Patrice Bonnewitz, Premières leçons sur la sociologie de Pierre Bourdieu, Paris, PUF,
coll. « Major », 1997, 124 p.
Michel Dubois, Premières leçons sur la sociologie de Raymond Boudon, Paris, PUF, coll.
« Major », 2000, 140 p.
On pourrait débuter ce compte-rendu en écrivant qu’on ne présente plus Pierre Bourdieu et
Raymond Boudon. C’est cependant toute l’ambition de deux récents ouvrages que de nous
proposer une introduction argumentée, utile au novice mais également au spécialiste, à
l’œuvre de chacun de ces deux sociologues aujourd’hui incontournables. L’apprenti y
trouvera tous les éléments dont il a besoin pour une synthèse et une ouverture. L’érudit y
traquera les précisions et y appréciera la qualité des commentaires. Il serait également d’usage
d’entrer dans les querelles de chapelle en pesant les apports respectifs des deux livres et,
partant, de chacune de ces deux sociologies, habituellement opposées. Notre souci ici n’est
pas de verser dans la balance du vrai et du faux, du bon et du mauvais, mais de suivre
l’orientation essentielle de ces deux petits livres, c’est-à-dire l’invitation à la lecture et à la
découverte.
Les textes de Michel Dubois et de Patrice Bonnewitz, publiés dans une collection de
« premières leçons », constituent d’excellentes présentations des travaux de Bourdieu et
Boudon. Tous deux passés par l’Ecole normale supérieure et par l’agrégation de philosophie,
figurent assurément, avec Michel Crozier et Alain Touraine, parmi les sociologues français
les plus cités à l’étranger et dont les travaux ont connu le plus de retentissement.
Bourdieu, influencé en particulier par la tradition marxiste, par Auguste Comte et par Emile
Durkheim, s’intéresse à la domination, à la violence symbolique, à l’agent social et ses
contraintes. Il s’inscrit dans une perspective « holiste », dans laquelle l’explication et
l’analyse reposent sur des entités dépassant les individus. Boudon, influencé notamment par la
tradition libérale, par Alexis de Tocqueville et par Max Weber, fait porter son attention sur
l’action, sur les effets pervers, sur l’acteur social et ses rationalités. Il s’inscrit dans une
perspective « individualiste », dans laquelle les phénomènes sociaux ne peuvent se
comprendre qu’en prenant en compte les logiques individuelles. Le premier, très médiatique,
est résolument engagé dans les débats sociaux. Le second, attaché à la particularité de la
sphère universitaire, prend rarement position publiquement. En tout cas les deux auteurs sont
bien des « classiques » de la sociologie française contemporaine.
Au nom de Bourdieu est attaché le pôle sociologique du « structuralisme génétique », c’est-à-
dire de l’analyse des structures, de leur genèse et de leur capacité d’intériorisation chez
l’individu. La société est pensée à travers le paradigme de la domination. Celui-ci explique
(ou accompagne) la stabilité de l’ordre établi, l’adhésion des dominés, et la reproduction de
l’ordre social.
Pour Bourdieu, comprendre l’espace social doit passer par la mise en évidence des
antagonismes de classe. L’espace social, par nature conflictuel, est hiérarchisé par l’inégale
distribution des capitaux (économique, culturel, social, symbolique). Les agents y sont
disposés, dans des classes, en fonction du volume et de la structure de leur capital. Les classes
dominantes sont caractérisées par l’importance du capital dont disposent leurs membres.
Ceux-ci cherchent à se distinguer et assurent leur domination par la culture, qui passe elle-
même par l’école. Les classes populaires se caractérisent par leur dépossession. Elles sont