« Car si l’on prévoit le mal longtemps à l’avance » « On peut facilement y porter remède » « Mais si tu attends qu’il te presse, la médecine vient trop tard » « La maladie est incurable … » MACHIAVEL, Le Prince, 1513 Les conflits de pouvoirs inhérents aux évolutions du Système d’Informations 1 Introduction « Au début de ce troisième millénaire, les entreprises évoluent dans un environnement de plus en plus complexe et changeant. Des marchés saturés, une compétitivité croissante des pays ayant de faibles coûts de production, une compétition accrue de la part des firmes multinationales, une plus grande accessibilité du savoir, des clients plus exigeants, moins fidèles, de même que les modifications que connaît le tissu démographique sont autant de défis que doivent absolument relever les entreprises modernes1 » « Obligées de survivre et de se développer dans un dans un contexte économique caractérisé par une instabilité et une intensité concurrentielle croissantes, ces entreprises sont contraintes de développer leur capacité et leur rapidité d'adaptation. Comme les ailes d'avion se déforment sous l'effet des turbulences, les géants ont dû apprendre à danser, selon la belle expression de Rosabeth Moss Kanter » (TARONDEAU, JOLIBERT et CHOFFRAY, 1994). L'apprentissage et le changement organisationnels sont donc les seules sources d'avantage concurrentiel soutenables (SAIAS & GREFEUILLE, 1992). Dès lors, les problématiques de transformation s'avèrent être un défi majeur pour les managers (VANDANGEON-DERUMEZ, 1998). Au sein de ces turbulences, la place et l’importance des systèmes d’informations dans le fonctionnement des entreprises ne sont plus à démontrer, l’information étant devenue un enjeu majeur et critique de l’économie du XXI° siècle. 1 Le gestionnaire et le manager doivent donc faire face à la complexité croissante du monde2 et pour cela ils doivent disposer d’instruments conceptuels opérationnels pour orienter leurs actions et leurs décisions. Ce faisant les raisons de l’évolution de la place des technologies de l’information dans les firmes deviennent tout à fait évidentes. Les systèmes d’information sont donc devenus des enjeux stratégiques majeurs quelle que soit la taille de l’entreprise. Cependant avant de pouvoir disposer d’un système d’information, il faut le concevoir, le construire, le faire approprier et l’ajuster au travers d’un projet. L’analyse de l’abondance littérature sur le sujet montre que la plupart des projets d’évolutions des systèmes d’informations ont des taux d’échec assez élevés, taux qui ne seraient ni acceptables, ni acceptés dans d’autres secteurs d’activités. L’étude de ces projets peut alors nous apprendre beaucoup de choses sur les mécanismes comportementaux qui émergent et se révèlent lors d'une tentative d’adaptation et d'ajustement de l'organisation aux stimuli de son environnement par le biais du système d’information. Cette analyse du comportement des acteurs dans le cadre des évolutions du système d’information s'inscrit bien dans la lignée d'une approche contingente de l'apprentissage organisationnel. Ce travail s’intéresse aux conflits de pouvoirs inhérents ou émergents lors des évolutions des systèmes d’informations. Pour organiser notre réflexion, nous commencerons par définir le concept de système d’information, afin d’identifier les caractéristiques d’un « bon » système d’information. Pour l’entreprise, la quête vers l’excellence en matière de S.I passera, nous le verrons, par un management spécifique que les acteurs de la Fonction SI devront s’approprier et apprendre à mettre en œuvre. Ce travail d’appropriation sera alors l’occasion pour nous d’approfondir le concept de gouvernance en matière de système d’information, de l’inscrire dans un processus d’apprentissage producteur de maturité, et de mettre en lumière le rôle du management dans les projets S.I. Ces réflexions démontreront qu’en matière de management du S.I, l’apprentissage est long et difficile, parce que les acteurs de la Fonction S.I appartiennent à une communauté conflictuelle et que le manque de maturité dans la régulation des processus d’apprentissage organisationnels est à l’origine de bien des erreurs. Enfin en nous appuyant sur toute la matière précédemment organisée et des exemples de terrain, nous tenterons d’apporter des éclairages sur les conflits de pouvoirs inhérents aux évolutions du système d’information. 1 Suzanne RIVARD, 2003 RA THIETARD, Management & Complexité : concepts et théories, Cahier de recherche DMSP, n° 282, avril 2000, http://www.dmsp.dauphine.fr/DMSP/CahiersRecherche/CR282.pdf 2 2 2 Quelles définitions pour le Système d’Information ? Le terme de « système d’information » fait l’objet de très nombreuses définitions, et reste encore aujourd’hui très confus pour beaucoup d’acteurs au sein des entreprises. La variété des définitions proposées depuis les années 60 permet alors d’apprécier la diversité même d’un concept qui s’inscrit dans une dynamique permanente d’approfondissement. Il n’est donc pas dans notre propos de recenser toutes les définitions proposées depuis plusieurs décennies, mais de synthétiser les grandes évolutions de ces définitions avec le temps. 2.1 L’assimilation et la confusion avec l’outil informatique Pendant longtemps une confusion de pensée et de langage s’est développée dans le monde de l’entreprise. Le concept de système d’information était confondu avec les outils techniques qui en étaient le support. Il était souvent défini par les moyens que sont les ordinateurs, les programmes et les réseaux plutôt que par sa finalité et ses usages ! On a cru – et on croit malheureusement encore - que le système d’information, c’est de l’informatique. Cette confusion reste, en effet, toujours présente dans l’esprit de bon nombre d’acteurs opérationnels, tant au sein de la fonction informatique qu’au niveau des Comités de Direction3. Les acteurs qui ont cette vision des choses vont alors chercher dans la performance de l’architecture technique et des outils la réponse à leurs besoins organisationnels. Pour eux la maturité du système d’information passe par sa modernité. 