplinarité dans les enseignements scientifiques à partir des thèmes de convergence
Calcul des probabilités
et sécurité des ouvrages d'art
Pierre Bernard,
Professeur de Mathématiques, Université Blaise Pascal
I. Introduction
La nécessité de mener des études approfondies pour déterminer la fiabilité de grandes
strctures est particulièrement illustrée par l'affaire du pont de Tacoma, qui s'est effondré en
novembre 1940, quelques mois après son inauguration, sous l'effet d'un coup de vent modeste avec
des vitesses de vent d'environ 70 km/h.
Un film spectaculaire pris sur place par un amateur lors de cet événement peut être
visionné sur le site de CanlU: www.canalU.fr, sujet: Les Ondes.
Nous nous intéressons au dimensionnement de structures mécaniques (ponts,
immeubles, bateaux, avions,...). La démarche de dimensionnement se fait en trois étapes:
- Fixer la forme, les dimensions, les matériaux dans une première évaluation.Les
choix découlent de l'expérience du constructeur, de soucis esthétiques et fonctionnels,
et de calculs relevant de l amécanique des structures et des matériaux.
- Préciser et évaluer les charges auxquelles la structure est susceptible d'être
soumise.
- Vérifier que le comportement estimé de la structure sous ces charges est
satisfaisant au regard de critères de sécurité et de confort prédéfinis.
Si ces critères ne sont pas satisfaits, on réitère les trois étapes.
Les incertitudes (et donc les probabilités) apparaissent à deux niveaux:
- D'une part, incertitudes sur les caractéristiques géométriques et mécaniques de la
structure,
- d'autre part, incertitude sur les chargements qui vont être appliqués (le trafic, le
vent, la houle, les séismes, ....).
On définit un critère de défaillance en délimitant le domaine des valeurs de l'ensemble
des variables du problème entrainant la ruine de la structure. C'est un domaine géométrique de
l'espace à n dimensios s'il y a n variables. On supposera connue une fonction G: R^n → R, dite
fonction d'état limite, telle que le domaine de ruine soit caractérisé par la relation G(X) < 0 où X =
(X1, ..., Xn) est l'ensemble des variables pertinentes.
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II. Probabilité de défaillance
Il résulte de ce qui précède que la probabilité de défaillance (ou de ruine) de la
structure est P_R = P(G(X) < 0). Si l'on note D_R le domaine de défaillance dans R^n, qui est donc
défini par D_R= {x de R^n: G(x) < 0}, et μ la loi de probabilité de X, alors P_R = ∫_D_R f(x)
μ(dx).
En général, les modèles retenus pour X seront à densité, de sorte que, notant f cette
densité,
P_R = ∫{G(x_1, ..., x_n)<0} f(x_1, ..., x_n) dx_1...dx_n.
Le problème est donc celui d'estimer cette intégrale sachant que n peut être grand
(plusieurs dizaines, voire plus).
On peut remarquer tout de suite que le résultat sera fortement dépendant des modèles
retenus pour les lois des quantités aléatoires.
Les méthodes actuellement utilisées procèdent comme suit.
Etape 1 : on effectue un changement de varaiables pour se ramener à des lois
normales réduites. On utilise pour cela des transformations, dont la plus connue est la
transformation de Rosenblatt, que nous définirons plus loin. On dit que l'on est passé
de l'espace des variables physiques dans l'espace des variables gaussiennes. On notera
U l'image de X par cette transformation.
Etape 2 : La fonction limite transformée étant notéee H, on calcule P_R = P(H(U)
< 0), en utilisant le caractère gaussien de U.
A. Cas où le domaine de ruine est un demi-espace affine
Commençons par étudier le cas simple où le domaine de ruine est un demi-espace de
l'espace gaussien, délimité par un hyperplan affine. Autrement dit, supposons qu'il existe des
scalaires (a_1,..,a_n) et b tels que D = {u: a_1 u_1+ ...+ a_n u_n < b}.
Si l'on note A la projection orthogonale de l'origine sur l'hyperplan délimitant le
domaine de ruine, on appelle A le point de conception, ou check point en anglais. Le calcul de la
probabilité de défaillance est alors celui de la probabilité d'un demi espace affine pour une loi de
Gauss réduite dans un espace de dimension n. On vérifie que cema vaut exactement Φ(-β), ou Φ
est la fonction de répartition de la loi normale réduite scalaire et β la distance euclidienne de
l'origine au point A.
On voit que ce coefficient β permet de mesurer la fiabilité de la structure. C'est l'indice
de fiabilité de Hasofer-Lind.
1. La transformation de Rosenblatt
Présentons la en dimension 1. En dimension supérieure, c'est une généralisation (non
triviale) de celle-ci.
Soit F la fonction de répartition de X, supposée inversible. On sait qu'alors F(X) suit la
loi uniforme sur [0,1]. On déduit de cela que, effectuant le changement de variable x → u défini par
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Φ(u) = F(x), la variable aléatoire U image de X par cette application suit une loi normale réduite.
2. Indices de fiabilité.
Nous venons de rencontrer l'indice de fiabilité d'Hasofer Lind. Le calcul de cet indice
nécessite de connaître la loi du vecteur aléatoire des paramètres de la structure. Ceci reposera
généralement sur des hypothèses plus que sur des observations.
Les mesures permettent souvent une estimation des moments des deux premiers
ordres. Examinons encore le cas où la fonction d'état limite est affine. Une caractéristique
adimensionnelle de la dispersion de grandeurs positives aléatoires est le coefficient de variation CV
= σ(X)/ E(X), rapport de l'écart type à la moyenne.
Un autre indice de fiabilité, encore noté β (lettre générique pour tous les indices de
fiabilité!) est l'inverse du coefficient de variation de M = a_1X_1+....+a_nX_n +b si (a_1,..,a_n,b)
sont les coefficients caractérisant l'hyperplan d'état limite.
Notons encore X le vecteur gaussien admettant les mêmes moments du second ordre
que le vecteur (non gaussien, mais de loi inconnue) X de départ. Si l'on effectue une transformation
affine de R^n, de sorte que X = BY +c où Y suit la loi normale réduite et B est inversible, l'image
de l'hyperplan limite est encore un hyperplan, et β est encore la distance à l'origine de ce nouvel
hyperplan.
On appelle cet indice l'indice de fiabilité de Cornell.
B. Cas non linéaire: méthodes FORM et SORM.
Si la surface d'état limite n'est pas un hyperplan affine (nous parlerons alors de cas non
linéaire), on essaie de se rapprocher de la démarche du cas linéaire. Dans l'espace des variables
gaussiennes, on cherche le (ou les) point le plus proche de l'origine sur cette surface. C'est le point
de fonctionnement. On notera β la distance de l'origine à ce point. C'est encore l'indice de fiabilité
d'Hasofer Lind. On obtient une première estimation de la probabilité de ruine en calculant Φ(-β).
Ceci revient à approcher la surface d'état limite par son hyperplan tangent au point de
fonctionnement. Cette démarche est appelée méthode du premier ordre, ou méthode FORM (First
Order Reliability Method).
Ceci est justifié par le fait que la loi de Gauss aura la plus grande masse dans les
régions les plus proches de l'origine.
Il y a aussi des méthodes du second ordre, consistant à approcher la surface d'état
limite dans l'espace gaussien par une quadrique tangente au point de fonctionnement pour évaluer
la probabilité de défaillance. On les appelle méthodes SORM.
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