Informatique et partitions Depuis près d’un demi-siècle, des logiciels ont permis, d’abord aux éditeurs de musique, puis peu à peu au grand public, de pouvoir saisir des partitions autrement qu’à la main. Il fallait faire appel à un maître-graveur qui gravait à la main chaque page, l’une après l’autre, sur des plaques de métal, comme autant d’estampes. Ce procédé long, coûteux, influait évidemment sur le prix des partitions, qui étaient un objet de luxe — ou dans certains cas, un véritable objet d’art, pour peu que l’on tombe sur un excellent artisan. L’édition musicale : en pleine impasse Avec la révolution informatique, on aurait pu s’attendre à ce que le prix des partitions diminue, à ce que les éditeurs diversifient leurs catalogues, bref, à ce que la musique devienne véritablement accessible à tous. Pourtant, tel ne fut pas le cas. Pour une raison bien simple : pourquoi donc vendre moins cher, dans la mesure où les gens étaient habitués à payer une somme exorbitante ? La plupart des éditeurs de partitions, d’un commun accord, continuèrent donc à imprimer des partitions les plus chères possible, et ce d’autant plus aisément que certaines particularités bien arrangeantes de la définition juridique du Droit d’auteur leur garantissaient dans bien des cas un monopole inaltérable, même pour des compositeurs morts depuis des siècles. Cette situation présentait deux effets particulièrement néfastes. D’abord, la diffusion de la musique dite « contemporaine », c’est-a-dire écrite par des compositeurs d’aujourd’hui, aussi vivants que vous et moi, s’est vite retrouvée très marginalisée. Non seulement les œuvres contemporaines étaient de plus en plus rarement publiées, mais la plupart du temps elles l’étaient à un prix inabordable pour la plupart des musiciens et des élèves. Ensuite, la qualité même des partitions, et des logiciels d’édition, est restée très inférieure à ce que l’on pouvait trouver dans les partitions copiées à la main quelques décennies auparavant. Les notes n’étaient pas très bien dessinée, les ligatures ne s’accrochaient pas précisément aux hampes, les altérations étaient souvent placées trop loin, trop prés, les unes sur les autres.... Sans parler de cet aspect épouvantablement mécanique : les mesures faisaient toutes la même largeur, les notes étaient imperturbablement régulièrement espacées — bref : la partition avait cessé d’être un objet humain.