Projet d’érudition Les statines augmentent-elles le risque de démence? Par Taher Bennani R1 médecine familiale UMF Baie-des-Chaleurs Travail supervisé par : Dr Martin Potter Présenté dans le cadre de La Journée de l’Érudition et de la Recherche Université de Montréal 30 mai 2014 1 Introduction et mise en contexte Avec le vieillissement de la population, on s’attend à ce que les maladies cardiovasculaires deviennent de plus en plus prévalentes. Un des grands défis de la médecine du 21e siècle est de trouver des moyens toujours plus efficaces pour prévenir l’apparition de ces maladies hautement morbides et en contrôler les principaux facteurs de risque. Cependant, la balance entre les bienfaits et les effets secondaires des médicaments utilisés à visée préventive est parfois difficile à équilibrer. Les inhibiteurs de la 3-hydroxy-3-méthyl-coenzyme A (HMG-CoA) réductase, plus connus comme les statines (atorvastatine, la fluvastatine, la lovastatine, la pravastatine, la simvastatine) sont les médicaments les plus souvent prescrits pour le traitement des dyslipidémies. Avec les dernières lignes directrices (11), les statines seront de plus en plus prescrites. En effet, les changements dans lesdites lignes publiées en novembre 2013 par American College of Cardiolog/ American College of Cardiology (11) sont : Le traitement de tous les patients atteints de maladie cardiovasculaire athérosclérotique âgés de moins de 75 ans ainsi que les patients âgés de plus de 75 ans avec statine à haute dose. L’identification de quatre groupes qui sont candidats pour le traitement avec des statines à intensités différentes (faible, modérée et élevée) notamment les patients avec : · Maladie cardiovasculaire athérosclérotique · LDL-C ≥ 5 mmol/L · Les diabétiques, âgés de 40 à 75 ans, dont les LDL-C sont de 2 à 5 mmol/L et sans évidence de maladie cardiovasculaire athérosclérotique · Aucune preuve de maladie cardiovasculaire ou de diabète, mais dont les CLDL sont de 2 à 5 mmol/L et dont le risque de maladie cardiovasculaire selon l’échelle de Framingham est ≥ 7,5% 2 Ces changements augmenteraient par conséquent le nombre de patients admissibles à un traitement par statine à près de 13 millions de personnes aux États-Unis (12). Les statines sont bien tolérées et ont peu d'effets indésirables ; les plus communes étant les myopathies, les effets sur les enzymes du foie, de la diarrhée, et rarement la rhabdomyolyse. Cependant, une déclaration récente de la Food and Drug Administration a ajouté un effet secondaire potentiel à ceux déjà connus, soit une possible augmentation des troubles cognitifs(1). Cette décision a été basée sur 60 patients qui ont eu une perte de mémoire associée aux statines. Quatorze des 25 patients ont eu une amélioration de leurs fonctions cognitives lorsque la statine a été interrompue. Quatre ont eu une récurrence des troubles de mémoire à la reprise du traitement. Les statines impliquées étaient la simvastatine (36 patients), l'atorvastatine (23 patients), et la pravastatine (1 patient). Malgré cet avertissement concernant les troubles cognitifs, la relation entre les statines et les fonctions cognitives reste inconnue. En 2002, on estimait que 7,8% de la population canadienne, soit 2,4 millions de Canadiens, prenaient une statine (10). Si, par exemple, l'incidence de la déficience cognitive associée était seulement 0,1%, cela affecterait près de 2 500 personnes au Canada. Il est donc important de mieux comprendre ce risque de manière adéquate pour mieux évaluer la pertinence des statines pour chaque patient. Mon projet tente donc d’explorer la relation entre les statines et la fonction cognitive. Premier article : Use of statins and incidence of dementia and cognitive impairment without dementia in a cohort study Journal Type d’étude Lieu d’étude Durée d’étude Nombre de participants 3 : Neurology 2008 : Étude de cohorte prospective : Sacramento : 5 ans de 1998 à 2003 : 1674 Méthode Critères d’inclusion · 60 ans ou plus · Américains d’origine mexicaine Critères d’exclusion · Participants atteints de démence ou de trouble cognitif Un total de 1 789 participants a été recruté dans l'étude. Chaque participant a répondu aux questions sur le mode de vie, les symptômes dépressifs et certains diagnostics médicaux. Cent quinze participants sont atteints de démence ou de trouble cognitif, donc sont exclus de l'analyse des taux d'incidence. L'utilisation de statines, notamment la dose, la durée, la fréquence et la source, a été notée. Elle est par la suite mise à jour par un appel téléphonique semestriel et revue à chaque visite annuelle par le biais de l'inspection directe de tous les médicaments sur ordonnance. L'utilisation de statines a été définie comme l'utilisation d'un médicament de la classe des inhibiteurs de l'HMGCoA réductase, y compris l'atorvastatine, la cérivastatine, la fluvastatine, la lovastatine, la pravastatine, la rosuvastatine et la simvastatine. Mesure Les tests et les évaluations cognitifs sont réalisés annuellement. La démence a été diagnostiquée à l'aide du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux IV (DSM-IV) et d’autres méthodes d’évaluation cognitive. Les participants en dessous des valeurs admissibles spécifiées aux tests cognitifs ont ensuite été évalués cliniquement pour confirmer les diagnostics de démence ou de déficit cognitif sans démence. 4 Résultats Dans l'ensemble, 452 des 1 674 participants (27%) ont pris des statines à tout moment au cours de l'étude. Pendant la période de suivi de 5 ans, 130 participants ont développé une démence / Déficit Cognitif Sans Démence. Parmi les participants qui ont utilisé des statines, 58% (n = 263) les ont utilisés pendant deux ans ou plus par rapport à la durée de l'étude. Figure 1: Flow diagram of participants at baseline and at follow-up by statin use Adjusted Risk Ratio: 0.56, CI 95 % (0.36-0.87) Neurology journal, 2008 Conclusion 5 Cette étude conclut que les patients traités par statine sont moins susceptibles de développer une démence / Déficience Cognitive Sans Démence au cours d'un suivi de 5 ans. Ces résultats s'ajoutent aux preuves émergentes suggérant un effet protecteur des statines sur la fonction cognitive.Commentaires Points forts · Collecte prospective de données, y compris les données sur les médicaments constatés par les mises à jour des appels téléphoniques semestriels et l'inspection visuelle annuelle des médicaments · Prise en considération des covariantes (le statut de diabète, les antécédents d'AVC, l'éducation, la nativité, le tabagisme et autres) · Utilisation d’une grande variété de tests neuropsychologiques pour le diagnostic de démence ou / Déficit Cognitif Sans Démence Points faibles · Validité externe : étude limitée aux Américains d’origine mexicaine · Manque de puissance pour évaluer les effets des statines sur les étiologies de démence spécifiques (Alzheimer, démence vasculaire ischémique et autres) Deuxième article : Statins, risk of dementia, and cognitive function: secondary analysis of the Ginkgo Evaluation of Memory Study Journal Type d’étude Lieu d’étude : Journal of Stroke and Cerebrovascular Disease, 2012 : Étude de Cohorte prospective : Quatre centres médicaux universitaires (Universités de Pittsburgh, Californie-Davis, Wake Forest et Johns Hopkins), États-Unis Durée d’étude : 6 ans Nombre de participants : 3069 Méthode 6 Critères d’inclusion · 75 ans ou plus · Les participants doivent être en mesure de signer un consentement clair Critères d’exclusion · Les participants atteints de démence ou trouble cognitif ont été exclus Tous les participants ont subi un examen physique, neurologique, et neuropsychiatrique détaillé au début et à chaque 6 mois. Mesure Les tests et les évaluations cognitives sont réalisés chaque 6 mois. La démence a été diagnostiquée à l'aide de l’Examen de Mini-Mental State modifié (3MSE), de l'échelle d'évaluation de la démence clinique et de la sous-échelle cognitive de l'échelle d'évaluation AD (ADAS-Cog). Si les scores de 2 sur trois évaluations ont été inférieurs aux valeurs admissibles prédéfinies, ou lorsque la démence est soupçonnée par la famille ou par un médecin traitant, une batterie complète de tests neuropsychologiques de base est répétée, suivie d'un examen neurologique avec IRM cérébral. La classification du diagnostic final a été effectuée par un groupe d'experts. Résultats Pour les participants sans déficience cognitive légère (DCL) initialement, il y a quelques preuves sur la réduction du risque de démence toutes causes confondues chez les utilisateurs connus des statines. De même, il y a une réduction du risque de la maladie d’Alzheimer (MA) et de toutes les causes de démence chez les personnes pour qui l'utilisation des statines a été initiée au cours de l'étude. Il n'y a pas d'associations significatives entre l'utilisation des statines et la démence dans le groupe connu avec DCL. 7 Tableau 1: Résultats par type de démence Démence toutes causes N=523 MA N=353 HR (95% CI) HR (95% CI) N=2587 0.79 (0.65-0.96) 0.57 (0.39-0.85) Statines initiée au cours de l'étude N=1872 0.53 (0.37- 0.75) 0.46 (0.29-0.74) N= 482 0.88 (0.64--1.21) 0.70 (0.47-1.04) Statines initiée au cours de l'étude N= 346 0.73 (0.45-1.20) 0.64 (0.35-1.15) Pas DCL initialement MCI initialement Source : Journal of Stroke and Cerebrovascular Disease, 2012 Conclusion Les statines peuvent ralentir le taux de déclin cognitif et retarder l'apparition de la MA et de la démence de toutes les causes chez les personnes âgées non connues avec trouble cognitif, alors que les individus avec DCL peuvent ne pas bénéficier de la protection cognitive de ces agents. Commentaires Points forts Cette étude ajoute une nouvelle information à la littérature existante. Elle soulève en effet la question intrigante si les statines peuvent avoir un effet protecteur pour la fonction cognitive chez : les personnes âgées, Les sujets dont le traitement est commencé avant le développement de la déficience cognitive d’origine vasculaire ou neurodégénérative. 8 Points faibles · Utilisation limitée à trois tests neuropsychologiques pour l’évaluation de la fonction cognitive Données de cette étude tirées d’un essai clinique testant la capacité de Ginkgo biloba pour prévenir ou retarder le développement de la démence dans lequel l'utilisation des statines n'est pas l’exposition médicamenteuse principale Troisième article : Lipid lowering agents, cognitive decline, and dementia: the three-city study Journal Type d’étude Lieu d’étude Durée d’étude Nombre de participants : Journal of Alzheimer’s disease, 2012 : Étude de Cohorte prospective : Trois villes françaises : 7ans : 6 830 Méthode Critères d’inclusion · 65 ans ou plus Critères d’exclusion · Sujets significativement plus âgés · Niveaux d'éducation plus faibles · Santé physique et mentale détériorée · Scores cognitifs bas Le but de cette étude de cohorte prospective est d'évaluer les effets des hypolipémiants sur la fonction cognitive chez 6 830 personnes âgées vivant dans la communauté. La performance cognitive (fonctionnement cognitif global, mémoire visuelle, fluidité verbale, vitesse psychomotrice et fonction exécutive), le diagnostic clinique de la démence, l’utilisation de fibrate et/ou de statines, ont été évalués au départ à 2 ans, à 4 ans et à 7 ans du début de traitement. Mesure 9 Une procédure en trois étapes est utilisée pour diagnostiquer les cas de démence. Tout d'abord, le dépistage est fondé sur : · Un examen neuropsychologique approfondi par des psychologues qualifiés (utilisant des tests neurocognitifs y compris le MMSE) · Les données sur les activités de la vie quotidienne et la gravité des troubles cognitifs · L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la Tomodensitométrie (TDM) cérébrales en cas de besoin · Enfin, dans les trois centres, tous les cas probables de démence ont été analysés par un comité indépendant commun de neurologues selon les critères du DSM-IV. Résultats Au cours des 7 années de suivi, 483 participants ont été diagnostiqués avec une démence de toute cause dont 332 avaient la maladie d’Alzheimer. Pour les deux sexes, aucune association significative n'a été trouvée entre les statines (indépendamment de leur caractère lipophile) et l’incidence du déclin cognitif ou la démence. Tableau 2: Baseline lipid lowering agent use and 7-year incidence of dementiaa (Cox model with delayed entry) HRb [95%CI] Global p-value WOMEN (n=4272) All dementia Fibrate 1.08 [0.77–1.52] 0.51 Statin 1.20 [0.88–1.64] Alzheimer’s disease Fibrate 1.12 [0.75–1.66] 0.66 Statin 1.17 [0.80–1.70] MEN (n=2784) All dementia Fibrate 0.85 [0.53–1.36] 0.53 Statin 0.81 [0.53–1.23] Alzheimer’s disease Fibrate 1.04 [0.60–1.80] 0.94 Statin 1.09 [0.67–1.76 10 Source : Journal of Alzheimer’s disease, 2012 aThe median [Interquartile range] follow-up was 6.7 [3.8–7.2] years. This analysis was undertaken on 7056 subjects without missing data for baseline adjustment variables but with possibly missing repeated cognitive testing; 290 women and 193 men were diagnosed with incident dementia, of whom 206 women and 126 men had incident Alzheimer’s disease. The 110 women and 87 men with other types of dementia (of whom 21 men and 22 women with vascular dementia) were excluded from the analysis of Alzheimer’s disease. bAdjusted for age (time scale), centre, and education Commentaires Points forts Cette grande étude prospective a réussi à prendre en considération les covariantes dont le sexe, la vulnérabilité génétique et plusieurs facteurs concurrents associés au déclin cognitif. Points faibles Les patients perdus de vue et exclus de l’étude pourraient bien être parmi les patients qui ont eu un déclin cognitif ou de démence. L’exclusion des patients avec un âge avancé, un faible niveau d'éducation ou ayant une santé physique et mentale détériorée, peuvent entrainer une limitation de la généralisation des résultats. Donc, le problème est au niveau de la validité externe. L’observance du traitement n’a pas été prise en considération, d’où un biais de classification possible. Quatrième article : Randomized Trial of the Effects of Simvastatin on Cognitive Functioning in Hypercholesterolemic Adults Journal Type d’étude Lieu d’étude Durée d’étude Nombre de participants 11 : The American Journal Of Medicine, 2004 : Étude randomisée en double-insu : Allegheny County in southwestern Pennsylvania, États-Unis : 6 mois : 308 Méthode Critères d’inclusion · Être âgés entre 35 et 70 ans · Hypercholestérolémie légère à modérée, définie comme LDL entre 4 et 5.5 mmol/L Critères d’exclusion · Dyslipidémie secondaire · Hypertriglycéridémie sévère (taux de triglycérides à jeun> 9 mmol/L) · Maladie coronarienne, AVC, diabète, hypertension artérielle non traitée (pression sanguine diastolique> 95 mm Hg), cancer, troubles neuropsychiatriques (par exemple, la schizophrénie, la démence) · Utilisation actuelle d’un hypolipémiant, de médicaments psychotropes, de glucocorticoïdes, ou d’opiacés Un total de 308 participants a complété les procédures de dépistage. Après stratification selon la race (noire contre autres races), l'âge (≤ 50 vs > 50 ans) et le sexe, chaque participant a été assigné au hasard à un traitement quotidien avec le placebo, 10 mg de simvastatine, ou 40 mg de simvastatine. Deux cent quatre-vingt-trois participants randomisés (92%) ont terminé l'essai clinique. L’observance a été contrôlée par nombre de comprimés à chaque rendez-vous de suivi (semaines 8 et 16) et à la dernière visite (mois 6). Mesure Une large batterie de tests neuropsychologiques a été administrée incluant les tests sensitifs et non sensitifs à la statine, et les autres tests cognitifs comme Miroir Tracer et les tests de mémoire 4-Word à court terme, choisis en raison de leur sensibilité à de petites différences dans la performance cognitive chez les personnes à haut fonctionnement. Résultats 12 Une performance améliorée est perçue sur les mots récurrents et sur des tests Elithorn Mazes chez les sujets du groupe placebo, mais pas chez les sujets simvastatine. Sur les deux nouveaux tests, il y’a une diminution de performance chez les sujets simvastatine atteignant une signification statistique sur le test de la mémoire 4-Word (P = 0,05), mais pas sur le test de traçage Miroir (P = 0,09). Encore une fois, il y a eu une amélioration chez les sujets recevant le placebo mais pas chez les sujets recevant de la simvastatine. Tableau 3: Performance on Individual Tests of Cognitive Function at Baseline and after 6 Months of Treatment Test Placebo Group (n = 94) Baseline Simvastatin Group (n = 189) Post-Treatment Baseline PostTreatment Mean (95% Confidence Interval) Statin-sensitive tests Digit Vigilance (errors)† Recurrent Words (% correct) Elithorn Mazes (seconds)† Grooved Pegboard (seconds)† New tests 6.2(4.7–7.6) 80(76–83) 5.7(4.4–7.0) 83(80–86) 6.9(6.0–7.9) 84(82–86) 6.2(5.1–7.3) 85(83–86) 172(160–184) 144(133–155) 162(154–170) 160(152–168) 144(139–149) 144(138–150) 147(142–152) 150(145–154) 40(32–48) 20.8(19.1–22.4) 43(38–48) 41(35–46) 19.4(18.3–20.4) 20.0(18.9–21.1) Mirror Tracing (errors)† 48(40–56) 4-Word Memory (no. correct) 18.9(17.4–20.4) * †Higher scores indicate worse performance Source : The American Journal Of Medicine, 2004 Conclusion Cette étude montre des signes de détérioration mineure de la fonction cognitive mesurée par les tests neuropsychologiques. Cette détérioration n’est pas manifestée par une baisse absolue de la performance, mais plutôt par un manque d'amélioration entre les évaluations de base et de posttraitement. 