Neuropédiatre Troubles du langage oral et écrit et leurs causes cérébrales Daniel AMSALLEM Plan Classification des troubles du langage Anatomie fonctionnelle Histologie fonctionnelle Étiologie des troubles du langage Hypothèses physiopathologiques des troubles spécifiques Développement du langage oral – Le développement du langage oral est un processus naturel et actif, dépendant des capacités innées neuro-cognitives de l’enfant et de la rencontre avec son environnement humain – Il est conditionné par l’intégrité : – des organes phonatoires – des structures corticales et sous-corticales – de l’appareil auditif Troubles du développement du langage Troubles du langage = origines diverses • • • • • • Les troubles isolés : • Troubles fonctionnels : retard simple de parole et de langage ou retard d’acquisition de la lecture • Troubles structurels et spécifiques : dysphasie, dyslexie, dysorthographie Les troubles associés ou secondaires à une déficience intellectuelle, une surdité, une paralysie des organes phonatoires, une atteinte cérébrale, des troubles de la communication (dont autisme), des carences psycho-affectives, des troubles du comportement. Troubles du développement du langage oral Trouble d’articulation : impossibilité à prononcer correctement un son de façon systématique Retard de parole : difficulté à organiser les sons dans les mots se traduisant par des inversions, omissions, confusions des sons ou de syllabes Retard simple de langage : incapacité à organiser les mots dans la phrase, compréhension peu ou pas touchée Dysphasie : trouble significatif, durable et sévère du développement du langage oral • • • • • • • touchant à la fois l’expression et la compréhension Bégaiement : perturbation du rythme de la parole.Trouble de la relation verbale en situation de communication = toujours lié à la présence d’un interlocuteur Développement du langage écrit L’apprentissage du langage écrit n’est pas naturel, il est le résultat d’actions pédagogiques Vers 6 ans, l’enfant pré-lecteur est prêt pour cet apprentissage Les actions pédagogiques de cet apprentissage consistent à mobiliser des habiletés partiellement développées chez l’enfant pré-lecteur L’évolution du langage écrit est rapide. En une à deux années d’apprentissage, l’enfant devient un « lecteur autonome » Troubles du développement du langage écrit Retard simple d’acquisition du langage écrit : • Décalage dans les apprentissages • Évolution spontanée favorable • Suivi orthophonique pas toujours nécessaire Dyslexie/dysorthographie : difficultés sévères et durables d’acquisition de la lecture et de l’orthographe en l’absence d’une déficience intellectuelle, de troubles sensoriels, de troubles du comportement et de la personnalité, de désordres affectifs graves ou de mauvaises conditions d’apprentissage. Quand et pourquoi s’inquiéter ? Signes d’appel selon l’âge Indications du bilan orthophonique • • • • • A 3 ans : N’est compris que par son entourage Absence de phrases de trois mots dont un verbe associé Difficultés pour comprendre les phrases hors contexte Difficultés pour trouver le bon mot, pour exprimer ses idées • • • • • • • A 4 ans : Difficultés pour comprendre les phrases longues, complexes ou abstraites Vocabulaire restreint et imprécis Ne fait que des phrases courtes et mal construites A du mal à raconter des évènements simples et récents Simplifie les mots (mots déformés mais proches de la cible) Beaucoup d’hésitations quand il parle : se bloque en début de phrase ou répète les sons plusieurs fois avant de dire le mot (ex : ba ba ba ballon) • • • • • A 5 ans : Prononce mal systématiquement certains sons Difficultés de discrimination auditive (sons) et visuelle (lettres) Faibles capacités métaphonologiques (manipuler les rimes, les syllabes et les voyelles) • En fin de CP : • Si l’enfant ne parle pas comme un adulte • Si l’enfant a des difficultés dans l’apprentissage de la lecture • A partir du CE2 : • Ne maîtrise pas la lecture et/ou l’écriture Quelques repères 3-4 ans • Quasi totalité des phonèmes sont acquis (peuvent manquer « ch », « j », « s », « z », sans que ce soit pathologique) • Parole intelligible sans déformation