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« Car si l’on prévoit le mal longtemps à l’avance »
« On peut facilement y porter remède »
« Mais si tu attends qu’il te presse, la médecine vient trop tard »
« La maladie est incurable … »
MACHIAVEL, Le Prince, 1513
Les conflits de pouvoirs inhérents aux
évolutions du Système d’Informations
1 Introduction
« Au début de ce troisième millénaire, les entreprises évoluent dans un environnement de plus en plus
complexe et changeant. Des marchés saturés, une compétitivité croissante des pays ayant de faibles
coûts de production, une compétition accrue de la part des firmes multinationales, une plus grande
accessibilité du savoir, des clients plus exigeants, moins fidèles, de même que les modifications que
connaît le tissu démographique sont autant de défis que doivent absolument relever les entreprises
modernes
1
»
« Obligées de survivre et de se développer dans un dans un contexte économique caractérisé par une
instabilité et une intensité concurrentielle croissantes, ces entreprises sont contraintes de développer
leur capacité et leur rapidité d'adaptation. Comme les ailes d'avion se déforment sous l'effet des
turbulences, les géants ont apprendre à danser, selon la belle expression de Rosabeth Moss Kanter
» (TARONDEAU, JOLIBERT et CHOFFRAY, 1994).
L'apprentissage et le changement organisationnels sont donc les seules sources d'avantage
concurrentiel soutenables (SAIAS & GREFEUILLE, 1992). Dès lors, les problématiques de
transformation s'avèrent être un défi majeur pour les managers (VANDANGEON-DERUMEZ, 1998).
Au sein de ces turbulences, la place et l’importance des systèmes d’informations dans le
fonctionnement des entreprises ne sont plus à montrer, l’information étant devenue un enjeu
majeur et critique de l’économie du XXI° siècle.
2
Le gestionnaire et le manager doivent donc faire face à la complexité croissante du monde
2
et pour
cela ils doivent disposer d’instruments conceptuels opérationnels pour orienter leurs actions et leurs
décisions. Ce faisant les raisons de l’évolution de la place des technologies de l’information dans les
firmes deviennent tout à fait évidentes.
Les systèmes d’information sont donc devenus des enjeux stratégiques majeurs quelle que soit la taille
de l’entreprise. Cependant avant de pouvoir disposer d’un système d’information, il faut le concevoir,
le construire, le faire approprier et l’ajuster au travers d’un projet.
L’analyse de l’abondance littérature sur le sujet montre que la plupart des projets d’évolutions des
systèmes d’informations ont des taux d’échec assez élevés, taux qui ne seraient ni acceptables, ni
acceptés dans d’autres secteurs d’activités. L’étude de ces projets peut alors nous apprendre beaucoup
de choses sur les mécanismes comportementaux qui émergent et se révèlent lors d'une tentative
d’adaptation et d'ajustement de l'organisation aux stimuli de son environnement par le biais du
sysme d’information. Cette analyse du comportement des acteurs dans le cadre des évolutions du
sysme d’information s'inscrit bien dans la lignée d'une approche contingente de l'apprentissage
organisationnel.
Ce travail s’intéresse aux conflits de pouvoirs inhérents ou émergents lors des évolutions des
sysmes d’informations. Pour organiser notre réflexion, nous commencerons par finir le concept
de sysme d’information, afin d’identifier les caractéristiques dun « bon » système d’information.
Pour l’entreprise, la quête vers lexcellence en matre de S.I passera, nous le verrons, par un
management spécifique que les acteurs de la Fonction SI devront s’approprier et apprendre à mettre
en œuvre. Ce travail d’appropriation sera alors l’occasion pour nous d’approfondir le concept de
gouvernance en matière de sysme d’information, de l’inscrire dans un processus d’apprentissage
producteur de maturité, et de mettre en lumière le rôle du management dans les projets S.I.
Ces réflexions démontreront qu’en matière de management du S.I, l’apprentissage est long et
difficile, parce que les acteurs de la Fonction S.I appartiennent à une communauté conflictuelle et
que le manque de maturi dans la régulation des processus d’apprentissage organisationnels est à
l’origine de bien des erreurs. Enfin en nous appuyant sur toute la matière précédemment organisée et
des exemples de terrain, nous tenterons d’apporter des éclairages sur les conflits de pouvoirs inhérents
aux évolutions du système d’information.
