LA PAROLE DES MAINS
- I - Le temps des soins relationnels
- II - Le toucher dans la trame des jours
- III - Le massage-communication
Écrire : Monique Zambon, rue du Grand Pré, 81200 Aussillon
III - LE MASSAGE-COMMUNICATION
par Monique Zambon
Nous parlons du massage-message...
Nous sommes tous, plus ou moins familiarisés avec la tension musculaire souvent
localisée dans le muscle trapèze où nous portons littéralement le poids du monde mais
aussi dans divers endroits du corps, selon la psychologie corporelle propre à chacun.
o Rudolf Steiner signale que lors de l'expiration, dans les expressions de soupir
et de soulagement, dans la parole, le chant, le massage, c'est la vie psychique à
l'état de veille qui prend forme.
Rudolf Steiner vise une meilleure relation au corps dans le cadre d'une intégration dans
l'univers.
La personne âgée craint plus d'être abandonnée que la mort elle-même.
o Le soignant qui est mis en présence de sa propre mort à travers celle de l'autre,
a besoin de s'aider de moyens relationnels : le massage est un de ces moyens.
Il permet la mise en confiance et la personne âgée y est très réceptive.
Il est bien entendu que nous ne parlons que du massage superficiel
et non des massages spécialisés des masseurs kinésithérapeutes.
Ce massage est à la portée de tous.
Depuis toujours, les hommes ont appris ses vertus et l'utilisent
pour mieux vivre ou soigner. Il a une dimension culturelle : on
le pratique dans toutes les civilisations. Le massage est un
modèle de communication interpersonnelle : le contact a lieu
dans "l'espace intime" du Résident et du soignant qui se
retrouvent à égalité, la sensation tactile se faisant aussi bien
dans un sens que dans l'autre.
Le massage nous "touche" bien au delà de la peau, des muscles, des organes
profonds : il nous atteint dans la totalité de notre être, aide à la prise de conscience et
à l'unification corporelle.
o Le "toucher holistique" (holos en grec signifie "entier") est la prise en compte
de l'être dans son intégralité. Il est le support qui aide l'humain à retraverser
l'étape de vie inachevée dans laquelle il se trouve "ici et maintenant" .
Tout choc émotionnel freine les stades de développement.
o Dans chacun d'eux, le comportement de l'individu est différent ainsi que le
geste corporel. Le besoin non satisfait, le manque permettant d'achever l'étape,
est compensé soit dans l'imaginaire, dans l'évasion, dans la sublimation
(l'affection, par la nourriture).
Celui qui touche, qui prodigue les soins, apporte au soigné, une foule de sensations et
d'émotions qui le marquent profondément. "Aider les gens à se sentir mieux" est la
finalité du massage.
o Je peux apporter le témoignage que le toucher est un anxiolytique remarquable : sous les mains
chaudes et douces de Magali Nicolaï, (Magali Nicolaï est la thérapeute avec laquelle je me
forme au massage sensitif.) s'allège le poids qui oppressait mon thorax, se dénoue le noeud qui
serrait ma gorge. "S'abandonner" me fait prendre conscience de ma respiration telle qu'elle est,
puis de l'amplifier et de souffler : souffler me permet de sortir de moi tout ce qui gène.
On redécouvre à travers le toucher des communications avortées, des contacts
esquivés, des sentiments refoulés... mais aussi un lien privilégié d'intervention
thérapeutique. On pleure, on respire mieux, on s'apprivoise, on s'adapte, on guérit
intérieurement...
Le massage mérite que les soignants lui accordent un intérêt renouvelé comme
mode de communication et d'intervention.
o Pré-action
La manière de réaliser le massage est basée sur des gestes simples,
englobant, reliant, unifiant les différentes parties du corps. Il existe des
conditions préalables à tout massage, à savoir :
- chaque séance doit commencer par une première
approche, le pré-contact, moment capital pendant lequel un
contrat s'établit entre le soigné et le soignant qui observe
son installation.