2.2 L’approche par le contenu et le contenant Une fois cette confusion dépassée, il est alors possible de distinguer deux faces au système d'information : l'une orientée vers les moyens (" le système informatique", les autres outils, les applications), l'autre vers les besoins et les usages, auxquels la réflexion sur les S.I donne depuis plusieurs années une place croissante. De nouvelles définitions ont alors mis l’accent sur l’information (la matière première) et sa circulation au sein de l’entreprise. Le système d'information se définit alors par l'ensemble des informations formalisables circulant dans l'entreprise et caractérisées par des liens de dépendance, ainsi que par les procédures et les moyens nécessaires pour les définir, les rechercher, les formaliser, les exploiter, les conserver, les distribuer. d’information comme « un ensemble organisé de ressources : REIX (1995) définit le système matériels, logiciels, personnes, données, procédures, … permettant d’acquérir, de traiter, stocker, et échanger des informations dans les organisations ». 3 Cette confusion est encore tellement présente dans les PME, que dans 50% des projets d’évolution du S.I où j’interviens il me faut lever clairement cette confusion tant au niveau du Comité de Direction que des acteurs métiers (y compris des acteurs de la fonction informatique) 3 Le système d’information apparaît alors comme un ensemble composé de trois couches dont la cohérence est la condition majeure de l’efficacité : le matériel et l’architecture technique, les applications et leurs interfaces, et les pratiques de management associées aux circuits organisationnels qui régulent le partage et d’exploitation de l’information… Ces définitions permettent de comprendre que l’information est une matière première essentielle. La performance organisationnelle consiste à disposer des informations pertinentes et à savoir les diffuser et les partager au sein de l’organisation en fonction des différents niveaux de préoccupations (stratégique, tactique, opérationnel). La maîtrise du contenu (l’information), et celle du contenant (les outils et circuits supports de ces informations) semblent alors être les facteurs d’efficacité majeurs. Les critères de maturité d’un tel système d’information sont alors la pertinence, la fiabilité et l’exhaustivité de l’information disponible, ainsi que la réactivité et le taux de couverture de « l’arborescence diffusionnelle » au sein des différentes fonctions de l’entreprise. Cependant ce type de définitions n'indiquait ni à quoi sert le système d'information, ni comment il est utilisé : elles ignoraient sa finalité et surtout sa dynamique d’usage ! 2.3 L’approche par les finalités Le système d’information ne peut s’organiser autour du seul objectif d’automatiser les traitements de gestion et de faire circuler de l’information. Une de ses finalités majeures réside dans l’aide à la prise de décisions à tous les niveaux de l’entreprise, car la finalité de l’information, c’est la décision pour action ! Dans la logique du « à quoi cela sert-il ? » de nouvelles définitions sont alors apparues « surfant » autour des besoins de simulations et d’aide à la décision (les SIAD) 4. PEAUCELLE (1981) explique que « Le système d’information est un langage de communication de l’organisation, construit pour représenter, de manière fiable et objective, rapidement et économiquement, certains aspects de son activité passée ou à venir » Pour VOLLE (2000) « Un système d’information est un système de données qui, selon le degré de formalisation et les objectifs poursuivis, pourra permettre de décrire, expliquer, simuler, prédire et agir sur les phénomènes étudiés (site www.volle.com) » Cette étape dans la définition des systèmes d’informations est une étape importante, car elle fait apparaître que la performance d’un S.I passe par les compétences, les pratiques, les usages et les enjeux des acteurs qui l’utilisent. 4 SIAD Système Informationnel d’Aide à la Décision 4 Un renversement majeur s’est opéré, car les capacités offertes par les technologies disponibles ne constituent plus un facteur limitant ! L’étude des usages des technologies de l’information et de la communication devient un vrai enjeu pour l’entreprise. En matière de décision par exemple, la compétence et le « courage à décider » comptent au moins autant que l’information de base et l’outil pour l’exploiter. L’acteur prend alors une place bien plus importante par rapport à l’information et aux outils. Il se situe de fait au cœur du système ! Il en devient du même coup un vecteur de risque majeur ! Pour prendre en compte ces aspects émergents (notamment le rôle prépondérant dans l’efficacité du système d’information des intentions des acteurs, qui induisent de fait, les usages qu’ils font des outils et de l’information), est apparue l’idée qu’un système d’information est un construit contingent réalisé par des acteurs sociaux. De nouvelles définitions sont alors apparues ayant recours à des termes assez innovants pour décrire un système d’information tels que « acteurs sociaux, langage, représentations, interactions, conflits, … ». Un construit contingent d’acteurs sociaux 2.4 En plaçant l’acteur social au centre du système d’information, il devient nécessaire de tenir compte des interprétations, des usages et des enjeux que ces acteurs vont intégrer dans la manipulation et l’utilisation d’une information. L’information est en effet du pouvoir5 (ATTALI, 1990), et les acteurs peuvent en modifier considérablement la pertinence, l’usage et la finalité par leurs seuls comportements ! Il est donc possible de considérer l'information comme un produit social toujours ouvert, sans cesse ré-interprété par l'usage qui en est fait (JEANNERET, 2000). Le système d’information s’est (re)définit alors comme le support des échanges entre des acteurs sociaux au sein de l’entreprise (mais aussi à l’extérieur). Ces acteurs sociaux communiquent, et se positionnent les uns par rapport aux autres, au sein d’une intense et opaque dynamique sociale, à l’aide d’un ensemble de représentations conçues et interprétées (d’où l’aspect subjectif, partiel, multi interprétable et souvent politique de l’information initiale). Ces mêmes acteurs organisent leurs échanges par un ensemble de règles, de procédures et de pratiques dont l’usage est spécifique et contextuel, mais qui reste également orienté par une construction technologique à base d’outils. Cette vision des choses conduit à l’émergence de nouvelles définitions : Un système d’informations est un système d’interactions sociales destinées à créer, échanger, et interpréter des significations (HIRSCHEIM, KLEIN & LYYTINEN, 1995) 5 Jacques ATTALI, « Lignes d’horizon », Paris, Editions Fayard, 215 pages. L’auteur définit l’information comme le troisième pouvoir après la force et l’argent. 5 Un système d’information est un ensemble d’acteurs sociaux qui mémorisent et transforment des représentations via des technologies de l’information et des modes opératoires (REIX & ROWE, 2001) Dans ces définitions, l’information et l’acteur sont placés au centre d’un système complexe, et sont en permanente interaction, rétroaction et imbrication (ROSE & LEWIS, 2001). Le système d’information ne peut donc être approché que par la complexité6. Ce qui conduit à développer un certain nombre de réflexions. D’abord si le système d’information est un construit contingent réalisé par des acteurs sociaux, alors il reflète leurs enjeux, et il va se traduire par des conflictualités plus ou moins fortes. Les phénomènes d’apprentissage collectifs vont alors passer par des étapes de déstabilisation et de progression débouchant avec le temps sur des évolutions de maturité. Le Système d’Information est alors un phénomène complexe, multipolaire partiellement déterminé (ROWE, 2002) Les projets d’évolution du système d’information s’inscrivent donc bien dans le cadre d’un processus non linéaire de changement socio-technique à rythmes irréguliers et négociables. Il est donc indispensable pour étudier leur impact sur la maturité en matière de management du S.I, de prendre en compte les conflictualités et les « jeux d’acteurs », les dynamiques relationnelles et les processus support visant à orienter et réguler les actions des acteurs au sein de leur système social. Le concept de système d’information est donc bien très diversifié. Il fait référence à des outils technologiques et à des informations utilisés par des acteurs sociaux dont les usages sont influencés par des dynamiques sociales propre au contexte organisationnel et à leurs enjeux individuels et collectifs. Mais, en fin de compte, qu’est ce qui caractérise un bon système d’information ? 2.5 Qu’est ce qu’un bon système d’information ? Lorsque le système d’information est bien conçu, l’entreprise bénéficie d’un langage de qualité pour éclairer son positionnement, prendre ses décisions, faire fonctionner ses procédures et évaluer son action. Elle maîtrise la communication multimédia entre ses agents et avec ses clients, ainsi que l’interopérabilité avec les systèmes d’information de ses partenaires. Alors le système d’information élucide l’entreprise : il l’éclaire de sorte qu’elle rayonne l’information nécessaire aux acteurs. 6 « La complexité, c’est ce qui échappe à la pensée qui isole les objets, à la pensée qui compartimente les secteurs, à la pensée qui réduit un tout divers à un élément fondamental. C’est ce qui échappe à la vision mécaniste ou strictement déterministe. C’est ce qui échappe à la causalité linéaire. » Edgar Morin - Actes de la Conférence donnée en 1995 à l’Université de Nantes sur la Complexité (page 2) 6 On entend prononcer dans l’entreprise des phrases comme : « on sait ce qu’on a à faire », « c’est bien organisé », « la boîte marche bien », « on est bien dirigés ». Cette conception du langage de l’entreprise relève d’abord de la responsabilité des acteurs des métiers, des « maîtrises d’ouvrage ». Si l’informatique des années 70 ne traitait que des données structurées ; aujourd’hui le système d’information traite et classe des textes en langage naturel, le courrier, la documentation, bref tout ce qui s’écrit, se pense et se conçoit dans l’entreprise. Seuls lui échappent encore les textes effaçables, les conversations orales, les savoirs tacites, les non-dits et des notes manuscrites. Malheureusement, l’attention des dirigeants se concentre souvent sur les outil ou les projets et non sur le fonctionnement de l’entreprise et les usages des acteurs autour du système d’information. C’est comme si, dans une ville, on s’intéressait aux chantiers et non à la vie, au travail et à la circulation des habitants ! Cette approche défocalisée suscite l’inflation des outils, la faible efficacité des projets et multiplie les risques de toutes nature. Un projet est d’autant plus visible qu’il est plus coûteux et non qu’il est plus utile. Cependant plus un projet est gros, plus son risque d’échec est élevé. D’après le Standish Group7 30 % des grands projets informatiques échouent totalement et 54 % ne donnent pas les résultats escomptés ! Nous ne supporterions pas un tel taux d’échec dans les autres domaines (par exemple les travaux publics, ou les soins médicaux) : la maîtrise et le management du système d’information manquent donc bien de maturité ! Si chaque entreprise peut définir le système d’information qui correspond à ces besoins, la théorie économique indique que cette adéquation passe à un instant donné par un taux d’informatisation optimal, une définition optimale du portefeuille applicatif, et la mesure d’impact des usages que font les utilisateurs des outils et des informations. L’entreprise peut s’approcher de cet idéal par tâtonnement si elle suit quelques règles simples. Ces règles se résument en trois mots clés : pertinence, sobriété, cohérence. La pertinence, c’est l’adéquation aux besoins des métiers. Elle s’acquiert par l’écoute des praticiens et le benchmark auprès d’entreprises analogues, ainsi que par l’évaluation des applications en cours d’exploitation. Il s’agit d’une démarche expérimentale ; elle procède au rebours du dogmatisme que l’on rencontre parfois dans les Directions Générales. La sobriété est le complément nécessaire de l’écoute. Si l’on suit à la lettre la demande des utilisateurs, on produit des systèmes peu efficaces. Il faut prioriser, élaguer, décoder, simplifier le plus 7 Etude du Standish Group réalisée en 1995 portant sur 175.000 projets aux Etats-Unis : 30 % d'entre eux, représentant pourtant une dépense totale de 81 milliards de dollars, n'ont engendré aucun bénéfice net ! La même étude réalisée en 1998, montre que 26 % des projets aboutirent à des résultats extrêmement décevants et que 5 % furent un échec total. 7 possible. C’est en partie parce que les systèmes d’information sont trop lourds qu’il faut si souvent les remettre en chantier. La plupart des systèmes d’information sont soumis à une entropie qui dégrade leur qualité sémantique : on le voit bien quand on est confronté à des statistiques incohérentes. La cohérence s’obtient en articulant les applications au référentiel et en plaçant les données au centre du système d’information. C’est le principe même du concept des ERP. Ces trois critères illustrent la responsabilité des maîtrises d’ouvrage. Les échecs informatiques ont tous été provoqués par des maîtrises d’ouvrage versatiles, incapables de définir leurs priorités, traversées par des conflits dérisoires. Elles ont manqué de professionnalisme, et de maturité, en s’appuyant sur des dogmes et des certitudes qui n’auraient jamais pu se développer si la compréhension des concepts de base avait été à l’ordre du jour ! Pour conclure ce travail de synthèse sur la définition d’un système d’information, nous retiendrons essentiellement qu’un système d’information est un construit contingent d’acteurs sociaux. Comme tel, il se construit avec le temps, au travers d’actions collectives (des projets d’évolution) qui peuvent (ou non, selon la maturité des acteurs) favoriser de nouvelles pratiques de management du système d’information. 3 La nécessité d’un management spécifique L’art du management est de choisir, d’organiser et d’animer les ressources internes et externes du territoire à manager afin de réaliser les objectifs qui ont été fixés. Pour DRUCKER (1999) « Tout ce qui concerne de près ou de loin les performances de l’entreprise fait partie du domaine du management 8 » Le management du système d’information doit alors se donner comme objectifs de choisir, d’organiser et d’animer les composantes internes et externes du système d’information pour permettre à l’entreprise d’atteindre ses objectifs stratégiques. C’est la base même du concept d’alignement stratégique. Puisque les composantes du système d’informations sont à la fois techniques, sociales, organisationnelles et informationnelles, leur management relève donc à la fois de compétences multiples, de niveaux d’interventions transversaux, et d’un niveau d’autorité couvrant l’ensemble des situations d’usages au sein de l’entreprise. 8 DRUCKER P., « Management Challenges for the 21st Century“, Harper Business, 207 pages, 1999, page 34 8 La fonction « Système d’information » doit alors veiller à la performance du contenant (le système informatique), à la cohérence du contenu (l’information) et à l’adhésion des acteurs (les usages), et le management du système d’information ne peut donc relever que du domaine de compétence de la Direction Générale, assisté par l’encadrement métier et les acteurs de la fonction informatique. Cependant, en matière de système d’information, le concept de management rencontre de nombreuses difficultés et résistances dans sa mise en œuvre. Soit par ce que ce management est confié aux acteurs de la fonction informatique qui n’ont pas toutes les compétences ad hoc pour le faire, et recentrent leur champ d’action sur la technique en restant au stade de la simple mesure ou de l’optimisation des coûts informatiques. Soit parce que la Direction Générale, qui n’a pas compris l’importance du système d’information, et ne possède qu’une faible culture informatique, s’en désintéresse. Si c’est le cas, la nature ayant horreur du vide (surtout en management) c’est souvent la Fonction informatique interne, ou un prestataire externe qui assumera ce rôle. Cette situation d’abandon arrange alors dans de nombreux cas l’encadrement métier, qui est peu enclin à voir se développer des outils supports de nouvelles pratiques de management basées sur la mesure, l’évaluation et la responsabilisation. 3.1 Introduction à la notion de gouvernance du système d’information JOMINI, Général de Napoléon, considérait la stratégie comme l’art de gagner la guerre, et la tactique comme celui de gagner une bataille. C’est un peu la relation qui existe entre la gouvernance du système d’information et la gestion de projets, cette dernière étant le premier pas vers la gouvernance. Cette notion de gouvernance est fondamentale car en matière de S.I le constant navrant que l’on peut faire est que les directions générales ont perdu la main (TASSIN,2005). Les mécanismes de gouvernance n’en constituent pas moins le socle qui permet d’établir et de gérer les relations avec les différentes parties prenantes et les acteurs de la fonction SI, base incontournable de la gestion d’un projet S.I. Qu’est ce que la gouvernance ? Etymologiquement le mot trouve son origine dans la France du 18eme siècle. A cette époque les termes de gouvernement et de gouvernance semblent très proches sur le plan sémantique. Renvoyant à l’image du gouvernail (Kubernaï en grec) dans l’art de piloter les navires, la notion de gouvernance renvoie à l’action de piloter quelque chose. L’émergence de l’état moderne à partir du 16eme siècle et les réflexions conceptuelles sur les notions liées au pouvoir (MACHIAVEL, HOBBES, LOCKE, BODIN, ROUSSEAU) ont progressivement conduit à l’autonomisation de la notion de gouvernance par rapport à celle de gouvernement. 9 LA GOUVERNANCE DE LA FONCTION SYSTEME D’INFORMATION alors au monopole de l’entièreté du MATURITES VISION DU SYSTEME D’INFORMATION MANAGEMENT DE SYSTEMES MAITRISE DE PROCESSUS Usages des TIC & dynamiques sociales Indicateurs Tableaux de bord pouvoir s’exerçant sur une population Outil Informatique : Architecture, Applications, Moyens, compétences Relations avec les partenaires externes Sécurité, Qualité, Évolutivité, Intégration Variables d’usages Relations acteurs – outils Impacts organisationnels & managériaux Pratiques de MOA Structures & règles de coordination du S.I donné. La gouvernance, au sens de la manière de gérer adéquatement la Rôles Composition Compétences chose publique indépendamment de la question du pouvoir. Ce concept qui est plus lié à l’idée de gestion, Projets d’évolution du S.I Comite de pilotage Règles du jeu – Schéma directeur Lien avec les autre démarche de progrès donnée circonscrite à un territoire science du gouvernement, est alors la Rôles & Structures de la Fonction Informatique Outils de pilotage La notion de gouvernement renvoi Approche globale, Normes et Méthodes Aspects Management, Organisation Management de projets qu’à la notion de pouvoir s’exporte vers le monde anglo-saxon au 19 ème siècle, et nous revient aujourd’hui alors que le mot même était tombé en désuétude dans le vocabulaire français. C’est donc bien du mode de gestion du système d’information dont il s’agit …. La gouvernance du système d’information a donc une structure comparable à celle que propose l’IFAC 9pour la gouvernance d’entreprise, elle se structure en deux partie : une organisation (centrée sur les acteurs de la fonction SI) et des moyens (planification, développement, exploitation, surveillance …) (A développer ici les différentes composantes …) 3.2 La notion maturité appliquée au management du S.I La notion de maturité nous paraît un concept intéressant pour analyser et caractériser les évolutions en matière de gouvernance et de management du système d’information. Les définitions de la maturité sont nombreuses preuve que la connaissance en ce domaine n’est peut être pas arrivée … à maturité ! Certaines de ces définitions nous donnent cependant des pistes de réflexions intéressantes pour définir – par extrapolation à partir du monde vivant – ce qui peut caractériser la maturité en terme de gouvernance et de management du système d’information … Maturité n.f., ou Mature adj., ou Maturation n.f. (psychobiologie) : La maturité correspond à la période postérieure au développement initial d'une structure ou d'une fonction. À la maturité, celle-ci devient pleinement fonctionnelle ce qui se traduit par le développement et l’acquisition de comportements complexes C’est une plénitude qui est l'aboutissement d'une évolution (pour l’être humain c’est la période ou est atteinte son potentiel de développement physique et intellectuel) 9 IFAC International Federation of Accountants 10 Des expériences successives semblent être des conditions nécessaires mais pas suffisantes pour le développement de la maturité. La maturité est un processus d’apprentissage qui se construit sur ce qu’on retire des expériences et non sur les expériences elles mêmes 10. La maturité peut alors être un autre nom pour la réalisation. La fonction ou l’individu sont arrivés à l'accomplissement de leur potentiel. Mais celui-ci s'étant actualisé au fil de temps et des contraintes d’environnement, la maturité n’est pas l’atteinte d’un état, mais se définirait plutôt comme une dynamique de progrès. Ainsi la notion de maturité serait tellement variable qu’elle se redéfinirait sans cesse. Elle fluctue avec le mouvement choisi, avec les responsabilités, avec les libertés périphériques; elle varie selon le contexte : être mature c’est s’assumer pleinement, mais de façon différente en fonction d’un contexte. Dans la Kabbale, qui est la branche juive de la Pensée traditionnelle, on enseigne que pour entreprendre une démarche authentique, il faut avoir passé quarante ans, avoir élevé ses enfants et avoir payé sa maison. Il ne s'agit pas de prendre cette formule à la lettre mais d'en comprendre l'esprit. Il n'y a aucun doute, quels qu'aient été l'ouverture d'esprit et le sérieux de l'interrogation dans la première phase de la vie, que l'âge semble déterminant. Il paraît nécessaire, en effet, d'avoir parcouru une bonne partie du chemin : de s'être occupé des siens, d'avoir bâti maison et d'être parvenu à une certaine stabilité, pour ensuite investir dans l'étude, la réflexion et le travail sur soi. Et ce, pour la simple raison que l'étude, la réflexion et même le travail sur soi ne suffisent pas pour éclairer le sens de la vie; il faut aussi avoir vécu un certain nombre d'années, et être parvenu à intégrer son vécu. La maturité suppose donc du temps, un parcours avec des expériences (bonnes ou mauvaises) et la capacité d’analyser ses succès et ses échecs dans le temps pour en tirer des ajustements de vision, de pensées, d’actions et de comportements. Dewey qui était un philosophe de l’éducation refuse le débat comme quoi le but de l’éducation est de faire passer l’enfant à l’adulte (donc à maturité). Il pense que l’enfance comme la maturité s’inscrivent d’abord à l’intérieur d’un processus biologique, celui de la croissance. Ce processus est un mouvement dynamique qui commence à la naissance et ne finit qu’à la mort. L’immaturité doit selon lui être entendu dans le sens de la potentialité, de la disposition et non d’un manque ou une privation. DEWEY introduit la notion de plasticité comme le pouvoir de régler nos actions présentes en fonction des résultats que nous avons obtenus en d’autres situations. L’éducation est l’acquisition de certaines habitudes qui permettent à l’individu de s’adapter à son milieu. Mais il faut entendre cette adaptation dans son sens actif et non dans le sens d’une conformité au milieu. Ce caractère d’inachèvement que nous trouvons dans la plasticité semble alors être une caractéristique fondamentale de la maturité. 10 « Le succès ne consiste pas à ne jamais faire d’erreurs, mais à ne jamais faire la même deux fois. » G. Bernard Shaw 11 Ainsi, il ne s’agit plus, comme le voulait la philosophie des lumières, de mettre l’accent sur l’achèvement de l’homme, mais au contraire la vraie maturité est celle qui met l’accent sur l’imperfection. Chez Dewey comme chez Fromm ou Ulmann, cette attitude s’explique surtout par son pragmatisme. Ce pragmatisme qui lui enseigne que rien n’est définitif ni consolidé chez l’adulte. La maturité n’est donc jamais acquise définitivement. Chaque génération à le devoir de la reconstruire et de l’accorder à ses propres besoins et problèmes. De la rencontre de Bateson, d'une part avec la psychiatrie et Ruesch, d'autre part avec la cybernétique, va naître en 1951 l’ouvrage, "Communication et société" (traduction bien libre de "Communication : the social matrix of psychiatry"). Autour de ce livre, la théorie de la communication propose de définir la maturité comme la connaissance de la valeur et de la signification relative des choses. Comme l'écrit Gérard Artaud : "Notre erreur est de croire que l'homme fait, bien adapté à son milieu, est un être accompli, qui a achevé sa croissance, et de faire fi des nouvelles possibilités qui sont en lui. Notre erreur, c’est l'illusion de la maturité." La maturité n'apparaît donc pas d'un coup. Elle procède d'une transformation lente et de la croissance La maturité peut également se définir comme l’aptitude à tolérer l'ambiguïté... et même la contradiction. Alors que qu’une première phase de vie se définirait autour du concept de dualité : oui ou non, blanc ou noir, vrai ou faux; l’ère de la maturité se définirait par la « médiété » : c'est-à-dire la capacité de considérer les choses à distance, d'avoir sur les événements et les situations une vue d'ensemble – dans une certaine perspective porteuses de contradictions apparentes. C’est par exemple le 'oui et non' de Pythagore. La maturité c’est alors dépasser l’illusion qui nous conduit à penser connaître tout ce que nous percevons, et à réduire l’explication des phénomènes à ce que nous connaissons .. . C’est alors la porte ouverte d'un nouveau processus d'intégration et d'assimilation des expériences, ou les combinaisons de facteurs, jusque là cloisonnés se mettent enfin à produire du sens. Cette capacité peut alors favoriser l’anticipation: c'est-à-dire être capable d'une planification et d'une organisation réalistes du présent en fonction du futur. La maturité serait alors une des habiletés que la vie nous offre en matière de sagesse de savoir transformer l'adversité en conditions favorables. Enfin en explorant les domaines du leadership, nous avons trouvé cette information très intéressante traitant de la maturité émotionnelle et la personnalité selon Edward E. MORLER. Les leaders de niveau 6 (le niveau de maturité le plus élevé) présentent tous un certain nombre de caractéristiques : ils sont directs et francs, sincères et inspirent la confiance, ils sont très présents (c'est ce qu'on leur reproche parfois), ils gèrent bien les priorités, sachant s'adapter au contexte rapidement, leur chemin est orienté par l'action et ils fournissent des résultats, ils s'efforcent d'obtenir qualité et excellence, 12 ils ne tolèrent pas l'irresponsabilité, l'incompétence, l'injustice ou les comportements malhonnêtes, ils souhaitent écouter sincèrement et sont ouverts à plusieurs points de vue, ils manifestent, demandent et récompensent autant l'authenticité et la responsabilité que la haute performance, ils se respectent et respectent la dignité des autres, ils savent comment communiquer avec ceux qui adoptent des comportements qu'ils n'apprécient pas. Rapporté à la notion de gouvernance ces caractéristiques peuvent se redéfinir comme la capacité à fédérer des acteurs autour d’une vision partagée, a définir des priorités, à instrumenter le management comme la gestion, à définir des règles du jeu permettant à chacun de situer son investissement et d’apprécier sa contribution, et à prendre en compte les différentes dimensions des domaines à manager tout en tenant compte des prises de positions et des enjeux des différents acteurs. L’approfondissement de ces approches sur les concepts de maturité (postérieur à cette première rédaction) devrait nous permettre de pouvoir modéliser des caractéristiques pertinentes de la gouvernance du S.I. L’analyse des différentes définitions possibles de la maturité ouvre bien des portes pour caractériser la notion de gouvernance et de management des systèmes d’informations en se centrant sur les connaissances, les comportements et les savoirs êtres des hommes. Il est cependant regrettable de constater que le monde de l’informatique ait choisi une voie à dominance technique traduisant essentiellement les niveaux de maturités comme l’acquisition progressive de bonnes pratiques procédurales. Nous sommes ici sur la même culture de base et la même approche que la qualité « qualiticienne » dont beaucoup ont compris que les exigences de conformité normatives ne garantissaient en rien les résultats en terme d’efficacité et de rentabilité. De nombreux travaux de recherche ont contribué, à partir des années 70, à fournir des éléments pour apprécier la maturité de l’entreprise par rapport à son système d’information. Citons parmi les auteurs les plus importants sur le sujet : NOLAN (1972), GIBSON (1974), CHURCHILL, KEMPSTER et URETSKY (1989), MORTON (1990), GALLIERS & SUTHERLAND (1991) et HUMPHREY (2001). Ces travaux ont débouché sur la formalisation de référentiels11 et de modèles. Ils permettent d’identifier si les processus mis en œuvre, et la manière dont ils sont mis en œuvre, correspondent à une organisation de tel niveau de maturité (FAIRCHILD, 2004). Les travaux de NOLAN et 11 La maturité en matière de management des systèmes d’informations peut s’évaluer à l’aide d’un questionnaire établi par SUTHERLAND en 1991 puis par GALLIERS en 1995 13 GALLIERS & DEARDEN (1973) puis de GIBSON et NOLAN (1974) identifiaient 4 étapes dans le chemin vers la maturité. En 1979, NOLAN a enrichi le modèle portant le nombre d’étape de 4 à 6. Ces étapes sont les suivantes : Le premier âge : l'initiation Cette phase est celle de la découverte. Le premier système informatique est installé. Son but : automatiser les tâches afin de réduire les coûts. Le système n'est là que pour couvrir un domaine fonctionnel. Si constitution d'un service informatique il y a, son rôle est essentiellement l'apprentissage de la technique. Il n'existe pas de stratégie globale de développement et l'implication de la direction se limite à observer si la réduction des coûts promise est bien constatée. La deuxième phase : la prolifération Les services sont satisfaits des systèmes installés, la demande s'accroît et on assiste à une prolifération d'applications, sans pour autant assurer une cohérence entre elles. Il n'y a toujours pas de vision globale du système, le service informatique s'empressant de réaliser les applications demandées. De nombreux développements sont effectués pour les utilisateurs, mais ces derniers n'interviennent que sur la forme du problème, pas sur le fond. Le troisième stade : Le contrôle La croissance des coûts et l'augmentation des réclamations des utilisateurs, induit une reprise en main et un contrôle des décisions en matière des systèmes d'information. Un schéma directeur est réalisé, et on insiste surtout pour son application. Conjointement, on assiste à une restructuration de l'existant, mais les utilisateurs sont de plus en plus mécontents, les délais s'allongeant. L'intégration : stade 4 On assiste à une intégration des données communes aux applications dans des bases de données. On spécifie les interfaces entre les applications. L'accent est porté sur les performances et la maîtrise des coûts. Le service informatique raisonne en terme de service auprès des utilisateurs au lieu de solutionner de façon ponctuelle leurs problèmes. Administration des données : stade 5 On définit à ce niveau les cohérences et les règles de gestion des données communes. Il y a retour à l'autonomie quant leur utilisation. L'information commence à être considérée comme une ressource stratégique. Le rôle de l’organisation et du management dans la circulation et le partage des informations devient évident aux yeux de la Direction ! 14 Maturité : stade 6 Le dossier des applications est complet, les applications spécifiques sont réalisées, les objectifs sont atteints en termes de coûts et de services. L’alignement stratégique est atteint. Au-delà de ce modèle, on s'aperçoit d'une étape importante, le passage du stade 3 au stade 4, correspondant, en quelque sorte, à la " puberté " du système d'information. Le passage à ce stade peut se traduire par un audit demandé par la Direction, ou encore, le changement du DSI. Celui qui reprend ce genre de situation dispose, grâce à ce modèle, d'une sorte de guide de progrès sur la partie technique et architecture. Le schéma suivant permet de résumer ces différentes étapes dans la maturité en matière de management du S.I12 Un autre modèle classique, le CMM (Capability Maturity Model) a été développé par HUMPHREY (1980) et l’équipe du Software Engineering Institute (SEI). Ce modèle est organisé autour de cinq niveaux de maturité (initiation, reproduction, définition, management et optimisation). Le CMM est centré sur les évolutions des processus. Il traduit la maturité du système d’information par le degré de maîtrise des processus de l’entreprise. Ce modèle permet de relier les démarches de management, d’organisation et de Qualité et l’évolution du système d’information au travers des différentes étapes de maturité des processus. Il a été repris et adapté pour l’évaluation des processus de développements (SE-CMM)13. Depuis deux ans, le CMMi (i pour integrated) a été intronisé comme successeur du CMM. Il couvre simplement un domaine plus vaste que ce dernier, tout en en conservant la même approche. Le modèle CMM-I est un modèle progressif ; il est structuré en 5 niveaux. Chacun de ces niveaux correspond à un palier de maturité dans la gestion des processus de développement logiciel. Pour passer d’un niveau à un autre, l’entreprise doit atteindre des objectifs regroupés en trois grandes catégories : 12 13 Source : Adapté de NOLAN (1979), “Nolan ‘s revised stages of growth” SE-CMM pour Software Engineering Capability Maturity Model 15 les processus de gestion de projet : gestion des exigences, planification, suivi, supervision, de l’assurance qualité, maîtrise des risques les processus organisationnels : organisation de l’entreprise, organisation des process, formation, amélioration continue les processus d’ingénierie : développement des exigences, développement technique, tests, validations, gestion de configuration. Ces modèles sont certes intéressants car ils permettent – en partie - de situer des étapes dans la progression de la maturité du système d’information en analysant certaines pratiques procédurales. Cependant ils présentent des lacunes majeures : Ils sont encore trop centrés sur les développements applicatifs et les niveaux d’intégration technique, Ils ne permettent pas de savoir quels événements et quels acteurs sont à l’origine des évolutions constatées, Ils introduisent de la rigidité au sein de l’entreprise BAKER (2001) et NOYES (2002), Il n’y a pas de véritable mesure de la performance avant les niveaux 4 et 5 (DIAZ et SLIGO, 1997), Ils ne caractérisent pas les forces en présence qui s’opposent et/ou favorisent tour à tour les évolutions, et méconnaissent complètement le rôle des dynamiques sociales. Ils n’identifient pas précisément le pourquoi et le comment des évolutions en terme de maturité Il y a donc de la place pour des travaux qui chercheraient à explorer la dynamique du processus de maturité du management des systèmes d’informations dans le but d’apporter des éléments de réponse à ces points de critique ! Si la littérature nous permet bien de définir des grandes étapes du chemin vers la maturité en matière de management des systèmes d’information identifiées, il nous faut cependant aller plus loin, et identifier des critères objectifs (pratiques, faits organisationnels, …) qui permettent de situer l’entreprise par rapport à telle ou telle étape. De tels critères sont en effet essentiels pour apprécier un indice de maturité, et pour situer dans le temps la progression de l’entreprise. 16 3.3 Le rôle du management dans la conduite des projets SI Le management de projet constitue un facteur central dans les projets d’évolutions du système d’information. Il combine en effet les dimensions techniques, organisationnelles, politiques, humaines et stratégiques, souvent critiques à gérer et dont le niveau d'importance change au cours des différentes phases du projet. La capacité de l’entreprise à conduire des projets de changement va donc être un des facteurs clé de succès de la gouvernance et du management du système d’information. Malgré la disponibilité de méthodologies soi-disant éprouvées, et le recours à un accompagnement externe, le management de projets d’évolution des systèmes d’informations demeure une entreprise risquée. En effet, l'introduction des progiciels de type ERP, CRM, SIAD … induits des nécessités de changement beaucoup plus intenses que des projets informatiques traditionnels, qui se caractérisent généralement par un changement organisationnel de moins grande envergure (VENKATRAMAN, 1994) et par des impacts moins significatifs sur les processus, les tâches les structures et les pratiques de management (SCOTT MORTON, 1995). Le changement organisationnel, associé à l'implantation et l'utilisation des systèmes d'information (SI), devrait induire la transformation des processus d'affaires pour une adéquation parfaite avec le Business Model, et l’ajustement de la structure de l'entreprise. Ainsi, l'implantation de nouvelles applications SI dépasse la dimension technique qui caractérise l'informatique pour englober des facteurs humains, organisationnels, culturels, managériaux et stratégiques. Néanmoins, les organisations ont tendance à se focaliser sur les aspects technologiques et ne voient dans la mise en place des ERP que des projets informatiques. MORLEY (2000) précise, à ce titre, que la majorité des échecs de projet en systèmes d'information viennent du fait que l’on conduit ces projets comme des projets informatiques alors qu’ils sont en réalité des projets de management et d’organisation. Dés lors leur bon déroulement est souvent remis entre les mains d’un informaticien qui va piloter le projet avec une vision technique sans se soucier de nombreuses dynamiques sociales et formes d’influence que sa formation initiale et sa méthodologie support conduisent presque systématiquement à ignorer. L'articulation entre les nombreuses variables techniques, sociales et organisationnelles et les objectifs stratégiques du projet s'opère dans le cas de ces progiciels autour de processus d'affaires Cette articulation nécessite un management spécifique qui accroît le rôle de la maîtrise d’ouvrage et de la 17 direction de projet dans l'influence des choix organisationnels, le management des tensions et des conflits et l’adhésion des utilisateurs finaux. L'intégration des compétences métiers, au sein de la maîtrise d’ouvrage et de l'équipe projet car l’organisation dit intégrer de nouvelles technologies de communication porteuses de changements significatifs tant au niveau de l'individu que du groupe, et ce par la transformation des modes de fonctionnement et des jeux de pouvoirs. L'équipe de direction de projet, par