LIDC CONGRESS 2007 – BELGIAN REPORT Question B: Ambush-marketing Belgian reporter: Grégory Sorreaux Lawyer Simont Braun Introduction The expression ambush-marketing was coined by Mr. Jerry Welsh when he was working for American Express. A typical example of ambush-marketing was the campaign by American Express during the 1994 Winter Olympics sponsored by Visa: "If you are travelling to Lillehammer, you'll need a passport, but you don't need a visa". Initially conceived and depicted as very competitive type of marketing and a way to outsmart lazy sponsorship, ambush-marketing was contested by international organisations such as the CIO, FIFA, and similar organizers of world or regional events, who labelled them as “parasite marketing”, “gorilla marketing”, “piggyback marketing”, etc. In their view, ambush-marketing was a way for competitors to take advantage of the investments made by the sponsors of such events. A distinction is usually made between marketing methods which directly infringe trademark rights or copyrights (reference or usage of the trademark or images of the official sponsor) or general and undisputed principles of unfair competition (untrue statements as its quality as an official supplier or sponsor) and more subtle marketing practices the qualification of which as unfair is more difficult or questionable. It is to address those more subtle practices that countries tempted to organise international sport events adopted specific provisions protecting the official sponsors of such events. These legislations gave rise to controversies as to their utility, effectiveness and efficiency. The main question is therefore whether or not there is a need to adapt unfair competition legislation to ambush-marketing and whether such idea is appropriate from an economic standpoint. Isn't the scope of the current legislation (in particular unfair competition) sufficient to tackle such practices when unfair or does it need to be buttressed by the introduction of specific provisions, prohibiting certain ambush-marketing practices or protecting names, logos, images, beyond the usual scope of trademark and copyright laws? Question B: Ambush-marketing Page 2 Legal questions 1 Has your country enacted legislation specifically aimed at prohibiting ambushmarketing? Or are there (concrete) plans to enact such legislation? A l’heure actuelle, il n’existe en droit belge aucune législation spécifique visant à lutter contre l’ambush marketing. Un projet en ce sens n’a d’ailleurs jamais été déposé au Parlement, malgré le fait que la Belgique accueille régulièrement des événements sportifs ou culturels de dimension internationale susceptibles de donner lieu à des pratiques d’ambush marketing, comme le championnat d’Europe de football « Euro 2000 », le Grand prix de Formule 1 de SpaFrancorchamps, le meeting d’athlétisme « Mémorial Vandamme », des courses cyclistes, des festivals de musique,… 2. What are the interests protected by the anti ambush-marketing provisions adopted in your country? Cette question n’est pas applicable à la Belgique, à défaut de législation spécifique destinée à lutter contre l’ambush marketing. 3. In the absence of specific ambush-marketing provisions in your country or in addition to such specific anti ambush-marketing provisions, are there other legal grounds on which such practices can be prohibited? Are there, for instance, special property rights for sport events or are the current unfair competition law or trade mark principles or other principles based on civil law or else, applicable to ambush-marketing? Can you describe all the provisions that could be applicable to ambushmarketing situations? Is there a criterion or test common to all these different provisions? a. Hors les cas d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle, la jurisprudence belge n’a pas eu à notre connaissance à traiter, à ce jour, de cas d’ambush marketing entendu dans le sens d’une technique de marketing par laquelle une entreprise ne faisant pas partie des sponsors officiels d’un événement tente d’y associer son image, son nom ou sa marque. Question B: Ambush-marketing Page 3 Les raisons sont diverses. L’une d’elles tient sans doute au fait que la pratique incriminée sera bien souvent de courte durée, ce qui rend difficile la saisine du tribunal et l’obtention d’une mesure judiciaire de nature à mettre fin à cette pratique en temps utile (D. Van Engelen, S. Kaak, « Ambush marketing – party crashing voor gevorderden », BMM Bulletin, 2006/2, p. 61 ; voir également point 3.2. ci-dessous). Par ailleurs, l’arsenal juridique existant sera parfois impuissant à lutter contre l’ensemble des cas d’ambush marketing qui se présentent, à défaut de législation spécifique à de telles pratiques. Les bases juridiques qui peuvent être utilisées sont cependant multiples. Elles varient en fonction de la nature de la technique de marketing utilisée. b. En premier lieu, il convient de mentionner les législations spécifiques pertinentes en matière de propriété intellectuelle. Tout comme dans la plupart des autres pays, celles-ci ne permettent de lutter que contre les formes les plus sommaires d’ambush marketing. Compte tenu de l’objet de la présente contribution, nous nous limiterons à un bref aperçu de celles-ci, envisagées dans la perspective de l’étude de l’ambush marketing. La loi du 30 juin 1994 sur le droit d’auteur et les droits voisins assure la protection des œuvres « littéraires ou artistiques ». Conformément à l’énumération non limitative contenue à l’article 2 de la convention de Berne (actes de Paris et de Bruxelles) cette expression s’entend toutefois de manière large. Outre la condition de mise en forme, l’œuvre doit satisfaire à la condition d’originalité pour être protégée. Suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, l’originalité signifie que la création doit porter l’empreinte de la personne de son auteur, la Cour considérant qu’ « il faut, mais il suffit qu’elle soit l’expression de l’effort intellectuel de son auteur, condition indispensable pour donner à l’œuvre le caractère d’individualité nécessaire pour qu’il y ait création » (Cass., 27 avr. 1989, Pas., I, p. 908 ; Cass., 25 oct. 1989, Pas., 1990, I, p. 239 ; Cass., 2 mars 1993, Ing.-Cons., 1993, p. 145). En particulier, notons que les œuvres d’architectures peuvent être protégées pour autant qu’elles soient originales, tout en tenant compte des limites inhérentes à la nature fonctionnelle de l’œuvre (A. Braun, E. Cornu, « Le droit moral de l’auteur », A.L.A.I., 1993, pp. 377-379 ; F. Brison, « Architectuur : de assepoester van het auteursrecht », R.W., 1991, p. 313 ; A. Berenboom, « Le nouveau droit d’auteur », 2e éd., Larcier, 1997, p. 71, n° 43). Cette protection pourra porter tant sur les plans originaux que sur l’édifice lui-même, tels que stades ou autres bâtiments. Question B: Ambush-marketing Page 4 Au titre du droit des marques, nous mentionnerons le règlement n° 40/94 du Conseil de l’Union Européenne sur la marque communautaire ainsi que la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle du 25 février 2005 (ci-après « CBPI »). Cette dernière remplace l’ancienne Loi Uniforme Benelux sur les Marques du 19 mars 1962. Outre la protection classique offerte aux titulaires de marques enregistrées dans le Benelux contre l’usage d’un signe utilisé à titre de marque, la CBPI permet au titulaire de marque de s’opposer à l’usage d’un signe à des fins autres que celles de distinguer des produits ou des services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice. Le législateur Benelux a ainsi fait usage de l’option qui lui avait été offerte par l’article 5, § 5 de la directive du 21 décembre 1988 du Conseil de Communautés Européennes rapprochant les législations des Etats membres sur les marques. Dans certains cas, cette protection élargie de la marque ordinaire pourra offrir un moyen d’action efficace à la victime d’ambush marketing, puisqu’elle permet, sous certaines conditions, de s’opposer à l’usage d’un signe distinctif d’une autre nature que la marque (nom de domaine, nom commercial, dénomination sociale,…), mais également à l’usage de la marque comme marque d’appel (cf. notamment l’affaire « 501 jeans à 501 francs, Comm. Nivelles, 29 mai 1998, Ing.-Cons., 1998, p. 256), dans une scène de film (Amsterdam, 18 déc. 1975, B.I.E., 1976, p. 214), comme titre d’un livre (Prés. Arr. Amsterdam, 27 nov. 1996, B.I.E., 1987, p. 202 ; cette affaire peut être rapprochée de l’affaire française relative à l’ouvrage « les 24 heures du Mans », Comm. Nanterre, 12 déc. 2002, cité par C. Caron, A propos de l’appropriation de l’événement sportif par le droit de la propriété intellectuelle),... c. En droit belge, les mécanismes contractuels pourront également permettre de prévenir et d’assurer la cessation de pratiques d’ambush marketing. Il n’entre pas dans l’objet de notre étude d’opérer un relevé exhaustif des différents contrats qui peuvent être conclus entre le détenteur des droits sur l’événement et les cocontractants potentiels. Ces contrats sont multiples et varient en fonction de la personne du cocontractant, laquelle peut être l’hôte de l’événement, les spectateurs, les participants, les médias, les sponsors,…Ces mécanismes contractuels constituent le moyen le plus efficace de contrôler les activités publicitaires et de marketing faites autour d’un événement et dans l’enceinte où celui-ci se déroule. Il peut s’agir de licences de marques concédées aux sponsors officiels, de règlements limitant l’usage de signes distinctifs par des artistes, athlètes, fédérations nationales ou par des spectateurs, de règlements interdisant la revente de billets ou leur utilisation à des fins commerciales, de contrats avec des organismes de radiodiffusion prévoyant un droit de priorité au profit des sponsors pour les programmes publicitaires diffusés pendant, avant ou après la retransmission de l’événement,… Question B: Ambush-marketing Page 5 Nous nous bornerons simplement à relever que ces contrats ne pourront porter atteinte aux dispositions impératives et d’ordre public applicables en droit belge. En matière d’ambush marketing, celles-ci sont a priori très peu nombreuses. A cet égard, nous citerons simplement les décrets flamands coordonnés du 4 mars 2005 relatifs à la radiodiffusion et à la télévision. Ces décrets limitent la liberté contractuelle des organisateurs d’événements en accordant aux organismes de radiodiffusion relevant de la Communauté flamande le libre accès aux événements ayant lieu dans la région linguistique néerlandophone, le droit de faire des enregistrements et le droit de diffuser de brèves informations dans les journaux et les programmes d'actualités régulièrement programmés. Les mécanismes contractuels seront toutefois impuissants à régler l’ensemble des pratiques d’ambush marketing susceptibles d’être commises – comme c’est souvent le cas - autour du lieu de l’événement, en particulier lorsque l’organisateur de celui-ci ou son cocontractant ne seront pas propriétaires ou locataires de l’endroit où les pratiques incriminées sont commises. d. Il convient de mettre en parallèle avec les mécanismes propres au droit des contrats la théorie dite de la tierce complicité à la violation d’une obligation contractuelle. Dans certaines conditions, cette théorie pourra en effet permettre d’assurer le respect par des tiers des droits contractuels consentis par l’organisateur de l’événement ou par des sponsors officiels. Cette théorie permet ainsi d’engager la responsabilité d’un tiers complice de la violation des obligations contractuelles d’autrui. Elle constitue une exception au principe de la relativité des conventions inscrit à l’article 1165 du Code civil, selon lequel « les conventions n’ont d’effet qu’entre parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers (…) ». Suivant une jurisprudence et une doctrine bien établie, cette théorie suppose, pour pouvoir s’appliquer la réunion de plusieurs conditions : - une obligation contractuelle préexistante qui soit valable ; - cette obligation n’a pas été exécutée par son débiteur ; - le tiers a participé consciemment à la violation de cette obligation contractuelle ; Question B: Ambush-marketing - Page 6 le tiers complice a connaissance de cette obligation ou est supposé la connaître (cf. notamment Cass., 22 avr. 1983, R.W., 1983-84, p. 427, note Dirix ; R.C.J.B., 1984, p. 359, note Merchiers ; J.-L. Fagnart, « La tierce complicité et les usages honnêtes en matière commerciale », R.D.C., 1989, pp. 481-482 ; Y. Merchiers, « La tierce complicité de la violation d’une obligation contractuelle. Fin d’une incertitude », R.C.J.B., 1984, p. 379). Cette théorie est susceptible de trouver application dans de nombreux domaines. Les condamnations prononcées par les tribunaux en reflètent la diversité : violation de clauses de prix imposés, violation de conventions d’exclusivité de vente ou d’achat, de système de distribution sélective,… e. Pour le surplus, il n’existe pas, en droit belge, de protection de l’événement sportif par le biais du droit à l’image. En effet, on considère que le droit à l’image ne porte que sur la représentation d’une personne physique reconnaissable et n’appartient qu’à celle-ci ou à ses ayants droit. On ne reconnaît donc pas de protection, au bénéfice de l’organisateur d’un événement, sur l’image de cet événement (P. Van den Bulck, M. de Bellefroid, « Quel régime juridique pour l’ambush marketing », R.D.C., 2007, p. 221). f. Comme dans de nombreux pays, le droit de la propriété intellectuelle et les mécanismes contractuels envisagés ci-dessus ne permettront pas de lutter contre l’ensemble des formes d’ambush marketing. Souvent, la victime de formes plus avancées d’ambush marketing devra recourir aux dispositions visant à lutter contre la concurrence déloyale, qui sont prévues dans la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l’information et la protection du consommateur (ci-après « LPCC »). Ces dispositions sont principalement contenues aux articles 22 à 23 bis (publicité) et 93 LPCC (actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale). g. L’article 22 LPCC définit la publicité comme « toute communication ayant comme but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations, quel que soit le lieu ou les moyens de communication mis en œuvre ». Cette définition est interprétée de manière large par la jurisprudence belge, qui considère comme publicité des choses aussi diverses que des emballages de produit, lettres adressées à des clients, communiqués de presse, interview donnée par le responsable d’une entreprise,…(cf. K. Daele, « Vergelijkende reclame : overzicht van rechtspraak (2002-2004), R.D.C., 2005/7, p. 746). Question B: Ambush-marketing Page 7 A cet égard, nous pouvons mentionner tout d’abord les articles 23, 1° à 4° LPCC, qui sanctionnent des formes diverses de publicité trompeuse, à savoir respectivement celle : « 1° qui comporte des affirmations, indications ou représentations susceptibles d'induire en erreur sur l'identité, la nature, la composition, l'origine, la quantité, la disponibilité, le mode et la date de fabrication ou les caractéristiques d'un produit ou les effets sur l'environnement (…); 2° qui comporte des affirmations, indications ou représentations susceptibles d'induire en erreur sur l'identité, la nature, la composition, la durée, la disponibilité, la date de prestation ou les caractéristiques d'un service; par caractéristiques, il y a lieu d'entendre les avantages d'un service, notamment au point de vue de ses propriétés, des résultats qui peuvent être attendus de son utilisation (…) ; 3° qui comporte des affirmations, indications ou représentations susceptibles d'induire en erreur sur l'identité ou les qualités du vendeur d'un produit ou service ; 4° par laquelle le vendeur omet des informations essentielles dans le but d'induire en erreur sur les mêmes éléments que ceux visés aux 1°, 2° et 3° ». Conformément à la directive 84/450 du 10 septembre 1984 en matière de publicité trompeuse, telle que codifiée par la directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, et à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la jurisprudence belge tend à ne considérer une publicité comme trompeuse que dans la mesure où elle est susceptible d’influencer le comportement économique du consommateur (voir notamment CJCE, 13 déc. 1990, Pall. Dalhausen, C-238/89, Rec., I, p. 4827 ; CJCE, 16 janv. 1992, Juge d’instruction auprès du tribunal de grande instance de Bergerac / X, C-310/90, Rec., p. 1-157). On peut également mentionner l’article 23,8° LPCC, qui interdit la publicité génératrice de confusion, laquelle est définie comme toute publicité qui « comporte des éléments susceptibles de créer la confusion avec un autre vendeur, ses produits, ses services ou son activité ». h. Par ailleurs, il n’est pas inutile de relever les dispositions en matière de publicité comparative, et en particulier l’article 23 bis § 1, 7° LPCC, qui prohibe tout publicité comparative qui tire indûment profit de la notoriété à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents. Question B: Ambush-marketing Page 8 Le recours à cette disposition n’est pas purement théorique en matière d’ambush marketing, compte tenu de l’interprétation particulièrement large donnée à la notion de publicité comparative par la Cour de Justice des Communautés Européennes. En droit belge, la publicité comparative est définie comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des produits ou services offerts par un concurrent » (article 22 al. 2 LPCC). Dans une affaire portée devant la Cour sur question préjudicielle de la Cour d’appel de Bruxelles, la Cour de Justice des Communautés Européennes avait à se prononcer sur la question de savoir si la définition de la publicité comparative couvre les messages publicitaires dans lesquels l’annonceur fait uniquement référence à un type de produit, et non à un produit particulier (cf. Bruxelles, 7 juil. 2005, P.C., 2005, p. 296). Jusqu’alors, la jurisprudence était divisée quant à savoir si une telle publicité constituait une publicité comparative (cf. notamment K. Daele, op. cit., p. 746 ; X. Vermandele, « Publicité comparative : aperçu de la jurisprudence belge récente », DCCR, 2005, p. 34). Dans l’arrêt du 19 avril 2007 que vient de prononcer la Cour, celle-ci met fin à cette controverse, en décidant que « peut être considérée comme constituant une publicité comparative la référence, dans un message publicitaire, à un type de produits et non à une entreprise ou à un produit déterminés dès lors qu’il est possible d’identifier cette entreprise ou les produits qu’elle offre comme étant concrètement visés par ledit message. La circonstance que plusieurs concurrents de l’annonceur ou des biens ou des services qu’ils offrent puissent être identifiés comme étant concrètement visés par le message publicitaire est sans