L’histoire romaine regorge à l’inverse d’exemples – constamment rappelés – d’étrangers
accueilis à Rome et directement intégrés dans la cité. Parmi ces personnages, il y a par
exemple Lucumon, le futur roi Tarquin l’Ancien : Lucumon, dit l’historien Tite-Live
, fils
d’un Corinthien exilé pour raisons politiques à Tarquinia en Étrurie
, et mariée à une
Étrusque, choisit de s’installer à Rome précisément parce que cette cité était accueillante
aux étrangers et il y réussit si bien qu’il en devint le roi. Il y a également Attius Clausus,
connu ensuite par les Romains sous le nom d’Appius Claudius, venu de Sabine pour
s’installer à Rome au tout début du Vè s. av. J.-C. : Tite-Live rapporte que la République
qui venait de naître lui donna à lui et à ses nombreux clients (c’est-à-dire ceux qui
dépendaient de lui) « la citoyenneté et des terres sur la rive droite de l’Anio »
; cela
implique un très important apport de population
. Appius lui-même fut peu après
admis au sénat et sa gens (sa lignée) donna à Rome nombre de personnages de premier
plan, dont l’empereur Claude. Selon Cicéron, il ne s’agit pas là de cas isolés mais d’un
choix politique assumé : c’est ce qu’il affirme dans le discours qu’il prononce en faveur
de Balbus, un Espagnol de Gadès accusé par ses adversaires d’avoir accédé à la citoyen-
neté à la suite d’un passe-droit. Cicéron conclut sa démonstration par une formule
célèbre qui fait de Romulus, pourrait-on dire, un anti-Lycurgue : « Romulus, le premier
de nos rois, le créateur de notre ville, nous a enseigné par le traité avec les Sabins que
nous devions accroître notre État en y accueillant même des ennemis. Forts de cette
garantie et de ce précédent, nos ancêtres n’ont cessé d’accorder et de distribuer le droit
de cité. Ainsi dans le Latium beaucoup d’habitants de Tusculum et de Lanuvium, et dans
d’autres régions, des peuples entiers, tels que les Sabins, les Volsques, les Herniques ont
reçu de nous le droit de cité »
. C’est par cette tradition ancestrale que plus tard
l’empereur Claude, dans le discours qui nous a été en partie conservé par les Tables
Claudiennes de Lyon, justifie sa volonté de faire entrer des Gaulois au sénat. Dans la
version que l’historien Tacite donne de ce discours et dont nous savons qu’elle est fidèle
à l’original, l’historien fait ainsi déclarer au Prince : « Quelle autre cause y a-t-il eu à la
Tite-Live, Histoire romaine, 1, 34.
C’est la région que nous nommons aujourd’hui la Toscane.
Tite-Live, Histoire romaine, 2, 16.
Denys d’Halicarnasse, un historien grec contemporain de Tite-Live, donne même le chiffre de 5000
hommes en âge de porter les armes pour les clients d’Appius (Antiquités romaines, 5, 40).
Cicéron, Pour Balbus, 31. Le discours date de 56 av. J.-C.