Axe 4 : Les Structures L’analyse des structures d’une industrie vise à déterminer l’état de la concurrence s’exerçant entre les différents acteurs qui y sont engagés, ou plus largement, entre acteurs qui sont partie prenante au fonctionnement de cette industrie, effectivement ou potentiellement. A l’origine, les structures d’une industrie donnée étaient décrites par son degré de concentration uniquement. IL s’agissait en effet d’apprécier dans quelle mesure le nombre d’offreurs s’approchait du modèle de concurrence pure et parfaite ou au contraire du modèle de monopole, afin de déduire mécaniquement les performances de l’industrie en question. Avec l’apparition du concept de marché contestable, l’importance du degré de concentration s’est fortement affaiblie puisque la concurrence potentielle (appréciée par les possibilités qu’il y a d’entrer et de sortir de l’industrie) est désormais considérée comme plus importante que le lien entre nombre de concurrents installés et pouvoir de marché. Une approche plus complète encore est proposée par Michael Porter qui définit la structure de l’industrie comme un ensemble de cinq forces concurrentielles, la rivalité entre firmes installées n’étant que l’une d’entre elles. L’intérêt de cette approche réside dans le fait qu’elle privilège, dans la perception de la structure, les relations entre composantes plutôt que leur nombre. 1- La concentration et sa mesure On peut définir la concentration comme le processus ou le résultat du processus qui dans un ensemble donné, tend à accroître les dimensions relatives ou absolues des unités en présence. Dès son origine, l’économie industrielle s’interroge sur le lien qui existe entre degré de concentration d’une industrie et pouvoir de marché qui en découle pour les éventuelles firmes dominantes. Pour mesurer le degré de concentration existant dans une industrie, un grand nombre d’outils statistiques peuvent être utilisés. 1-1 Le processus de concentration Alfred Marshall a montré l’efficience supérieure de l’organisation industrielle sur l’artisanat et la manufacture, du fait des économies d’échelle internes et externes qui affectent cette nouvelle façon de produire. Il s’interroge dès lors sur le monopole (structure qui découle logiquement de ces économies d’échelle), sur son pouvoir de marché et sur son efficience. C’est là un paradoxe de la concurrence : elle est supposée être le système de marché le plus efficace mais son exercice mène au monopole, susceptible d’exercer un pouvoir de marché, inefficace donc en termes d’allocation des ressources. Les théoriciens marxistes, pour leur part, considèrent que la concentration est la conséquence de la loi d’accumulation du capital, elle–même rendue nécessaire du fait du jeu de la concurrence : si un capitaliste veut conserver sa place dans la production, il doit réinvestir ses profits de manière à rester le plus compétitif possible face à ses concurrents ; s’il ne le fait pas, sa productivité relative risque de se détériorer et poussé à la faillite, il sera contraint de quitter le marché. En tout état de cause, tous les capitalistes opèrent de même et devant l’offre surabondante qui en résulte, les prix baissent et les producteurs les moins efficients se trouvent éliminés. Eventuellement, leur appareil productif peut être racheté par les producteurs survivants, à un prix qui leur confère de nouveau une rentabilité acceptable. Ainsi, l’on assiste à une concentration des capitaux et à une centralisation du capital aux mains d’un groupe de capitalistes qui devrait se contracter de manière inexorable. Des contre-tendances s’opposent toutefois au libre jeu de ce processus de concentration conçu par les principales écoles de pensée, car l’accroissement de la demande ou encore les progrès économique général donnent naissance à de nouveaux produits, à de nouveaux marchés, à de nouvelles techniques de production, et donc à de nouvelles firmes. Certains auteurs de la Nouvelle Economie Industrielle privilégient ces contre-tendances et vont jusqu’à parler d’un mythe de la concentration croissante, estimant même qu’elle est logiquement inconcevable, point de vue qu’ils étayent à l’aide d’une nouvelle formulation de la loi des rendements décroissants : la firme, en grandissant, en s’intégrant, réalise un nombre croissant d’opérations hors-marché et perd progressivement de vue l’efficience supérieure et la sanction du marché ; elle doit donc limiter sa croissance en deçà d’une certaine taille si elle veut conserver un lien ave cet indicateur d’efficacité que constitue le marché, si elle veut maintenir sa compétitivité. On retrouve là des idées proches de celles exprimées par Pigou ou Coase. Il semble bien, de fait, malgré les contre-tendances, que l’on puisse observer une tendance à la concentration et à la centralisation des capitaux, tendance que l’on peut mesurer tant sur des industries particulières que sur des économies nationales. Dans ce sens, la concurrence, tout comme la concentration, consiste en un processus ; la considérer comme un simple état appauvrit la perception que l’on peut avoir du phénomène. 