Bizarreries sexuelles, actes pervers isolés et
perversions sexuelles chez l'enfant
Cet article a été publié dans la revue Neuropsychiatrie de l'Enfance et de
l'Adolescence en 2003, 51-8, 224-232. Je vous en souhaite une bonne lecture.
Vous pouvez aussi aller consulter, à la page échanges interactifs de courriel la
rubrique Perversion ; j'y réponds à des préoccupations d'internautes à propos
de pratiques sexuelles déviantes.
N’oubliez cependant pas que, si la vraie perversion existe, beaucoup
d’explorations bizarres, déviantes à laquelle se livrent enfants et adolescents
ne sont que des phénomènes transitoires ils peuvent cependant engendrer
tardivement une énorme culpabilité lisez à ce propos, à titre d’exemple,
l’échange de courriel Culpabilité énorme chez un jeune adulte après quelques
expériences zoophiles
J.-Y. HAYEZ (1).
Pourquoi cet essai ? Au fil de ma carrière professionnelle, j'ai rencontré
quelques enfants et adolescents porteurs d'une solide perversion sexuelle, en
étant confronté aux aléas de leur éducation et des soins à leur apporter.
Quelques-uns, une quinzaine en trente ans.
Sommet d'un iceberg ou grande rareté d'une telle structure, du moins sous sa
forme chronicisée ? Un des buts de cet essai est d'y réfléchir en ne tranchant
d'ailleurs ni par l'angélisme, ni par la dramatisation.
Sur les forums et dans les chats d'Internet, au moins là, les langues des jeunes
se délient ; même sans être assez naïfs pour croire que tous ceux qui y
annoncent leurs 12 ans les ont vraiment, ni que tout ce qui s'y dit est de
l'ordre du réel concret, on ne peut pas non plus faire la politique de
l'autruche il y fourmille des milliers de témoignages d'un rapport -
breugelhien? impertinent? inquiétant? - que les mineurs d'âges entretiennent
avec une sexualité qui est tout sauf politically correct. Mors, comment la gérer
quand on en découvre les signes ? Faut-il essayer d'en prévenir quelque chose
? Et si oui, comment?
(1) J.-Y. HAYEZ, pédopsychiatre, docteur en psychologie, responsable de l'unité de pédopsychiatrie et
coordonnateur de t'équipe SOS Enfants-Famille, Cliniques universitaires Saint- Luc,10 avenue Hippocrate, B-
1200 Bruxelles Courriel : mailto:jean-yves. hayez@pscl.ucl.ac.be
Beaucoup plus souvent, j'ai été confronté au profond désarroi des parents
face à des indices ou à des expériences tout à fait inattendues : que dire à ce
jeune de il ans surpris dans un superbe transvestissement? Et à cet autre,
dont ils découvrent - par hasard? - qu'un gros dossier de son ordinateur
contient des dizaines d'images consacrées au sado-masochisme, à la zoophilie
ou aux plaisirs urinaires ? C'est de toutes ces petites et grandes bizarreries
dont je voudrais parler ainsi que des conduites à recommander aux parents
et aux soignants, sans sourire ni diaboliser!
§ I : LE CADRE DE SEXUALITÉ DANS LEQUEL S'INSCRIT UN
FONCTIONNEMENT PERVERS.
Je me centrerai sur les enfants entre six et terize ans, d'intelligence normale
ou avec un léger retard mental, non autistes, non psychotiques.
Lorsqu'ils sont en bonne santé mentale, ils ont des activités sexuelles d'abord
assez espacées ( sexualité " récréative ") ; leur intensité augmente au fur et à
mesure que s'approche la puberté, en même temps que leur forme rejoint
progressivement ce que font les grands adolescents et adultes.
Plus ils grandissent, plus ils s'avèrent capables de mener leur sexualité avec
une discrétion efficace, loin du regard des non- partenaires, tant par
prudence que parce qu'ils adhèrent vraiment à des normes sociales et à des
prescrits culturels qui le demandent.
Une seule catégorie d'activités sexuelles échappe à certains moments à cette
recherche de " pri ", ce sont celles qui sont générées par l'angoisse,
résultant ici d'un traumatisme introjeté, d'un vagabondage de l'imagination
ou d'une organisation névrotique : alors, une certaine contrainte intérieure à
faire des vérifications sexuelles ou à s'identifier à l'agresseur conduit
régulièrement l'enfant à pratiquer à ciel ouvert dans un climat de tension,
voire de violence.
Par contre, les activités sexuelles discrètes, menées solitairement ou en
compagnie, constituent majoritairement l'expression d'un développement
sexuel sain et répondent aux critères cliniques du tableau I.
Plus rarement, ce sont des activités sexuelles préoccupantes (2) : je viens
d'évoquer celles qui sont générées par l'angoisse, parfois menées sous le
regard d'autrui, mais parfois aussi en cachette.
Par ordre de fréquence décroissante, il y a ensuite des enfants sans retenue,
précocement hyper érotisés ( hyperreactive children, Cavanagh Jonhson,
1999 ).
Viennent alors, déjà beaucoup moins fréquents, les abus sexuels, dictés par la
recherche du pouvoir, puis les quêtes affectives sexualisées ( Hayez, 1999;
Hayez 2004 ).
Viennent enfin les activités perverses, transitoires ou destinées à se
chroniciser, qui feront l'objet de la suite de l'article.
§ II : MÉCANISMES DE MISE EN PLACE.
Il en existe trois principaux. Je les décrirai d'abord séparément puis
j'évoquerai leurs combinaisons possibles et les pronostics d'évolution qui en
résultent. Je terminerai par la description détaillée d'un cas.
I - Description de chaque mécanisme.
(2) Préoccupantes en référence à l'évaluation faite non par une personne isolée, mais par la majorité des adultes
sereins qui auraient à les connaître. Alors, elles seraient soit simplement pathologiques, soit pathologiques et
mauvaises lorsqu'elles violent les Lois naturelles.
A. L'enfant découvre par hasard qu'une activité sexuelle précise lui procure
un très grand plaisir ; plaisir physique local, réminiscence de plaisirs
archaïques, joie de vivre qu'il fait une expérience exceptionnelle, qu'il défie
les règles, etc. Il ne s'y attendait pas, mais il va très vite apprendre à
reproduire celle inondation de plaisir jusqu'à parfois en devenir dépendant (
conduite addictive! ).
Par exemple, beaucoup d'enfants qui se travestissent à l'occasion, pour
jouer, dans une sorte de carnaval tout paraît possible, s'en tiennent
et n'y vivent aucune composante sexuelle ; néanmoins, tel garçon a
pu éprouver une violente érection à travers des sous- vêtements
féminins un peu étroits : par la suite, ce n'est plus se travestir qui
l'intéressera, mais expérimenter ce moment de jouissance intense
pour y arriver, il peut se mettre à élaborer et à réaliser secrètement un
scénario, toujours quasi- identique : il passe du travestissement au
transvestissement ( Chiland, 1999 ).
A l'origine de l'expérience princeps, il peut exister un pur hasard l'ennui, une
opportunité externe, l'entraînement par un autre ...
Il peut également exister une motivation affective plus précise, mais qui visait
un effet non pervertisseur. Je l'illustrerai bientôt avec l'étude détaillée des
comportements de mibaut et en voici déjà l'un ou l'autre exemple :
- Pour abréagir ses tensions psychiques en " s'identifiant à
l'agresseur ", tel enfant fille ou garçon, lui-même objet de violences, se
met à molester des plus petits, physiquement et sexuellement ou à
exercer des cruautés sur un animal, et un malheureux hasard veut qu'il
y trouve un plaisir intense qu'il se met à cultiver.
- Pour comprendre et dominer son propre traumatisme sexuel, tel
préadolescent se met à cyberdraguer de louches internautes sur des
salons de chat du genre " Maître cherche lope " ... et il éprouve
beaucoup de plaisir à jouer la lope, au point de passer du monde
médiaté de l'écran à celui des rencontres incarnées.
Lorsque cette recherche d'un plaisir fort s'amplifie, au moins deux
mécanismes de régulation contraires peuvent intervenir :
- Des Instances Intérieures essaient parfois de s'y opposer avec une intensi
variable ( système de valeurs; Idéal du Moi et Image de Soi; Sur-Moi plus
archaïque; intelligence et refus d'une dangereuse anormalité, etc. ) : personne
n'entre dans la perversion comme dans un tout ou rien! Si l'on a la chance et
la disponibiliintérieure de bien écouter l'enfant, on constate souvent que,
préoccupé, il se pose et pose la question : " Suis- je normal? Vers vais
je ? ".
- Des voix extérieures peuvent par contre encourager le même enfant à être
lui-même You want it? Just do it ! »), jusqu'à la déviance et sans se soucier
de l'effet produit sur autrui. C'est ce qui se passe, par exemple, dans bien des
cyberforums et chats entre jeunes - lieux arrosés, il est vrai, par quelques
adultes zélateurs - : les petites perversions, celles qui ne mettent pas en
question les Lois Naturelles, sont banalisées et encouragées.
Ainsi, Mike ( quatorze ans ) qui y écrit : " I sometimes think that I am a
freak because for some reason I am very attracted to boys' feet. If there is
a barefoot boy somewhere, I have to look at his feet and toes. Or even if
they are wearing sandals, I have to look. I think boys feet are so cute but
don't know why I have this kind of attraction for their feet. Is this
normal? " ... reçoit ensuite de plusieurs correspondants de tous les âges
des réponses dont la synthèse est : " Ce que tu décris, Mike, c'est le
fétichisme des pieds ... et pourquoi pas ? Des tas de jeunes le vivent. Sois
toi-même ".
B. Il existe également des applications précoces de l'hypothèse freudienne
classique centrée sur l'angoisse d'une rencontre intime, le refoulement
puissant et le déni. On s'en convainc très raisonnablement en écoutant des
adultes parler en psychothérapie, mais il est plus difficile d'en étayer
cliniquement l'existence lorsque l'interlocuteur est un enfant.
Ici, lors de la petite enfance, à l'époque de phases d'investissement primitif
puis oedipien des parents, il surgit des angoisses très fortes autour de la
rencontre interpersonnelle de l'autre, affective et corporelle : le corps des
parents, surtout de la mère, pourtant désiré, est aussi vécu comme effrayant;
la scène primitive également. L'enfant refoule radicalement et ce qu'il s'en
représente et ses désirs d'une rencontre intime avec cet autre si étrange.
Ce refoulement est intense, stable et le protège de l'angoisse à l'avenir. Et
l'enfant met au point des fantasmes et des comportements dénégateurs-
compensateurs s'exercent surtout des pulsions partielles;
malheureusement en référence aux conséquences sociales, ils sont source de
plaisirs forts.
ILL 1. Voici la question qu'une maman posait dans un journal pour
parents. Il n'est pas exclu, justement, que son petit garçon vive une
grande envie et une terreur à l'idée - inconsciente - d'une rencontre
infinie avec elle; peut-être cette maman a-t-elle induit trop de
culpabilité autour de la sensualité oedipienne, en référence à son
1 / 21 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !