Chine / Vins Chine : Quand des vins chinois défient les Bordeaux (MFI / 27.12.11) Des vins chinois plus appréciés que les Bordeaux ! C’est le résultat surprenant d’une dégustation à l’aveugle qui a réuni dix experts chinois et français ce 14 décembre à Pékin. Quatre bouteilles sont arrivées en haut du classement. Tous des vins rouges, venant de la même province du nord-ouest de la Chine. Le concours était en effet baptisé « Bordeaux contre Ningxia », l’idée étant de promouvoir les meilleurs vins de cette région. Voilà déjà plusieurs années que les viticulteurs du Ningxia font la publicité de leurs cépages : « Des montagnes baignées par le fleuve jaune, bercées par les vents du désert ». Comme le Lac Yangcheng pour les crabes ou les collines du Lac de l’Ouest pour le thé vert, le versant est du Mont Helan est devenu une référence pour les amateurs de vins chinois, surtout à l’étranger. En septembre dernier, un vin rouge de la région du Ningxia, un JiaBeiLan, avait déjà remporté à Londres l’un des prestigieux trophées des Decanter World Wine Awards. La province du Ningxia classée zone protégée La plupart des bouteilles présentées au jury à Pékin étaient des Cabernet Sauvignon avec des noms de domaines à consonance anglophone. Sous la chaussette de dégustation du mieux classé, Grace Vineyard Chairman’s Reserve 2009, un assemblage de raisins du Ningxia et du Shanxi. « Assemblage réalisé au domaine Grace Vineyard dans le Shanxi, mais les raisins viennent aussi du Ningxia », précise Nicolas Carré, sommelier et chef des juges français sur le concours. A la 2ème place, un Silver Heights The Summit 2009 (Ningxia), suivi d’un JiaBeiLan Cabernet Dry Red 2009 (Ningxia), d’un Deep Blue Grace Vineyard 2009 (Ningxia) et, à la 5ème place, d’un Lafite Barons de Rothschild Saga 2009 (Médoc). Depuis 2003, la province du Ningxia a été classée zone protégée et a pu ainsi devenir la 3ème grande région viticole de Chine avec le Shandong et le Heibei, au nord de Pékin. Peuplée par les Hui musulmans, la province est réputée pour ses belles journées ensoleillées et des sols qui parfois peuvent faire penser à ceux du Bordelais en France. Les cuvées françaises pénalisées par des taxes Ces progrès enregistrés par les vins du Ningxia ne veulent pas dire pour autant que les vins français ont été détrônés par les vins chinois. Les Kressmann Saint-Emilion 2008, Calvet Réserve de l’Estey Médoc 2009 et autre Médoc Mouton Cadet Réserve 2009 qui n’ont pas retenu l’attention des dégustateurs ont ici quelques excuses. La compétition s’est tenue à prix égal, avec des tarifs oscillant autour de 200 à 350 yuans (24 et 43 euros) la bouteille, mais les cuvées françaises sont pénalisées par des taxes d’importation de 48 % sur les vins étrangers, a indiqué à l’AFP Jim Boyce, l’un des organisateurs de la dégustation et fondateur du site grapewallofchina.com qui a pour objectif de promouvoir les vins chinois. Il convient donc de comparer ce qui est comparable. « Les adversaires du concours ne jouaient pas dans la même catégorie », estime Christophe Macra, Master of Wine. Les vins chinois représentent le top de la production chinoise actuelle. Face à eux des adversaires positionnés en milieu de gamme, dont les prix en France vont de 7 à 17 euros. En outre, pour la plupart des prétendants français, il s’agit de vins de négoce. Tandis que les cuvées chinoises sont le fruit d’une élaboration particulièrement soignée. Des maîtres de chais chinois qui ont fait leurs études à Bordeaux La seule cuvée française primée, Saga de Lafite, se distingue quant à elle par une sélection rigoureuse de la part de son producteur, Domaines Barons de Rothschild. Il faut aussi prendre en considération les conditions de stockage. Le voyage est souvent préjudiciable pour le vin. « L’excellence des cuvées primées vient en partie du fait que beaucoup de nouveaux maîtres de chais chinois ont fait leurs études à Bordeaux. C’est le cas d’Emma Gao à la tête de Silver Heights qui a reçu son diplôme national d'œnologue à l’université de Bordeaux, ou encore de Li De Mei, consultant de Jia Bei Lan », rappelle Christophe Macra. Les Français savent bien où souffle le vent du Nouveau Monde et ils investissent dans des régions porteuses. Tels Pernod Ricard dans le Domaine Helan Mountain ou Moët & Chandon, qui a mis en route un projet de partenariat avec le groupe agricole Ningxia Nongken pour produire des vins pétillants dans la région de Ningxia. Sur les 130 millions de litres de vin produits en Chine en novembre, les crus du Helan Shan, dans le Ningxia, ou ceux du Shandong et du Shanxi restent toutefois des exceptions. Malgré la publicité, une majorité de consommateurs chinois reste très attachée aux châteaux du Bordelais français pour accompagner, avec modération bien sûr, un canard laqué ou un pâté de soja. Stéphane Lagarde, correspondant de RFI à Pékin