1-2 Les mesures de la concentration Afin d’apprécier le pouvoir de marché dont bénéficieraient les firmes dominantes, l’économie industrielle s’est dotée d’un certain nombre d’outils permettant de mesurer le degré de concentration d’une industrie donnée. Ces outils peuvent être classés en deux groupes : ceux qui permettent de mesurer la concentration et ceux qui permettent d’apprécier les inégalités entre producteurs. Nous présenterons les plus utilisés d’entre eux. Parmi les indicateurs de concentration, le plus fréquemment employé est l’indice de concentration : a Ca = Pi i=1 Pi représentant la part de marché de la firme i, et a correspondant aux deux plus grandes, quatre plus grandes, etc, firmes de l’ensemble étudié ; plus C est proche de 100%, plus forte est la concentration. On utilise en général C4 ou C8, soit la part de marché des 4 ou des 8 plus grandes firmes d’une industrie. Cet indicateur présente l’avantage de pouvoir être calculé aisément puisque les données nécessaires à son évaluation sont largement publiées (elles concernent la plupart du temps des sociétés cotées en bourse, qui sont tenues de rendre publics leurs résultats). Mais il est muet sur le pouvoir exercé respectivement par chacune des firmes dominantes. Du fait de la commodité de son calcul, cet indice est fréquemment retenu. Autre indicateur de concentration, l’indice de Hirschaman-Herfindahl : n H = Pi2 i=1 Il s’agit de la somme des carrés des parts de marché de toutes les firmes (leur nombre est égal à n) appartenant à une industrie donnée. Plus la valeur de H est proche de 1, plus forte est la concentration. Cet indicateur peut être préféré au précédent dans la mesure où il donne plus de poids aux firmes les plus grandes, et traduit donc mieux l’intensité d’un pouvoir de marché. Mais il présente l’inconvénient de nécessiter, pour son calcul, les parts de marché de toutes les entreprises composant une industrie, données qui bien souvent ne sont pas disponibles pour ce qui concerne le très grand nombre de firmes de petite taille existantes. Néanmoins, cet indicateur présente des propriétés mathématiques qui le rendent bien utile dans des modèles économiques liant profitabilité et structures de marché. Parmi les indicateurs d’inégalité, citons le coefficient d’entropie, outil emprunté à la thermodynamique et à la théorie de l’information : N 1 E = Pi x log i=1 Pi Où Pi désigne la part de marché de la firme i, et n le nombre de firmes de l’industrie. Lorsque l’on est en présence d’un monopole, E est égal à O (puisque Pi = 1, et que log 1= 0) ; lorsque toutes les parts de marché sont égales, E = log n (puisque Pi = 1 /n, la somme des n Pi est égale à 1 ; on notera que plus n est élevé, plus E l’est aussi : il est égal à 1 pour n = 10, à 1,7 pour n = 51, à 2 pour n = 100). L’interprétation donnée à ce coefficient d’entropie est la suivante : plus la valeur de E est élevée, plus grande est l’incertitude pour une firme de recevoir et conserver la clientèle d’un consommateur pris aux hasard, plus vive donc est la concurrence qui règne à l’intérieur de l’industrie considérée. Parmi les nombreux autres indicateurs d’inégalité existants, nous présenterons les rapports d’équilibre oligopolistiques de Linda : Ai i EOi = An * - Ai n* - i Avec : Ai = part cumulée des i premières plus grandes entreprises de l’échantillon ; n* = nombre d’entreprises de l’échantillon. Cet indicateur présente un double avantage : il peut être calculé sans trop de difficultés puisqu’il concerne l’échantillon des n* plus grandes entreprises de l’industrie étudiée, échantillon que l’observateur se fixe lui-même en fonction des données statistiques disponibles ; et il permet d’apprécier à la fois l’intensité du pouvoir de marché, et son lieu d’exercice ; il se lit en effet de la manière suivante : On calcule successivement les EO1, EO2, etc ; lorsqu’on arrive à un premier maximum pour EOi (c’est à dire que la valeur du EOi suivant est plus faible), on se trouve avoir défini à la fois l’arène oligopolistique, c’est à dire le groupe des firmes exerçant une domination sur l’industrie, et l’intensité de ce pouvoir (plus la valeur du EOi, correspondant au maximum est élevée, plus le pouvoir de marché exercé par les firmes de l’arène oligopolistique est fort). Du fait des propriétés mathématiques de l’indicateur, la comparaison des intensités de pouvoir de marché entre différentes industries, ou pour une même industrie à des dates différentes, ne peut toutefois être effectuée que si les échantillons observés se composent du même nombre de firmes. 2- Les marchés et leurs théories La théorie des marchés analyse la correspondance mécanique pouvant exister entre degré de concentration et efficience d’une industrie, en termes d’allocation des ressources. Cette théorie a été enrichie par le concept de marché contestable, qui analyse la concurrence non pas comme un état dépendant du nombre de producteurs en présence mais comme une situation pouvant être remise en cause de manière permanente du fait de la concurrence potentielle. 2-1 La théorie microéconomique traditionnelle Dans la théorie microéconomique traditionnelle, la distinction est faite entre le modèle de concurrence pure et parfaite, le monopole, et un état intermédiaire qualifiée de concurrence oligopolistique. En situation de concurrence pure et parfaite, le prix de marché s’impose à chaque producteur qui détermine son offre en considération de ce prix et de sa fonction de production, son objectif étant de maximiser son profit. Etant données ces conditions, le producteur présente sur le marché une quantité telle que le coût marginal de sa production est égal aux prix de marché. S’il produisait plus, l’offreur encourrait une perte puisqu’il se trouve en situation de coûts croissants ; s’il produisait moins, il connaitrait un manque à gagner et ne maximiserait donc pas son profit. L’offre totale sur le marché est alors la somme de toutes les offres individuelles ainsi déterminées. Elle est supposée égale la demande, pour le prix de marché en vigueur. Voilà pour le court terme. Dans la longue période, le producteur va éventuellement modifier la taille de ses capacités de production de manière à atteindre un équilibre stable : celui-ci correspond à une capacité de production telle que le coût moyen de production est égal au coût marginal (situation correspondant au minimum du coût moyen), et aussi égal au prix de marché. Tout producteur devrait normalement arriver à cette situation dans le long terme. A la suite des travaux de Joan Robinson et de Edward Chamberlin consacrés respectivement à la concurrence imparfaite et à la concurrence monopolistique, une situation de marché intermédiaire entre concurrence et monopole a été appréhendée. L’analyse est alors la suivante : dans le court terme, un marché d’oligopole, soit du fait d’une entente entre producteurs, soit du fait d’une différenciation des productions offertes, soit encore du fait d’une absence d’entrée immédiate de concurrents nouveaux. Mais dans le long terme, ces obstacles à la concurrence disparaissent normalement par suite de l’entrée dans l’industrie de nouveaux concurrents attirés par les rentes de monopole : les prix se fixent alors à la manière du modèle de concurrence pure et parfaite. Un apport complémentaire sur les mécanismes de fixation des prix a été réalisé à la suite des travaux de Joe bain sur les barrières à l’entrée d’une industrie. Différents auteurs ont ainsi déterminé le concept de prix-limite, de manière à expliquer pourquoi des situations d’oligopole pouvaient se maintenir durablement. Les barrières à l’entrée étant des avantages de coût dont disposent les firmes établies sur les entrants potentiels, il suffit que les premières fixent un prix de marché ne dépassant pas le coût que connaitraient les seconds pour les dissuader de pénétrer l’industrie, tout en laissant aux firmes établies une rente de monopole. Ce prix est le prix-limite. Cette théorie permet de lever l’indétermination qui caractérise les situation d’oligopole :on démontre en effet que le prix-limite est fonction des économies d’échelle (plus précisément, de la taille optimale, que l’entrant est supposé adopter) et de l’élasticité de la demande par rapport au prix : plus les économies d’échelle sont importantes (plus grande est la taille de l’entrant potentiel)et plus faible est l’élasticité de la demande par rapport au prix , plus le prix-limite sera élevé par rapport au prix de concurrence ; il suffit alors de connaitre la taille optimale correspondant à l’accroissement de l’offre du fait de l’entrant, de connaitre l’élasticité de la demande par rapport au prix , pour déterminer avec précision le prix-limite pratiqué par l’oligopole. 2-2 La théorie des marchés contestables Une nouvelle avancée dans la théorie des marchés a été réalisée par les travaux de W.Baumol, J. panzar et R.willig, avec le concept de marchée contestable. Ces auteurs constatant que la concurrence régnant éventuellement sur les marchés de petit nombre ne dépendait pas du degré de concentration observé, ont considéré que la concurrence potentielle était déterminante dans les mécanismes de détermination des prix par oligopole. Le raisonnement est alors le suivant. Un marché est qualifié de contestable lorsqu’il n’existe aucune barrière à sa pénétration, ni à sa sortie. Dans une telle situation, les entrants potentiels et les firmes en place bénéficient tous les mêmes conditions de coût et de prix. Le prix en vigueur et celui qui résulterait d’une situation de concurrence pure et parfaite. Notions ici l’introduction du concept de barrières à la sortie : ces barrières existent lorsque les firmes installées dans une industrie connaissent ou engagent des coûts irrécupérables ; par exemple, des dépenses publicitaires, ou encore des équipements trop spécifiques pour pouvoir être revendus sans perte consistante. Lorsqu’il existe des barrières à la sortie d’une industrie, la concurrence qui y règne se trouve affectée dans la mesure où les entrants potentiels hésiterons à s’y engager puisque les firmes en place réagiront vivement à leur entrée, ayant moins à perdre dans une guerre des prix que dans la fuite. Avec la théorie des marchés contestables, la mesure du degré de concentration n’apporte plus grandE chose à la connaissance des mécanismes du marché : prix et quantités sont déterminés par la demande et par la fonction de coût des producteurs. La structure du marché, concentrée ou non, est considérée comme naturelle : elle correspond à la réalisation d’éventuelles économies d’échelle par les grandes firmes, sans que ces dernières puissent exercer un pouvoir de marché, la concurrence potentielle les en dissuadant. Avec cette théorie, le dilemme de Marshall trouve une nouvelle solution : la grande taille est compatible avec les économies d’échelle et peut être efficace tant qu’il n’existe pas de barrières à l’entrée ou à la sortie d’une industrie. Ainsi Rémo Linda a-t-il pu déclarer que la concurrence actuelle est devenue un processus de création et de démantèlement de barrières à l’entrée et à la sortie des industries. 3- Les forces concurrentielles Les travaux de Michael Porter renouvellent l’analyse des structures de l’industrie : se fixant comme objectif la détermination des stratégies des entreprises, cet auteur considère les structures comme un ensemble de forces concurrentielles ; il privilégie ainsi les relations entre les éléments de la structure et non pas leur nombre ou tailles relatives. 3-1 La théorie de Michael Porter Michael Porter analyse les structures de l’industrie non pas en vue d’en déterminer les performances, mais afin de découvrir les stratégies adéquates qu’une firme engagée dans cette industrie sera fondée à adopter. Selon cet auteur, les structures d’une industrie consistent en cinq forces concurrentielles : concurrence entre firmes établies, menace de nouveaux entrants, concurrence de produits de substitution, pouvoir de négociation des fournisseurs, pouvoir de négociation des clients. L’intensité des forces concurrentielles dépend des conditions de base dans lesquelles fonctionne l’industrie. En règle générale, plus l’intensité de ces forces concurrentielles est élevée, moins l’industrie concernée est rentable. Et la stratégie d’une firme donnée consistera à chercher à s’isoler de ces forces concurrentielles, de manière à être en mesure de réaliser un bénéfice supérieur à celui de l’industrie en général. Présentons les caractéristiques de ces forces. La concurrence entre firmes établies : elle repose sur le nombre de producteurs en présence, certes, mais elle est également déterminée par le rythme de croissance de la demande, par la hauteur des barrières à la sortie, par la structure des coûts. La menace de nouveaux entrants : elle dépend de la rentabilité de l’industrie mais aussi de facteurs tels que l’évolution de la demande, le changement technique, l’importance des économies d’échelle, la hauteur des barrières à l’entrée. La concurrence de produits de substitution : elle est fonction de degré de différenciation du produit, du coût de changement pour le consommateur (ce dernier peut ne pas souhaiter adopter un substitut au bien qu’il consomme car ce changement lui serait coûteux. Le pouvoir de négociation des fournisseurs : il est lié au rythme de croissance de la demande. Au cout de changement de fournisseur, au nombre de fournisseurs et à la concurrences qui s’exerce entre eux. A l’existence de substituts et de technologies de remplacement, A la part de l’input considéré dans le cout de production, au potentiel d’intégration vers l’aval pour le fournisseur, vers l’amont pour l’acheteur. Le pouvoir de négociation des client : il est fonction du rythme de croissance de la demande, de la part du client dans les débouchés du fournisseur, du degré de concentration de la clientèle, du cout de changement de fournisseur pour le client, du potentiel d’intégration de fournisseur vers l’aval pour le client et pour le fournisseur respectivement, de la différenciation des produits. Cette analyse des forces concurrentielles de porter permet la synthèse de plusieurs concepts de l’économie industrielle. On y retrouve ainsi les thèmes des barrières à l’entrée et à la sortie, des marchés contestables et de la concurrence potentielle, de la filière. Par ailleurs, elle présente l’avantage d’intégrer logiquement les deux premières étapes de la chaine de raisonnement de l’économie industrielle, conditions de base et structures, et de mener tout aussi logiquement à la troisième : les stratégies. Cette méthode fait clairement apparaitre le fait qu’avant d’élaborer une stratégie, une firme doit connaitre le fonctionnement de l’industrie à laquelle elle appartient. Conclusion L’étude des structures d’une industrie, qui n’étaient tout d’abord appréciées que par le nombre et la taille des producteurs en présence, a progressivement été enrichie par l’analyse des relations que les producteurs établissent entre eux et avec la concurrence potentielle. De mécanique qu’elle était. L’analyse devient ainsi systématique, dynamique. Dans cette optique, l’étude des structures mène à celle des stratégies des firmes, appréhendées comme la manière dont elles cherchent à s’isoler des forces concurrentielles auxquelles elles se trouvent confrontées Axe 5 : Les stratégies Avec le déplacement des préoccupations de la démonstration de l’équilibre partiel vers le fonctionnement concret des entreprises, l’étude des stratégies de ces dernières s’est étoffée. A l’origine, leur comportement était considéré comme purement mécanique et se résumait à une fonction objectif à maximiser. Des analyses ont ensuite considéré l’interdépendance des firmes, construisant des modèles stratégiques contingents. Puis les développements de l’économie industrielle ont pris en compte à la fois l’environnement et les caractéristiques internes de la firme afin de déterminer dans quelles conditions une stratégie pouvait être efficace. C’est ainsi que la stratégie d’une firme peut être définie comme l’ensemble des décisions et moyens qu’elle engage en vue de s’isoler du jeu des forces concurrentielles qui pèsent sur elle. 1) Les stratégies de prix Les stratégies de prix sont traditionnellement privilégiées dans la mesure où, à l’origine, les préoccupations des analystes portaient sur les conditions d’équilibre offre-demande de l’industrie. L’étude des stratégies de prix a ensuite été nuancée de manière à mieux appréhender la firme de la réalité et il en a résulté une distinction entre deux grandes modalités de détermination des prix. Le prix de marché peut être fixé en référence au prix de production supporté par l’entreprise, ou il peut être déterminé en tenant compte de l’interdépendance stratégique qui lie les firmes dominantes engagées sur un même marché. Prix de production et prix de marché Sur un marché, on observe en général une proximité des prix pour des biens ou services semblables, même en l’absence de collusion entre offreurs. Ceci