pertinence en vue de la reconnaissance du caractère comparatif de la publicité » (CJCE, 19 avr. 2007, De Landstheer / Veuve Cliquot, C381/05, disponible sur www.curia.eu). Cette décision est particulièrement intéressante puisqu’elle permettra éventuellement aux victimes d’ambush marketing de s’opposer à la publicité d’un concurrent qui identifie implicitement le sponsor officiel et tente ainsi de profiter de la renommée de ce sponsor ou de ses signes distinctifs. On peut ainsi rapprocher ce genre de publicité de celle faite par Pepsi au cours de Jeux Olympiques d’Atlanta, dont un des sponsors officiels était Coca-Cola. Alors que l’athlète Marie-José Pérec avait un contrat avec la société Pepsi, cette dernière tira profit de la victoire de l’athlète en utilisant le slogan « Marie-José Pérec, représentante officielle d’une boisson non officielle à Atlanta ». i. Malgré les diverses règles énoncées ci-dessus, la victime d’ambush marketing n’aura cependant bien souvent d’autre choix, compte tenu du caractère sophistiqué de la Question B: Ambush-marketing Page 9 technique d’ambush marketing utilisée, que de se rabattre sur la norme générale réprimant les actes contraires aux usages honnêtes. Cette norme générale est contenue à l’article 93 LPCC, qui interdit « tout acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale par lequel un vendeur porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d’un ou plusieurs autres vendeurs ». Cette protection à l’encontre des actes de concurrence déloyale trouve son origine dans l’article 10 bis de la Convention d’Union de Paris, qui fait obligation aux Etats membres de prévoir dans leur droit national une telle protection. La loi belge ne contient pas de définition de la notion d’ « usages honnêtes en matière commerciale », laissant le soin à la jurisprudence de lui donner un contenu. Selon la Cour de cassation, on entend par « usage » ce qui « revêt dans une région déterminée, le caractère général d’une règle reconnue par tous comme applicable à défaut de stipulation contraire, ou de convention de même nature » (Cass., 29 mai 1947, Pas., 1947, p. 233, souligné par la concluante). Parfois également, l’usage pourra résulter de la consécration, par une minorité agissante, de règles éthiques propres à une profession ou une activité. Cette notion revêt donc un caractère mouvant : l’usage pourra ainsi notamment résulter de la loi, de règles déontologiques ou encore de codes éthiques en matière publicitaire. Par ailleurs, il est de jurisprudence et doctrine constantes que la violation d’une norme légale ou réglementaire constitue en soi une faute (cf. notamment Cass., 2 mai 1985, Pas., 1985, I, p. 1081). Il est dès lors largement admis que la notion d’usage honnête en matière commerciale constitue une application au commerce du régime classique de la responsabilité civile inscrit aux articles 1382 et 1383 du Code civil, lequel oblige à réparation l’auteur d’une faute ayant causé un dommage à autrui (cf. notamment I. Ferrant, Les pratiques du commerce, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 30 ; A. Puttemans, « Usages honnêtes, distribution sélective et vente hors réseau : mention impossible ? », R.C.J.B., 1999, p. 29 ; cf. également Comm. Bruxelles, 29 nov. 1993, R.D.C., 1995, p. 209). La violation d’une norme légale ou réglementaire constituera dès lors un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale dès le moment où elle porte ou peut porter atteinte aux intérêts commerciaux d’un ou plusieurs autres vendeurs. En droit belge, l’article 93 LPCC sera donc fréquemment invoqué en cas de violation, par un tiers, d’une disposition légale ou réglementaire particulière. Les atteintes portées par la publicité faite par un annonceur pourront également être sanctionnées sur pied de cet article si elles sont contraires aux usages honnêtes applicables en la matière, outre les cas visés par les articles 23 et 23 bis LPCC et les cas de violation d’une norme légale ou réglementaire. Question B: Ambush-marketing Page 10 A cet égard, on peut rapprocher certains cas d’ambush marketing de cas où la jurisprudence belge a sanctionné des publicités créant un avantage concurrentiel injustifié à l’annonceur, voire des publicités tapageuses. Ainsi ont pu être condamnés par exemple, compte tenu des conditions particulières dans lesquelles ces publicités intervenaient, l’octroi massif de réductions ou de cadeaux, ainsi que le racolage de clientèle. Nous aurons l’occasion de voir au point 4 ci-dessous dans quelle mesure cette jurisprudence peut s’appliquer aux exemples évoqués. Enfin, il convient également de mentionner le recours dont peut disposer la victime d’ambush marketing au titre de la protection contre la concurrence parasitaire. Cette théorie constitue une application de la norme générale contenue à l’article 93 LPCC. Elle permet de conférer une protection par le biais du droit commun en faveur des prestations qui ne peuvent bénéficier d’une protection par un droit de propriété intellectuelle. Les conditions de cette protection, admise depuis un certain temps en jurisprudence et doctrine, ont été récemment consacrées dans un arrêt de principe prononcé le 18 septembre 2003 par la cour d’appel de Bruxelles (Bruxelles, 18 sept. 2003, Auteurs & Médias, 2005, p.121 ; cf. également G. Londers, « Onrechtmating imiteren, kopiëren en aanhaken », Handespraktijken anno 1996, Kluwer, Anvers, p. 189). Dans cet arrêt, la cour dispose qu’ « il y a concurrence parasitaire, en cas de copie par un concurrent d’une prestation, d’un produit ou d’un service, si les conditions suivantes sont réunies : a) la prestation, le produit ou le service qui est copié doit être le fruit d’efforts créatifs et d’investissements relativement importants du point de vue financier et quant au temps consacré. La prestation protégée doit être suffisamment originale. b) la prestation, le produit ou le service copié doit avoir une valeur économique. c) celui qui copie ou imite doit tirer profit des efforts et investissements de l’autre vendeur, quelle qu’en soit la forme (…) d) le copieur ne doit pas avoir consenti le moindre effort créatif pour distinguer sa prestation, son produit ou son service de celui de l’autre vendeur ». Cette théorie résulte d’une mise en balance entre divers intérêts. D’une part, la liberté du commerce et de l’industrie, qui est garantie par un décret de 1791 dit décret d’Allarde. Ce décret est toujours d’application aujourd’hui et la liberté du commerce et de l’industrie a valeur de droit subjectif. Il implique la liberté de principe de copie des prestations qui ne bénéficient pas de la protection d’un droit de propriété intellectuelle. D’autre part, il convient de concilier ce principes avec les règles de loyauté qui doivent être assurées afin d’assurer un fonctionnement normal du marché. Question B: Ambush-marketing Page 11 C’est dans cette mesure que la victime de copie devra faire la preuve de la réunion des circonstances particulières qui rendent la copie contraire aux usages honnêtes en matière commerciale. Ces circonstances devront dès lors être distinguées de la copie en tant que telle. Il est toutefois à noter qu’en matière d’ambush marketing, cette théorie ne présentera qu’un intérêt relatif, dans la mesure où elle exige la copie d’une prestation particulière, qu’elle soit matérielle (p.ex. objets publicitaires) ou immatérielle (marques, noms commerciaux,…), à condition qu’elle soit coulée dans une certaine forme (G. Londers, op. cit., p. 207). Le simple fait de copier une idée, ou de tirer profit du goodwill d’une entreprise ne saurait suffire pour bénéficier d’une protection contre la concurrence parasitaire. La solution belge se rapproche à cet égard de celle retenue aux Pays-Bas (cf. notamment D. Van Engelen, S. Kaak, op. cit., p. 62). Or, souvent, l’ambush marketing se caractérisera par une prestation propre, distincte de l’éventuelle prestation des victimes. Selon nous, ce n’est dès lors que dans certains cas précis que cette théorie sera susceptible de s’appliquer. Nous y reviendrons au point 4.8 ci-dessous. What are the available remedies and to whom? Sur ce point, nous limiterons notre examen des actions ouvertes aux victimes d’ambush marketing aux actes de concurrence déloyale sanctionnés par la LPCC. La LPCC prévoit une procédure rapide et efficace permettant d’obtenir la cessation de pratiques contraires aux dispositions de la LPCC. Une telle procédure est qualifiée de procédure « comme en référé » en ce sens qu’elle permet d’obtenir à bref délai (le plus souvent entre 2 et 12 semaines) une décision au fond. Cette procédure est prévue à l’article 95 LPCC. Cette action doit être portée, au choix du demandeur, devant le président du tribunal de commerce du lieu du domicile du défendeur ou du lieu où les actes incriminés ont été posés. Si le président constate l’existence d’une infraction à une ou plusieurs des dispositions de la LPCC, il en ordonne la cessation. Cette action est principalement ouverte à tout intéressé, au Ministre des affaires économiques et aux associations de défense des intérêts des consommateurs. Le plus souvent, les « intéressés » au sens de la LPCC seront constitués par les concurrents de l'auteur de l’acte incriminé, En fonction du secteur concerné, de la gravité et de la durée de la pratique contestée, les concurrents seront naturellement plus ou moins attentifs à entreprendre de telles démarches. Des actions en cessation introduites par le