1
Suzanne RIVARD, 2003
2
RA THIETARD, Management & Complexité : concepts et théories, Cahier de recherche DMSP, 282, avril 2000,
http://www.dmsp.dauphine.fr/DMSP/CahiersRecherche/CR282.pdf
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2 Quelles définitions pour le Système d’Information ?
Le terme de « système d’information » fait l’objet de très nombreuses définitions, et reste encore
aujourd’hui très confus pour beaucoup d’acteurs au sein des entreprises. La variété des définitions
proposées depuis les années 60 permet alors d’apprécier la diversité même d’un concept qui s’inscrit
dans une dynamique permanente d’approfondissement. Il n’est donc pas dans notre propos de
recenser toutes les définitions proposées depuis plusieurs décennies, mais de synthétiser les grandes
évolutions de ces définitions avec le temps.
2.1 L’assimilation et la confusion avec l’outil informatique
Pendant longtemps une confusion de pensée et de langage s’est développée dans le monde de
l’entreprise. Le concept de système d’information était confondu avec les outils techniques qui en
étaient le support. Il était souvent défini par les moyens que sont les ordinateurs, les programmes et les
réseaux plutôt que par sa finalité et ses usages ! On a cru et on croit malheureusement encore - que le
système d’information, c’est de l’informatique. Cette confusion reste, en effet, toujours présente dans
l’esprit de bon nombre d’acteurs opérationnels, tant au sein de la fonction informatique qu’au niveau
des Comités de Direction
3
.
Les acteurs qui ont cette vision des choses vont alors chercher dans la performance de l’architecture
technique et des outils la réponse à leurs besoins organisationnels. Pour eux la maturité du système
d’information passe par sa modernité.
2.2 L’approche par le contenu et le contenant
Une fois cette confusion dépassée, il est alors possible de distinguer deux faces au système
d'information : l'une orientée vers les moyens (" le système informatique", les autres outils, les
applications), l'autre vers les besoins et les usages, auxquels la réflexion sur les S.I donne depuis
plusieurs années une place croissante. De nouvelles définitions ont alors mis l’accent sur l’information
(la matière première) et sa circulation au sein de l’entreprise. Le système d'information se définit alors
par l'ensemble des informations formalisables circulant dans l'entreprise et caractérisées par des liens
de dépendance, ainsi que par les procédures et les moyens nécessaires pour les définir, les rechercher,
les formaliser, les exploiter, les conserver, les distribuer. REIX (1995) définit le système
d’information comme « un ensemble organisé de ressources : matériels, logiciels, personnes,
données, procédures, permettant d’acquérir, de traiter, stocker, et échanger des informations dans
les organisations ».
3
Cette confusion est encore tellement présente dans les PME, que dans 50% des projets d’évolution du S.I où j’interviens il me faut lever
clairement cette confusion tant au niveau du Comité de Direction que des acteurs métiers (y compris des acteurs de la fonction
informatique)
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Le système d’information apparaît alors comme un ensemble composé de trois couches dont la
cohérence est la condition majeure de l’efficacité : le matériel et l’architecture technique, les
applications et leurs interfaces, et les pratiques de management associées aux circuits organisationnels
qui régulent le partage et d’exploitation de l’information…
Ces définitions permettent de comprendre que l’information est une matière première essentielle. La
performance organisationnelle consiste à disposer des informations pertinentes et à savoir les diffuser
et les partager au sein de l’organisation en fonction des différents niveaux de préoccupations
(stratégique, tactique, opérationnel). La maîtrise du contenu (l’information), et celle du contenant (les
outils et circuits supports de ces informations) semblent alors être les facteurs d’efficacité majeurs.
Les critères de maturité d’un tel système d’information sont alors la pertinence, la fiabilité et
l’exhaustivité de l’information disponible, ainsi que la réactivité et le taux de couverture de
« l’arborescence diffusionnelle » au sein des différentes fonctions de l’entreprise. Cependant ce type
de définitions n'indiquait ni à quoi sert le système d'information, ni comment il est utili : elles
ignoraient sa finalité et surtout sa dynamique d’usage !
2.3 L’approche par les finalités
Le système d’information ne peut s’organiser autour du seul objectif d’automatiser les traitements de
gestion et de faire circuler de l’information. Une de ses finalités majeures réside dans l’aide à la prise
de décisions à tous les niveaux de l’entreprise, car la finalité de l’information, c’est la décision pour
action !
Dans la logique du « à quoi cela sert-il ? » de nouvelles définitions sont alors apparues « surfant »
autour des besoins de simulations et d’aide à la décision (les SIAD)
4
. PEAUCELLE (1981) explique
que « Le système d’information est un langage de communication de l’organisation, construit pour
représenter, de manière fiable et objective, rapidement et économiquement, certains aspects de son
activité passée ou à venir » Pour VOLLE (2000) « Un système d’information est un système de
données qui, selon le degré de formalisation et les objectifs poursuivis, pourra permettre de décrire,
expliquer, simuler, prédire et agir sur les phénomènes étudiés (site www.volle.com) »
Cette étape dans la définition des systèmes d’informations est une étape importante, car elle fait
apparaître que la performance d’un S.I passe par les compétences, les pratiques, les usages et les
enjeux des acteurs qui l’utilisent.
4
SIAD Système Informationnel d’Aide à la Décision
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Un renversement majeur s’est opéré, car les capacités offertes par les technologies disponibles ne
constituent plus un facteur limitant ! L’étude des usages des technologies de l’information et de la
communication devient un vrai enjeu pour l’entreprise. En matière de décision par exemple, la
compétence et le « courage à décider » comptent au moins autant que l’information de base et l’outil
pour l’exploiter. L’acteur prend alors une place bien plus importante par rapport à l’information et
aux outils. Il se situe de fait au cœur du système ! Il en devient du même coup un vecteur de risque
majeur !
Pour prendre en compte ces aspects émergents (notamment le rôle prépondérant dans l’efficacité du
système d’information des intentions des acteurs, qui induisent de fait, les usages qu’ils font des outils
et de l’information), est apparue l’idée qu’un système d’information est un construit contingent réalisé
par des acteurs sociaux. De nouvelles définitions sont alors apparues ayant recours à des termes assez
innovants pour décrire un système d’information tels que « acteurs sociaux, langage, représentations,
interactions, conflits, … ».
2.4 Un construit contingent d’acteurs sociaux
En plaçant l’acteur social au centre du système d’information, il devient nécessaire de tenir compte des
interprétations, des usages et des enjeux que ces acteurs vont intégrer dans la manipulation et
l’utilisation d’une information. L’information est en effet du pouvoir
5
(ATTALI, 1990), et les acteurs
peuvent en modifier considérablement la pertinence, l’usage et la finalité par leurs seuls
comportements ! Il est donc possible de considérer l'information comme un produit social toujours
ouvert, sans cesse ré-interprété par l'usage qui en est fait (JEANNERET, 2000). Le système
d’information s’est (re)définit alors comme le support des échanges entre des acteurs sociaux au sein
de l’entreprise (mais aussi à l’extérieur).
Ces acteurs sociaux communiquent, et se positionnent les uns par rapport aux autres, au sein d’une
intense et opaque dynamique sociale, à l’aide d’un ensemble de représentations conçues et interprétées
(d’où l’aspect subjectif, partiel, multi interprétable et souvent politique de l’information initiale). Ces
mêmes acteurs organisent leurs échanges par un ensemble de règles, de procédures et de pratiques
dont l’usage est spécifique et contextuel, mais qui reste également orienté par une construction
technologique à base d’outils.
Cette vision des choses conduit à l’émergence de nouvelles définitions :
Un système d’informations est un système d’interactions sociales destinées à créer, échanger, et
interpréter des significations (HIRSCHEIM, KLEIN & LYYTINEN, 1995)
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Jacques ATTALI, « Lignes d’horizon », Paris, Editions Fayard, 215 pages. L’auteur définit l’information comme le troisième pouvoir
après la force et l’argent.
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