importante • Comprend tout le langage • Utilise des énoncés simples (SVC) mais corrects • L’accord en genre et nombre apparaît • Utilise le « je » • Début des phrases coordonnées (« après »), de subordonnées, de relatives • Exprime la causalité • Conjugue correctement les temps simples • Possède un vocabulaire de plus de 300 mots • Questionne en utilisant « comment », « pourquoi », « quand » • Notions sur/sous, dans, à côté/près de, derrière/devant, avant/après, matin/midi/soir sont acquises 4-5 ans • Tous les phonèmes sont normalement acquis (confusions entre ch/j, s/z tolérées) • Parole peut encore être perturbée • Comprend les notions de ressemblance/différence (pareil/pas pareil), de manque, de reste, le concept de nombre • Utilise imparfait, futur simple, impératif • Emploie correctement articles, adjectifs possessifs, pronoms possessifs, adverbes de temps • Est capable de créer des scénarii, de définir des mots simples • Maîtrise les accords en genre et en nombre • Début de la concordance des temps • Commence à utiliser des phrases complexes (pronom relatif, conjonction de subordination) • Exprime la conséquence et le but • Notions au milieu, par-dessus/par-dessous, hier/aujourd’hui/demain, avant/pendant/après sont acquises 5-6 ans • Les transformations tr/kr, dr/gr sont encore acceptables • Comprend les catégories • Connaît son âge • Maîtrise le nombre • Langage riche et varié • Accès à l’humour • Pose des questions sous forme interrogative • Connaît les saisons • Latéralité déterminée • Écrit quelques lettres 6-7 ans • Articule tous les sons • Parle sans déformer les mots • Allonge et complexifie ses phrases • Comprend les phrases passives, les aspects formels du langage • Construit des récits • Déchiffre les mots simples, quelques phrases courtes • Correspondance phonème / graphème • • • • • • • • Diagnostics troubles du langage oral Troubles secondaires : atteinte sensorielle = surdité atteinte motrice déficit intellectuel épilepsies psychose, autisme, dysharmonies évolutives, facteurs d’environnement défavorables Troubles spécifiques Retard simple ou Dys • • • • • • • Listing pré requis langage oral Afférences sensorielles : audition +++ Efférences neuromotrices, phonation Compétences relationnelles à Personnalité Compétences cérébrales globales à Cognitif Compétences cérébrales spécifiques à Capacités instrumentales Affectivité Stimulation (ex : Bain de langage) Atteintes sensorielles Périphériques ou centrales Parfois associées Peuvent être évolutives et de degré variable Signes précoces d’autisme Troubles sévères de la communication précoce regard, expression du visage, postures corporelles et gestes, manque de manifestation sociale ou émotionnelle Absence d’ajustement postural Réponses sensorielles anormales Langage : absent ou réduit avec troubles sévères compréhension, confusions (« je » / « tu »), écholalies immédiates, différées Intolérance aux changements, colères incontrôlables Répertoire restreint et stéréotypé de comportement, d’activités et d’intérêts : routines, rituels, stéréotypies motrices, fixation persistante sur des parties d’objets Retard mental Définition DSM-IV : Diminution fonctionnement intellectuel général à QI < 70 + homogénéité QIV / QIP et ‚ subtests Tenir compte du contexte socio-culturel, de l’attention et de la participation + Limitations significatives du fonctionnement adaptatif à Test Vineland Retard mental : définition DSM-IV Fonctionnement intellectuel global à QI apprécié par tests psychométriques standardisés Quotient intellectuel (QI) : Moyenne générale = 100, Déviation standard = 15, Retard mental si QI < 70, soit –2 DS. Faculté d’adaptation : intelligence pratique à échelle de Vineland Distribution des RM selon sévérité • RM sévère : QI < 50 Signe d’appel = Hypotonie • RM léger : 50 < QI < 70 Retard ou troubles de langage : souvent le 1er signe d’appel d’un RM léger Démarche diagnostique devant un retard mental fixé • Anamnèse à ATCD familial • Examen clinique à Syndrome connu génétique : • Chromosomique • microdélétionnel • mendélien à Causes acquises Bilan étiologique Mais des RM isolés restent inexpliqués Épilepsies et troubles de communication Troubles neuropsychologiques • Concept des « Dys » : • dysphasies (langage oral), • dyslexies-dysorthographies (langage écrit), • dyscalculies (fonctions logico-mathématiques), • dyspraxies (acquisition de la coordination), • déficits attentionnels avec ou sans hyperactivité. Les « Dys » peuvent être isolés ou associés entre eux. • Classifications des maladies : CFTMEA, DSM-IV, CIM 10 Troubles spécifiques • • • • • • • • Critères positifs Diagnostics à éliminer : Troubles secondaires : atteinte sensorielle (surdité, déficit visuel) ou motrice déficit intellectuel épilepsies psychose, autisme, dysharmonies évolutives, facteurs d’environnement défavorables Retard simple Dysphasies Trouble grave, durable (structurel) et déviant du développement du langage oral Trouble structurel = déviance permanente de l’utilisation du code langagier • Échec scolaire chez des enfants d’intelligence normale Présomption à 3-4 ans signes d’appel = absence ou arrêt du babil puis évolution du langage, troubles du comportement Diagnostic souvent affirmé vers 5-6 ans Pré requis langage écrit Capacités nécessaires pour accéder au LE : • conscience que l’oral est constitué de sons • discrimination et analyse des sons de l’oral • représentation de l’oral par des lettres (accès au symbolisme) • repérage des lettres : orientation et séquentialité (bonne perception et analyse visuelle) Définition dyslexies Trouble spécifique (isolé) structurel (durable) d’accès au langage écrit apprentissage de la lecture production / compréhension de l’écrit chez des enfants normalement intelligents, normalement scolarisés, indemnes de troubles sensoriels, indemnes de troubles psychologiques, expliquant ces difficultés d’accès au langage écrit Diagnostics différentiels dyslexies • • • • • • Déficit visuel Déficit auditif Anomalies graves du langage oral Déficit intellectuel Troubles psychologiques évidents Carences socio-culturelles Diagnostic positif dyslexies Évaluation intellectuelle Tests à leximétrie • Vitesse de lecture • Nombres (types) d’erreurs • Comparaison avec courbe étalonnée / âge à Retard de lecture d’au moins 18 mois / âge chronologique (ou mental) • Éliminer les retards de maturation Analyse de la transcription de l’oral vers l’écrit Classification dyslexies Selon atteinte de l’une des voies de lecture voire des 2 Analyse visuelle à Accès au sens Par adressage (reconnaissance mot écrit en totalité) voie visuo-sémantique Par assemblage (b a ba) voie phonologique Classification dyslexies • Études anatomiques Planums temporaux anormalement symétriques : cortex pariétal inférieur (% • traitement phonologique du langage) Foyers cicatriciels, de microdysgénésie, microgyrie, du gyrus frontal inférieur gauche et des 2 régions périsylviennes (% régions sensitivo-motrices oro-faciales) • Aire V5 / MT ? Zone de projection de la voie magnocellulaire des corps genouillés (% traitement visuel du mouvement) • Rôle du cervelet ? • Trouble du traitement rapide de l’information auditive ou visuelle du langage • Aires associatives et mémoire de travail Corps calleux trop épais dans sa partie médiane (liens « verbaux ») Réduction taille des neurones des couches magnocellulaires des corps genouillés stimuli visuels présentés rapidement avec un faible contraste et une faible résolution spatiale = Anomalies développementales des systèmes visuels et auditifs = Anomalies corticales à anomalies des corps genouillés Contrairement à l’adulte, la théorie localisationniste n’est pas suffisante Il faut prendre en compte • l’aspect fonctionnel • la maturation cérébrale • l’embryologie Nous avons affaire à une pathologie de réseaux neuronaux Maturation cérébrale Plusieurs phases : Embryogénèse avec gènes de développement, neurulation, différenciation régionale (inductions, polarité antéro-postérieure et dorso-ventrale) Neurogénèse avec organisation corticale : divisions, migrations neuronales, spécialisation, guidage axonal avec reconnaissance de la cible, synaptogénèse Contacts axo-dendritiques : mise en place des contacts synaptiques initiaux Maturation cérébrale postnatale Développement de l’arborisation dendritique (augmentation du PC