l`anorexie mentale

publicité
MODULE PSY III
TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES
L’ANOREXIE MENTALE
Dr AFTISSE.
18 septembre 2006.
I) GENERALITES.



« Le délire hypocondriaque ne saurait être avantageusement combattu temps que les sujets
restent au milieu de leur famille et de leur entourage familial [...] Il est indispensable de
modifier l'habitation et l'entourage, de confier les malades à des mains étrangères [...] Si le
refus persiste malgré toutes les instances, il faut employer l'intimidation et même la force »
L. V MARCE.
L'article de L.V : premier article en français concernant la prise en charge de l'anorexie.
À la même époque, Charcot et lui-même en accord avec cet article.
II) DEFINITION.

Triade classique :
o restriction massive de l'apport alimentaire.
o Amaigrissement.
o Aménorrhée.
A)



Restriction massive de l'apport alimentaire.
Obsession +++ de perdre du poids.
Déni de la maigreur (même si cachexie).
Autres caractéristiques psycho comportementales :
o conviction irrationnelle à propos des aliments.
o Dissimulation d'aliments, refus de manger en groupe.
o Tri alimentaire, mastications interminables.
o Attrait pour la préparation des repas, les recettes de cuisine.
o Ascétisme (discipline de vie, un ensemble d'exercices physiques et moraux pratiqués
en vue d'un perfectionnement spirituel. On le retrouve à des degrés divers dans
toutes les religions par l'intermédiaire de pratiques telles que le jeûne, l'abstinence
sexuelle, l'auto-éducation, les retraites, la renonciation aux biens matériels…).
B) Amaigrissement, aménorrhée.











C)



1) Signes physiques de dénutrition :
indice de Quetelet (ou BMI ou IMC) : poids/ (taille)² < 18 ou pertes de poids de 15 % par
rapport au poids de base.
Signes trophiques : cheveux secs, ongles cassant, acrocyanose, lanugo, atrophie musculaire
générale, rétraction tendineuse, troubles digestifs (hypotonicité de musculature digestive,
troubles d'absorption).
Mis au repos des fonctions physiologiques (bradycardie, hypothermie, hypotension
artérielle).
2) Signes biologiques de dénutrition :
leucopénie, anémie ferriprive.
Hypercholestérolémie (car sécrétions de cortisone d'où augmentation du cholestérol), basse
T3, hypo oestrogénie.
Hypokaliémie, hypochlorémie en cas de vomissements.
Hypoglycémie (rare).
Ostéoporose secondaire à l'hypo oestrogénie (examens par densitométrie osseuse à répéter
une fois par an + bilan phosphocalcique).
Blocage des règles.
ECG indispensable dans le bilan (+++ début de renutrition) :
o bradycardie.
o Arythmie.
o Troubles de conduction.
Avec la dénutrition, risque d'épanchement péricardique ou de fuite valvulaire, d'où nécessité
d'une échographie cardiaque.
Manifestations associées.
Dépression, anxiété, passage à l'acte, traits obsessionnels et toc.
Accès boulimique.
Actes compensatoires visant un contrôle du poids :
o vomissements provoqués.
o Hyper activité physique.
o Prise de laxatifs, diurétique, coupe-faim, amphétamines.
D) Complément diagnostic.
 Type anorexie mentale :
o restrictive.
o Avec boulimie et vomissement ou prise de laxatifs.
 Gravité de la maigreur :
o grave (BMI ≤ 13).
o Sévère (13 < BMI < 15).
o Modérée (BMI ≥ 15).
 Durée d'évolution :
o + 3 ans = chronique.
 +/- rémission :
o Partielle/totale.
o Précoce/prolongée (selon que < ou ≥ 12 mois).
III) EPIDEMIOLOGIE.






Fréquence en augmentation depuis 50 ans chez les filles et garçon pré pubert.
Âge de début : 85 % entre 13 et 20 ans.
1 % des adolescentes, 10 à 20 fois moins chez les garçons.
Prévalence vie entière : 0,5 % de la population féminine.
Syndrome incomplet : 5 % des filles.
Fréquence plus élevée dans les pays industrialisés et dans certaines professions
(mannequins, danseuses de ballet).
IV) EVOLUTION.