Afin de mieux développer le contact, il est souhaitable de
demander au massé de fermer les yeux.
- le soignant doit être attentif à l'environnement qui doit
suggérer le calme : une lumière douce, peu de bruit si ce n'est
un accompagnement musical adapté.
- afin que la personne âgée ne tressaute pas au premier contact,
les mains doivent être chaudes, prêtes à créer et impulser le
mouvement. A la fois souples et fermes, elles épousent les
moindres contours du corps reconnaissant les zones sensibles où
la pression sera à éviter (creux poplité, pli du coude) et les
parties les plus charnues à masser plus en profondeur.
- le soignant se comporte comme un récepteur vis à vis de la
personne massée. Il perçoit les résistances et les tensions du
soigné, qui joue à ce moment-là, le rôle d'émetteur : il doit
toujours les sentir, souvent les respecter, parfois les vaincre.
- la personne âgée peut accepter ou se défendre contre ce
premier contact : toute résistance correspond à des
perturbations du tonus musculaire ou du tonus nerveux. Si la
relation est bonne, le rythme respiratoire devient lent, régulier et
les émotions qui surgissent sont alors exprimées sous
différentes formes. Ces sensations de la personne âgée doivent
être contenues car il est important pour le soignant de ne pas se
laisser déborder par la relation.
Les mains souples, fortes du soignant ne peuvent pas être efficaces si
elles sont assujetties à la tension de son dos, de sa nuque ou de ses
épaules. Aussi, le soignant doit veiller à son équilibre. Le rôle de sa
posture est important dans le "faire" du mouvement qui doit partir
des pieds et lorsque cela n'est pas possible, des hanches : tout le
corps participe au massage. Excellente occasion d'exercer et de
mettre en application la maîtrise de son corps et de son schéma corporel
!
o Action
Le massage, proprement dit, débute par un effleurage léger qui, frôlant
la surface de la peau permet de "prendre la température du corps" et
évoque le "bonjour".
Un effleurage progressivement plus prononcé, le plein contact, lui
succède.
Il a une action excitante dans le sens centripète et apaisante dans
le sens centrifuge. (Le sens centripète : à rebrousse poil, vers le
coeur. Le sens centrifuge : le mouvement est dirigé vers les
extrémités.)
Le massage est plus bénéfique si la personne âgée reste
détendue.
Afin que le massage ne soit pas interrompu brusquement, il faut
diminuer la pression du contact au moment opportun.
L'arrêt du contact est précédé d'un contact immobile, suivi par
l'éloignement progressif et lent des mains dans la couche énergétique.
Sans changer la personne massée de position, nous lui laissons
le temps nécessaire, après le massage, pour intégrer les
sensations perçues. La personne massée n'est pas abandonnée,
le soignant reste auprès d'elle, ne la quitte pas. Cette présence,
en fin du temps d'intégration, la rassure, lui permet de prendre
conscience de "l'ici et maintenant".
o Les manoeuvres élémentaires telles que l'effleurage, le drainage, la
friction, la vibration, le pétrissage, le pince roulé et la pression procurent
une multitude de sensations.
Chacune de ces techniques a des effets variables en fonction de :
- la pression qui doit être toujours progressive tant au début du
contact que lors du relâchement. La lubrification des mains
facilite leur glissement ;
- la vitesse. Les mouvements sont réalisés de manière lente,
précise ;
- les rythmes, pour varier les sensations, doivent être
diversifiés.
Soulignons les effets de la friction qui, appropriée à chaque partie du
corps, à des effets différents du massage.
Elle a pour fonction d'agir localement, à un niveau plus
superficiel, d'augmenter la circulation de l'énergie.
Un exemple connu : par temps froid, en se frottant
vigoureusement les mains l'une contre l'autre, on se
réchauffe le corps entier. De plus, la friction des mains
et des pieds, par pressions des zones réflexes, stimule les
méridiens et les organes correspondants.
La friction de la peau du visage a également un effet tonifiant
sur la peau : elle permet à celle-ci de conserver sa vitalité.
La friction en regard de certains organes, comme le foie ou
les reins, permet d'augmenter le flux de l'énergie.
Pour l'estomac, frictionner en un mouvement circulaire
en suivant la courbe des intestins, stimule également la
digestion.
Les frictions des principales articulations (épaules, coudes,
poignets, genoux, chevilles, hanches) s'avèrent aussi bien
préventives que curatives. L'essentiel est de chauffer et non de
stimuler le muscle par des mouvements de va-et-vient et par des
mouvements circulaires avec la paume de la main, autour de
l'articulation.
Généralement, les manoeuvres centrifuges ont un effet reposant.
Pour amplifier leur action nous les associons à une expiration, dont le
soupir est une bonne illustration. On note souvent qu'au cours du
massage, s'opère l'harmonie des respirations, souvent à l'insu des deux
personnes.
o Effets en retour
Le fait d'être touché, a des effets bénéfiques immédiats, mais aussi
prolongés.
Le massage, par ses effets physiologiques, agit sur divers systèmes :
- exécuté de façon centripète il facilite le retour veineux, la
circulation et la résorption de la lymphe au niveau des oedémes
et favorise la diurèse ;
- il active la circulation capillaire et entraîne une vasodilatation ;
- il stimule les terminaisons nerveuses du tissu conjonctif et a
un effet sédatif
- il améliore la récupération musculaire et lève les contractures ;
- il assouplit la peau, ses cicatrices et les indurations fibreuses
cutanées.
Le massage harmonise la respiration, la digestion, le transit intestinal et
a aussi un effet direct sur le schéma corporel, retrouvé chez les
amputés.
Après une amputation, le membre absent continue à existe
psychiquement, alors qu'il n'existe plus physiquement. Il est
nécessaire que le corps se définisse comme forme mobile par
rapport à l'espace qui l'entoure. La façon de reconnaître ses
différentes parties entre elles, constitue le schéma corporel.
Grâce au massage, des stimulations cutanées agréables peuvent occuper
une partie des zones perceptives et réduire l'accès des messages
douloureux (effet de portillon). C'est la raison pour laquelle, multiplier
les stimulations positives, permet de créer un véritable "bain" sensoriel.
Le massage autorise la personne âgée à se relaxer pour ensuite mieux
se dynamiser et ainsi reprendre pouvoir sur sa souffrance.
La relaxation stimule le parasympathique par l'action de
l'hypothalamus : elle abaisse le métabolisme de base, elle
diminue le rythme cardiaque et respiratoire, elle aide à réduire
la peur en agissant sur les tensions et le stress.
Confiance, attention, don de soi font la qualité du massage : masser
pour le plaisir, plaisir du toucher (en sachant que dans notre civilisation
il peut entraîner une certaine méfiance car il n'est souvent utilisé que
comme prémisse sexuelle).
Le toucher, le massage apportent un certain plaisir associé aux
qualités de la présence et sont aptes à susciter un climat de sécurité.
En effet, chez la personne massée, le sentiment de sécurité se
développe parce qu'elle reçoit de l'extérieur et de l'intérieur, une
preuve affective de son existence pour autrui en tant qu'être
désirable à toucher.
En même temps, par ses réponses, elle donne au soignant une
confirmation : c'est un échange. Le soigné perçoit et ressent une
écoute de tout son être, prend conscience de lui-même et ainsi
se sent concerné, impliqué dans son devenir.
Le massage sensitif que C. Camilli enseigne est un massage
relationnel, un échange dans lequel le corps a la parole : il y a une
affaire d'écoute de soi, des désirs du corps. Il permet une prise de
conscience de sa propre valeur, de vivre avec les autres et non plus
auprès des autres.
J'ai partagé ce sentiment au cours de mon apprentissage au massage sensitif.
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