s’explique par les phénomènes suivants. Les processus de production mis en œuvre par les différents offreurs d’un même bien ou service sont analogues et il en résulte des coûts de production comparables. Dans la mesure où les offres individuelles sont substituables, un prix unique apparaît sur le marché, couvrant les coûts de production et laissant au producteur un profit acceptable. Bien souvent en fait, l’offreur ne connaît pas a priori son coût de production et aligne en conséquence son prix sur celui en vigueur sur le marché. Dans cette situation, le prix de marché dépend étroitement du prix de production. Une firme dominante sur un tel marché adopte le principe de full cost : elle fixe son prix d’offre à un niveau tel qu’il couvre ses coûts et lui laisse une marge de profit satisfaisante. Un suiveur ne fera qu’adopter le prix en vigueur. Lorsque certaines firmes cherchent à modifier leur situation sur le marché, elles peuvent mettre en œuvre une stratégie de prix différente : elles pratiqueront le full cost mais avec un amortissement étalé de leurs coûts fixes, ce qui permet une baisse de prix. Autre stratégie possible : une firme peut être contrainte à maintenir un prix de marché supérieur à celui de ses concurrents, ce qui alors nécessitera une politique de différenciation du produit. En règle général, il apparaît que les firmes leader sur un marché ne cherchent pas à pratiquer une politique de prix offensive, destinée à éliminer les petits concurrents, même lorsque ces derniers connaissent des coûts de production unitaires plus élevés. Pour les grandes firmes en effet, les PME constituent un amortisseur des fluctuations de demande, un potentiel de sous-traitance leur permettant de régulariser leur activité et leur rythme de croissance. Les stratégies contingentes de prix Le point de départ de cette analyse est l’étude des prix en situation d’oligipole, lorsqu’une interdépendance unit les décisions des firmes dominantes. Une première approche de cette situation a porté sur le cas d’un duopole asymétrique : le leader détermine sa stratégie en fonction de la réaction attendue du suiveur, ce dernier jouissant donc d’une situation avantageuse. La question a été reprise et élargie au cas général de tout oligopole dans l’analyse de la courbe de demande coudée. Il est supposée que dans une situation de concurrence oligopolistique, une firme peut chercher à augmenter son profit de deux manières : soit elle diminue son prix de vente, espérant ainsi que l’élasticité de la demande par rapport au prix sera suffisante pour lui attirer une demande additionnelle plus que proportionnelle à la réduction de prix qu’elle a engagé ; soit elle accroît son prix, espérant que la rigidité de la demande par rapport au prix lui retirera une demande moins que proportionnelle à la hausse de prix. De fait, ces deux conjectures s’avèrent erronées de par la réaction des concurrents : si la firme baisse son prix, les concurrents la suivront et il en découlera une réduction des profits de tous ; si elle accroît son prix, les concurrents ne suivront pas et il en résultera une forte contraction de la demande adressée à la firme, donc de son profit. 2) Les stratégies de croissance La croissance est autant un objectif stratégique pour les firmes, que le résultat de ces stratégies. Les modalités de la croissance On distingue deux modalités de croissance de la firme : la croissance interne et la croissance externe. Le premier type de croissance consiste en la création par la firme d’une nouvelle capacité de production, alors que la croissance externe consiste dans le rachat par la firme d’une capacité de production déjà existante. Le choix de l’une ou de l’autre de ces modalités dépend de plusieurs facteurs. La croissance interne est préférée lorsque la demande croît rapidement ou se déplace géographiquement, lorsque les techniques de production ou les normes de consommation sont en évolution notable, lorsque les prix relatifs des facteurs de production changent, ou encore lorsque des économies d’échelle peuvent être réalisées par accroissement des capacités de production existantes. La croissance externe est préférée en revanche lorsque la demande est stable, lorsque les produits sont fortement différenciés et que les barrières élevées s’opposent à la conquête de nouvelles parts de marché, lorsqu’aucun changement technologique notable n’est attendu. La croissance externe peut prendre différentes formes comme le rachat d’un établissement, la prise de participation minoritaire, majoritaire ou totale d’une société. La société contrôlée devient filiale à partir du moment où la société-mère détient au moins 50% du capital. En cas de prise de contrôle, il peut y avoir absorption (la firme contrôlée perd son identité et ses actifs sont fondus dans ceux de la société exerçant le contrôle), ou fusion (les deux firmes perdent leur identité mais regroupent leurs actifs dans une nouvelle société). Les directions de croissance Quelle que soit la modalité retenue, la firme peut engager sa croissance dans différentes directions. La croissance horizontale consiste en un engagement accru dans l’activité initiale de la firme. La croissance verticale consiste en engagement dans des activités en amont (fournisseur) ou aval (client). La diversification correspond à un engagement dans des activités indépendantes de l’activité principale de la firme. La diversification peut être concentrique (elle correspond à des activités nouvelles ayant un rapport technique ou commercial avec le métier de base de la firme) ou conglomérale (elle porte alors sur un engagement dans une activité n’ayant aucun lien direct avec l’activité initiale de la firme). Différents facteurs décident les firmes à choisir la direction de leur croissance. La croissance horizontale interne pourra être retenue en cas de faible concurrence entre firmes établies ; elle sera externe si la concurrence est plus vive. Elle pourra, dans les deux cas, constituer une dissuasion à l’entrée de nouveaux concurrents si cette menace est forte. La croissance verticale sera préférée en cas de pouvoir exercé par les fournisseurs (amont) ou par les clients (aval). Les modalités de choix des secteurs, lorsque la croissance conglomérale est retenue, ont donné lieu à des analyses matricielles, sélectionnant un nombre réduit de critères permettant de choisir la direction la plus appropriée. La plus célèbre de ces analyses est celle du Boston Consulting Group, qui se base sur les deux critères du taux de croissance du marché et de la part de marché détenue par la firme. Si dans une activité donnée, une firme détient une faible part sur un marché en faible croissance, l’activité est dite poids mort : elle équilibre ses ressources, certes, mais doit être abandonnée rapidement car elle correspond à un produit vieillissant (dans le groupe Chargeurs, Spontex, fabricant de produits ménagers, était considérée comme poids mort). Si une firme détient une forte part d’un marché caractérisé par une croissance faible, l’activité est dite vache à lait : elle dégage un excédent de ressources (les investissements nécessaires sont peu importants) et doit être conservée (France-Loisirs, filiale commune des Presses de la Cité et de l’éditeur allemand Bertelsmann, engagée dans la vente de livres par correspondance, est une vache à lait). Si une firme détient une faible part de marché pour un produit dont la demande est en forte croissance, l’activité est dite point d’interrogation (Wildcat) : elle absorbe des liquidités et l’entreprise pourra ou non y développer son engagement, selon qu’elle prévoit que la croissance du secteur est durable ou non, que l’élargissement de sa part de marché est aisée ou non. Enfin, si une entreprise possède une forte part de marché pour un produit en forte croissance, l’activité dite vedette doit être conservée et même élargie (c’est le cas delà fabrication de verres optiques pour Essilor, par opposition aux autres activités du secteur de l’optique oculaire dans lesquelles elle est engagée : montures, lunettes de protection, distribution). Une telle analyse définit les directions de la croissance en fonction des conditions de base et des structures. 3- Les autres dimensions stratégiques 3-1 Les barrières à l’entrée La stratégie d’une firme peut viser à limiter la concurrence potentielle lorsque celle-ci représente une menace vive. Il existe des barrières naturelles à l’entrée, comme nous l’avons vu, mais des barrières stratégiques peuvent également être érigées. Ce principe a été développé en particulier à l’aide du concept de coûts irrécupérables (sunk costs). L’analyse est la suivante. Supposons qu’une firme établie craigne l’entrée d’un concurrent potentiel. Elle affichera une menace dissuasive à l’égard de l’entrée du concurrent potentiel en engageant des coûts rendant crédible sa menace, coûts constituant une barrière à l’entrée. En effet, en règle générale, lorsqu’un concurrent potentiel pénètre une industrie, la firme établie a intérêt au partage du marché plutôt qu’à une guerre des prix ruineuse pout toutes les deux : la firme en place est incitée à adopter une stratégie passive. Par contre, si elle est déterminée à dissuader l’entrée de manière crédible, la firme établie va engager des coûts irrécupérables impliquant qu’en cas d’entrée, son bénéfice sera plus important en situation de guerre des prix qu’en situation de partage de marché ; elle adopte ainsi une stratégie active de dissuasion. Un arbre de décision illustrant le processus est retracé dans le graphique page suivante. 3-2 La différenciation du produit La différenciation du produit constitue une autre stratégie de modification de l’environnement pesant cette fois sur la demande. Subjective ou objective, la différenciation du produit fidélise une partie de la clientèle et rend sa demande plus rigide au prix. De telle sorte que le producteur qui recourt à cette pratique peut augmenter son prix et accroître ainsi son profit sans perdre de clientèle. Un producteur pourra pousser plus loin cette stratégie de différenciation en multipliant les produits qu’il offre sur le marché, de manière à récupérer le surplus du consommateur : il offrira des produits différenciés à des prix distincts, vendant plus cher aux acheteurs susceptibles de payer un prix plus élevé pour un bien auquel ils sont attachés du fait de la différenciation, moins cher aux autres. Cette stratégie trouve toutefois une limite, les producteurs qui la mettent en œuvre ne pouvant plus faire jouer les effets de série et les économies d’échelle attachés à la production ; cette stratégie sera donc adoptée sous réserve que l’augmentation de coût qui en résulte reste inférieure à l’augmentation de profit attendue. 3-3 La recherche et développement La recherche et développement est une stratégie qui peut aboutir à modifier les techniques de production en usage, à rendre opérationnelles des techniques mieux adaptées aux forces et faiblesses d’une entreprise que les techniques anciennes en vigueur. Elle peut modifier également dans ce sens les produits ou services offerts. La logique du raisonnement donne à penser que les grandes firmes sont à même d’orienter l’innovation en leur faveur : la recherche est coûteuse et ses résultats sont aléatoires, la diffusion des résultats demande un délai pouvant être long, d’où une longue période de récupération des dépenses. 4) Le lien entre structure et stratégie La mise en œuvre d’une stratégie particulière dépend en effet non seulement des forces et faiblesses propres à une entreprise donnée, mais aussi des conditions de son environnement. Une stratégie de domination globale au niveau des coûts, qui se traduit par la possibilité de réduire le prix de marché, soit pour affaiblir la concurrence, soit pour dissuader les concurrents d’agir en ce sens ; Une stratégie de différenciation du produit, fidélisant la clientèle sur un critère autre que le prix, lorsqu’il n’est pas possible à la firme de jouer sur les coûts et les prix ; Une stratégie de focalisation, de concentration de l’activité (en termes de client, de type de produit, d’espace géographique) grâce à une différenciation et/ou une domination par les coûts sur un segment particulier du marché. Conclusion Il apparaît ainsi que les conditions de base et les structures d’une industrie donnée influent largement sur les stratégies des firmes dominantes, phénomène confirmé encore par le fait que très fréquemment, les grandes firmes appartenant à une même industrie adoptent des stratégies semblables. Si des différences se font jour, elles s’expliquent largement par les forces et faiblesses propres à chacune des entreprises. Une firme met en œuvre une stratégie en vue de s’isoler des forces de la concurrence. Cette action se traduit par des résultats que l’on peut apprécier à la fois au niveau de l’entreprise et à celui de l’industrie dans laquelle elle est immergée. Axe 6 : Les performances Les théories des marchés proposent une analyse normative des performances des firmes et industries : prenant comme principe d’efficience la situation de concurrence pure et parfaite, elles cherchent à mesurer de combien les performances s’écartent de cette norme lorsque les structures ne sont plus concurrentielles. Dans cette analyse, trois indicateurs de performance sont retenus : le taux de profit, le niveau des prix, les quantités produites. Les développements de l’économie industrielle ont progressivement déplacé les préoccupations des économistes d’une telle relation structures-performances vers la relation structures-stratégies-performances. Ces dernières ont ainsi pu être analysées comme l’aptitude dont une firme fait preuve pour choisir la stratégie lui permettant de s’isoler au mieux des forces concurrentielles. Les performances de l’industrie sont perçues, quant à elles, comme sa contribution à la réalisation des grands équilibres macroéconomiques nationaux. 1. Les performances de l’entreprise Les résultats de l’entreprise sont appréhendés comme étant sa capacité à être efficace dans la mise en œuvre de sa stratégie, dans sa capacité à s’isoler des forces concurrentielles. 1-1 / Le lien entre structures-performances Un taux de profit supérieur dans une industrie donné à ce qu’il est en moyenne dans l’économie peut résulter soit de la faible concurrence qui y règne, compte tenu de la structure concentrée, soit du fait que ses grandes firmes connaissent une efficacité nettement supérieure à la moyenne et détiennent une part de marché suffisamment importante pour élever la rentabilité de toute l’industrie en question. Plusieurs constations militent en faveur de la seconde explication. Si dans une industrie concentrée, la rentabilité supérieure s’expliquait par l’absence de concurrence, on pourrait supposer que toutes les firmes engagées dans une telle industrie bénéficient de cette situation : or il s’avère que les petites firmes exerçant dans des industries concentrées ne réalisent pas de profits supérieurs à ceux des firmes de même taille engagées dans des industries moins concentrées. Par ailleurs, l’absence de concurrence dans une industrie concentrée devrait se traduire par une évolution de prix peu favorable au consommateur : or il apparaît que les secteurs les plus concentrés sont ceux où les prix augmentent le moins vite, ce qui implique que les grains de productivité y sont plus forts que dans l’ensemble de l’économie et que sous l’influence de la concurrence qui y règne, ces gains sont transmis aux consommateurs. De cette convergence de constations, on peut déduire que la concentration ne s’accompagne pas nécessairement d’une baisse d’intensité du processus concurrentiel opposant les firmes engagées dans une industrie donnée. Cette conclusion est d’ailleurs à l’origine de la théorie des marchés contestables. On est ainsi amené à expliquer la plus forte rentabilité observée dans les industries concentrées comme résultant de l’efficience supérieure des grandes firmes qui y sont présentes. Dans une optique mécanique, on évoquera le lien entre taille et performance : la firme croît pour réaliser des économies d’échelle et la firme de grande taille est plus efficiente car elle réalise ces économies d’échelle. Mais n’est-ce pas là un sophisme destiné à ignorer la complexité des choix stratégiques ouverts à l’entreprise ? Comme nous l’avons déjà évoqué à ce propos, les économies d’échelle résultent de choix portant en particulier sur les directions de croissance retenus. Des économies d’échelle réelles découleront d’une croissance horizontale ou verticale lorsque, dans des circonstances bien précises, il s’agira de faire jouer des lois physiques propres à l’industrie considérée. Des économies d’échelle monétaires résulteront d’un positionnement destiné à exercer un pouvoir sur les fournisseurs ou les clients. Dans une optique systémique, il convient ainsi de considérer la grande taille et son efficience supérieure comme le résultats de la mise en œuvre d’une stratégie efficace, comme un moyen de s’isoler des forces concurrentielles s’exerçant dans une industrie, comme un moyen de transformer à cette fin les conditions de base et les structures de cette industrie. La grande firme, la firme dominante dans une industrie donnée, est capable de stratégie et l’efficacité de ses stratégies se mesure par ses performances. 2. Les performances de l’industrie Les performances d’une industrie peuvent être appréciées de deux points de vue. Le premier concerne l’aptitude de l’ensemble des firmes constituant cette industrie à couvrir leur coûts et à satisfaire en même temps la demande sur le marché national. Le second concerne la contribution de l’industrie à la satisfaction des grands équilibres économiques du pays : croissance, emploi, prix. Il apparaît que ces deux domaines de performance ne sont pas nécessairement convergents. L’équilibre de l’industrie Les performances de l’industrie peuvent être appréciées par sa capacité à satisfaire la demande nationale, tout en conservant un équilibre financier à ses producteurs. Satisfaire la demande nationale est un objectif complexe. Il peut être apprécié en volume : on mesure alors le taux de couverture, soit le rapport entre la production nationale et la demande ; un taux de couverture égal ou supérieur à 1 est jugé satisfaisant. Mais du fait de l’ouverture croissante des marchés et de l’internationalisation des productions, très peu d’industries restent abritées de la concurrence internationale. L’équilibre en volume de l’industrie doit alors s’apprécier également par le taux d’exportation (exportations/production), et par le taux de pénétration (importations/demande intérieure). Les investissements des firmes nationales à l’étranger doivent également être pris en considération. Ce phénomène souvent décrié contribue pourtant à l’équilibre de l’industrie nationale dans la mesure où il permet aux firmes qui ‘internationalisent de profiter de nouveaux marchés, d’y puiser des technologies nouvelles, d’y amortir des coûts fixes. La satisfaction de la demande doit être qualitative également. Cela suppose que les firmes en place consacrent une part notable de leurs revenus à la recherche et développement, de manière à intégrer les modifications prévisibles ou en cours dans les processus de production et dans les caractéristiques du produit. Cela suppose également que les éventuelles stratégies de baisse des coûts par la réalisation de productions en grandes séries n’entraînent pas une standardisation. La satisfaction de la demande doit se faire tout en maintenant l’équilibre financier de l’industrie, c’est à dire la capacité pour des firmes à couvrir leurs coûts et à financer leurs investissements de croissance. Conclusion Les performances d’une firme peuvent être appréciées comme sa capacité à s’isoler des forces concurrentielles, ce qui se traduit concrètement par l’importance de l’excédent restant à sa disposition une fois qu’elle a couvert toutes les charges auxquelles elle doit faire face. Pour l’industrie, les performances seront appréciées comme sa contribution à la réalisation des grands équilibres économiques nationaux. Il convient de souligner le fait qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les bonnes performances des firmes et celles de l’industrie qu’elles composent, l’intérêt individuel des firmes ne correspondant pas nécessairement à celui de l’industrie et de l’ensemble de l’économie. C’est pour cela que l’intervention des Pouvoirs publics reste toujours nécessaire afin de veiller à ce que soit maintenue la cohérence économique et sociale sur laquelle repose toute économie nationale. Conclusion générale Cette méthode repose sur l’adoption d’une démarche analytique propre. Les conditions de base (caractéristiques de l’offre et de la demande) déterminent les structures d’une industrie (intensité des forces concurrentielles que sont la rivalité entre firmes établies, le pouvoir des clients et des fournisseurs, la concurrence potentielle exercée par de nouveaux entrants, la menace que représentent les substituts) ; pour s’isoler de ces forces concurrentielles, les firmes mettent en œuvre des stratégies (en matière de prix, de directions et modalités de croissance), stratégies dont la pertinence se traduit par la qualité des performances (excédent des recettes sur les dépenses pour la firme, contribution à la réalisation des grands équilibres économiques nationaux pour l’industrie). Cette méthode ne doit pas être adoptée de manière mécanique, mais de manière systémique ; les stratégies des firmes sont en même temps des réactions à leur environnement concurrentiel et des actions visant à le transformer à leur avantage. Cette analyse débouche sur l’action : adoption d’une stratégie par les entreprises, élaboration d’une politique sectorielle par les Pouvoirs publics, choix de directives de croissance harmonieuse par les syndicats professionnels d’employeurs, argumentation par les syndicats de salariés de positions relatives aux choix stratégiques des firmes et à la répartition des richesses créées. Dans le cadre de négociations collectives de branches par exemple.