Certaines formes vers la chronicité.
Facteurs de bons pronostics :
o début précoce.
o Sensation de faim exprimée.
o Entourage familial adapté.
Facteurs de mauvais pronostic :
o troubles psychopathologiques dans l'enfance.
o Comportements associés (accès boulimique, prise de laxatifs, diurétique, coupefaim).
o Symptomatologie psychiatrique associée.
Étude du devenir des anorexiques (recul = environ 10 ans) :
o décès 7 %.
o Normalisation du poids : 80 %.
o Conduites alimentaires normales : 80 %.
o Retour des menstruations : 70 %.
o État physique satisfaisant : 50 %.
o Mariage : 60 %.
o Enfant : 69 % dans les années suivants la normalisation du poids.
o Grossesse : 36 %.
Dissociation entre bonne insertion sociale et difficultés dans la vie intime.
V) GROSSESSE.
A)



Il faut distinguer :
les rares cas d'anorexie mentale survenant pendant ou au décours d'une grossesse.
Les cas peu fréquents de grossesse par induction de l'ovulation.
Les cas habituels de grossesse après rémission de l'anorexie mentale.
B)






Étude de Brinch & Coll.
Étude rétrospective sur 140 femmes.
Suivi moyen = 12,5 ans.
50 sont devenus mères (86 enfants).
Impact favorable sur l'anorexie mentale dans 72 % des cas.
Nausées et vomissements : idem non anorexie mentale.
Fréquence et durée d'allaitement : idem non anorexie mentale.
C)





Complications.
Retards de croissance intra-utérin.
Prématurité.
Faible poids à la naissance.
Score APGAR plus faible à la naissance.
Mortalité périnatale nettement plus élevée : fréquence double de la population générale
(même si rémission).
VI) TRAITEMENT.
A) Traitement principalement ambulatoire.
 Le recours à l'hospitalisation forcée par pression de l'entourage ou par internement de
longue durée et avec isolement du milieu familial se révèle :
o coûteux.
o Culpabilisant pour les familles.
o Peu conforme à l'éthique médicale.
o Globalement inefficace.
B)





Principes généraux du traitement.
Les soins sont coordonnés par une équipe psychiatrique (au CHRU : service d'addictologie).
Ils doivent être pensés sur le long terme.
Ils sont ambulatoires (des séjours hospitaliers sont parfois nécessaires mais de courte durée).
Ils sont compliqués par la tendance au déni de troubles de la patiente (troubles egosyntonique d'où des difficultés d'alliance thérapeutique).
Attention :
o les perturbations du bilan biologique sont tardives.
o Les fractures dues à l'ostéoporose (même sévère) sont rares.
o De manière générale, le jeûne est bien supporté pendant longtemps sur le plan
fonctionnel.
C) La prise en charge demande une coordination.
 Coordination et psychothérapie (+/- pharmacothérapie) dans le service d'addictologie.
 Alimentation entérale en collaboration avec le service de nutrition, et l'unité de nutrition
artificielle à domicile.
 Approche corporelle.
 Prévention et traitement de l'ostéopénie (carence oestrogénique.
 Collaboration avec le médecin traitant les services de santé universitaire.
D) L'hospitalisation est indiquée dans certains cas.
 Indications classiques :
o malnutrition sévère.
o Échec du traitement ambulatoire.
o Complications médicales (déshydratation, troubles hydroélétrolytique, troubles du
rythme cardiaque...).
o Complications / comorbidités psychiatrique.
o Inadaptation du milieu familial.
o Hospitalisation courte pour mettre en place le suivi et faire un bilan initial.
VII) SCHEMA THERAPEUTIQUE.
A) Première phase.
 La première phase du traitement est toujours caractérisée par la recherche concomitante
d'une alliance thérapeutique avec la patience et sa famille (consultation).
 HPDD (hospitalisation programmée à durée déterminée) initiale.
 Mis en route de la prise en charge ambulatoire.
 L'idée de base est de revoir la patiente.
B) Les soins portent sur trois dimensions du trouble.
 La gravité du trouble de la conduite alimentaire elle-même.
 L'importance de la souffrance psychique (prise en compte de la personnalité et des
comorbidités) et physique (dénutrition).
 La souffrance et les dysfonctionnements de l'entourage familial.
C) 6 axes de prise en charge.
 Somatique.
 Addictologie (simple, restrictive, purge...) +/- conduites addictives associée (alcool, tabac,
drogues...).
 Psychologie (dépression, angoisse, délire...).
 Motivation (conscience ou non de son trouble, adhésion aux soins).
 Qualité de l'entourage.
 Ressources (logement, argent, sécurité sociale, travail...).
D) Objectifs principaux.
 D'abord, lever progressivement et durablement l'inhibition portant sur la prise alimentaire
jusqu'au poids pour lequel il y a un retour des règles.
 Puis prévenir la rechute.