Ministère des affaires économiques ou par des consommateurs se présentent beaucoup moins souvent. Question B: Ambush-marketing Page 12 Par ailleurs, il est à noter qu'en cas d'action d'une durée limitée, une éventuelle action en cessation est le plus souvent peu efficace, en raison du fait que l’action sera souvent déjà terminée avant que le magistrat n'ait rendu son jugement. Un jugement constatant une contravention aux dispositions de la LPCC peut être accompagné d'une autorisation de publier le jugement, ce qui peut s'avérer relativement dommageable sur le plan commercial pour une société (article 99 LPCC). Indépendamment de l'action en cessation, la victime d’une infraction à une disposition de la LPCC a également la possibilité d'agir en dommages et intérêts devant le tribunal de commerce afin d’obtenir la réparation du dommage qu’elle a subi. Néanmoins, la preuve d'un dommage réellement subi par le concurrent en raison de l'action menée sera particulièrement difficile en la matière. Pour cette raison, de telles actions ne se rencontrent que rarement devant les juridictions belges. La cessation d’un acte contraire aux dispositions de la LPCC ou violant une obligation contractuelle peut également être obtenue dans le cadre d’une procédure dite de référé. Cette procédure sera souvent utilisée afin d’obtenir la cessation d’une violation contractuelle dans la mesure où celle-ci est en principe soustraite à l’action en cessation ordinaire. Le recours à cette procédure suppose cependant que l’affaire soit urgente au sens de l’article 584 du Code judiciaire. Par ailleurs, la décision sera rendue au provisoire, c’est-à-dire sans préjudice de la décision sur le fond de l’affaire. A cet égard, cette procédure se distingue de l’action en cessation examinée plus haut, qui débouche quant à elle sur une décision au fond et qui ne requiert pas la condition d’urgence. Enfin, dans les cas d’absolue nécessité, le président du tribunal de commerce peut être saisi sur requête unilatérale par une partie. Ces conditions sont appréciées de manière particulièrement rigoureuses par la jurisprudence, dans la mesure où cette procédure déroge au principe fondamental du contradictoire. L’absolue nécessité sera présente dans trois hypothèses : s’il est nécessaire de provoquer un effet de surprise (afin d’éviter, par exemple, la disparition d’éléments de preuve ou de produits contrefaisants), lorsqu’il n’est pas possible d’identifier de manière certaine et précise les personnes à charge desquelles les mesures doivent être exécutées et en cas d’extrême urgence, c’est-à-dire lorsque le recours à la procédure ordinaire serait de toute façon impuissant à régler la situation en temps utile. Cette procédure permet d’obtenir, le plus souvent le jour même du dépôt de la requête, des mesures telles qu’un ordre de cessation ou une interdiction de dessaisissement de produits. Il est à noter que l’action au fond devant le tribunal de commerce, l’action en référé ainsi que l’action sur requête unilatérale exigent, dans le chef de celui qui introduit une telle action, un intérêt légitime, né, actuel, direct et personnel au sens des articles 17 et 18 du Code judiciaire. Question B: Ambush-marketing Page 13 Are there sanctions applicable (administrative or civil) and what are the authorities entrusted with enforcement authority ? A côté de ces procédures civiles et des diverses mesures (cessation, publication, dommages et intérêts,…) sur lesquelles elles sont susceptibles de déboucher, les violations de la loi sur les pratiques du commerce peuvent être sanctionnées par des sanctions pénales, tout particulièrement lorsque ces violations sont commises de mauvaise foi. Dans la pratique, il est cependant rare que de telles sanctions soient appliquées. Par ailleurs, il convient de noter que le Ministère des affaires économiques est chargé de veiller au respect des dispositions de la LPCC. Il peut, le cas échéant, donner un avertissement au contrevenant (article 101 LPCC). Ce dernier dispose dans ce cas d’un certain délai pour mettre fin à l’atteinte et obtenir une transaction avec l’administration. Le Ministère peut agir d’initiative, mais également sur plainte de tout intéressé. S’il n’est pas donné suite à l’avertissement, le Ministère peut agir en cessation devant le Président du tribunal de commerce compétent ou informer le Procureur du Roi des infractions constatées. Examples 4. Could you give us a list of behaviours that have been or would be considered as prohibited ambush-marketing in your country? Is any reference made to the event within a certain radius, not necessarily using the official name or logo of the event/organizers/sponsors, considered as prohibited ambush-marketing? Would that be applicable to any type of business or only to competitors of the official sponsors? On ne saurait poser comme règle générale que toute référence faite à l’événement dans un certain rayon doive être considérée comme illicite. Plusieurs hypothèses doivent être distinguées. Sur un plan contractuel, le propriétaire ou le locataire des lieux où l’événement se déroule peut conditionner l’accès à ceux-ci à des conditions déterminées, en ce compris l’interdiction de publicité faisant référence, de manière directe ou indirecte, à l’événement visé. Hormis cette hypothèse particulière, la question devra être envisagée sous l’angle de la concurrence déloyale, et notamment de la norme générale d’ « acte contraire aux usages honnêtes » contenue à l’article 93 LPCC. Question B: Ambush-marketing Page 14 A cet égard, relevons tout d’abord que la plupart des communes belges ont édicté des règlements communaux relatifs à la publicité menée sur la voie publique (conditions de forme des affiches, autorisation préalable,…). Le défaut de respecter de tels règlements pourra dès lors être sanctionné par le biais du recours à l’article 93, comme il a été vu au point 3.1.i. ci-dessus. Pour autant que la violation de telles dispositions réglementaires soit de nature à porter atteinte aux intérêts de l’organisateur ou d’un sponsor, même non concurrent de l’annonceur, ceux-ci pourront s’y opposer. Dans les autres cas, à défaut d’actes générateurs de confusion, la jurisprudence refusera en principe de sanctionner la publicité menée au même endroit et en même temps que celle d’un autre annonceur. La doctrine va dans le même sens. Cette tendance se justifie par le fait notamment que l’entrave aux activités d’un concurrent est une conséquence normale de toute concurrence et que l’activité économique demeure libre (cf. notamment M. Gotzen, Vrijheid van beroep, 1962, p. 317 ; J. Stuyck, Handels- en economisch recht, 2004, p. 175 ; D. Dessard, Les usages honnêtes, 2007, p. 203). La seule limite à ce principe nous semble résider dans la publicité qui serait menée de manière telle qu’elle aurait pour conséquence une déstabilisation de l’entreprise qui en est victime (cf. également à cet égard le point 4.4 ci-dessous). Une telle hypothèse est toutefois relativement théorique en matière d’ambush marketing, compte tenu de ce que bien souvent, l’organisateur ou le sponsor officiel qui seront victime d’une telle publicité ont une taille et une importance telles que la publicité incriminée n’est pas de nature à réellement les déstabiliser. Are marketing events or advertisements using athletes, referring to the sport practiced during the event also considered as prohibited ambush-marketing? Il va de soi, en premier lieu que l’utilisation de l’image d’un athlète ne pourra être utilisée à des fins commerciales que moyennant son consentement. Par ailleurs, à moins que l’organisateur de l’événement n’interdise par règlement à un athlète participant à l’événement de donner à un tiers l’autorisation d’utiliser son image pendant celui-ci, la question doit être davantage envisagée du point de vue de la concurrence déloyale. A cet égard, la jurisprudence étrangère ne révèle pas, à notre connaissance, de cas dans lesquels une telle pratique aurait été sanctionnée sur base du droit de la concurrence déloyale. Question B: Ambush-marketing Page 15 En Belgique, les événements sportifs de dimension internationale donnent fréquemment lieu à des publicités utilisant des athlètes et faisant référence au sport pratiqué durant l’événement. A titre d’exemple, on peut renvoyer à la publicité télévisée faite en Belgique durant la Coupe du monde de football 2006 pour la marque Bertolli. Dans cette publicité, on pouvait voir des personnes âgées s’affronter au cours d’un match de football. La publicité se terminait par le message suivant: “Si l’Italie bat le Ghana le 12 juin prochain, Bertolli vous rembourse vos achats de ce jour”. Cet exemple montre les limites du droit de la concurrence déloyale à sanctionner une pratique utilisant un athlète et faisant référence au sport pratiqué durant un événement. Une telle pratique, plutôt que de mettre en péril le fonctionnement du marché, est davantage de nature à ne porter atteinte qu’aux intérêts patrimoniaux de l’organisateur de l’événement, voire de ses sponsors officiels (G. Londers, op. cit., p. 190). Pour cette raison, elle sera difficilement répréhensible au regard du droit belge. Are marketing event or advertisements indirectly referring to the event during the event, or directly referring to the event before or after the event, also considered as prohibited ambush-marketing? Cette question recouvre de nombreuses pratiques. En Belgique, deux types de pratiques couvertes par cette question se rencontrent fréquemment et méritent d’être examinées. La première pratique consiste, pour un annonceur n’ayant pas la qualité de sponsor officiel de l’événement, à organiser un concours permettant aux vainqueurs d’obtenir un prix sous forme de tickets lui permettant d’assister à l’événement. Une telle opération sera le plus souvent contraire aux dispositions contractuelles fixées par l’organisateur de l’événement quant à la vente des tickets. La majorité des événements sportifs de dimension internationale prévoient en effet, à charge de l’acheteur des tickets, que ceux-ci ne peuvent être transférés ni utilisés à des fins commerciales telles que la promotion ou la publicité, sans l’accord de l’organisateur. Question B: Ambush-marketing Page 16 Dans l’hypothèse où l’annonceur ne serait pas lui-même l’acheteur des tickets, sa responsabilité pourra éventuellement, en droit belge, être recherchée sur base de la théorie de la tierce complicité à la violation d’une obligation contractuelle. A cet égard, le fait qu’une interdiction de revente ou d’utilisation à des fins commerciales ou promotionnelles soit notoire, ainsi que le fait que les tickets contiennent un renvoi exprès aux dispositions contractuelles permettent de rapporter la preuve de la connaissance, dans le chef du tiers, de l’existence d’une telle interdiction et partant, sa responsabilité. Même à défaut de tierce complicité dans le chef de l’organisateur du concours, sa responsabilité pourra le cas échéant être engagée sur pied des articles de la LPCC relatifs aux offres conjointes. Le droit belge interdit en effet, sous réserve de certaines exceptions légalement énumérées, de lier l’acquisition de produits, services et autres avantages à l’acquisition d'autres produits ou services (articles 54 et suivants LPCC). Il y aura dès lors offre conjointe lorsque le droit de participer à un concours ou une loterie sera conditionné par l’acquisition préalable d’un produit ou service. Or, de nombreuses promotions organisées en Belgique tombent dans cette catégorie, sans pouvoir bénéficier d’une des exceptions légales. De telles opérations pourront dès lors être interdites sur base de ces articles. Une autre pratique à laquelle on assiste régulièrement consiste, pour l’annonceur, à développer un slogan consistant en un jeu de mots faisant référence à une marque dont est titulaire l’organisateur ou un sponsor officiel. A titre d’exemple, on peut citer le slogan publicitaire développé par American Express lors des Jeux olympiques d’hiver de Lillehamer en 1994. Alors que son concurrent Visa était un sponsor officiel des Jeux, American Express utilisa le slogan suivant : "If you are travelling to Lillehammer, you'll need a passport, but you don't need a visa". Dans le Benelux, on peut également renvoyer au slogan utilisé par Daewoo lors du championnat d’Europe de football Euro 2000. Afin de promouvoir une action par laquelle elle accordait 2000 euros de ristourne à l’achat d’une voiture neuve, Daewoo développa le slogan “Daewoo sponsort 2000 euro”. Il convient d’examiner la légalité de ce type de pratiques sur base de la législation en matière de marques. Les usages tels que ceux visés ci-dessus seront, en droit belge, le plus souvent perçus comme un usage “autrement que pour distinguer des produits”, et non comme un usage à titre de marque, dans la mesure où la marque est utilisée dans un sens purement descriptif. Question B: Ambush-marketing Page 17 La CBPI offre toutefois une protection renforcée au titulaire d’une marque enregistrée dans le Benelux, contrairement au règlement 40/94 sur la marque communautaire. L’article 2.20.1.d) de la CBPI permet en effet à celui-ci de s’opposer à l’usage d’un signe à des fins autres que celles de distinguer des produits ou des services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice. Dans ce genre de cas, il conviendra d’examiner principalement si l’usage, par l’annonceur, de la marque enregistrée ou d’un signe similaire est fait avec un “juste motif” au sens de la CBPI. Sur ce point, la jurisprudence au sein du Benelux a tendance à interpréter cette notion de manière assez restrictive, suivant en cela la jurisprudence de la Cour de Justice Benelux (C.J.Ben., 1er mars 1975, C.J.Ben.-Jurisp., 1975, p. 1). Pour la Cour, il n’y aura juste motif à utiliser un signe que s’il y a nécessité pour l’usager à utiliser celui-ci. Selon les conclusions de l’Avocat général précédant l’arrêt mentionné, il ne saurait être question de juste motif que dans les cas où la participation à la vie des affaires serait exclue à défaut de pouvoir utiliser le signe incriminé (conclusions de l’Avocat général Berger dans l’affaire Klareyn, Ing.-Cons., 1974, p. 94). En application de cette interprétation, le tribunal de commerce de Nivelles condamna une entreprise utilisant un slogan par lequel elle annonçait la vente de “501 jeans à 501 francs” pour atteinte à la marque “501” de Levi Strauss. Dans ce jugement, le tribunal estima que l’entreprise ne pouvait justifier d’une nécessité telle à faire usage du signe 501 qu’on ne saurait raisonnablement lui empêcher un tel usage (Comm. Nivelles, 29 mai 1998, Ing.-Cons., 1998, p. 256). En sens contraire, dans un récent jugement inédit prononcé le 24 novembre 2006 par le tribunal de commerce de Liège, le tribunal considéra qu’il y avait juste motif, pour une société organisant des paris en ligne, à faire usage des noms des clubs de football sur lesquels portaient les paris. Pour le tribunal, un tel usage constituait un juste motif au sens de l’article 2.20.1.d) CBPI. Dans l’affaire “Daewoo sponsort 2000 euro” mentionnée ci-dessus, le président du tribunal d’Amsterdam refusa également de retenir l’atteinte à la marque verbale “Euro 2000”. A la lecture du jugement, il semble toutefois que ce soit surtout le faible pouvoir distinctif et la différence entre les signes en litige qui ait emporté la conviction du juge (Prés. Rb. Amsterdam, 26 juin 2000, IER, 2000, p. 275). Question B: Ambush-marketing Page 18 Un autre argument pouvant être soulevé par le tiers usage d’un signe réside dans l’article 2.23, 1, b) CBPI (il est à noter que l’article 12.b) du règlement 40/94 sur la marque communautaire est libellé en des termes similaires). Cet article contient une exception aux droits exclusifs du titulaire de marque, qui permet au tiers usager d’un signe d’utiliser une marque afin d’informer le public des caractéristiques des produits ou services qu’elle offre. Il dispose ce qui suit : « le droit exclusif n’implique pas le droit de s’opposer à l’usage par un tiers dans la vie des affaires : b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci ». Cet article exige cependant que « cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ». Dans son arrêt The Gilette Company, la Cour de Justice des Communautés Européennes a précisé que la condition d’usages honnête, au sens de la disposition précitée, constitue en substance l’expression d’une obligation de loyauté à l’égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque et que l’usage de la marque n’est pas conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, lorsque notamment : - il est fait d’une manière telle qu’il peut donner à penser qu’il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire de la marque, notamment que le tiers appartient au réseau de distribution du titulaire de la marque ou qu’il existe une relation spéciale entre les deux entreprises ; ou - il affecte la valeur de la marque en tirant indûment profit de son caractère distinctif ou de sa renommée (C.J.C.E., 17 mars 2005, Ing.-Cons., 2005, p.3). La Cour indique qu’à cet égard, « il importe de prendre en considération la présentation globale du produit commercialisé par le tiers, notamment les conditions dans lesquelles la marque dont le tiers n’est pas titulaire est mise en évidence dans cette présentation, les conditions dans lesquelles est faite la différence entre cette marque et la marque ou le signe du tiers ainsi que l’effort fait par ce tiers pour s’assurer que les consommateurs distinguent ses produits de ceux dont il n’est pas titulaire de la marque ». Is the preparation and sales of products, such as pastries, food products, etc. reproducing the logo or other images of the event, constituting ambushmarketing? Indépendamment de la question d’une éventuelle atteinte aux droits d’auteur sur le logo ou sur des images de l’événement ainsi qu’aux droits voisins du droit d’auteur sur les images de l’événement, la question doit être examinée sous trois aspects distincts. Sur le plan du droit des marques, tout d’abord. Sur ce point, une partie de la doctrine considère que comme c’est souvent le cas lors d’événements sportifs, une marque enregistrée pour un nombre très important de produits et services à des fins de Question B: Ambush-marketing Page 19 merchandising, c’est-à-dire afin d’être donnée en licence à un grand nombre d’entreprises n’est pas apte à remplir sa fonction de marque. Thierry van Innis écrit à cet égard ce qui suit : « Ce n’est pas, en effet, parce que la marque Coca-Cola se trouve apposée sur un T-shirt qu’elle devient marque de vêtements, pas plus qu’elle ne devient marque pour des panneaux publicitaires lorsqu’elle s’y trouve reproduite (…) Quant au merchandising relatif à des personnages (…), il ne relève pas du droit de marque, mais du droit d’auteur, même si, à tort, ces personnages font l’objet de dépôts pour une série invraisemblable de produits et services » (T. van Innis, Les signes distinctifs, Bruxelles, Larcier, 1997, p. 171 ; dans la jurisprudence, cf. Rb. ‘s-Gravenhage, 2 août 2000, IER, 2000, p. 298). Cette opinion n’est toutefois pas partagée par la majorité de la doctrine et de la jurisprudence (cf. A. Strowel, « La protection des personnages par le droit d’auteur et le droit des marques », Droit d’auteur et bande dessinée, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 37 et sv.). Sans préjudice des règles applicables en matière d’usage d’une marque dans un sens descriptif, le tiers usager d’un signe identique ou similaire à une marque protégée, lequel est utilisé pour distinguer des produits divers pourra se voir sanctionner sur pied de la législation applicable en matière de marques (cf. notamment le jugement rendu dans l’affaire UEFA / European Tickets 2000, Rb. ‘s-Gravenhage, 12 mai 2000, IER, 2000, p. 216). S’agissant ensuite du droit à l’image, il est admis en droit belge que l’utilisation de l’image d’un sportif à des fins promotionnelles viole un tel droit lorsque l’image du sportif est utilisée comme produit commercial en lui-même ou en impression sur un produit commercial ou pour une publicité destinée à promouvoir un produit commercial ou une entreprise (cf. Civ. Hasselt, 19 déc. 2003, Auteurs & Médias, 2004, p. 388 ; civ. Gand, 19 nov. 2003, Auteurs & Médias, 2004, p. 384). Enfin, la vente ou la distribution gratuite de produits sur la voie publique pourra le cas échéant être sanctionnée sur pied de l’article 93 LPCC dans l’hypothèse où elle intervient en violation d’une disposition légale ou réglementaire particulière. Tel pourra notamment être le cas si la vente, l’offre en vente ou l’exposition en vue de la vente de produits ou services constitue une activité ambulante qui ne bénéficie pas de l’autorisation prévue au sens de l’arrêté royal du 24 septembre 2006 relatif à l’exercice et à l’organisation des activités ambulantes. Par ailleurs, il convient de relever que la vente ou la distribution gratuites de produits pourra le cas échéant contrevenir à un éventuel règlement communal qui conditionne la publicité sur la voie publique à une autorisation préalable des autorités communales. Pour le surplus, il convient de noter que l’offre gratuite de produits est, en règle, licite en droit belge. Elle pourra cependant avoir un caractère contraire aux usages honnêtes ou illégal dans les cas où elle consiste à offrir ce qui est interdit (ex. : tombola ou loterie), consiste à offrir une réduction de prix aboutissant à vendre à perte ou est l’instrument d’une concurrence déloyale. Question B: Ambush-marketing Page 20 Cette dernière hypothèse se rencontrera notamment lorsque la distribution gratuite de produits rend difficile ou malaisée l’exploitation normale du commerce d’entreprises concurrentes (exemple : une entreprise de location de vélos, qui distribue en grand nombre des boissons gratuites à la côte en haute saison près d’une friterie tirant ellemême une partie important de ses revenus de la vente de boissons (Prés. Comm. Bruges, 12 sept. 1995, P.C., 1995, p. 407). La jurisprudence semble constante sur ce point (Prés. Comm. Gand, 21 mai 2001, P.C., 2001, p. 610 ; Prés. Comm. Bruges, 11 févr. 1994, P.C., 1994, p. 312 ; Gand, 15 janv. 1998, P.C., 1998, p. 434 ; Prés. Comm. Bruxelles, 3 janv. 1992, P.C., 1992, p. 276 ; cf. également P. De Vroede, « Het gratis schenken van producten is niet steeds een handeling strijdig met de eerlijke handelsgebruiken, A.J.T., 2001-01, p. 798). De la même manière, la jurisprudence tend à condamner les pratiques de racolage par lesquelles un concurrent invite de manière pressante les passants, en leur remettant ou non des produits ou brochures, à entrer dans son magasin (Prés. Comm. Bruxelles, 30 déc. 1991, P.C., 1991, p. 522 ; Anvers, 24 déc. 1990, P.C., 1990, p. 288 ; Prés. Comm. Bruxelles, 14 nov. 1994, P.C., 1994, p. 406). En matière d’ambush marketing, les cas d’application de la jurisprudence mentionnée ci-dessus seront sans doute assez rares s’agissant d’événements de portée internationale, dont les sponsors officiels sont des entreprises d’importance. De tels actes pourront sans doute être sanctionnés plus facilement dans le cadre d’événements de portée moindre, où un sponsor officiel pourra plus facilement voir son activité commerciale entravée par de tels comportements de la part de concurrents. Are disclaimers sufficient to prevent a qualification of a campaign as prohibited ambush-marketing? On ne saurait poser comme règle générale qu’une mention par laquelle l’annonceur indique qu’il n’est pas un sponsor officiel de l’événement ou ne dispose pas d’une autorisation de celui-ci ou d’un de ses licenciés suffise pour éviter toute critique au regard du droit belge. La réponse à cette question dépendra en tout état de cause de la technique utilisée par l’annonceur et de la nature de l’atteinte invoquée. Nous examinerons ci-dessous les cas dans lesquels la question de l’utilisation d’une telle mention est pertinente. Question B: Ambush-marketing Page 21 Sur le plan du droit des marques, on considère généralement qu’une telle mention n’est pas de nature à éviter la constatation d’une atteinte. Cette règle a été dégagée par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans son arrêt Arsenal du 12 novembre 2002 (C.J.C.E., 12 nov. 2002, Ing.-Cons., 2002, p. 496). Dans cette affaire, le titulaire de la marque Arsenal reprochait à Monsieur Reed de vendre dans son échoppe située aux abords du stade des écharpes revêtues de la marque Arsenal. Monsieur Reed faisait valoir que tout risque de confusion était exclu, dans la mesure où figurait sur son échoppe la mention selon laquelle il ne disposait d’aucune licence du titulaire de la marque l’autorisant à vendre ces écharpes. Dans son arrêt, la Cour considère que cette circonstance n’est pas de nature à éviter tout risque de confusion, puisque « force est de constater que certains consommateurs, notamment si les produits leur ont été présentés après qu’ils ont été vendus par Mr Reed et ont été emportés hors de l’échoppe où figurait l’avertissement, interprètent le signe comme désignant Arsenal FC en tant qu’entreprise de provenance des produits » (par.57). Cette solution est majoritairement suivie en droit belge. On peut relever à cet égard le jugement récent prononcé le 7 mars 2007 par le tribunal de commerce de Bruxelles. Dans son jugement, le tribunal va décider que la mention « Copia non conforme all originale », sur des articles de sport représentant un signe similaire à la marque aux trois bandes d’Adidas n’est pas de nature à écarter le risque de confusion entre le signe incriminé et la marque dont la protection est invoquée (Comm. Bruxelles, 7 mars 2007, inédit, R.G.01030/2006). La solution n’est pas différente en droit d’auteur. En la matière, la jurisprudence belge considère en effet de longue date que le risque de confusion entre deux œuvres n’est pas le critère pertinent pour juger de la contrefaçon. La jurisprudence estime en effet qu’il y aura contrefaçon d’une œuvre protégée par le droit d’auteur dès que l’œuvre seconde emprunte à l’œuvre première des éléments ou même l’un des éléments qui constituent l’originalité de l’œuvre première, même en l’absence de risque de confusion entre les deux œuvres (Bruxelles, 7 déc. 1999, I.R.D.I., 2000, p. 38 ; Bruxelles, 11 avr. 1989, Ing.-Cons., 1989, p. 43 ; Anvers, 12 janv. 1983 ; F. Gotzen, G. Van Hecke, « Overzicht van rechtspraak industriële eigendom, Auteursrecht 1975-1990, T.P.R., 1990, p. 1810 et la jurisprudence citée). Une mention apposée sur un produit violant des droits d’auteur, par laquelle l’annonceur indique qu’il n’est pas un sponsor officiel de l’événement, ne permettra dès lors pas d’éluder le grief de contrefaçon. S’agissant de la publicité génératrice d’erreur sur l’identité ou les qualités de l’annonceur (article 23, 3° LPCC) ou de confusion avec un autre vendeur (article 23, 8° LPCC), l’appréciation de l’atteinte dépendra des circonstances particulières dans lesquelles cette mention est utilisée. A cet égard, il convient de tenir compte de la perception du consommateur moyen, et non de celle du sponsor officiel, concurrent ou non de l’annonceur, ou de l’organisateur de l’événement. Question B: Ambush-marketing Page 22 La jurisprudence belge suit en cela la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes. On peut à cet égard mentionner l’arrêt du 25 septembre 1998, qui décida que “pour établir si un consommateur moyen est trompé au sens de l’article 23 LPCC, on doit tenir compte du consommateur disposant d’un minimum d’intelligence et de sens critique, et non du consommateur le moins intelligent” (Bruxelles, 25 sept. 1998, P.C., 1998, p. 85, traduction libre; cf également K. Daele, “Vergelijkende reclame in de automobielsector: een kritische analyse”, R.D.C., 2003, p. 611). En d’autres termes, l’utilisation d’une telle mention pourra donc exclure l’existence d’une atteinte sur pied des articles 23, 3° ou 23, 8° LPCC pour autant que compte tenu des circonstances concrètes dans lesquelles elle est utilisée (place, durée, taille de la mention,…), le consommateur moyen en perçoive clairement le sens et la portée. During the event, the sponsor of a team/athlete, congratulate the said team/athlete for its performance during the event. Could this be or has this been considered as prohibited ambush-marketing? A ce jour, une telle pratique n’a donné lieu à aucune jurisprudence en Belgique. Un tel acte pourra éventuellement entraîner la responsabilité contractuelle du sponsor ainsi que du/des athlète(s) congratulés dans la mesure où ces félicitations revêtent un caractère publicitaire ou s’accompagnent de l’utilisation de matériel promotionnel. Dans le chef du sponsor, il est en effet possible que les conditions contractuelles liées à l’achat du ticket lui interdisent, en tant que spectateur, d’utiliser un quelconque matériel promotionnel dans les lieux auxquels donne accès l’achat du ticket. S’agissant des athlètes, les règlements auxquels ils sont le cas échéant tenus d’adhérer en participant à l’événement pourront éventuellement prohiber toute utilisation de leur personne ou de leur image à des fins publicitaires pendant l’événement. Hormis les cas visés ci-dessus, la responsabilité du sponsor de l’équipe ou de l’athlète pourra éventuellement être recherchée sur base de la théorie de la tierce complicité. Cependant, la condition relative à la connaissance que le tiers « a ou doit avoir » de la situation, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, risque de poser problème dans l’hypothèse visée par la question envisagée. Question B: Ambush-marketing Page 23 Cette dernière condition tend effet à être interprétée de manière stricte par la jurisprudence. Ainsi, la bonne foi du tiers prétendument complice est présumée en la matière et la charge de la preuve de la faute repose sur les épaules du demandeur. Sans doute y aura-t-il faute à ne pas savoir ce que tout le monde sait, mais on considère généralement que la connaissance que le tiers a ou est supposé avoir vise les cas où, sans examen particulier, il aurait dû arriver à la conclusion que l’acte qu’il se préparait à poser violait les obligations contractuelles d’autrui. Dès lors, la jurisprudence se refuse généralement à exiger du tiers « complice » qu’il procède à un examen approfondi du contrat et de son contenu avant d’accomplir l’acte incriminé (Bruxelles, 21 février 1996, disponible sur www.moniteur.be ; J.L. Fagnart, « La tierce complicité et les usages honnêtes en matière commerciale », R.D.C., 1989, p. 469). A priori, il semble dès lors difficile de pouvoir conclure à une faute extra-contractuelle sur cette base juridique de la part du sponsor d’un athlète ou d’une équipe qui ne fait pas partie des sponsors officiels d’un événement. Assuming that there are no contractual or other provisions preventing or prohibiting display of sponsors specific to an athlete/team, can the official sponsor reward the athletes who do not show/display the logo, the name or else of their own sponsor? En l’absence de dispositions contractuelles faisant interdiction à un athlète d’arborer un signe distinctif de son propre sponsor, le sponsor officiel d’un événement pourra voir sa responsabilité engagée dans l’hypothèse où il incite cet athlète à ne pas arborer un tel signe. La responsabilité du sponsor officiel pourra tout d’abord être recherchée sur base de la théorie de la tierce complicité, à supposer que le fait d’arborer un signe distinctif de son sponsor constitue, pour l’athlète, une obligation contractuelle. Sans doute la charge de la preuve de la connaissance que le sponsor officiel a ou doit avoir de l’obligation contractuelle de l’athlète sera-t-elle, dans ce cas de figure, moins lourde que dans le cas visé au point 4.6, puisque l’obligation pour un athlète d’arborer le signe distinctif de son propre sponsor est largement répandue et notoire en matière sportive. Question B: Ambush-marketing Page 24 Indépendamment des questions de tierce complicité, il est également permis de se demander si de tels agissements ne seraient pas constitutifs d’un acte contraire aux usages honnêtes compte tenu de l’incitation provenant du sponsor officiel de l’événement. Dans des cas analogues, la jurisprudence belge a ainsi eu l’occasion de condamner sur pied de l’article 93 LPCC l’acte posé par un tiers qui tend à rompre la relation d’affaires, ou l’incitation à la rupture d’un contrat accompagnée de la promesse d’avantages gratuits (Comm. Liège, 27 sept. 1955, Jur. Liège, 1955-56, p. 32; Comm. Malines, 23 mai 1991, P.C., 1991, p. 364). Is the organisation of a parallel event in the same town, region or country, or covering the same type of activity, possibly falling into anti ambush-marketing provisions? A notre connaissance, la jurisprudence belge n’a pas eu, à ce jour, à connaître d’une telle situation. En soi, on ne saurait cependant considérer une telle hypothèse illicite dans la mesure où le fait d’entraver les activités de l’organisateur d’un autre événement est inhérent à la libre concurrence (dans ce sens, cf. J. Stuyck, op.cit., p. 175). Ceci étant dit, la publicité entourant l’organisation d’un événement parallèle dans la même ville, région ou pays, ou couvrant la même activité pourra naturellement être réprimée si elle comporte des éléments « susceptibles d’induire en erreur sur l’identité ou les qualités » de l’organisateur concurrent ou si elle est génératrice de confusion avec les activités de celui-ci. En France, de telles pratiques ont déjà fait l’objet de condamnations en application de la théorie de la concurrence parasitaire. Ainsi, la société « Tour féminin organisation » a été sanctionnée pour avoir repris la carte de la société du Tour de France et pour avoir mis en place une caravane publicitaire, un journal du Tour et un village du Tour (TGI Paris, 10 sept. 1997, PIBD, 1997, 642, III, p. 586). En droit belge également, une telle pratique pourra le cas échéant être condamnée sur base de cette théorie. A cet égard, il convient cependant de rappeler que la prestation copiée devra être suffisamment originale pour pouvoir bénéficier d’une protection. Ainsi, la jurisprudence rappelle fréquemment que la notion de concurrence parasitaire ne peut créer de monopole nouveau, et que la simple idée ne saurait être protégée à ce titre (cf. Bruxelles, 25 nov. 1994, P.C., 1995, p. 288 ; Bruxelles, 3 déc. 1998, P.C., 1998, p. 520). Partant, l’événement organisé parallèlement devra copier des éléments suffisamment originaux de l’événement premier pour pouvoir être sanctionnés sur base de la concurrence parasitaire. Question B: Ambush-marketing Page 25 Is the purchase of TV slots for advertisements around the broadcasting of the event possibly considered as ambush-marketing and therefore prohibited? Tout comme l’achat de billets pour un événement quelconque par une entreprise en vue de les offrir à ses meilleurs clients, l’achat de cases publicitaires en vue de leur diffusion avant, pendant ou après un événement, par une entreprise qui n’est pas l’un des sponsors officiels n’est pas illicite en soi. En effet, le simple fait, pour une entreprise, d’associer son nom à un événement particulier et / ou de bénéficier du goodwill qui lui est lié n’est pas répréhensible comme tel (P. Van den Bulck, M. de Bellefroid, op.cit., p. 223). Hormis le cas de publicité trompeuse ou créant un risque de confusion, la responsabilité d’une entreprise achetant de telles cases publicitaires nous semble difficilement envisageable sur base du droit de la concurrence déloyale. Is the sponsoring of another broadcast such as an historic, news or talk-show, regarding the event, possibly considered as ambush-marketing and therefore prohibited? Nous renvoyons le lecteur sur ce point à ce qui a été dit au point 4.9. Nous signalons également que les décrets flamands coordonnés du 4 mars 2005 relatifs à la radiodiffusion et à la télévision ainsi que le décret de la Communauté française du 27 février 2003 sur la radiodiffusion prévoient un certain nombre de règles relatives au sponsoring de programmes diffusés par les organismes de radiodiffusion relevant de l’une ou l’autre communauté. Ces règles ont trait à la fréquence d’apparition des signes distinctifs du sponsor, le moment, la durée d’apparition… Le cas échéant, l’absence de respect de ces conditions pourra engager la responsabilité du sponsor d’un tel programme sur pied de l’article 93 LPCC. Fundamental questions 5.1 In retrospect, have the specific anti ambush-marketing provisions enacted in your country been efficient to fight ambush-marketing? Couldn't general principles of unfair competition law or other applicable legislations be sufficient to prevent the most egregious ambush-marketing practices? Ainsi qu’il a été exposé au point 1 ci-dessus, le droit belge ne contient pas de loi destinée à lutter contre l’ambush marketing. Question B: Ambush-marketing Page 26 A notre estime, le droit des marques et le droit d’auteur permettent de lutter contre les formes les plus sommaires d’ambush marketing. Les droits exclusifs portant sur les logos, slogans, dessins et autres mascottes permettent en premier lieu à leurs titulaires d’éviter les effets particulièrement dommageables résultant de la distribution de produits mis sur le marché sans le consentement des titulaires de droits. De nombreuses formes plus subtiles d’ambush marketing peuvent par ailleurs être prévenues ou sanctionnées grâce aux mécanismes contractuels mis principalement sur pied entre l’organisateur de l’événement et ses partenaires contractuels tels que fédérations, athlètes, sponsors, spectateurs, organismes de radiodiffusion,…Une politique contractuelle rigoureuse permettra en effet d’éviter un nombre extrêmement important de pratiques qui peuvent porter atteinte aux investissements de l’organisateur ou de ses sponsors : interdiction pour les spectateurs, athlètes et fédérations d’utiliser des objets et matériels promotionnels, interdiction pour les athlètes de laisser utiliser leur image, nom ou performances sportives pendant l’événement par des sponsors non officiels, interdiction pour les acheteurs de tickets de revendre ceux-ci à des fins promotionnelles, interdiction aux organismes de radiodiffusion d’attribuer une case publicitaire à un sponsor non officiel,… Pour le surplus, le droit de la concurrence déloyale, même s’il ne permet pas de s’opposer à l’ensemble des pratiques d’ambush marketing, constitue toutefois un outil efficace contre les pratiques résiduaires les plus dommageables qui se situent dans le domaine extracontractuel : protection contre la publicité génératrice de tromperie, de confusion, protection de prestations suffisamment originales contre la concurrence parasitaire,... 