13 Commentaires Points forts · Étude randomisée en double-insu · Utilisation des tests d’évaluation cognitive sensitifs pour statine Points faibles · Petit échantillon dans une durée d’étude courte · Liste de critères d’exclusion très longue éliminant les covariantes les plus importantes Cinquième article : Randomized controlled trial of atorvastatin in mild to moderate Alzheimer disease: LEADe Study Journal Type d’étude Lieu d’étude : Neurology 2010 : Étude internationale, multicentrique, en double aveugle, randomisée : Pays et 87 sites inscrits : États-Unis (39), Allemagne (9), Canada (9), Royaume-Uni (8), Australie (7), Espagne (7), Afrique du Sud (5), Suède (5), Autriche (4), Danemark (4) Durée d’étude : 72 semaines Nombre de participants : 640 Méthode Critères d’inclusion · Sujets connus avec la maladie de l’Alzheimer légère à modérée (MMSE score de 13-25) sous donépézil 10 mg par jour pendant au moins 3 mois avant le dépistage · LDL-C entre 2.5 et 5.0 mmol/L Critères d’exclusion · Sujets avec une condition médicale cliniquement significative ou instable · Personnes ayant une cause de démence autre que MA, le délire, la dépression, ou d'un autre diagnostic qui pourrait interférer avec leur participation à l'étude 14 Mesure · Mesures d’issue primaire : période de randomisation à chaque 3 mois jusqu’à 18 mois ; Alzheimer's Disease Assessment Scale-cognitive subscale (ADAS-cog 11-item, 70-point scale), the Alzheimer's Disease Cooperative Study Clinical Global Impression of Change (ADCS-CGIC) · Mesures d’issue secondaire : période de randomisation à chaque 6 mois jusqu’à 18 mois ; The Neuropsychiatric Inventory (NPI), Modified ADAS-cog (13-item, 85-point) scale, MMSE, Clinical Dementia Rating-Sum of Boxes (CDR-SB), Alzheimer's Disease Functional Assessment and Change Scale (ADFACS) Résultats Pendant la période visée du traitement de 72 semaines, il n’y avait pas de différences significatives entre le placebo et l’atorvastatine selon les mesures d’issue primaire ou secondaire. Figure 2: ADAS-cog and ADCS-CGIC results . 15 Source : Neurology Journal, 2010 Conclusion Pour le traitement de formes légères à modérées de la maladie d'Alzheimer, cette étude a montré que l'atorvastatine n'a pas été associée à un bénéfice clinique significatif sur 72 semaines. Commentaires 16 Points Forts Cette étude est considérée l’une des plus grandes et longues études randomisées testant à la fois l’efficacité et la sécurité des statines dans le traitement de la maladie Alzheimer. Il y a eu utilisation d’une grande variété de tests pour évaluer les changements cognitifs chez les participants au cours de l’étude. Points faibles Il aurait pu être intéressant de savoir si l'atorvastatine aurait pu bénéficier aux patients atteints de la MA avec une maladie cardiaque significative, cérébrovasculaire ou une maladie vasculaire périphérique. Discussion En 2012, la FDA a élaboré une mise en garde à l’effet que les statines puissent être associées à la perte de mémoire ou de confusion (1). Cette décision est basée sur l'analyse de 60 études de cas. Cependant, jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas de preuves suffisantes pour conclure avec certitude que les statines puissent causer ou contribuer à un déficit cognitif cliniquement significatif. En effet, les troubles cognitifs associés à l'utilisation de statines peuvent être expliqués par la théorie largement acceptée qui est basée sur la relation entre le cholestérol et la myéline (2). Le cerveau contient des concentrations élevées de cholestérol, contrairement à d'autres zones du corps. Le cholestérol dans le cerveau est produit par le processus de synthèse de novo du cholestérol, une composante clé de la myéline. Celui-ci est important dans la régulation de la myéline assurant la perméabilité de la membrane et de la fluidité. Le traitement par statine peut ainsi réduire la synthèse de novo du cholestérol, et interférer avec la formation et la fonction de la myéline (3). Les deux premières études analysées dans ce travail ont pu démontrer, D’une part que les patients traités par statine étaient moins susceptibles de développer une démence / Déficience Cognitive Sans Démence. 