Croyances collectives et formation identitaire dans la pratique des groupes de musiques actuelles (le cas des groupes de « rock ») L’ouvrage de Damien Tassin consacré aux pratiques musicales rock rend compte de la complexité des dynamiques régissant les rapports au sein des groupes de musique, et de ces derniers vis-à-vis de leur environnement extérieur. L’auteur, analysant tout d’abord les sources d’inspiration en sciences sociales s’intéressant aux pratiques musicales dans leur contexte sociologique évoque le modèle théorique d’Emile Durkheim sur les croyances collectives dans la vie des sociétés, élaborant un système totémique : «Les cérémonies festives se détachent du quotidien et permettent aux participants de renouveler leur adhésion en la société qu’il déifient et symbolisent par un totem »p54. L’étude des systèmes totémiques, qui comme le note Antoine Hennion, est le plus grand dénominateur commun des travaux sociologiques, et a engendré chez ceuxci la préoccupation principale d’une recherche active, et de tradition marxiste, de déterminations sociales, « pour expliquer –ou rendre à leur illusion- les réalités subordonnées, apparentes ou superstructurelles comme l’art et les pratiques culturelles »AH p92. Selon Damien Tassin, « cette tradition sociologique élabore des causalités issues de la stratification sociale »p 54, et donna conséquemment lieu à des travaux démontrant une stratégie de distinction vis-à-vis des goûts musicaux. Anne Marie Green reprenant Bourdieu, dénote les limites de ces travaux, car « l’analyse de ces conduites musicales ne peut se limiter aux seuls critères de la distinction »p 55 ; pour Hennion également, indiquant que cette stratégie de distinction bourdieusienne « fait subir à la musique populaire un statut négatif et inversé, elle existe en tant que réalité sociologique mais à travers la musique cultivée car elle cherche a s’en démarquer. »p 55 Cette tendance sociologique (sociologie de la culture) semble en grande partie expliquer la rareté des études et analyses concernant la production musicale et leur créateurs, plus portés sur la perception esthétique des consommateurs et des publics, et donc leur pratique culturelle. Plus rare encore sont les travaux de la sociologie de l’art portant sur la musique populaire non traditionnelle, à l’instar de ceux consacrés à la « musique savante et sérieuse ». Les analyses sociologiques du phénomène rock Selon Tassin, la complexité du phénomène rock (et de même pour les musiques actuelles) est porté par sa dimension hétérogène : la population de ses praticiens y est très diversifiée, la pratique amateur regroupant des individus de tous les âges et de toutes les classes sociales. La majorité des travaux sociologiques américains et britanniques abordant le phénomène s’est d’abord inscrite dans la catégorie de la sociologie de la jeunesse et des comportements d’achat des jeunes. Ces travaux développant les thématiques du rock comme symbole de la contre culture et analysant sa consommation de masse peut trouver ses origines dans la thèse d’Adorno révélant que la société capitaliste « transforme les menaces de désordres en style de vie (et en produits commercialisables) afin de donner l’illusion d’échapper au système institutionnel. » p 59. Ces analyses se rejoignent toutes également quant au rôle de la jeunesse dans l’émergence du phénomène, l’appréhendant donc comme un phénomène de génération. Mais selon Damien Tassin, considérant que l’analyse du rock doit prendre ses distances avec l’étude d’un phénomène de masse menant a des analyses globalisantes, il n’est pas possible de réduire la pratique rock à une sociologie de la jeunesse. Les travaux issus de la sociologie du loisir, en revanche, inscrit la pratique musicale des adultes dans leurs analyses. Joffre Dumazedier définit le loisir à travers quatre propriétés fondamentales caractérisées par des besoins individuels : ses caractères libératoire, désintéressé, hédoniste et personnel, le loisir le plus complet étant « celui qui offre aux individus des activités d’expression de soi où l’individu est une fin, par opposition aux activités instrumentales ou l’individu est un moyen. » Selon cet auteur, le loisir est donc une « révolte contre la culture répressive » et une forme d’affirmation du droit a « l’épanouissement des tendances les plus profondes de l’être, qui sont réprimées dans l’exercice des obligations institutionnelles ». Cependant, comme le note Tassin, la sociologie des loisirs procède trop souvent à une dichotomie issue d’une vision trop libératrice du loisir et aliénante du travail, le loisir occupe également souvent un rôle instrumentale, et l’enquête que ce dernier à mené révèle des situations bien plus complexes. Les travaux sociologiques plus récents analysants les pratiques musicales nous apportent plusieurs éléments de réflexions, tel le travail d’enquête de François Dubet, cherchant à comprendre dans l’expérience de la galère l’éventuelle naissance d’un acteur social. L’auteur prend en compte la complexité de ce fait social, la positionne en tant qu’expérience sociale et interroge « les formes d’engagement des musiciens à travers le rapport qu’ils entretiennent avec cette pratique »p 66. A travers ses observations, Il remarque un rapport passionnel des jeunes avec la musique, l’incitant à focaliser son attention tant sur la musique que sur l’expérience sociale qui en est le support, sans pour autant les dissocier. Il affirme que « les principes de renversement de la « galère » ne sont pas liés au travail mais plutôt à des « espaces passion » qui peuvent conduire a une résistance privée »p 66, et met en avant la pratique musicale comme élément moteur de l’autodétermination du sujet. Poursuivant son raisonnement, la pratique musicale caractériserait donc également un refus global de classement et d’une position sociale déterminée. Cependant, il faut prendre en compte que les travaux d’enquête menée par l’équipe de François Dubet se sont construits spécifiquement autour des jeunes issus des classes populaires, et il est très probable qu’une étude analysant des jeunes issus de classe plus aisées fassent ressortir des logiques différentes. L’enquête de Jean Marie Séca réalisée à partir de groupes d’origines sociale plus large, s’appuie sur la théorie de l’influence sociale. Selon lui, le groupe de rock constitue une « situation minoritaire » avide de reconnaissance sociale. Il différencie selon les catégories socioprofessionnelles les formes de l’engagement, et distingue trois groupes dont les motivations à pratiquer cette musique sont différentes, mais dans un désir commun de reconnaissance sociale : « Le premier qui refuse la destinée de leurs aînés vers l’usine ou le bureau, fortement attirés par un désir de réalisation personnelle, un second qui cherche à retarder leur entrée dans la vie active, un troisième, intégré au monde du travail et qui manifeste une certaine insatisfaction très pudique et ritualisée vis-à-vis de leur principale activité ». Ces classes sociales dominées manifesteraient donc les signes d’une confusion identitaire et d’une instrumentalisation du travail, en revanche, pour les classes moyennes et supérieures, n’exprimant pas le besoin d’une reconnaissance sociale, il faut donc concevoir cet engouement « comme un phénomène culturel de masse et comme conduite psychosociale fortement chargée de symbole de prestige. », la présence des classes supérieures et intellectuelles s’expliquant alors comme par « un désir d’expression artistique longtemps mis en veille et réprimé au profit de la poursuite d’études longues et d’activités professionnelles sérieuses ». Selon Patrick Mignon, rejoignant d’une certaine manière cette dernière analyse, constate en observant le développement chez les musiciens de professions intermédiaires tel qu’instituteur, éducateurs, animateur ou maître auxiliaire, « disposant de temps » et « aux contours flous », favorisent « le flottement de l’identité professionnelle et le maintien de la quête d’une autre identité. ». Les formes de structuration et les logiques à l’œuvre au sein de la pratique musicale rock (ou musiques actuelles) Apres avoir constaté la grande diversité des caractéristiques sociologiques des groupes et des musiciens par une enquête quantitative, remarquant principalement l’élargissement de l’age des musiciens, le caractère très faiblement sexué de ceux-ci (majoritairement des hommes), et la segmentation globale de la pratique dans des « micro espaces sociaux » qui se révèlent dans les enquêtes de terrain locales, Damien Tassin justifie donc la pertinence de la construction de typologies « centrée sur une observation directe des groupes ». En effet, la diversité de cette population rend difficile la description précise des « lignes de forces qui la traversent et la structurent en fonction des variables sociologiques ». Il propose donc l’étude de cette diversité par l’établissement de classifications selon des perspectives « longitudinales et synchroniques», saisissant la structuration et les dynamiques a l’œuvre dans l’espace social de la pratique et contextualisant les modalités d’existence des groupes selon leur environnements sociaux et leurs évolutions. Une première classification différencie les durées d’engagement dans la pratique, qui ne doit pas se confondre avec un progrès cumulatif centré sur la technicité instrumentale : les durées des pratiques constituent un cadre évolutif dans lequel se transmettent les connaissances et les savoirs sociaux du rock. Cette évolution est alors découpée selon trois périodes : « l’entrée dans la pratique rock » où l’on assiste à la mise en place d’une situation de « premier groupe » ; la « continuation dans la pratique » appréhendant les musiciens jouant depuis plusieurs années dans des « groupes médians », qui sont parfois la poursuite du premier groupe ; et « l’engagement durable », ayant au moins une dizaine d’années de pratique, le collectif est alors nommé « groupe expérimenté ». Une seconde classification appréhendant deux variables, l’age et le statut des groupes en fonction de leur expérience, procède également à une répartition en trois catégories principales : amateurs, intermédiaires et professionnel, et définit cinq profils-types selon cette répartition : les amateurs-jeunes, les amateurs vétérans, les intermédiaires, les professionnels intermédiaires et les professionnels majors. L’auteur s’intéresse tout d’abord aux trois périodes ou catégories de la première classification, commençant par la présentation du « premier groupe », puis du « groupe expérimenté » afin d’en faire apparaître les différences, et concluant par celle du « groupe médian ». La constitution du « premier groupe » se fait en général pendant l’adolescence, et témoigne d’une « cooptation de type affinitaire entre les membres d’un même groupe, généralement inscrite dans une proximité territoriale liée à l’habitat ou à la scolarisation. » Des affinités et amitiés sont présentes dans les discours des membres, reposant sur le goût partagé de la musique et le souhait d’une pratique collective, souvent antérieure à la constitution du groupe.S’il est difficile de statuer sur les appartenances sociales des membres, qui relèveraient plus généralement de l’environnement socio économique immédiat, les enquêtes et observations concernant la ségrégation sociale et spatiale de l’environnement relèvent plus des regroupement de forme hétérogames. Le premier groupe se situant dans une phase d’apprentissage de l’instrument et de la mise en place collective, il est socialement peu visible : les lieux de répétitions sont très souvent privés, le nombre de concert effectués est restreint, et les durées de répétition sont plutôt longues, amis et proches peuvent y assister. Selon Christian Guinchard, les groupes débutants produisent « des formes de sociabilité a faible visibilité sociale », et constate par exemple l’absence de barrière symbolique bien nette entre les musiciens et les autres personnes présentes lors des répétitions. Ces observations rejoignent celle de Damien Tassin : Le premier groupe est donc un lieu dans lequel les membres « s’essayent ensemble pour jouer »p92, il correspond à une période de construction progressive du groupe, ce qui tend a expliquer le peu de stabilité de ceux-ci dans la longévité. « Le premier groupe s’élabore en expérimentant « la musique en situation collective » et le « collectif en situation musicale », cette intrication de la dimension musicale et sociale conclut surtout dans le début de la pratique à des expériences éphémères, à des échecs, à des essais et à des confrontations. »p 92 Par opposition, les groupes médians et expérimentés témoignent d’une plus grande stabilité et d’une plus grande longévité. Damien Tassin note toutefois que le début de la pratique n’est pas toujours lié a l’adolescence, quand cette pratique commence à l’age adulte, l’entrée dans celle-ci est différente : les membres ont généralement pris des cours de pratique musicale, et possèdent donc une certaine technique instrumentale (ils connaissent un répertoire), cependant ils n’ont pas d’expérience musicale de groupe antérieure. Ce genre de groupe se trouve donc proche de la définition du premier groupe, on y constate des ages proches et des professions diversifiées, ainsi qu’une proximité territoriale. Bien que ce genre de cas soit plutôt rare dans l’univers de la pratique, il confirme donc l’existence de premiers groupes « qui ne sont pas liés à l’age mais plus particulièrement à une forme de sociabilité »p 93. La modalité de constitution du « groupe expérimenté » et son rapport aux environnements représentent l’aspect majeur de sa différence. Ses membres ont une pratique depuis au moins dix ans, et ont souvent joué dans plusieurs groupes, le répertoire et les équipements musicaux et techniques sont plus conséquents. Comme le remarque l’auteur, « le groupe expérimenté inscrit son activité dans un réseau musicalisé. (…) Avec l’expérience de la pratique, les groupes se constituent des réseaux d’interconnaissances de musiciens qui deviennent plus opérants.» p 94. Ceci tend à expliquer une plus grande mobilité de ses membres et un territoire géographique plus élargi. Ce réseau contient des proches liés de près ou de loin à l’activité de production musicale, des relations s’établissent entre musiciens de différents groupes, entre musiciens et non musiciens (mais restants liés à la pratique), et touche à l’environnement professionnel (premiers contacts avec l’univers des prestations scéniques, , l’enregistrement, l’édition). On remarque également une pluriactivité individuelle de ses membres (ceux pouvant occuper plusieurs activités, en tant que musicien, sonorisateur, manager…et ceci dans un ou plusieurs groupes), qui selon Damien Tassin renforce « l’opérationnalité des réseaux ». La constitution d’un réseau est donc un élément essentiel, car il permet le développement de l’activité musicale. Il constitue l’environnement social de la pratique rock, mais également des groupes issus du hip hop comme le note Hugues Bazin, constatant deux la formation de deux types de réseaux (le « posse » et le « crew ») caractérisant les formes de sociabilités formés dans ce milieu spécifique. L’importance de ce réseau semble d’une manière générale, caractéristique à l’ensemble des musiques actuelles, le regroupement et l’entraide entre ces microstructures que sont les groupes de musique étant un des facteurs clé de leur pérennité. Examinons à présent la catégorie intermédiaire à ces deux premières, le « groupe médian ». Il possède des caractéristiques du « premier groupe » : l’appartenance territoriale de ses membres, une amitié commune et une proximité des ages. Cependant, ce n’est plus un premier groupe, les membres ont déjà eu une première expérience de groupe, le répertoire est constituable en peu de temps, mais il n’est pas encore un groupe expérimenté. Selon Damien Tassin, « la formation d’un groupe médian se trouve à la croisée du groupe expérimenté et du premier groupe, le réseau occupe un place plus conséquente, le territoire géographique est élargi, les membres sont « copains » par interconnaissance mais déjà musiciens avec un expérience de groupe » p 103. L’auteur note également d’autres formes de constitution et de regroupement, notamment quand le quand le réseau est faible ou inexistant, les musiciens peuvent procéder par l’intermédiaire de petites annonces individuelles ou collectives, mais un groupe se constitue rarement entièrement de cette façon, ce que est plus souvent le cas d’auteurs compositeurs cherchant des interprètes. Sur ce point, la dimension sociale et relationnelle entre les membres semble primordiale. Ce manque de réseau induit également la présence fréquente de musiciens plus jeunes dans les groupes expérimentés, qui selon l’auteur est conjointement due à un effet mécanique concernant la population globale des musiciens, constatant une perte d’effectifs débutant à la classe d’age des 30 ans. L’auteur, en complément de ces classifications, ajoute quelques éléments distinctifs de la pratique résumés ci-dessous. Il procède en effet à la distinction des musiciens en fonction des groupes selon la quantité de prestations, déterminant comme il se dit dans le milieu « ceux qui tournent et ceux qui tournent pas »p 106. Cette distinction exprime deux dimensions, les dimensions centrifuge et centripète de l’activité. Quand elle est liée a une « situation privée et intime de la production où la diffusion musicale est relativement restreinte (…) l’activité est centripète, repliée sur le groupe, la répétition constitue le fondement de son existence sociale. »p 106. Inversement, quand la production est « engagée sur la voie de la diffusion musicale et du développement des contacts auprès des environnements »p 107, la dimension est centrifuge. Celle-ci peut se confondre avec une démarche de professionnalisation, mais pas forcement, car elle peut également concerner des groupes amateurs souhaitant vivre leur passion de façon « confortable », une partie de ces groupes pouvant même réaliser plus de prestations que des professionnels. La durée d’un groupe est également l’un des éléments important de son existence sociale : mentionnée automatiquement dans les « dossier de presse », la capacité à « perdurer » force également l’admiration des autres musiciens.L’auteur évoque à ce propos que « l’existence sociale d’un groupe peut se rapprocher d’un phénomène de composition/recomposition issu d’un contexte spécifique où le réseau musicalisé est particulièrement dense ». Cette propension à osciller entre fluidité et stabilité, ainsi que son évolution (et son impératif d’évolution) rend souvent instable l’existence même des groupes, son unité est donc « complexe, elle correspond à une recherche permanente d’équilibre entre les intentions et les réalisations (…) Ces confrontations s’expriment par des contradictions et ce, quels que soient la nature du groupe, son expérience et ses rapports avec les environnements. »p111 La fin ou le « splitage » (séparation) du groupe s’explique prioritairement par des causes relatives à ses contradictions internes : outre des raisons personnelles et/ou involontaires, les musiciens évoquent une situation actuelle trop éloignée du projet initial, des décalages au niveau musical ou des modalités d’engagement, ou encore des perspectives différentes entre les membres du groupe. L’auteur, en examinant la dimension centrifuge rend compte de la participation de celle-ci à l’instauration d’une « zone d’indétermination sociale », rendant difficile la clarification sociologique entre professionnels et amateurs. Plusieurs facteurs y concourent : le champ professionnel de la pratique n’est pas clarifié (pas de statut, de diplôme ou de formation qui légitiment un statut de musicien rock, ou de musiques actuelles). Le statut ne dépend pas non plus de l’exercice à plein temps de son activité, et l’auteur remarque « une inversion d’accès à l’identité professionnelle »p 117 : la reconnaissance devient liée à la perception de l’allocation chômage. La catégorie des groupes « intermédiaires » traduit cette complexité, « elle intègre des activités de concert et d’enregistrement proche des professionnels mais avec une économie proche de celles de amateurs »p 118. Le développement des nouvelles technologies dans ce domaine ont permis un équipement des amateurs proche de celui des professionnels, « la production d’un disque ne sanctionne plus comme auparavant, le passage d’un cap décisif vers la professionnalisation du groupe. »p 119 Guibert et Migeot. De plus, les lieux de diffusion accueillant des professionnels et des non professionnels (souvent sous la forme d’une « tête d’affiche » accompagnée d’un groupe amateur), contribuent aussi à cette situation d’indétermination sociale. « L’activité des amateurs est potentiellement marchande et les groupes sont inscrits dans une réalité économique », le statut du groupe et donc souvent porté par la « subjectivité des musiciens et du milieu puisque la définition du professionnel est à leur portée : « La différence entre professionnel et amateur, c’est le public qui la fait ». Comme le note l’auteur, à l’origine de cette indétermination se trouve la puissance de l’imaginaire social inhérent à la pratique, élément tenant « un rôle essentiel dans les conduites et les parcours des musiciens et des groupes. » Conduites collectives, imaginaires sociaux, et représentations sociales des musiciens. L’imaginaire social des musiciens et des groupes est étudié de façon plus poussée dans la seconde partie de cet ouvrage, par l’étude des représentations sociales des musiciens et des conceptualisations relatives aux « petits groupes », appréhendées par la notion du Nous musical, qui pour son auteur « explicite l’expérience du rock dans sa dimension intime et collective en explorant les fondements de l’engagement dans un groupe »p 129. L’auteur pour ce faire s’inspire de l’approche développée par Georg Gurvitch, observant les groupes comme des « réalités sociales concrètes » (des « unités réelles mais partielles »Gurvitch p 129). Le terme de représentations sociales, issu de la psychologie sociale, renvoie au « savoir commun », il est développé dans cette étude comme désignant « une forme de pensée sociale des musiciens et des groupes et permet ainsi de saisir les fondements de l’engagement »p 130. Un des éléments importants relevés est que le groupe s’inscrit dans une durée illimitée, l’introduction d’une clôture temporelle lors de sa constitution est impensable pour ses membres « car cet événement cristallise, pour ses membres, un projet riche en perspective et en potentialité ». Plusieurs raisons déterminent cette vision. Pour Jean Marie Séca, elle est due à l’impératif d’improbabilité du destin du groupe, l’incertitude ouvrant le champ à l’espoir. La thématique de l’aventure, de la « nouvelle histoire » qui commence et qui se doit d’être potentiellement sans fin, revient fréquemment dans les discours des musiciens lors des entretiens. On voit donc apparaître une opposition entre la notion d’aventure et de groupe et les projets programmés selon des périodes définies ou ponctuelles, les « jam sessions » ou les rencontres musicales ne constituent donc pas un groupe pour les musiciens. Le thème de la rencontre et l’idée du hasard, aussi souvent évoqués par les musiciens, sont étroitement liés. Les musiciens se rencontrent « par hasard », « il convoquent donc le hasard pour mieux dépendre de la chance, le groupe doit alors exister à travers des éléments extérieurs et incalculables afin d’augmenter ses chances de réussite. » La création d’une clôture temporelle est donc une contrainte dont les musiciens doivent s’affranchir pour exister et se reconnaître en tant que groupe, telle l’aventure qui ne doit pas comporter d’obstacle infranchissable. De même « il doit être constitué en dehors d’un programme institutionnalisé par des structures sociales comme les écoles, les festivals, les MJC… » auquel cas il est considéré comme un lieu d’apprentissage, « un premier groupe pour apprendre ». Cette tradition de s’affranchir des contraintes peut également se retrouver lors des tournées vécues parfois comme de véritables voyages « initiatiques », permettant au groupe de dépasser les frontières de son quotidien. Cependant, si une grande importance est portée sur la suppression des contraintes, réservée à l’aventure et au hasard, « la destinée d’un groupe n’est jamais entièrement abandonnée par ses musiciens, ils cherchent à l’orienter et la maintenir dans une certaine direction tout en reconnaissant que le groupe doit avoir sa « propre histoire ». » Mais entre intentions et réalisations, on constate des décalages parfois importants. L’auteur témoigne ici de la difficulté de saisir par questionnaire ou par entretien les buts poursuivis par les musiciens, émettant le plus souvent des discours stéréotypés, des détournements aux questions posées par le biais de l’humour sur la gloire, l’argent, le sexe et la vie de star. Ces discours sont directement liés aux imaginaires sociaux du rock, mais dans le même temps, servent de « discours de façade qui masquent le projet même de l’engagement dans un groupe.» De même, les intentions des musiciens (qu’ils évoquent en tant que « projets » occultent fréquemment leurs interrogations liées au devenir du groupe ou leur dissensions internes, l’auteur invite à considérer ces discours « comme une sorte de « voile » dans lequel se drape le discours des musiciens »p 141. Une autre thématique récurrente remarquée lors des entretiens, explicitant l’engagement et l’unité cohésive des musiciens est celle évoquant « le plaisir de jouer et de faire plaisir à autrui »p 142. Elle se traduit également dans les discours collectifs par le terme « d’équipe », du partage (la participation à une expérience), et dénote les liens unissant les dimensions sociale et musicale. Selon l’auteur, le terme d’équipe renvoie à « un noyau central où se croisent plusieurs registres qui la traversent ». Cette force cohésive inhérente au Nous musical cherche à lutter contre les phénomènes d’individualisation, tout comme les autres contraintes plus concrètes liées à la pratique. Mais elle induit également des phénomènes de dépendance –pourrait-on dire d’inertie -, souvent mal vécus par les musiciens envisageant leur professionnalisation. Les théories abordant la notion du Nous musical Dans l’optique de l’élaboration de cadres conceptuels à la notion de Nous musical et de la situer « à travers une dynamique du social et de la société », Damien Tassin propose l’exploration de quelques approches théoriques de la psychologie sociale relative aux situations de groupes restreints. Dans ce domaine, « Les définitions s’accordent principalement sur les relations qui s’établissent entre les membres, et notamment, l’adhésion à des normes, à des valeurs, à un même système d’activité et l’élaboration d’un mode de communication permettant une influence réciproque entre les membres. » Selon Jean Maisonneuve, la cohésion des groupes restreints se décompose en deux catégories ou facteurs : La dimension socio-affective portant sur « un but commun, l’action collective et l’appartenance au groupe »p146, et la dimension socio-opératoire, liée à « la distribution et l’articulation des rôles et le type de leadership.». Appliquée aux relations d’un groupe de musique, la dimension socio-opératoire devrait ramener à l’aspect musical et la dimension socio-affective à l’aspect collectif, cependant la dimension musicale occupe un grand rôle dans la distribution du leadership, et est également reliée à la dimension affective. Le Nous musical, d’après les observations de Tassin, repose justement sur l’étroite intrication de ces deux dimensions. Ces facteurs selon Maisonneuve s’allient dans une dimension émotionnelle sur laquelle repose le Nous des groupes restreints. « A ses plus hauts niveaux, ce sentiment vise à hypostasier le groupe comme valeur transcendante et absolue par rapport à ses membres et à toute autre valeur extérieure »J.M p 146. Max Pagès développant sa théorie de la relation humaine s’appuie sur la philosophie existentielle et le concept de « Mitsein » (l’être avec) élaboré par Heidegger, reposant sur l’idée que « la relation avec autrui est l’objet d’une expérience immédiate, irréductible, première (elle est) » .Cette expérience immédiate appréhendée par ses membres est le support de la relation avec autrui, et selon Pagès crée une relation affective du groupe « où le soi ne se fonde pas exclusivement dans le Nous mais dans une relation empathique avec le collectif. Perçu sous l’angle du Nous musical, Tassin explicite ce procédé par la métaphore de l’harmonisation, « une conscience simultanée du Je et du Nous articulés dans une unité complexe »p 148, telle la séquence de notes organisée pour produire un harmonie. Pagès réfute de ce fait le point de la théorie freudienne explicitant une instrumentalisation de la relation qui réduit le groupe à l’individu. Elle est opposée à la notion d’unité affective et d’effort de coopération, qui permet au Nous musical « de se maintenir à travers l’évolution d’un groupe et de son environnement, de se modifier tout en restant le même et de gérer les nombreuses contradictions présentes.» p 149 L’analyse des groupes restreint présente néanmoins ses limites pour appréhender le Nous musical, car elle les observations sont issues de situations très institutionnelles, basés sur des témoignages et donc sur une communication verbale. Or comme le note Tassin, dans l’agir collectif sur lequel repose les groupes de rock, « la place de la parole face à l’expression musicale est relativement modérée.»p150 Ces limites soulignées semblent alors liées à la contextualisation spécifique requise afin d’observer les dynamiques sociales régissant les comportements des groupes de musique, et pourraient révéler la nécessité de doubler ces approches d’une approche ethnographique. L’auteur semble y faire allusion en concluant que ces études « ne permettent pas d’appréhender globalement les fondements des groupes musicaux car elles se situent à la fois en dehors des perspectives longitudinales et des situations sociales « plus naturelles » »p150. Damien Tassin examine également le concept de « groupe primaire » proposé par Charles Horton Cooley, se définissant « à travers les rapports de face à face et les liens intimes qui s’établissent entre les membres. Ces groupes primaires sont déterminés par le petit nombre de leurs membres (tels la famille, le groupe de voisinage, ou les groupes de jeux), et caractérisé par les relations intimes d’association et de coopération, ainsi qu’une opposition marquée entre l’intérieur et l’extérieur du groupe, le « Nous » et le « Ils » selon Georges Balandier. Ce dernier conçoit cette caractéristique comme la manifestation de l’une des conditions d’existence du groupe : « une attitude collective, une certaine pratique commune », Sartre en accentuant cette importance en tire la conséquence que « tout groupe porte le risque de sa destruction », par sa régression à l’état de « rassemclement », de simple assemblage par juxtaposition, selon le terme de Sartre. Balandier p 150 citant Sartre. Leur sociabilité est également fortement liée à une appartenance territoriale ou familiale. Pour Tassin, le Nous musical contient donc beaucoup de caractéristiques du groupe primaire, mais ne s’y réduit pas : il contient également des éléments issus des groupes restreints, mais ne s’ajuste exactement dans aucun des deux, Il faut donc le situer dans un contexte plus général. Il analyse notamment les travaux de Michel Maffesoli sur le tribalisme postmoderne, postulant « un remplacement progressif des structurations individuelles/rationnelles par des formes societales-affectives. », organisant la société « autour d’une dialectique masse/tribu » Ce phénomène se traduirait donc par le déclin de l’individualisme et la formation de groupe spécifiques « à travers un néotribalisme »p 151, organisé autour d’un fort sentiment d’appartenance, d’une éthique et d’un réseau de communication. Cette approche développée par l’auteur s’appuie sur la socialisation ludique empruntée à Georg Simmel, explicitant les formes de sociabilité internes à ces « tribus », « Le ludique étant ce qui ne s’embarrasse pas de finalité, d’utilité, « de praticité » ou de ce que l’on appelle les réalités mais étant ce qui stylise l’existence, en fait ressortir la caractéristique essentielle ». Cette forme de regroupement à dimension fortement affective peut en effet se retrouver dans les relations formant le Nous musical, cependant l’approche de Maffesoli a tendance à s’affranchir de « la question du conflit, des antagonismes et des contradictions sociales dans ces tribus.», or c’est un élément important dans l’ordinaire de la pratique rock, qui ne peut se réduire à une dimension dionysiaque du groupe. L’auteur, conscient des limites des conceptions positivistes abordant trop souvent les rapports sociaux sous l’angle du contrôle et de la manipulation de ses rapports « à travers les institutions, les appareils et les structures », explore alors les théories critiques de Georg Simmel et Cornélius Castoriadis proposant une conception de la société comme unité ouverte et des relations interindividuelles autocréatrices et contribuant à la production du social. Ces conceptions que l’on peut qualifier de constructivistes font sens pour l’auteur dans le cadre de l’ordinaire des pratiques, et permettent d’éclairer une nouvelle dimension : « ainsi, les musiciens et es groupes participent au support social de la pratique, ils contribuent sous des formes diverses et à des degrés variés à son instauration, son renouvellement et à son maintien. » Selon l’auteur, l’imaginaire social qui organise les pratiques rock produit donc en partie les logiques sociales des acteurs, et les déterminent à travers leur expérience. Reprenant l’expression de De Certeau, l’auteur envisage la production de soi « à travers un art de faire et un agir collectif»p 156, considérée comme une quête, se concrétisant selon lui « sous la forme d’un espace social spécifique dans lequel les acteurs tentent de faire advenir une réalité sociale en se confrontant à l’imaginaire social »p 156. Cette quête rassemble les thématiques de l’aventure et de l’utopie, et prend alors la forme d’une utopie concrète. Cette utopie se rapproche de la production de soi, car « elle repose sur le paradigme de la vitalité des hommes qui participent, de manière minuscule, à la production du social ». La dimension collective des groupes de musique rock Damien Tassin explicite dans le chapitre suivant les spécificités de la composition de la musique rock, envisagée dans sa dimension collective. Une des caractérisations fréquemment observée est le caractère collectif de la création : les morceaux sont le plus souvent signés collectivement, a contrario d’autres styles musicaux (musiques classiques, jazz), un des facteurs étant que cette musique est peu écrite, une simple « grille d’accords » faisant le plus souvent office de partition. Son élaboration se fait dans un rapport direct avec le matériau sonore, ce qui induit une recherche active et des ajustements systématiques pendant les séances de répétition, et nous indique l’intrication de la composition et de l’interprétation. Ce fait conduit à la création d’un répertoire non fixe, en constante évolution, et qui peut s’adapter selon le contexte (lors d’un enregistrement ou d’un concert par exemple). Dans la fabrication collective des morceaux, chacun apporte une idée pour le construire, et « l’harmonisation du collectif met en jeu une conscience individualisée et simultanée de soi et d’autrui. »p 162. Cette interprétation musicale, sans réel chef d’orchestre comprend des règles complexes nécessitant « une forme de conduite musicale collective » p 163 dont le modèle est différent selon chaque groupe, mais exigeant de toutes manières une écoute individuelle, interindividuelle et collective. L’auteur associe ce ressenti subjectif apparaissant lors du process de création à une forme de « supra-communication », qui est elle-même « présentée est vécue par les musiciens comme une forme de communication transcendante ou performante »p 166. Il faut donc noter l’importance pour les musiciens du ressenti passant par cette communication non verbale, qui peut se traduire par la phrase « pas besoin de se parler puisqu’on se comprend dans la musique » exprimant selon l’auteur la place de la musique dans le Nous musical. La polysémie et le référencement contexte de la terminologie qui définit le rock de façon réductrice peuvent aussi être conçues comme explicitant cette recherche d’échapper à la parole et à sa rationalisation. Selon l’auteur, « l’harmonisation collective est un langage non verbal qui rend possible la supra-communication dans le Nous musical », cette supracommunication permet comme les autres formes de communication « l’expression des sentiments, des émotions, des expériences internes qui entrent en résonance et en empathie avec autrui. » Cette notion de supra-communication peut être connectée avec la relation de syntonie évoquée par Alfred Shultz, dont la source théorique exprime « le flux continu du processus musical entre la conscience du compositeur et celle de l’auditeur »p 172.Cet auteur, insistant sur le caractère immédiat et fort de cette relation, émet l’hypothèse que toute communication présuppose « un rapport de « syntonie » entre celui qui fait la communication et le récepteur de cette communication. »Shultz p 173. Si cette hypothèse fait sens dans de cadre de la compréhension des liens entre les musiciens lors d’une expérience musicale commune, elle est cependant limitée pour expliciter le Nous musical qui s’inscrit également dans la durée. En outre, Il s’expérimente autant dans ses relations internes que dans ses rapports avec son environnement externe. Deux derniers points abordés par l’auteur nous semblent important de notifier dans le cadre de notre recherche, le premier concerne les différentes formes d’autorités dans les groupes. Dans les entretiens et les conversations observées lors de l’enquête, la place de l’autorité est faiblement assurée, le rapport au pouvoir y est souvent renié, évoquant d’après l’auteur « une forme d’idéologie de la fraternité ». Dans d’autres cas, la présence d’un leader est clairement affirmée par tous ses membres, ce qui est plus souvent le cas s’il y a présence d’un chanteur guitariste auteur/compositeur. Il existe néanmoins plusieurs figures de leaders, il peut être celui qui gère les méthodes de travail et de répétition, celui qui possède le local de répétition, ou encore le plus investi dans la pratique musicale. Mais la répartition des tâches dans un groupe étant fréquente, elle ne tend que rarement à imposer des formes de leadership, ce qui peut aussi donner une explication partielle à l’absence de leader dans beaucoup de groupes. Le deuxième point explore la capacité intégratrice du Nous musical. L’enquête révèle l’hétérogénéité des influences musicales et des styles joués par les musiciens dans un groupe. Selon l’auteur, « ces éléments participent au renouvellement des esthétiques dans les pratiques rock et participent à la diffraction des genres. Une certaine forme d’homogénéisation musicale de l’ensemble des membres apparaît cependant dans l’enquête, notamment chez les groupes expérimentés, ou qui s’inscrivent dans une activité centrifuge. Dans le cadre de notre recherche, de nombreux éléments issus de cet ouvrage semblent recéler une importance considérable. Avant de les nommer, il convient tout d’abord d’apporter quelques précisions quant à l’objet de cette recherche. Cet objet est en effet légèrement plus large que celui étudié par l’auteur, car il concerne les musiques « actuelles » et amplifiées, désignant l’ensemble des musiques populaires non traditionnelles, et s’opposant aux musiques dites « savantes » (les musiques classiques, contemporaines, acousmatiques). Le terme approprié utilisé en anglais, « popular music », semble malheureusement contenir trop de connotations négatives dans la langue et la culture française pour être utilisée de façon neutre. Bien que celui de musiques actuelles en contient tout autant, il reste pour l’instant le terme en usage, et dans le cadre de cette étude, l’utilisation de celui-ci de manière générique semble approprié.Cependant, l’objet précis de cette recherche, portant sur les musiques actuelles comprenant le langage verbal, écarte de facto les musiques exclusivement instrumentales (et également celles ou la voix est uniquement utilisée en tant qu’instrument). De même, dans l’optique d’une exploration des dynamiques qui influencent les groupes de musiques actuelles dans le choix de leur langue de composition -se réduisant généralement autour de l’opposition « langue maternelle ou nationale / anglais », mais pouvant également s’organiser autour de la langue régionale ou d’origine « contre » la langue nationale)-, et dans l’étude du contexte danois, la catégorie dite de « la chanson française » n’est évidemment pas incluse. La catégorie équivalente dans la langue danoise n’existant pas en tant que telle a en principe pour tendance de nous « simplifier la tâche ». Nous pouvons néanmoins nous interroger dans le cas ou cette étude aurait été effectuée dans un contexte français si cette catégorie devrait ou non être écartée de notre objet, n’offrant pas, par son essence même, le choix de la langue utilisée et devant dans ce cas faire l’objet d’une étude singulière. Consécutivement à ces lectures, et grâce aux observations et témoignages « recueillis » sur le terrain, plusieurs facteurs apparents permettent partiellement de déterminer les facteurs possibles qui influencent les groupes de musiques actuelles danois dans le choix de leur langue d’interprétation. D’une part, La façon dont les membres des groupes (et de la société danoise en général) appréhendent et sont « confrontés » à la culture angloaméricaine, par le biais des médias tels que la télévision ou la radio. En effet, une part importante du contenu des chaînes de télévision danoises (publiques et privées) proviennent d’Angleterre et des Etats-Unis, et sont retransmis en version originale sous titrée, familiarisant les danois avec la culture anglo-américaine ainsi qu’a la langue anglaise dès leur plus jeune âge. Les stations de radio musicales transmettent également majoritairement de la musique en langue anglaise, provenant aussi bien d’artistes nationaux qu’internationaux. Leur maîtrise de la langue anglaise, également enseignée dès le plus jeune age, ainsi que leur familiarisation avec la culture anglo-américaine semble donc être des facteurs importants dans le choix de la langue d’expression musicale. Ils peuvent être mis en relation de façon inversée avec la thèse de Paul Yonnet explicitant l’accueil tardif et pris en dérision du rock en France. Selon lui, ce phénomène serait dû à la force de la chanson française dans les années 1950-60, face à cette culture en développement : « Une musique générationnelle ne pouvait pas trouver d’angle d’attaque dans un tel bloc monoculturel. » cité par D.Tassin, p 44 Cependant, cette notion que l’on pourrait qualifier de « perméabilité à l’hégémonie culturelle» est loin d’expliquer complètement la détermination des choix des musiciens, on peut également émettre l’hypothèse d’une relation implicite ou explicite de ces choix avec les formes de structurations des groupes, notamment leur durée d’engagement dans la pratique et leur dimension centrifuge ou centripète. La présence d’un leader, d’un auteur compositeur s’inscrivant avec son groupe dans une dimension centrifuge de la pratique, et recherchant une diffusion large (plus qu’à l’échelle d’un pays), pourrait expliquer la volonté de composer en langue anglaise. Un facteur potentiellement effectif pourrait aussi se trouver dans l’importance dans l’imaginaire social des musiciens de la place de l’identité nationale, comprenant leurs rapports avec leur langue d’origine. Points et facteurs retenus : - La façon dont les membres du groupe et de la société danoise en général appréhendent la culture anglo-américaine, leur maîtrise de la langue anglaise. - La dimension centrifuge/centripète des groupes relative à leur niveau d’expérience. L’importance du réseau du groupe - La présence d’un leader au sein du groupe. - L’importance de l’identité nationale et son rapport avec la langue. Approche et méthodologie : - Nécessité d’une démarche ethnographique (surtout dans l’analyse d’un groupe étranger) - Prendre en compte la recherche d’échapper a la rationalisation des musiciens, leur distanciation par l’humour par rapport à certains sujets sensibles… - Expliciter un peu plus l’objet d’étude (quelles musiques rentrent dans le cadre ?) - Faire un petit topo de l’industrie du disque au Danemark et de la place de la musique « live » Approche Théorique : - Importance de la communication non verbale dans ce processus de communication, est elle induite par sa dimension collective ? - Intérêt d’envisager une conception « orchestrale » de la communication dans le contexte de l’objet étudié.