HOPITAL LOUIS PRADEL – LYON Service d’Anesthésie Réanimation Professeur JJ. LEHOT LA REANIMATION POSTOPERATOIRE EN CHIRURGIE CARDIAQUE S Estanove, L Chebance, P Blanc, JJ Lehot Mise à jour : août 2004 La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 1 SOMMAIRE INTRODUCTION Principes généraux de la réanimation / Objectifs de soins ................................................ 2 1. MATERIEL A PREVOIR ............................................................................................................... 2 2. TRANSPORT EN REANIMATION ................................................................................................ 3 3. ACCUEIL DU MALADE ET INSTALLATION ................................................................................. 3 3.1 Branchement du respirateur 3.2 Installation du système pour la mesure du CO2 expiré 3.3 Mise en place de l’électrocardiogramme 3.4 Installation des capteurs de pression 3.5 Raccordements des drains 3.6 Installation des perfusions 3.7 La sonde urinaire et la sonde naso-gastrique 4. REANIMATION POSTOPERATOIRE ............................................................................................ 4 5. L’ECG ........................................................................................................................................... 5 5.1 Son intérêt 5.2 Diagnostic des complications 6 MONITORAGE HEMODYNAMIQUE ............................................................................................. 6 6.1 Son intérêt 6.2 Rappel des différents facteurs de performance 6.3 Complications hémodynamiques 6.3.1 Hypotension 6.3.2 Poussées hypertensives 6.3.3 Bas débit cardiaque 6.3.4 Choc cardiogénique 6.3.5 Tamponnade 7 VENTILATION ASSISTEE ............................................................................................................ 9 7.1 Son intérêt 7.2 La surveillance de la ventilation assistée 7.3 Le sevrage 7.4 Les complications respiratoires 8 LES DRAINS ............................................................................................................................... 11 9 SURVEILLANCE NEUROLOGIQUE ............................................................................................. 11 10 SURVEILLANCE RENALE ........................................................................................................... 12 10.1 Contrôle de la diurèse 10.2 Complications rénales 11 LA TEMPERATURE ..................................................................................................................... 12 12 SURVEILLANCE DIGESTIVE ...................................................................................................... 12 13 PREVENTION DE L’INFECTION ................................................................................................ 13 14 PROBLEMES SPECIFIQUES ....................................................................................................... 13 13.1 A la chirurgie coronaire 13.2 A la transplantation cardiaque 13.3 A la chirurgie cardiaque du nouveau-né et du nourrisson CONLUSION ..................................................................................................................................... 14 La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 2 INTRODUCTION La surveillance et la réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque ont pour but de détecter et traiter précocement la survenue éventuelle de complications. La durée de séjour varie de moins de 24h à plusieurs jours. Cette surveillance peut être prolongée en raison : de la gravité de l’intervention, de l’état préopératoire : patient opéré à un stade évolué de sa cardiopathie, en défaillance cardiaque mal contrôlée par le traitement, asthénique, cachectique ou présentant une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ou un facteur de risque associé (diabète, insuffisance rénale préopératoire…) de la survenue d’une complication : bas débit cardiaque (BDC), complication infectieuse, pneumopathie, insuffisance rénale, complication neurologique… Les âges extrêmes de la vie (<1 an, >80 ans) requièrent souvent après chirurgie cardiaque une surveillance prolongée au-delà de 2 jours, même en l’absence de toute complication (notamment pour la prise en charge d’une kinésithérapie active). Principes généraux de la surveillance / Objectifs de soins Le but essentiel est : de maintenir une fonction cardiocirculatoire correcte chez un patient qui doit s’adapter à un nouvel état hémodynamique. de détecter toute modification clinique, électrique, hémodynamique et biologique avant la survenue d’une complication avérée ou de détecter très rapidement une complication pour entreprendre une thérapeutique qui sera d’autant plus efficace qu’elle sera mise en route précocement. de demander éventuellement des examens complémentaires pour préciser le diagnostic et l’origine de la complication. de contrôler l’efficacité du traitement. de prévenir les risques infectieux. Favoriser le retour à l’autonomie des différentes fonctions vitales 1. MATERIEL A PREVOIR En chirurgie cardiaque majeure, la surveillance postopératoire est lourde et comporte, outre la surveillance clinique, une surveillance électrocardiographique, hémodynamique, biologique, radiologique, le contrôle des paramètres de ventilation, des drainages : ceci implique une préparation de l’accueil du patient, nécessitant 20 à 30 minutes. Monitorage cardiaque : moniteur, capteurs de pressions avec chaîne de pression Respirateur ayant fait l’objet des contrôles et pré réglé en fonction du patient (check-list) Système de ventilation manuelle avec raccord d’intubation et masque pour parer à toute éventualité : panne de respirateur, extubation accidentelle. 2 systèmes de vide branchés : - 1 pour aspiration trachéale - 1 pour drainage médiastinal et éventuellement pleural, Des pousse-seringues électriques à prévoir en fonction du nombre de médicaments à poursuivre (inotropes, vasodilatateurs, antiarythmiques) Défibrillateur externe avec plaques de taille adaptée Pace-maker externe Matériel d’intubation Matériel de perfusion et de transfusion et médicaments d’urgence à disposition La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 3 2. TRANSPORT EN REANIMATION La première étape de la surveillance postopératoire débute avec le transport entre le bloc opératoire et la réanimation qui ne doit être effectué que lorsque l’état hémodynamique est stable, les pertes sanguines par les drains faibles et après un remplissage vasculaire correct. En effet les chutes de pression artérielle (PA) ne sont pas exceptionnelles au cours du transport, par modifications de répartition du volume sanguin chez un patient encore sous anesthésie avec persistance d’un certain degré de vasoplégie. Le transport est effectué sous ventilation assistée manuelle ou instrumentale, en 0 2 pur et sous contrôle continu de l’ECG, et pour les interventions majeures ou chez les patients à risques, sous contrôle de la PA par voie sanglante et de la SpO2. Une grande attention est donnée à la poursuite des traitements inotropes parfois nécessaires après l’arrêt de la CEC (par seringue électrique alimentée par batterie). 3. ACCUEIL DU MALADE ET INSTALLATION Le médecin anesthésiste réanimateur aura transmis auparavant les consignes concernant la surveillance à prévoir, et les traitements postopératoires à préparer. Le patient est installé en décubitus dorsal avec fixation souple des poignets pour faciliter la surveillance immédiate et éviter les artéfacts au niveau du recueil des pressions. 3.1. Branchement du respirateur : Un préréglage des différents paramètres : fréquence respiratoire, mode d’insufflation (temps d’insufflation, temps de pause, rapport I/E, FIO2, fréquence respiratoire), ainsi que les niveaux d’alarme de pression, de volume expiré haut et bas ont été réalisés avant le branchement. Les préréglages utilisés le plus souvent chez l’adulte sont les suivants : FIO2 40-50%, Vte 8-10 ml/kg, FR 12-15 cycles/min, maxima du pic de pression : 30 cmH2O. Un contrôle du soulèvement rythmique de la cage thoracique, et la recherche par auscultation du murmure vésiculaire au niveau des 2 champs pulmonaires sont effectués pour s’assurer du bon positionnement de la sonde endotrachéale et de l’absence d’intubation sélective. 3.2. Installation du système pour la mesure du CO2 expiré : Son intérêt est d’être une alarme précise des principales complications graves (circulatoires, respiratoires, métaboliques). 3.3. Mise en place de l’électrocardiogramme (ECG) : La dérivation choisie sera celle donnant la meilleure captation de la fréquence cardiaque et du rythme (DII-DIII) ou après pontage aorto-coronarien (PAC) celle informant le plus précisément sur la survenue d’un décalage de ST (V5), dans le territoire gauche, avec réglage des alarmes. 3.4. Installation des capteurs de pression : Pression artérielle systolique, diastolique et moyenne (PAS, D, M) mesurée par cathéter intra-artériel (radial, plus rarement huméral ou fémoral) mis en place par voie percutanée le plus souvent Pression auriculaire droite (POD) ou veineuse centrale (PVC) Éventuellement pression auriculaire gauche (POG) mis en place chirurgicalement en fin d’intervention (chez l’enfant essentiellement) La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 4 Pression artérielle pulmonaire (PAP) par cathéter de Swan-Ganz introduit le plus souvent par voie jugulaire interne qui permet, outre la mesure de la POD, la mesure de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO), du débit cardiaque, de la saturation en 02 du sang veineux mêlé (SvO2), le calcul de l’index cardiaque, du travail ventriculaire externe, gauche et droit et des résistances vasculaires systémiques et pulmonaires. Le réglage des niveaux d’alarme haut et bas sera fonction du patient, de son état cardiaque préopératoire et des niveaux de pression assurant la meilleure performance cardiaque pour ce type d’intervention . 3.5. Raccordements des drains : Branchement des drains médiastinaux et pleuraux, avec réglage du niveau de dépression sur des systèmes de drainage à usage unique : (-20 à -30 cm H2O chez l’adulte, -10 à -15 cm H2O chez le petit enfant et le nourrisson). 3.6. Installation des perfusions : Mise en route immédiate des perfusions nécessaires (inotropes, vasodilatateurs, antiarythmiques) sur indication médicale, par seringue électrique à débit réglée. Branchement des perfusions ou transfusions programmées sur les voies veineuses centrales ou périphériques prévues à cet effet. 3.7. La sonde urinaire et la sonde nasogastrique Elles auront été préalablement raccordées à un collecteur au bloc opératoire. Chez le nourrisson, le petit enfant, et chez les patients en oligurie préopératoire (choc cardiogénique), ou en présence d’un bas débit cardiaque postopératoire, un système de recueil horaire gradué des urines est utilisé (Urimeter ) 4. REANIMATION POSTOPERATOIRE Les différents paramètres surveillés se répartissent en paramètres surveillés en continu, toutes les heures, de façon plus séquentielle (toutes les 3 à 4 h) et quotidiennement. En continu : - ECG selon l’équipement - PAS, D, M avec alarmes hautes et basses, visuelles et sonores - PAP, S, D, M - PVC ou POD - Débit cardiaque - SvO2 - Ventilation Répétée, toutes les heures ou plus fréquemment (toutes les 15 ou 30 minutes dans les périodes d’instabilité cardio-vasculaire) : - débit des drains - débit des PS - diurèse - douleur - sédation Séquentielle : - examen clinique : coloration de la face et des extrémités, température cutanée, cyanose, présence de sueurs, état de conscience, hépatomégalie… - échocardiographie-doppler : échographie transthoracique ou transoesophagienne (ETO ou ETT). La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 5 - radiographie pulmonaire répétée quotidiennement, plus souvent en cas de suspicion d’un déplacement de sonde endotrachéale, de complication respiratoire, (hémothorax, pneumothorax, atélectasie) ou cardiaque (élargissement de l’ombre médiastinal) et après l’ablation des drains pleuraux. - état cutané au niveau des points d’appui (tallons, coccyx, tête) compte tenu des risques d’escarres majorés par la longueur de l’intervention, l’utilisation d’une CEC non pulsatile, la survenue d’un bas débit cardiocirculatoire - paramètres biologiques (voir annexe 1): ionogramme sanguin (kaliémie, hématocrite) à l’arrivée puis selon prescription contrôle glycémique serré (dextro<7mmol/l) : protocole insuline IV. participant à la prévention des complications infectieuses. Créatininémie ou clairance de la créatinine en cas d’altération préopératoire de la fonction rénale ou d’oligoanurie. Ionogramme urinaire éventuellement Gazométries artérielles 15 min après l’arrivée en réanimation et toutes les 6-8 h pendant les premières 24 h, selon prescription, plus fréquentes chez le nourrisson (toutes les 4h) Tests d’hémostase contrôlés en fin d’intervention, après le retour du bloc opératoire si problème de saignement puis quotidiennement (INR, TCA, Temps de thrombine, anti-Xa fibrinogène, numération plaquettaire). Le temps de thrombine est utilisé pour vérifier la neutralisation correcte de l’héparine par le sulfate de protamine. L’héparinémie (dosage de l’anti-Xa ou de l’anti-IIa), est utilisée pour apprécier la réponse au traitement à l’héparine entrepris entre la 6ème et la 10ème heure après remplacement valvulaire. Le dosage d’antithrombine pourra être nécessaire. Troponine après PAC ou en cas de suspicion d’ischémie ou d’infarctus du myocarde, entre la 6ème et la 8ème heure postopératoire et quotidiennement pendant les 48 premières heures. - bilan infectieux éventuel : hémocultures (3) si hyperthermie, signes infectieux culture des cathéters, des drains… Cyturtest puis CBU éventuellement Lavage broncho-alvéolaire et culture, et antigènes urinares (Legionella) en présence d’une pneumopathie Examens virologiques chez l’immunodéprimé. Des examens complémentaires sont parfois nécessaires : électroencéphalogramme, scanner cérébral ou thoracique, coronarographie en urgence. 5. L’ECG 5.1. Son intérêt La surveillance ECG continue permet de détecter immédiatement les modifications de la fréquence cardiaque, la survenue de troubles du rythme ou de conduction et de contrôler l’efficacité du traitement. Elle est capitale et ne souffre ni panne ni parasitage. Elle est complétée quotidiennement lors de la survenue d’un trouble du rythme ou de conduction, et lors de l’apparition de signes d’ischémie (décalage de ST) par un enregistrement papier. Les alarmes de fréquences hautes et basses, lumineuses et sonores sont fixées à l’arrivée. 5.2 Diagnostic des complications Troubles du rythme de différents degrés de gravité : tachycardie ventriculaire, extrasystoles ventriculaires, qui si elles sont fréquentes, en salves, ou polymorphes peuvent précéder la La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 6 survenue d’une fibrillation ventriculaire (FV), tachyarythmie supraventriculaire, nécessitant la mise en route d’un traitement approprié. Arrêt de toute activité électrique signant un arrêt cardiaque ou un arrêt circulatoire par FV s’accompagnant d’une chute instantanée de la PA entre 15 et 20 mmHg qui correspond à la pression résiduelle régnant dans les vaisseaux. Elle impose, sans délai, la mise en route d’une réanimation ; massage cardiaque externe (MCE) dont l’efficacité est vérifiée sur le chiffre obtenu de PAM et de PETCO2, ventilation en O2 pur, mise en charge du défibrillateur, appel d’urgence du médecin et d’aides, choc électrique externe (300 à 400 J chez l’adulte, 5 à 6 J/kg chez l’enfant). Troubles de conduction favorisés par certains types de chirurgie (cardiopathies congénitales avec communication interventriculaire, rétrécissement aortique avec calcification de l’anneau, lésions aortiques endocarditiques avec abcès du trigone ou du septum) par l’emploi de volumes importants de liquide de cardioplégie à 4°C, et par l’hyperkaliémie. En raison de ce risque, des électrodes épicardiques sont le plus souvent mises en place en peropératoire pour entraînement électrosystolique par pace-maker externe : soit à rythme fixe, soit le plus souvent à déclenchement programmé en fonction d’une fréquence préfixée (sentinelle). Dans certaines indications, un double « pacing » (auriculaire et ventriculaire) appelé séquentiel, par pace maker double chambre, peut être mis en place pour reconstituer un rythme proche du rythme sinusal physiologique, en reproduisant une systole auriculaire qui contribue à 20 ou 30% du remplissage des ventricules en fin de diastole, donc à une systole ventriculaire beaucoup plus efficace. Des enregistrements électrocardiographiques quotidiens et répétés en cas de survenue d’un trouble du rythme ou de conduction, ou d’un décalage de ST permettent une analyse plus précise et un diagnostic différentiel dans certains cas difficiles. 6. MONITORAGE HEMODYNAMIQUE 6.1. Son intérêt La connaissance des différents facteurs qui déterminent la performance et donc le débit cardiaque (précharge, post-charge, contractilité, fréquence cardiaque) est nécessaire pour interpréter correctement les modifications des paramètres hémodynamiques qui doivent être analysés les uns par rapport aux autres. Ainsi une chute de pression artérielle peut être due aussi bien à une hypovolémie, une vasoplégie, qu’à une baisse de contractilité d’où l’intérêt de la connaissance des paramètres de remplissage . De même les anomalies du rythme cardiaque sont à prendre en compte. 