17 D’autre part, les statines peuvent retarder l'apparition de la MA et de la démence de toutes causes chez les personnes âgées non connues avec trouble cognitif (4,5). Dans les autres études analysées (6, 7, 8), les statines ont prouvé avoir un effet neutre ou légèrement positif sur la performance cognitive. Cela suggère donc qu’elles n'ont pas d'effet cliniquement significatif sur la cognition, surtout chez les sujets en fin de vie et chez les patients ayant DCL ou MA. En somme, la revue de la littérature m’a permis de constater que les données publiées ne prouvent pas que les statines ont un effet négatif sur la fonction cognitive. Finalement, une revue systématique récente publiée en 2013 (9) conclut que parmi les utilisateurs de statine : · Les preuves de faible qualité ne proposent aucune augmentation de l'incidence de la maladie d'Alzheimer ni de différence dans la performance cognitive. · Les preuves de qualité moyenne ne proposent aucune augmentation de l'incidence de la démence ou de déficience cognitive légère, ni de changement dans les performances cognitives liées aux scores globaux de performance cognitive, de fonction exécutive, de mémoire déclarative, de vitesse de traitement de l’information, ou de visuoperception. Conclusion Après lecture et analyse des cinq articles sélectionnés, le conflit de littérature concernant les statines et la fonction cognitive demeure toujours présent. De même, étant donné les nouvelles recommandations de dyslipidémie qui encouragent davantage la prescription des statines et le vieillissement de la population, je conclus que des études plus grandes et mieux conçues sont nécessaires pour aboutir à des résultats plus précis concernant l'effet des statines sur la cognition. Les avantages cardiovasculaires et les avantages cognitifs quoique minimes et douteux l’emportent sur le risque du trouble cognitif associé à l'utilisation des statines. Par conséquent, les données actuelles ne modifient pas ma pratique en ce qui concerne l'utilisation des statines. 18 Tableau récapitulatif des articles sélectionnés Articles Type d’étude 1 Cramer 2 Bettermann Étude de Cohorte prospective 3 Ancelin Patients Durée N=1674 5 ans N= 3069 6 ans N=6830 7 ans 6 mois 4 Muldoon Étude randomisée en double aveugle N=308 5 Feldman Étude internationale, multicentrique, en double aveugle, randomisé N= 640 Tests d’évaluation cognitive Résultats les patients traités par statine étaient moins 3MSE, SEVLT, susceptibles de SENAS, IQCODE développer une démence / déficience cognitive sans démence Les statines peuvent ralentir le taux de déclin cognitif et de retarder 3MSE, CDR, ADAS- l'apparition de la MA et co de la démence toutes causes chez les personnes âgées non connues avec trouble cognitive Aucune preuve que les statines données en fin de Neurocognitive tests vie réduisent le risque du dont déclin cognitif et de MMSE démence Digit Vigilance, Elithom Masez,recuring words,Grooved big board,Digit symbol, Détérioration mineure de stroop interference,Trail la fonction cognitive making B,Digit span,Mirror tracing,4wordshort-termMemory ADAS-cog 11-item, 70- il n’y a pas de différences 72 point scale, ADCSsignificatives entre semaines CGIC Placebo et Atorvastatine Liste des illustrations Figure 1 : Flow diagram of participants at baseline and at follow-up by statin use Figure 2 : ADAS-cog and ADCS-CGIC results, Neurology Journal 2010 Tableau 1 : Results by dementia type 19 p. 6 p. 18 p. 9 Tableau 2 : Baseline lipid lowering agent use and 7-year incidence of dementia p. 12 Tableau 3 : Performance on Individual Tests of Cognitive Function at Baseline and after 6 Months of Treatment p. 15 Tableau récapitulatif des articles sélectionnés p. 22 Références 1. 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