2. État de la question
2.0. Introduction
L’état de la question de la thèse peut se résumer en cinq thèmes : l’état de la
question sur la traductologie dialectale; un parcours sur les questions de traduction en
anthropologie, plus particulièrement l’ethnographie; une tentative assez exhaustive de
considérer l’Union européenne, à la fois dans les approches anthropologiques,
traductologiques et socio-économiques, tout en se limitant au possible à la sphère
nord-européenne; les dialectes finnois, essentiellement le finnois savonien, et tout ce qui
s’y rapporte; le Kalevala, épopée nationale des Finlandais, au centre des traductions
dialectales étudiées pour les fins de la recherche.
2.1. - Recherche sur le Kalevala
La recherche concernant le Kalevala lui-me est assez substantielle, s’étendant
sur une période de plus de 165 années
1
. On pourrait considérer l’intervention de
Jacob Grimm remontant à 1835, « Über das finnische epos », ainsi que les récentes
publications réunies et publiées en 2002, se concentrant sur la vie d’E. Lönnrot, marquant
le 200e anniversaire de sa naissance, comme deux extrémités d’un continuum. Entre ces
deux extrémités, l’épopée nationale finlandaise a fait l’objet de critiques de chercheurs
finlandais, immédiatement après sa publication; puis par des poètes (J. L. Runeberg), à
propos du contenu (C. A. Gottlund, 1840 et 1847; A. R. Niemi, 1898), à propos de
1
La bibliographie détaillée de ces œuvres se trouve dans Kalevalan mytologia de J. Pentikäinen (1989).
l’élément tragique dans le Kalevala (F. Cygnaeus, 1853). Au cours de la première moitié
du 20e siècle, la première étude approfondie de la poésie du Kalevala a été écrite par
Kaarle Krohn (1903); également au cours de cette période, sont apparues des œuvres
dédiées à la vie de E. Lönnrot (A. Anttila, 1931-1935), à l’intrigue, par exemple les
personnages (U. Harva, 1945) ou mythes (M. Haavio, 1941; M. Kuusi, 1949) centraux; à
propos de l’art inspiré par l’épopée (A. Annist, 1944). La recherche de cette époque
marquerait aussi une croissance de l’intérêt porté sur les aspects non poétiques de
l’épopée, par exemple la préface du livre (O. V. Kuusinen, 1949). La deuxième moitié du
20e siècle voit l’arrivée d’articles et d’ouvrages portant sur l’héritage du Kalevala,
puisque l’épopée est davantage considérée comme une œuvre littéraire que comme un
livre évoquant la vie des anciens Finnois. On note par exemple l’apparition de recherches
sur l’aspect culturel de la célébration de l’épopée finlandaise (E. Mäkelä-Heinriksson,
1959), sur l’art du Kalevala (H. Sihvo, 1973; M. Kuusi, 1980; W. A. Wilson, 1996), sur
les capacités poétiques de Lönnrot (L. Honko, 1984) et concernant sa pertinence en
Finlande et à l’étranger (H. Kortes-Herkkila, 1994). On remarque aussi, pour souligner le
150e anniversaire de publication du Vieux Kalevala, des recherches approfondies en
contexte interdisciplinaire, telles que la riche et détaillée Kalevalan mytologia
(J. Pentikäinen, 1985-1989), la multicouche Kalevala et traditions orales du monde
(M.-M. Fernandez-Vest, dir., 1985-1987) et Kalevala-lipas (M. Kuusi et P. Anttonen,
1985), nous permettant de voir l’épopée nationale finlandaise sous les angles de
l’ethnographie, de la musicologie et de la littérature. Dans les domaines de la poésie
orale, les études de T. DuBois (1993), L. Tarkka (1996) et M. Pöllä (1999) explorent les
divers processus de transformation à l’œuvre dans la création du Kalevala, transformation
initiée par E. Lönnrot ou amenée par la diffusion et migration de la poésie (M. Pöllä,
1999 : 302).
Enfin, des collectifs d’auteurs traitant du Kalevala et des épopées orales associées
ont été publiées en 2001 et en 2002, respectivement Dynamics of Tradition
Perspectives on Oral Poetry and Folk Belief, édité par Lotte Tarkka, et The Kalevala and
the World’s Traditional Epics, sous la direction d’un des chercheurs les plus reconnus, le
regretté Lauri Honko. Ce dernier collectif aborde notamment la performance du Kalevala
ainsi que les traditions épiques de la Baltique, de l’Europe occidentale, de l’Afrique et de
l’Asie.
2.2. Recherches sur la traduction du Kalevala
Les recherches sur la traduction de l’épopée finlandaise impliquent presque
toujours l’étude des traducteurs du Kalevala en tant que tel, et les traductions du Kalevala
ont été classées soigneusement par le Kalevalan Seura depuis sa toute première édition.
Quelques-unes de ces versions ont déjà été analysées et étudiées par l’entremise du
Kalevalan vuosikirja
2
, ces analyses se concentrant sur l’orthodoxie de l’équivalence en
vogue à l’époque de publication, souvent dans une optique orthonymique
3
ou strictement
descriptive du processus de traduction (Ilömaki, 1998). Toutefois, certains chercheurs ont
travaillé sur l’agenda nationaliste de la Finlande exprimée à travers le Kalevala (Mead,
2
Voici la liste des analyses des traductions du Kalevala dans plusieurs langues, en ordre chronologique :
hébreu, espagnol, roumain, islandais, norvégien, turc, anglais, chinois, espéranto, letton (selon Ilomäki,
1998, et Kalevalan Seura).
3
Ce terme provient d’A. Brisset (1997 : 51 et 56); nous l’utilisons pour faire référence à un processus de
traduction visant à « préserver l’intégrité de l’original ».
1962; Wilson, 1976), ce qui comprend le lien entre les traductions et le nationalisme
finlandais. Un bon point de départ pour l’étude des traductions du Kalevala est
l’importante bibliographie rédigée par R. Puranen (1985) également présente dans
M.M. Fernandez-Vest (1987, p. 267-274). Une intéressante recherche établissant le lien
entre le nationalisme d’un autre pays que la Finlande et la traduction du Kalevala est
l’article de A. Van der Hoeve, Kalevala in the Netherlands on the Eve of the Second
World War (1997); Van der Hoeven soulève des questions essentielles qui se retrouvent
également au cœur de notre recherche, au sujet de la « position de l’artiste [dans notre
cas : le traducteur], son rôle dans la société et sa relation avec le public ». Mais il faut
attendre que H. Ilomäki (1998) publie dans Folklore Fellows un appel à des recherches
approfondies afin d’obtenir une gamme satisfaisante de voies possibles d’explorer. Les
résultats du projet de traduction du Kalevala mis de l’avant pour le 150e anniversaire de
publication du Nouveau Kalevala en 1999 manquent encore à l’appel.
La théorie du polysystème a été mise au point par I. Even-Zohar, inspirée en
partie par le travail du formaliste russe Tynjanov, extrapolant à partir des concepts de
systèmes, de relations hiérarchiques et de « défamiliarisation », et du chercheur israélien
Toury
4
. Even-Zohar s’appuie sur cette théorie pour explorer les relations centre-et-
périphérie ainsi que les relations entre les forces socio-économiques et le système
littéraire d’une nation (E. Gentzer, 2001, p. 118-119), en supposant que la littérature
5
s’exprime en systèmes, selon certaines normes codifiées. Pour le présent sujet, dans ce
4
G. Toury a été un des premiers partisans de l’analyse descriptive des traductions et de la théorie du
texte-cible. Il a aussi établi une théorie sur les normes en traduction et, par l’entremise de ses recherches, a
souligné que les textes destinés à la traduction sont presque toujours « choisis pour des raisons
idéologiques » (E. Gentzer, 2001, p. 125)
5
Ici, le terme littérature fait référence à tout corpus important de production textuelle, orale ou écrite.
« système de systèmes » (d’où le terme « polysystème »), le système de traduction se met
à l’œuvre en périphérie mais pas nécessairement en marge. De plus, la position et la
fonction de ce qui est considéré comme une traduction dans une culture donnée sont
déterminées par la culture traduisante, ou la culture traduite, ou les deux (Toury, 1995,
p. 26). Il serait intéressant se savoir si les traductions de textes mythologiques possèdent
leurs propres codes et ensembles de règles qui influencent la résultante traductionnelle et
si on peut tisser un parallèle avec les traductions de la Bible au cours de la Réforme
(King James, Luther, Welsh) utilisées comme amorces d’éveil national. À ce titre, une
exploration plus poussée doit être effectuée au sujet de la notion de traduction comme
système, ou « matrice multilatérale », selon les termes emplos par T. Hermans (1999).
Comme Hermans, nous comprenons que la théorie du polysystème possède ses
« limites », toutefois, dans la mesure Even-Zohar a récemment développé une
attention particulière à l’aspect culturel, on ne saurait l’écarter totalement. De plus, les
questions de construction d’identité par la traduction ont récemment pris de l’ampleur en
traductologie, et nous considérons qu’une perspective anthropologique plus large doit
être appliquée au phénomène et aux questions centrales mentionnées ci-dessus.
2. 3. Recherches en traductologie
Il faut ici souligner une fois de plus l’importance accordée à l’approche
traductologique reconnaissant la traduction en tant qu’objet à part entière, autonome. En
suivant les traces d’auteurs déjà engagés dans cette voie, l’idée directrice est d’aborder la
1 / 19 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !