mis en colère) que l'expression de la colère d'un guerrier. Certes cette colère n'est pas
aussi universelle que celle étudiée par la philosophie quand elle définit les passions
(valables pour tout homme en général) mais elle échappe au défaut de l'histoire qui est
de s'attacher au particulier, aux détails et ne nous apprend rien : avec la poésie, on a
affaire à des types, des modèles, à de l'universel approchant.
Ainsi pour Aristote, « l'ami des mythes est en quelque sorte philosophe »
(Métaphysique, I, 2, 982 b). L'art nous met en chemin vers la science ou la connaissance
du vrai.
b) la catharsis :
Le fait de vivre en représentation certains évènements nous permet de ne pas
avoir à délibérer sur ce qu'il faut faire, nous pouvons simplement contempler. Ainsi, il y a
épuration des passions (catharsis) produite grâce à l'art : je peux, face au spectacle
tragique, appréhender ce qu'est le malheur sans le vivre (ou le vivre mais par
procuration, c'est-à-dire sans en subir personnellement les conséquences). Or lorsque je
vis réellement le malheur, il m'est difficile de le connaître. Ainsi, le coléreux qui voit le
spectacle de la colère peut alors se rendre compte qu'elle est hors de toute mesure
(hubris), ou bien qu'elle peut tel Ajax, le mener à sa perte, au déshonneur ; en contraire,
ce même coléreux en colère se laisse porter par sa passion.
Transition :
· Loin d'être, comme le pense Platon, ce qui nous détourne de la réalité, il est ce qui
nous permet de commencer à la connaître (= sorte de propédeutique).
· Cependant, il reste alors à comprendre pourquoi l'intelligence doit s'appuyer sur
l'art. Pourquoi avons-nous besoin, pour connaître quelque chose du réel, de la médiation
de l'art ? Ou, pour parler en termes hégéliens, pourquoi faut-il que l'esprit en passe par
son autre pour prendre conscience de ce qu'il est ?
3- L'ART COMBLE LES LACUNES DU CONCEPT
Bergson remarque que nous avons besoin de l'art parce que nous ne pouvons
tout voir. Nous avons une vision partielle du réel et l'art est justement là pour compenser
cette lacune. En effet, nous ne voyons des choses que ce que nous pouvons en faire ;
notre vision du réel est pratique.
a) L'art révèle « l'essentiel inaperçu »[1]
Les concepts nous éloignent de la réalité. Avec le penseur abstrait, comme le dit
Kierkegaard, « on n'aime pas, on ne croit pas, on agit pas, mais on sait ce qu'est
l'amour, on sait ce qu'est la foi... ». Ainsi, l'impressionnisme s'est donné pour tâche de
révéler ce que nous voyons de la réalité par-delà ce que nous en savons. Monet : « il est
faux que les objets aient une forme. Il n'y a pas la meule ou la cathédrale ou le peuplier ;
il y a la meule et la cathédrale à telle heure et sous tel éclairage ». Autrement dit,
l'artiste restitue notre rapport primitif, presque charnel et immédiat aux choses : il fait
état du réel avant que la réflexion et son outillage conceptuel, logique et pragmatique, ne
s'en empare[2]. Selon les maîtres mots de Husserl, fondateur de la phénoménologie, il