1) Objectif pondéral en fonction du stade des troubles.
En phase aiguë : stopper la chute de poids.
En rémission partielle avec BMI < 16 : faire augmenter le poids par palier, de plusieurs
semaines jusqu'à 16.
En rémission partielle avec BMI entre 16 et 18 : maintenir ce poids le plus longtemps
possible.
Attention :
o aux prises trop rapides de poids (risque de rechute +++).
o Aux « passages à l'acte thérapeutique » des soignants (nos propres désirs à vouloir
aller plus vite).










2) Traiter le trouble de la conduite alimentaire.
Médicaments : aucun n'a d'efficacité démontrée (plusieurs cas publiés d'amélioration sous
Olanzapine : neuroleptique).
Approche nutritionnelle systématique.
Thérapie psycho dynamique : parfois indiquée (en phase de rémission partielle).
Thérapie cognitive : restructuration cognitive toujours possible, même en phase aiguë.
Thérapie familiale : parfois indiquée.
Hospitalisation : pas de consensus sur l'efficacité sur le trouble lui-même.
3) Traiter la souffrance psychique.
La souffrance psychique provient de :
o effort permanent pour contrôler le poids.
o Toute prise de poids provoque une anxiété majeure.
o Sentiment de culpabilité vis-à-vis de l'entourage proche.
Intervention thérapeutique :
o éviter les exigences paradoxales telles que demander des « efforts » de manger plus
(risque d'épuisement), pose d'une sonde gastrique.
o Aider la patiente à contrôler son poids (éviter les hausses et baisses excessives) par
objectifs de prise de poids en palier.
o Guidance de l'entourage familial dans le soutien à la patiente.
o Prescription d'anxiolytiques d'action rapide avant les repas.
o Prescription d'antidépresseurs en cas de syndrome dépressif malgré la normalisation
du poids.
4) Traiter la souffrance physique.
La souffrance physique provient de la dénutrition puis de la renutrition si mal conduite.
Intervention thérapeutique :
o approche nutritionnelle : encadrement de prise de poids par palier, correction de
l'équilibre alimentaire.
o Traitement symptomatique des carences (fer, potassium, phosphore, protéines), de
l'hypotension artérielle, des oedèmes, de la constipation.
o Réduction de l'activité physique.
o Traitement préventif/curatif de l'ostéoporose.
o Rééducation fonctionnelle (atrophie musculaire).



5) Soutenir et guider l'entourage familial.
Obstacles principaux :
o a priori négatif des soignants et de la société vis-à-vis des parents.
o Sentiment de culpabilité excessive des parents.
o Pression exercée par la gravité du pronostique (risque de décès) pour
o importance d'expliquer à la famille étiologie multifactorielle de l'anorexie mentale.
Objectifs :
o nouer une alliance thérapeutique de bonne qualité.
o Évaluer les aménagements familiaux (ce que la famille a mis en place pour aider la
patiente) dysfonctionnels.
o Aider la famille à modifier activement ces dysfonctionnements.
Quelles modalités d'intervention ?
o Entretiens réguliers avec la famille.
o Association de la famille aux décisions thérapeutiques les plus importantes
(hospitalisation, mise en place d'une alimentation entérale).
o Orientation vers des aides plus spécifiques (groupe de parents, thérapie familiale...).
E) En projet.
 Création d'une instance de concertation et/ou d'un dossier patient partagé entre les
différents partenaires du soin.
 Création d'une activité de repas encadré par un psychologue.
VIII)








ETIOLOGIE.
Probablement facteurs génétiques (facteurs de risque).
Soucis pendant la grossesse de la maman.
Enfant plus malade que les autres dans l'enfance.
Traits de perfectionnisme à caractère familial.
Personnalité :
o anorexie restrictive : évitement, anxiété, phobies sociales.
o Anorexie + boulimie : état limite, histrionique.
Familles :
o Anorexie restrictive : réprime, évite les conflits.
o Anorexie + boulimie : beaucoup trop de conflits, mais conflits stériles.
Stress :
o aiguë (rupture, séparation, deuil, violence, abus sexuels).
o Chronique (petite fille ronde avec beaucoup de problèmes à l'école).
Importance de l'image de l'apparence lors de l'adolescence.
Téléchargement