Malheureusement, en 524, Boèce est faussement accusé auprès de Théodoric d'entretenir avec
l'empereur Justin, son parent, une correspondance secrète. Il voulait, disait-on, reprendre
l’Italie des mains des chefs barbares et la rendre aux empereurs romains.
On a même produit deux lettres de notre philosophe dans lesquelles cette conspiration semble
évidente, mais Boèce déclarera toujours que ces lettres n'étaient pas de lui et qu'elles avaient
été écrites par ses ennemis.
Théodoric poussé par les ennemis de Boèce le fit arrêté à Vérone et il fut conduit en prison à
Pavie, à la fin de l'année 524. Il est exécuté sans procès en 526.
Même si Boèce écrivit beaucoup de commentaire sur Aristote et Platon, essayant de créer une
conciliation, une synthèse entre les deux pensées des philosophes (Catégories, De
Interprétatione, Isagogue), l’œuvre qui va nous intéresser est une œuvre personnelle nommée
« La consolation de la philosophie » que Boèce écrivit vers la fin de sa vie alors qu’il était en
prison.
Edward Gibbon sur Boèce
«Tandis que Boèce, chargé de fers, attendait de moment en moment l'arrêt ou le coup de la
mort, il écrivit la Consolation de la philosophie, ouvrage précieux, qui ne serait point indigne
des loisirs de Platon ou de Cicéron, et auquel la barbarie des temps et la position de l'auteur
donnent une valeur incomparable. La céleste conductrice, qu'il avait si longtemps invoquée
dans Rome et dans Athènes, vint éclairer sa prison, ranimer son courage, et répandre du
baume sur ses blessures. Elle lui apprit, d'après la considération de sa longue prospérité et de
ses maux actuels, à fonder de nouvelles espérances sur l'inconstance de la fortune. La raison
de Boèce lui avait fait connaître combien sont précaires les faveurs de la fortune; l'expérience
l'avait instruit de leur valeur réelle; il en avait joui sans crime, il pouvait y renoncer sans un
soupir, et dédaigner avec tranquillité la fureur impuissante de ses ennemis qui lui laissaient le
bonheur, puisqu'ils lui laissaient la vertu. De la terre il s'élève dans les cieux pour y chercher
le bien suprême. Il fouille le labyrinthe métaphysique du hasard et de la destinée, de la
prescience de Dieu et de la liberté de l'homme, du temps et de l'éternité, et il essaie noblement
de concilier les attributs parfaits de la Divinité avec les désordres apparents du monde moral
et du monde physique: des motifs de consolation si communs, si vagues ou si abstraits, ne
peuvent triompher des sensations de la nature; mais le travail de la pensée distrait du
sentiment de l'infortune, et le sage qui, dans le même écrit, a pu combiner avec art les diverses
ressources de la philosophie, de la poésie et de l'éloquence, possédait déjà sans doute cette
intrépidité calme qu'il affectait de chercher. Il fut enfin tiré de l'incertitude, le plus grand des
maux, par l'arrivée des ministres de mort, qui exécutèrent et pressèrent peut-être l'ordre cruel
de Théodoric. On attacha autour de sa tête une grosse corde, qu'on serra au point que ses yeux
sortirent de leurs orbites; et ce fut sans par une sorte de compassion que, pou abréger son
supplice, on le fit expirer sous les coups de massue. Mais son génie lui survécut et a jeté un
rayon de lumière sur les siècles les plus obscurs du monde latin.»
EDWARD GIBBON, Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, tome 7, Paris, éd. Ledentu,
1828, p. 188-197.
III. « La Consolation de la Philosophie »
III. 1 Le texte
« La consolation de la Philosophie » est une œuvre composée de 39 poèmes et de 39 textes en
prose divisé en 5 livres.