6.2. Rappel des différents facteurs de performance La précharge : elle correspond à l’étirement de la fibre myocardique en fin de diastole et dépend du remplissage ventriculaire : plus le ventricule est rempli en fin de diastole, plus l’éjection ventriculaire suivante sera importante (Loi de Frank-Starling). Il existe une relation entre le volume de remplissage télédiastolique ventriculaire gauche et le volume d’éjection systolique (VES). Ce volume peut être estimé en échographie ou sur l’aspect de la courbe artérielle en ventilation contrôlée (delta up et delta down). Il peut aussi être apprécié très approximativement par mesure de la pression auriculaire gauche (POG) ou la PAPO. Cette relation peut être figurée sur une courbe : la courbe de fonction ventriculaire. Cette pression, normalement comprise entre 6 et 8 mmHg, est essentiellement le témoin du remplissage ventriculaire gauche et de l’adaptation cardiaque, elle est augmentée en cas de défaillance cardiaque gauche ou globale (<-15 -16 mmHg). En effet au-delà d’une certaine pression de remplissage POG ou PAPO >12mmHg pour le cœur sain, 15-16 mmHg pour le cœur défaillant, le VES n’augmente plus, mais tend à diminuer, signant le passage en décompensation. La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 7 La précharge ventriculaire droite (VD) est appréciée par la mesure de la pression veineuse centrale (PVC) ou de la pression auriculaire droite (POD) elles-mêmes majorées par la ventilation assistée. Elle peut aussi être évaluée par mesure du volume télédiastolique ventriculaire droit par cathéter de Swan-Ganz ou par la distention des veines caves en échographie. Les niveaux supérieurs d’alarme doivent être déterminés pour chaque patient en fonction de la cardiopathie et de sa correction. La postcharge ou résistance opposée à l’éjection. La postcharge VG dépend de la PA et de la compliance aortique ; la pression diastolique aortique dépend elle-même du degré de vasoconstriction ou de vasodilatation des artérioles et de la viscosité sanguine. Une vasoconstriction importante augmente le travail d’éjection ventriculaire gauche. La postcharge VG peut être appréciée par mesure de la PA diastolique et le calcul des résistances vasculaires périphériques. La postcharge VD dépend de la PAP et des résistances artérielles pulmonaires. Elle est augmentée dans certaines cardiopathies congénitales avec shunt gauche droit et maladie obstructive pulmonaire, dans les myocardiopathies à un stade avancé… La contractilité dépend de l’état de la fibre myocardique (capacité de raccourcissement), de l’apport en O2 et en substrats, de l’équilibre acido-basique et électrolytique, de l’activité sympathique. Elle est indirectement appréciée par la mesure du débit cardiaque, et la fraction d’éjection en échographie transthoracique et transoesophagienne. La fréquence cardiaque est un facteur important d’adaptation du débit cardiaque jusqu’à un certain niveau de fréquence (130-140) au-delà duquel le débit diminue par raccourcissement de la diastole et en conséquence du temps de remplissage ventriculaire. Si elle est trop lente (bradycardie sinusale, bradyarythmie, bloc auriculo-ventriculaire (BAV)), elle doit être traitée, le plus souvent par entraînement électrosystolique (EES) à l’aide d’un pace-maker externe, éventuellement en l’absence d’électrodes épicardiques, par atropine souvent inefficace ou d’efficacité brève, ou par perfusion d’isoprotérénol (ISUPREL®). L’interprétation des différents paramètres hémodynamiques, des signes cliniques, radiologiques et biologiques permet le plus souvent de faire un diagnostic précis des complications cardiovasculaires et d’entreprendre un traitement adapté. 6.3. Complications hémodynamiques 6.3.1 Hypotension Hypotension à précharge basse Par hypovolémie vraie : - hémorragie par défaut d’hémostase ou/et troubles biologiques de la coagulation, remplissage vasculaire inadéquat. - vasodilatation brutale au cours d’un choc septique ou d’un choc anaphylactique. Passage de vasoconstriction en vasodilatation lors du réchauffement, souvent brutal, réalisant une véritable saignée interne. Par hypovolémie relative : - modification de répartition du volume sanguin circulant pendant le transport et la mobilisation, augmentation des pressions intrathoraciques sous ventilation assistée (pression positive intermittente (PPI), pression positive en fin d’expiration (PEEP)). Les pressions de remplissage droites (POD-PVC) et gauches (POG-PAPO) sont basses. La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 8 Hypotension à précharge élevée par baisse de la contractilité Souffrance myocardique d’origine ischémique due à une protection myocardique insuffisante pendant le temps d’exclusion cardiaque, à une perfusion coronaire inadéquate (déséquilibre entre apport et consommation d’oxygène du myocarde, poussées d’HTA, embole gazeux coronaire, thrombose d’un pontage aorto-coronaire…) Intervention à un stade évolué de la cardiopathie avec altération préopératoire marquée de la contractilité, HATP majeure. Souvent les différents facteurs sont intriqués. Traitée avec retard l’hypotension peut évoluer vers un bas débit cardiaque et un choc cardiogénique. 6.3.2 Poussées hypertensives Elles sont fréquemment observées pendant la phase de réveil, favorisées par l’anxiété, la douleur, et l’hypovolémie. Elles sont plus fréquentes après chirurgie coronaire ou remplacement valvulaire aortique pour rétrécissement aortique. Elles comportent : un risque rare mais gravissime d’hémorragie brutale et massive par lâchage de suture, surtout aortique. Un risque de souffrance myocardique par augmentation de la consommation d’oxygène du myocarde qui ne peut pas toujours être satisfaite, avec apparition de signes d’ischémie, risque de troubles du rythme graves. Elles peuvent être en partie prévenues par le maintien d’une analgésie. Elle doivent être immédiatement traitées par approfondissement de celle-ci et le maintien d’une sédation par propofol jusqu’à normalisation thermique (36°5) et enfin par l’emploi de vasodilatateurs artériels ou mixtes, ou d’inhibiteur calcique de type dihydropyridine (nicardipine). 6.3.3 Bas débit cardiaque Il s’agit d’une défaillance cardiocirculatoire, résultat d’une atteinte cardiaque gauche, droite ou globale générant une circulation sanguine incapable de satisfaire les besoins métaboliques de l’organisme (index cardiaque<2,21l/min/m2) apparaissant le plus souvent dans les 24 premières heures postopératoires, parfois dès l’arrêt de la CEC. Il résulte le plus souvent d’une cause peropératoire : défaut de protection myocardique, infarctus, gêne mécanique de la fonction ventriculaire (chirurgie valvulaire, lésions associées non corrigées), correction incomplète après cure de cardiopathie congénitale (persistance d’une sténose sur la voie artérielle pulmonaire…). Il est favorisé par l’existence en préopératoire d’une défaillance cardiaque ou d’une HTAP. Il est aggravé : Par l’augmentation de la postcharge VG (poussées hypertensives) sur un myocarde aux réserves cardiaques limitées, Par l’augmentation de la postcharge VD (augmentation de la PAP ou persistance d’une PAP élevée après cure de shunt G-D surtout) Par un trouble du rythme (tachycardie supraventriculaire, tachyarythmie), particulièrement mal toléré en cas d’hypertrophie du VG (post- RVA pour RA) Par un trouble de la conduction (BAV complet), d’où la nécessité d’un EES préventif ou instauré immédiatement en cas de survenue d’un BAVC. Il se traduit non seulement par des signes hémodynamiques variables (chute plus ou moins marquée de la PA, pincement de la différentielle, élévation des pressions de remplissage droite et/ou gauche, baisse du débit cardiaque), mais aussi par des signes cliniques (teint cireux surtout chez l’enfant, agitation, tachypnée, baisse de la température cutanée plus marquée aux extrémités, élévation de la température centrale, oligurie) ou biologiques (tendance à l’acidose métabolique, élévation de la lactatémie et de l’azotémie, baisse de la glycémie chez le nourrisson, baisse de la calcémie). La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 9 La radio pulmonaire peut être normale, ou mettre en évidence des signes de stase, ou d’OAP, un épanchement pleural, une augmentation du volume cardiaque. L’échographie peut permettre de préciser l’étiologie. L’échographie transthoracique n’est pas toujours performante. en phase postopératoire précoce par manque d’échogénicité ; ceci impose alors le recours à l’échotransoesophagienne qui permet d’étudier la fonction cardiaque et de diagnostiquer le plus souvent la cause. L’amélioration de la performance cardiaque est obtenue par des moyens qui diffèrent selon les mécanismes en cause : Mise en jeu du mécanisme Starling par rétablissement de la volémie par fraction de 100 à 200 ml chez l’adulte, de 25 à 50 ml chez l’enfant en testant la tolérance : amélioration de la PA, du débit sans élévation importante de la PA, du débit sans élévation importante de la POG ou de la PAPO. Diminution de la congestion pulmonaire par les diurétiques Amélioration de la contractilité par les inotropes positifs (dobutamine, adrénaline, isoprénaline) Amélioration de la contractilité et diminution de la postcharge par les inodilatateurs (dobutamine, isoprénaline, inhibiteurs de la phosphodiestérase III : milrinone, amrinone, enoximone) Traitement des troubles du rythme et de conduction Correction de l’acidose si pH < 7,20 Maintien de la ventilation assistée Ré-intervention si nécessaire La surveillance des paramètres hémodynamiques, biologiques, des signes cliniques, (réchauffement cutanée, reprise d’une diurèse) permet d’adapter la thérapeutique, les posologies des différentes drogues (inotropes, vasodilatateurs, diurétiques), et de juger de l’efficacité du traitement. 6.3.4 Choc cardiogénique En cas d’échec du traitement, le bas débit cardiocirculatoire va évoluer vers le choc cardiogénique (index cardiaque<2l/min/m2) avec acidose, souffrance des différents organes objectivé par l’ oligo-anurie, l’altération des facteurs de coagulation, la survenue d’un ictère, l’atteinte hépatique pouvant s’avérer irréversible . Dans certains cas une assistance circulatoire peut être envisagée. 6.3.5 Tamponnade Il s’agit d’un épanchement sanguin intrapéricardique qui par son volume et/ou par sa rapidité de constitution entraîne une compression du cœur, une gêne au remplissage diastolique pouvant aboutir s’il n’est pas correctement drainé à un désamorçage de la pompe cardiaque et à un arrêt cardiocirculatoire. Elle se traduit par une chute de la PAS à l’inspiration, qui remonte à l’expiration, un pouls alternant, et surtout par une augmentation importante de la PVC (18-25 mmHg) avec veines jugulaires turgescentes, souvent cyanose du visage, hépatomégalie, reflux hépatojugulaire, micro-voltage ECG, élargissement de la silhouette cardiaque. En cas de doute, car le diagnostic différentiel est parfois difficile entre tamponnade et insuffisance ventriculaire droite (IVD), le diagnostic de tamponnade est confirmé par échocardiographie au lit. Elle nécessite une réintervention d’urgence pour décompression et hémostase. La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 10 7. VENTILATION ASSISTEE 7.1. Son intérêt La prise en charge de plusieurs heures à plusieurs jours de la ventilation se justifie pour plusieurs raisons : la capacité vitale est souvent réduite du fait du volume du cœur, de la voie d’abord chirurgicale, de la douleur, de l’augmentation du travail respiratoire présent dans de nombreuses cardiopathies, et de l’élévation du volume d’eau pulmonaire extravasculaire après CEC, entraînant un risque d’hypoxie. L’emploi d’analgésiques et sédatifs qui sont nécessaires pour traiter la douleur et l’anxiété L’adjonction d’une pression positive de fin d’expiration (PEP) est parfois nécessaire pour diminuer le shunt intrapulmonaire, recruter des alvéoles non fonctionnelles (micro-atélectasies) et améliorer la SaO2, surtout lors de la survenue d’œdème pulmonaire d’origine cardiaque, plus rarement infectieux. Mais elle entraîne une baisse du retour veineux et de la précharge en fonction de son niveau et en conséquence une baisse du débit cardiaque qui devra être compensée par un remplissage vasculaire et parfois le recours aux inotropes. 7.2. La surveillance de la ventilation artificielle comporte : Au niveau du patient, contrôle d’une bonne tolérance à la ventilation assistée et de son efficacité (absence de cyanose, de sueur, synchronisation). gaz du sang artériel répétés surveillance de la SpO2 et de la PETCO2 auscultation pulmonaire pour diagnostiquer une intubation sélective, un encombrement, un épanchement pleural. Radiographie pulmonaire pour confirmer la position de la sonde endotrachéale, et détecter une atélectasie, un pneumothorax, un épanchement pleural, une pneumopathie. Les aspirations trachéales sont répétées toutes les 2 à 3 heures ou plus en cas d’encombrement. Elles doivent être douces, rapides, en contrôlant sur le moniteur leur effet sur la FC, la PA et surtout en cas d’HTAP, sur la PAP qui peut s’élever très rapidement et entraîner une défaillance droite aiguë. Alarmes et réglages du respirateur La ventilation assistée est maintenue si l’état du patient ou la gravité de la lésion opérée l’exige (cardiopathies valvulaires évoluées, cardiopathies congénitales complexes, bas débit cardiaque, trouble neurologique…) 7.3. Le sevrage La décision de sevrage n’est prise que lorsque l’état hémodynamique est stable, sans ou avec de faibles doses d’inotropes, l’image radiologique satisfaisante (absence d’atélectasie, d’œdème alvéolaire ou interstitiel, d’épanchement pleural important ou de pneumopathies) en l’absence de complications contre indiquant le sevrage de la ventilation assistée (bas débit cardiaque, coma, état septique grave). Les modalités employées sont fonction de l’état respiratoire et cardiaque : passage d’un mode contrôlé à un mode assisté jusqu’à une ventilation spontanée. Le patient doit être en position semi-assise. Les critères d’extubation sont : des constantes hémodynamiques satisfaisantes, un saignement presque nul, une radiographie pulmonaire correcte, des gaz du sang corrects en normothermie. 7.4. Les complications respiratoires Altération de la commande ventilatoire par surdosage en morphinique ou retard d’élimination La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 11 Pneumothorax qui devra, s’il est important, être drainé (surtout si la ventilation assistée doit être maintenue) Atélectasies favorisées par l’arrêt plus ou moins long de la ventilation pendant la CEC, un défaut d’humidification, un trouble de ventilation transitoire due à une mauvaise position de la sonde endotrachéale. Œdème aigu alvéolaire (OAP) ou stase pulmonaire le plus souvent par défaillance ventriculaire gauche ou cardiaque globale, avec POG ou PAPO élevée, rarement non hémodynamique (OAP lésionnel) avec PAPO<15-16 mmHg. Épanchement pleural Dysfonction diaphragmatique par paralysie ou parésie des nerfs phréniques d’origine traumatique ou par réfrigération du nerf (cardioplégie, glace pilée sur le cœur). Pneumopathies, rares dans les premières 48 heures, pour lesquelles la recherche du germe en cause est faite très rapidement par prélèvement trachéal ou lavage broncho-alvéolaire 8. LES DRAINS Le plus souvent sont mis en place : Deux drains médiastinaux, 1 antérieur (rétrosternal), 1 postérieur (rétropéricardique) pour le drainage du sang péricardique et médiastinal, le péricarde étant souvent laissé ouvert. Éventuellement des drains pleuraux pour assurer le drainage des épanchements pleuraux ou d’un pneumothorax et en cas de brèche ou d’ouverture délibérée de la plèvre, des épanchement péricardiques séreux ou hématiques. Leur fonctionnement est régulièrement contrôlé, les pertes notées toutes les heures, voire toutes les 30 min en postopératoire immédiat, en cas de pertes sanguines importantes. Le risque hémorragique est dû dans les premières heures postopératoires soit à un défaut d’hémostase chirurgicale, soit à la persistance d’un trouble biologique lié à la CEC (héparinisation peropératoire mal neutralisée, thrombopénie, diminution du taux de fibrinogène) ou plus tardivement à une héparinisation excessive en cas de remplacement valvulaire. L’obstruction des drains par des caillots peut entraîner une sous-évaluation des pertes sanguines et surtout un hémopéricarde compressif (tamponnade) qui peut provoquer un arrêt circulatoire par désamorçage de la pompe cardiaque. Ceci doit être évité en « trayant » régulièrement les drains. Des pertes sanguines anormales par les drains imposent un contrôle des tests d’hémostase et en cas d’anomalies, leur correction immédiate notamment par neutralisation de l’héparine résiduelle,et le recours aux antifibrinolytiques,au plasma frais congelé,et au concentré de plaquettes. Si leur volume excède 300 ml/heure chez l’adulte pendant plus de 3h consécutives, une réintervention pour hémostase doit être rapidement réalisée. 9. SURVEILLANCE NEUROLOGIQUE Le réveil survient rarement avant la 1ème heure postopératoire, en raison du maintien de l’anesthésie jusqu’à la fin de l’intervention afin d’éviter les frissons et les poussées hypertensives postopératoires. L’état neurologique est contrôlé après l’élimination des drogues anesthésiques : - état de conscience - motricité - la douleur doit être prévenue (EVA, PCA morphine…) car elle augmente l’anxiété, entraîne une décharge de catécholamines avec comme conséquence une tachycardie, des poussées hypertensives, une élévation du travail cardiaque. La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 12 Les complications neurologiques que l’on peut observer résultent : Des problèmes spécifiques liés à la CEC : - embolie gazeuse par défaut de « débullage » des cavités cardiaques après le déclampage, se traduisant le plus souvent par des crises convulsives, des déficits moteurs, un coma. Elle doit être traitée le plus rapidement possible par Aspégic 250 mg IV et par un traitement anticonvulsivant (Urbanyl, Valium, Rivotril, Nesdonal, Dilantin) et l’oxygénothérapie hyperbare si possible. - embolie fibrino-cruorique surtout après chirurgie valvulaire mitrale ou mitro-aortique, chez les patients opérés à un stade de défaillance cardiaque avancée - embolie calcaire après chirurgie cardiaque avec clampage aortique chez le sujet âgé (aorte athéromateuse calcifiée ++) - hémorragie cérébrale (rare) De la technique anesthésique - réveil retardé par surdosage anesthésique ou altération des fonctions de détoxification, insuffisance rénale ou hépatique pré opératoire Des problèmes liés à la survenue d’une hypotension prolongée (bas débit cardiaque, tamponnade…) ou d’un arrêt circulatoire avec délai de récupération d’une activité cardiaque efficace. 10. SURVEILLANCE RENALE 10.1 Contrôle de la diurèse : sonde vésicale 48 H ou plus (le plus souvent tant que la PCA de Morphine est en cours) Volume horaire : c’est un bon reflet de l’état hémodynamique (<1ml/kg/h). Il peut être augmenté dans les premières heures postopératoires, après CEC en hémodilution, avec perte de K+ qui doit être compensée en raison du risque d’arythmies par hypokaliémie. Hématurie liée à une hémolyse (rare) ou un sondage difficile. 10.2 Complications rénales Oligoanurie le plus souvent par bas débit cardiaque, choc cardiogénique, parfois d’origine toxique (ciclosporine A, aminoside) ou infectieuse (choc septique), dont le traitement sera fonction de la cause : inotropes, diurétiques, apport hydrosodé adapté, arrêt des drogues dont la toxicité est mise en cause, parfois, hémodialyse discontinue ou continue, artérioveineuse ou veinoveineuse, dialyse péritonéale (nourrisson, petit enfant), hémofiltration. 11. LA TEMPERATURE Température continue rectale ou vésicale ou discontinue pour surveiller le réchauffement et détecter l’apparition d’une hyperthermie. Température cutanée, mesurée au niveau du gros orteil ou de la voûte plantaire par des capteurs spéciaux pour surveiller le réchauffement dès les premières heures postopératoires et après la phase de réveil, la survenue d’hypothermie par mauvaise perfusion périphérique (intérêt dans le diagnostic du bas débit cardiocirculatoire chez l’enfant et le nourrisson) : normalement supérieure à 32-33°, sa baisse au dessous de 29-30° évoque un bas débit (intérêt de la surveillance du gradient entre température centrale et cutanée) La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 13 12. SURVEILLANCE DIGESTIVE La sonde naso-gastrique est laissée en place pendant la durée de la ventilation assistée et environ 2h après l’extubation. Le volume aspiré est noté toutes les 24h. L’apparition de liquide hémorragique traduit souvent une souffrance ischémique de l’estomac : hypoperfusion pendant la CEC, bas débit prolongé. Complications digestives : après chirurgie cardiaque, il existe un risque de: dilatation gastro-duodénale ulcère de stress (rare avec l’amélioration de la technique de CEC et la prévention systématique par Ulcar, Ranitidine ou IPP)). colite ischémique et cholécystite syndrome de Mendelson (estomac plein dans un contexte d’urgence, hernie hiatale et obésité abdominale) En dehors de toute complication, la reprise des boissons est rapide ainsi que la reprise alimentaire. Une alimentation entérale par sonde (SNG) est instaurée dès que possible en cas de nécessité de maintenir la ventilation assistée 13. PREVENTION DE L’INFECTION Les complications infectieuses sont liées à la chirurgie et aux nombreuses portes d’entrées Les principales complications sont urinaires, médiastinales et pulmonaires. Respect des règles d’hygiènes : Lavage des mains +++ Réfection des pansements Soins de sondes Isolement si portage de BMR Une antibiothérapie prophylactique est instaurée systématiquement pendant l’intervention (Cefazoline) +/Gentamicine si cyturtest positif en pré-opératoire. 14. PROBLEMES SPECIFIQUES 14.1. A la chirurgie coronaire : L’équilibre entre apport et consommation d’oxygène myocardique déjà compromis doit être préservé, et les paramètres surveillés doivent : - informer sur toute modification hémodynamique et électrique pouvant entraîner un déséquilibre entre apport et consommation d’oxygène du myocarde et provoquer une souffrance ischémique ainsi qu’une dysfonction ventriculaire gauche - permettre de détecter rapidement la survenue d’une ischémie, d’un infarctus du myocarde : ECG avec dérivation V5 en continu avec enregistrement 12 dérivations 2 à 4 h après retour du bloc opératoire et quotidien : FC, rythme, présence d’ESV, signes d’ischémie, d’ischémie-lésion (inversion de T, décalage de ST), de nécrose (onde Q large et profonde). PA S.D.M surveillée très attentivement dans les premières heures postopératoires pour détecter et traiter immédiatement la survenue de poussées hypertensives, facteurs d’augmentation de la consommation d’oxygène du myocarde. Dosages biologiques (Troponine) à la 6ème heure postopératoire et quotidiennement pendant 48h Surveillance clinique pour rechercher l’apparition d’une douleur précordiale. Maintien de l’analgésie dès la première heure postopératoire afin de diminuer la douleur et l’anxiété du réveil, et réchauffement correct pour éviter le frisson, ces différents facteurs majorant la consommation d’oxygène du myocarde. La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 14 Surveillance des traitements spécifiques : dérivés nitrés, bêta-bloqueurs, calcium bloqueurs. 14.2. A la transplantation cardiaque En fin d’intervention les problèmes sont essentiellement dus aux modifications des réponses cardiovasculaires du cœur dénervé, notamment à la perte de l’adaptation de la fréquence cardiaque par le baroréflexe. La période postopératoire est dominée : par le contrôle du traitement immunosuppresseur, la surveillance de son retentissement sur les fonctions rénale et hépatique, le diagnostic rapide et le traitement immédiat de tout épisode de rejet se traduisant par des signes cliniques (hyperthermie, oligurie), hémodynamiques (hypertension veineuse, hypotension artérielle) confirmé par l’échocardiographie et la biopsie myocardique transjugulaire. par la prévention du risque infectieux (asepsie rigoureuse, sevrage de la ventilation assistée le plus rapide possible) par le dépistage des infections, grâce à des examens bactériologiques, virologiques, fungiques répétés, une surveillance rigoureuse de la température, de la NF sanguine permettant un traitement adapté précoce. 14.3. A la chirurgie cardiaque du nouveau-né et du nourrisson Sur le plan cardio-vasculaire, le cœur fonctionne au maximum de ses possibilités et ne peut accroître notablement son débit. Par ailleurs, le nourrisson est très « sensible » à des variations de volémie très faibles (20 à 30 ml) d’où l’importance de la surveillance clinique (distension ou dépression de la fontanelle, hépatomégalie) et hémodynamique (PA, POD ou PVC) témoignant du degré de remplissage vasculaire. La survenue d’un BAVC est très mal tolérée sur le plan hémodynamique et impose un traitement immédiat par entraînement électrosystolique. Les interventions pour cure de cardiopathies congénitales avec shunt gauche-droit peuvent s’accompagner dans les suites opératoires, de poussées d’HTAP brutales lors d’aspiration endotrachéale, ou de crise d’agitation avec risque de défaillance droite aiguë pouvant aboutir à un arrêt cardiaque. Sur le plan respiratoire, l’emploi d’une intubation nasotrachéale est la règle car plus sûre. Il existe un risque d’obstruction, car il s’agit souvent de nourrissons présentant des bronchites à répétition avec risque d’encombrement de la sonde endotrachéale par bouchon muqueux prévenu par une humidification correcte. Compte tenu de la taille, le risque d’intubation sélective n’est pas négligeable. A l’extubation, le risque d’œdème laryngé est plus important que chez l’adulte et pourrait être prévenu par l’emploi de prednisolone. Sur le plan métabolique, les réserves glucidiques sont faibles : il existe un risque d’hypoglycémie majoré par la présence d’un bas débit cardiaque avec un retentissement neurologique potentiel grave imposant une surveillance régulière de la glycémie (bandelette dextro). Sur le plan thermique : la thermorégulation est encore immature chez le nouveau-né qui est très sensible à la température environnante. Les températures cutanées et rectales sont mesurées en continu ou toutes les trente minutes. Par ailleurs la température cutanée est, chez le nourrisson et l’enfant un très bon reflet de la perfusion périphérique et du débit. Son abaissement permet de suspecter un bas débit cardiaque, de suivre son évolution et d’évaluer l’efficacité du traitement. La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 15 CONCLUSION La surveillance post opératoire en chirurgie cardiaque repose sur: Un monitorage hémodynamique et biologique lourd. La détection précoce des évènements. La surveillance postopératoire est courte le plus souvent mais intensive. Elle comporte une surveillance clinique, électrocardiographique, hémodynamique, biologique, radiologique et de plus en plus fréquemment échocardiographique. Les différents paramètres sont surveillés : en continu : ECG sur écrans scopiques, PAS. D. M., PVC ou POD toutes les heures : examen clinique, constantes de ventilation POG ou PCPB, diurèse de façon séquentielle : ionogramme, gaz du sang, tests d’hémostase, bilan bactériologique, radiographie thoracique, éventuellement examens explorant les fonctions cérébrales, rénales et hépatiques. Son but est de maintenir une fonction cardiovasculaire correcte chez un patient devant s’adapter à un nouvel état hémodynamique en détectant et en traitant, avant la survenue d’une complication avérée, toute altération d’un ou de plusieurs de ces paramètres par rapport aux normes fixées pour ce patient. Une conduite thérapeutique adaptée n’est possible que si ces paramètres sont interprètés les uns par rapport aux autres, pour aboutir à un « arbre décisionnel ». La connaissance des différents facteurs de performance cardiaque et leurs interactions est nécessaire à l’interprétation. La surveillance après chirurgie cardiaque est très standardisée, mais il existe des problèmes spécifiques à certains types de chirurgie (pontage aortocoronaire, transplantation cardiaque, assistance circulatoire…) et à certains patients : nourrisson, nouveau-né subissant une cure de cardiopathie congénitale. Une transmission complète et détaillée des informations entre les différentes équipes de soins est essentielle à la qualité de la surveillance (transmissions orales et écrites) Pour en savoir plus Lehot JJ, Arvieux CC, Bonnefoy E, Courtial B. Les affections circulatoires (pp. 31-64). In : Infirmier(e) en réanimation, soins intensifs et soins continus : Comprendre pour mieux soigner. CC Arvieux et JJ Lehot ed. ESKA, Paris, 2001 Lehot JJ, Bastien O. Chirurgie cardiaque : anesthésie et réanimation (pp. 393-411). In : Anesthésie Réanimation chirurgicale. K Samii ed. Flammarion, Paris, 2003. La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 16 Annexe 1 Valeurs biologiques qui doivent faire attirer l’attention du médecin en réanimation Gaz du sang = lactate : pH < 7,30 ou >7,55 SaO2 < 90% Lactatémie > 5 mmol/l Ionogramme sanguin : Natrémie < 130 ou >150 mmol/l Kaliémie < 3,0 ou > 5,5 mmol/l Calcémie totale : valeur à interpréter en fonction de la protéinémie. Calcémie ionisée < 1,00 ou > 1,40 mmol/l Bicarbonate < 15 mmol/l ou > 35 mmol/l Glycémie < 4 mmol/l ou > 15 mmol/l Hématocrite < 25 % ou hémoglobinémie < 80 g/l Bilan de coagulation : Plaquettes < 50.109/l Troponine I > 12 µg/l La réanimation postopératoire en chirurgie cardiaque S. ESTANOVE, L CHEBANCE, P BLANC, JJ LEHOT - Mise à jour août 2004 17