5.2 Could enforcement by sponsors of their exclusive rights, under the applicable specific or non-specific anti ambush-marketing provisions, be considered as constituting antitrust infringement (abuse of dominant position/monopolisation)? Il n’existe pas à notre connaissance de jurisprudence belge ayant constaté l’existence d’un abus de position dominante suite à l’exercice d’un droit de marque ou d’un droit d’auteur par le titulaire de cette marque ou de ce droit d’auteur qui serait une personne morale autre qu’une société de gestion collective de droits d’auteur. Cette absence de jurisprudence tient selon nous à la circonstance que le droit d’auteur s’attache en principe à une création de forme et le droit des marques à un signe distinctif et que, dans la plupart des cas, un produit peut revêtir une multiplicité de formes possibles ou être pourvu de nombreux autres signes différents. De la sorte, le droit d’auteur attaché à une forme spécifique et le droit de marque, portant sur un signe Question B: Ambush-marketing Page 27 déterminé, ne font la plupart du temps pas naître une position dominante dans le chef de son titulaire sur un marché défini. Les concurrents peuvent en effet souvent utiliser des formes ou signes différents pour la présentation de leurs produits ou services. Il y a ainsi lieu de noter que la situation en Belgique comme celles d’autres Etats continentaux se distinguent de celle dont avait eu à connaître la Cour de justice dans l’affaire “Magill” (voy. C.J.C.E., 6 avril 1995, aff. C-241/91 et C-242/91, Rec., 1995, I., 808 et suiv.) : si dans l’affaire “Magill”, la législation irlandaise ainsi que la législation du Royaume-Uni admettaient la protection du droit d’auteur sur des grilles de programmes hebdomadaires de télévision et permettaient à son titulaire de s’opposer à leur reproduction par des tiers, une telle solution n’aurait pas été retenue en droit belge, la protection du droit d’auteur ne s’attachant qu’à la présentation particulière que pourrait connaître le cas échéant une grille de télévision mais non au contenu de celleci. La définition du marché sera évidemment essentielle pour que l’on puisse conclure à l’existence d’une position dominante. A cet égard, pour qu’un type de produit puisse en tant que tel constituer un marché, il doit pouvoir être individualisé par ses caractéristiques particulières le différenciant des autres produits au point qu’il soit peu interchangeable avec eux ou qu’il ne subisse leur concurrence que d’une manière peu sensible (voy. C.J.C.E., 14 février 1978, “United Brands”, aff. 26/76, Rec., 1978-II., 207, point 22). Il semble dès lors très rare que le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit de marque se trouve dans un marché aussi restreint que celui couvert par son droit. Le cas échéant, les problèmes liés à l’enregistrement comme marques de signes banals, risquant d’être monopolisés par leur titulaire au préjudice de tiers devront davantage se résoudre du point de vue de la validité de la marque et de son aptitude à être perçue comme un signe permettant de distinguer des produits et services comme provenant d’une entreprise déterminée, plutôt que sur le terrain du droit de la concurrence en général, et de l’abus de position dominante en particulier. 5.3 Aren't the anti ambush-marketing provisions enacted (envisaged/possibly envisaged) in your country, creating exclusive rights not foreseen by intellectual property law or other specific legislation aimed at creating such exclusive rights? To which extent is this contradicting the often recognised principle that unfair competition should not create exclusive rights not foreseen by intellectual property or other specific legislation? La jurisprudence belge rappelle régulièrement la règle selon laquelle la protection contre la concurrence déloyale ne peut avoir pour effet de créer, au profit de la victime, de monopole (Bruxelles, 25 nov. 1994, P.C., 1995, p. 288 ; Bruxelles, 3 déc. 1998, P.C., 1998, p. 520). Question B: Ambush-marketing Page 28 Par ailleurs, il est constant que les organisateurs et sponsors officiels d’un événement cherchent à obtenir une protection exclusive de l’événement et du goodwill qui lui est attaché, afin notamment d’assurer la rentabilité des investissements exposés et d’éviter la déstabilisation de leur politique commerciale. Dans cette mesure, il est évident que la consécration légale de droits exclusifs non prévus par la législation en matière de propriété intellectuelle placerait de tels droits sur un plan radicalement différent de la protection offerte par le droit de la concurrence déloyale, puisque celle-ci vise non pas à protéger les droits ou intérêts patrimoniaux particuliers, mais plutôt à assurer le fonctionnement normal du marché en assurant la loyauté des relations entre entreprises. 5.4 To your view, is it economically efficient to allow the sponsor, and to some extent the organiser, to internalise all positive externalities created by the organisation of the sponsored event? Shouldn't the economic benefit expected from such an event, spill over the whole economy of the country/city/region organising the event and wouldn't that economy be better off if third parties could also take advantage of the event, thereby multiplying and extending its reach and consequently the returns to the sponsor/organiser? Nous ne pensons pas qu’il soit efficace, d’un point de vue économique, de permettre aux sponsors officiels d’un événement et, le cas échéant, à l’organisateur de celui-ci, de monopoliser toutes les potentialités liées à l’organisation de l’événement. Il convient en effet de rappeler qu’initialement, l’ambush marketing est né en réaction à la mauvaise organisation, par les sponsors officiels, de leur programme de sponsoring. Si à l’heure actuelle, l’organisation de tels programmes s’est considérablement professionnalisée et complexifiée, il va de soi que des événements de dimension internationale peuvent constituer une source de retombées commerciales qui dépassent inévitablement dans une large mesure le sponsor officiel. Dans la mesure où l’arsenal juridique disponible permet de lutter contre les formes les plus dommageables d’ambush marketing, nous estimons que la protection juridique actuelle a un impact économique positif puisque d’une part, elle permet aux sponsors officiels d’assurer efficacement la rentabilité de leurs investissements et, d’autre part, elle permet aux acteurs souhaitant profiter des retombées économiques de l’événement, d’en bénéficier tout en respectant certaines limites. 5.5 To your view, is the interest of the sponsor to obtain exclusivity over the event or to maximise its visibility? Considering that question, is your anti ambushmarketing legislation efficient? Question B: Ambush-marketing Page 29 Selon nous, l’intérêt du sponsor résidera davantage dans l’exclusivité dont il pourrait bénéficier sur l’événement que dans le fait de pouvoir disposer d’une visibilité maximale. En effet, il nous semble que le sponsor aura davantage intérêt à éviter l’intervention de concurrents et à être ainsi le seul bénéficiaire de la visibilité liée à un événement que de se voir assurer la plus grande visibilité, contrairement à ses concurrents. Ceci est d’autant plus vrai que le sponsor officiel sera de toute façon impuissant à développer par lui-même une visibilité à ce point importante qu’elle exclut radicalement celle de tout autre concurrent. De ce point de vue, les régimes de protection efficaces qu’offrent le droit des marques, le droit d’auteur et les mécanismes contractuels sont de nature à lui permettre d’atteindre ce but, puisqu’ils ont pour effet de permettre au sponsor ou à l’organisateur de s’opposer aux actes d’ambush marketing qui portent atteinte à cette exclusivité. 5.6 Are there efficient non-legal answers to fence off ambush-marketing (creation of an anti ambush-marketing commission publicly stigmatising the ambushmarketing behaviour/multiplication of sponsors vs exclusivity, else)? A côté de l’arsenal juridique applicable, plusieurs mesures non-juridiques sont susceptibles, selon nous, de jouer un rôle efficace dans la prévention de l’ambush marketing: conférences visant à stigmatiser les méfaits de telles pratiques et leurs risques sur la survie des événements, publicité organisée par l’organisateur sur l’identité de ses sponsors officiels, les chartes ou guides à destination des personnes souhaitant participer à l’événement, que ce soit comme athlète ou comme spectateur, et détaillant les méfaits et les risques juridiques liés à de telles pratiques,…