- Dimension objective : La Cour constitutionnelle considère que les droits
fondamentaux constituent un système de valeurs trouvant son fondement dans la
personnalité librement épanouie des individus au sein de la communauté sociale.
Ce système connaît aujourd’hui des difficultés, car il faut donner un contenu à ces
valeurs fondatrices, et il faut maintenir la cohérence du tout.
L’individu a une sphère privée de droits et libertés, et a le pouvoir d’agir dans cette
sphère sans aucune ingérence politique ou publique. C’est donc une conception négative de
l’Etat (obligation d’abstention pour la puissance publique). Mais de plus, l’Etat a obligation
de concrétiser les droits fondamentaux afin de leur assurer efficacité et effectivité. Il n’y a
aucun droit-créance dans cette conception ; le système repose en effet sur la garantie directe
des droits fondamentaux. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de dimension sociale, mais elle
est objectivisée.
Une telle conception des droits fondamentaux exige des mécanismes de protection et
de garantie efficaces. L’originalité du mode de protection de ces droits est qu’il repose à la
fois sur le contrôle du législateur et sur un recours constitutionnel individuel. Cela permet une
surveillance des pouvoirs législatif et juridictionnel.
B) Le modèle français de libertés publiques et son évolution actuelle
Les droits et libertés individuelles, pour exister, doivent être concrétisés par une
législation ou une réglementation. Les libertés sont «publiques» car réglementées par les
pouvoirs publics ; elles ne s’appréhendent que par rapport à leur régime juridique. Le régime
des libertés publiques à la française, c’est le fait qu’il revienne au législateur de
déterminer leur statut, non seulement aux termes de la Constitution de 1958 (art. 34§3 : «La
loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l’exercice des libertés publiques.»), mais aussi de la DDHC, dont 8 articles (sur
17) incluent un renvoi à la loi. C’est l’expression du légicentrisme français. La grande
confiance accordée au législateur l’a conduit à voter de «grandes lois» en matière de droits et
libertés sous les III° et IV° Républiques, resurgis comme PFRLR sous la V°. En 1958, on se
situe dans le droit fil de la conception des libertés publiques avec l’article 34§3. En matière de
droits et libertés, c’était jusqu’en 1971 le juge administratif et le CE qui étaient compétents.
Mais avec sa décision du 16 juillet 1971, le Conseil Constitutionnel s’auto-
proclame gardien des droits et libertés. Pour la première fois, le CC censure une loi sur la
base d’un droit affirmé dans la Constitution (décision «Liberté d’association»). A partir de ce
moment, le CC va directement participer à la détermination des droits et libertés en contrôlant
la conformité des lois, non seulement formelle à la Constitution, mais aussi matérielle aux
droits et libertés. Ceux-ci ne plafonnent plus au niveau législatif, puisqu’il y a des normes
constitutionnelles en matière de droits et libertés. Si le législateur reste compétent, il devient
un organe subsidiaire, car il agit sous le contrôle du CC. Le modèle traditionnel qui existait
depuis la Révolution française est démantelé (on n’est plus dans un modèle de libertés
publiques car le législateur n’a plus entière liberté en matière de droits et libertés) avec cette
décision, même si l’on n’arrive pas pour autant au modèle allemand où les droits et
libertés ont d’emblée un statut constitutionnel et où existe un recours constitutionnel. La
France n’est donc pas un modèle de droits fondamentaux, puisque aucun citoyen ne peut saisir
le CC ou un tribunal sur la base d’un droit ou d’une liberté. Le modèle des libertés publiques
est donc en pleine transition, avec la constitutionnalisation des droits et libertés, premier
critère du modèle de droits fondamentaux.