post-natal) Myélinisation séquentielle des zones motrices aux lobes frontaux Remodelage des constructions synaptiques initiales : synaptogénèse avec stabilisation et régression Spécialisation hémisphérique et dominance cérébrale Structures cérébrales : contraintes internes pré-organisatrices Processus génétiques Architectonie Groupes neurono-gliaux Maturation cérébrale Stabilisation synaptique et morts neuronales Concordance Entre les études anatomiques, fonctionnelles et l’approche cognitive • Trouble du traitement rapide de l’information auditive ou visuelle du langage • Aires associatives • Mémoire de travail Unités néocorticales radiaires = Atteinte de la migration tardive des neurones du cortex (groupes neurono-gliaux) Avec connaissance chez prématurés A 26 SAG, la couche germinative = Volume maximum Produit l’oligoglie Majorité des précurseurs d’astrocytes Atteinte couche germinative à • Trouble de migration astrocytaire tardive pour la moitié superficielle du néocortex • Anoxo-ischémie à vulnérabilité plus grande pour glutamate des noyaux gris centraux et cervelet à THADA, Troubles spécifiques des apprentissages, Atteinte cérébelleuse Avec effet favorable de la qualité des stimulations (ni trop, ni trop peu à données chez enfants adoptés) et de l’environnement (dans toutes ses dimensions y compris affectives) Lien mémoire / affectivité à Psychodynamie Avec intervalle libre (enfant secoué, alcoolisme fœtal, drogues, carences…) Rôle âge/localisation = Vagues successives de maturation de réseaux Importance du cervelet = coprocesseur pour fonctions cognitives par sa richesse de connexion avec thalamus, préfrontal… Centre de référence des Troubles du langage Réseau Dysépi Neuropédiatrie Secteur hospitalisation (6 lits) Centre de référence régional Langage Réseau DysEpi Groupe Handicaps Centres compétence (4 à 6 centres dont 2 responsabilités principales) + Activités TIG : • Directeur médical du CREESDEV (visuels + polyhandicaps) • CRRF • APF Participation certaines synthèses ADAPEI, CAMSP, écoles, avis experts MDPH, justice ... Neuropédiatrie et Centres compétence • Responsable Maladies inflammatoires (encéphalites, maladies autoimmunes) Besançon-DijonReims-Nancy-Strasbourg • • • • • • Co-responsable Retard mental-maladies du cervelet Besançon-Dijon • Participation • Maladies métaboliques • Maladies neuromusculaires Troubles du langage • Un centre régional du langage = structure hospitalière pluridisciplinaire • Un réseau régional de santé = • ville-hôpital, • trans-disciplinaire, • avec un volet social et médical, • tutelles = ARH + URCAM, • un président, un coordonnateur, un comité de pilotage, des élections, • des rapports d’activités, des évaluations Historique réseau • Statut juridique rattaché au CHU • Création du réseau : 07/03 • Décision conjointe ARH/URCAM : 15/07/03 • Convention avec le CHU : 22/09/03 • Premier financement : 15/11/03 • Extension vers épilepsies : 15/12/05 • Dossiers • • • • • Financement extension vers épilepsie 14/09/2005 Évaluation 31/03/2006 Rapports d’activité des 3 ans 15/04/2006 Financement années 2007 et 2008 pour langage 19/09/2006 Renouvellement en 2008 pour 3 ans • 4 à 6 % des enfants ont des troubles spécifiques des apprentissages dont 1% de Dys sévères • Épilepsie = 1% des enfants soit 1000-1500 enfants en Franche-Comté Participation au réseau Ministères et Tutelles Population et milieu associatif Institutions académiques Structures d’alerte et dépistage Professions de Santé : Libéraux : Médecins généralistes, pédiatres, ORL, Orthophonistes… Structures : Orthophonistes, Neuropsychologues, Psychomotriciens Structures de soins : Hôpitaux généraux, CAMSP, CMPP, CGI, UTEP, certains SESSAD et IME CHU : ORL, Pédiatrie, Pédopsychiatrie + Centre de référence Objectifs • Éviter troubles des conduites (anxiété, retrait social, inhibition, désintérêt massif, opposition, agressivité, provocation, instabilité…) à épanouissement personnel et familial • Rééducations pour profiter de la plasticité (maturation) cérébrale • Éviter le calvaire de l’école sans réponse adéquate pendant le cursus de l’élève à éviter l’illettrisme à Adaptations scolaires • Autonomie à l’âge adulte