la qualité de son management, peut jouer un rôle central, soit dans la conduite des changements planifiés, soit dans l'émergence des transformations improvisées au sein de l'organisation. Les résultats dépendent alors en grande partie du niveau de conscience et du style de management, au cours des différentes phases du projet KWON et ZMUD (1987) proposent un modèle composé d'étapes qui a pour fondement le modèle de changement de Lewin (1952) et a été enrichi ensuite par COOPER et ZMUD (1990). Ils ont identifié cinq facteurs contextuels majeurs qui affectent le déroulement du projet et les résultats au niveau de chaque étape. Ces cinq facteurs sont : Les caractéristiques de la communauté des utilisateurs : le travail effectué, les valeurs individuelles, la culture du groupe, l'éducation et l'expérience, la résistance au changement ; Les caractéristiques de l'organisation : spécialisation, centralisation, formalisation, la culture d'entreprise ; Les caractéristiques de la technologie adoptée : la complexité et l'évolution des techniques ; Les caractéristiques des tâches automatisées par la technologie : incertitude, autonomie, variété des tâches et des responsabilités de la personne l'effectuant ; Les caractéristiques de l'environnement de l'organisation : incertitude, dépendance interorganisationnelle, concurrence KEEN (1981) remarque que le processus de déploiement d’un nouveau système d'information est bien plus politique que technique dans sa nature. Ceci est particulièrement vrai dans les organisations de grande taille où les conflits d'intérêts et de pouvoir entre les directions fonctionnelles (technostructure) et les directions opérationnelles sont importants. Ainsi, les intérêts des acteurs affectent les efforts de déploiement et par conséquent, le management de projet dépend dans sa réussite de la reconnaissance de la diversité des intérêts et de la nécessité d'une forte réactivité pour la résolution des problèmes dès leur apparition (Markus, 1983). Rattaché au cadre théorique de l'analyse des organisations, le processus de déploiement peut être considéré comme une 18 coordination des actions liées au processus, maintenue par un mécanisme de jeux entre acteurs qui ont chacun une stratégie et une vision particulière des objectifs du projet (Crozier et Friedberg., 1977). Besson (1999) indique, également, que le déploiement implique une déstabilisation organisationnelle dans laquelle surgissent des conflits autour de la question de la gouvernance, conflits d'influences et de buts. La mise en scène du projet par les concepteurs, les anticipations des impacts et les marges de manœuvres perçues par les acteurs conditionnent la réussite du projet (Besson et Rowe, 2001). Pour mener cette évolution, une compréhension et une analyse des systèmes d'action concret 5, au cœur desquels se dessine le jeu des acteurs, s'avèrent nécessaires. Si le courant du « Développement organisationnel », dominant jusqu'à la fin des années soixante, supporte l'idée que le changement organisationnel puisse être programmé et contrôlé, K.Weick développe une autre conception de ce dernier. Les ruptures programmées sont moins fréquentes que les évolutions et les variations imprévisibles et inattendues qui n'ont pas pour origine une délibération rationnelle. Van de Ven et Poole (1995) définissent le changement comme « un type d'événement, une observation empirique d'une différence dans la forme, la qualité ou l'état d'une entité à travers le temps. Cette entité peut être un travail individuel, un groupe de travail, une stratégie d'une organisation, un programme, un produit ou toute l'organisation ». Kanter, Stein et Jick (1992) proposent trois grandes catégories d'acteurs impliqués dans le processus de changement au sein des organisations : les Stratèges, les Maîtres d'œuvre et les Récepteurs. Cette classification constitue une simplification évidente de la réalité organisationnelle. Toutefois, le rôle et le poids de chacune de ces catégories changent avec la phase du projet, l'objectif et la nature du changement observé : technologique ou organisationnelle. De nombreuses recherches ont montré le rôle central que joue la direction de projet et principalement la maîtrise d'ouvrage (MOA) dans la détermination des choix opérationnels, le paramétrage des fonctionnalités de l'outil, la mise à disposition progressive des fonctions nécessaires au travail des utilisateurs et l'accompagnement du changement. La marge de liberté des acteurs et leur capacité à « choisir » leur conduite est fonction de considérations d'opportunité parmi un éventail plus ou moins large de conduites possibles. Le rôle de la direction de projet, par son management, est d'orienter les actions et comportements de chacune des parties prenantes dans le seul objectif de réussir la mise en place du progiciel et sa meilleure utilisation. Cette mission est assez complexe en raison des contraintes à la fois d'ordre technologique, organisationnel, financier et humain. Le modèle classique du pilotage de projet, selon les axes qualité coûts - délais, trouve ici ses limites et nécessite une revue de ses fondements, afin de proposer 19 d'autres modèles plus pertinents pour le management des projets en systèmes d'information dont la complexité est de plus en plus importante. (a développer : les pratiques de management de projet permettent de caractériser la maturité en matière de gouvernance S.I) 4 Des constats déterminants en toile de fond ! 4.1 Les acteurs de la fonction SI, une communauté conflictuelle Les acteurs de la fonction S.I La définition des acteurs de la gouvernance du système d’information, de leurs responsabilités, de Régulation DG CODIR Cté exécutif DSI Sociétés Externes SSII Consultants Définition des besoins DI Centre Informatique externe Direction Utilisateurs DU DU DU DU leurs prérogatives et de leurs enjeux est au cœur du bon fonctionnement du S.I. Lorsque celui-ci intègre la dimension stratégique cette question devient essentielle. DI UTILISATEURS Un certain nombre d’acteurs (internes et / ou externes à l’entreprise) sont impliqués dans la gouvernance et le management du système d’information (voir schéma). Si leurs préoccupations sont parfois contradictoires, elles peuvent se résumer autour de quatre grandes finalités : que ça rapporte, que ça serve, que ça fonctionne, que ce soit sous contrôle ! Lorsque le système d’information est défaillant c’est parce que l’une - au moins – de ces préoccupations n’est pas correctement gérée et / ou que certains acteurs volontairement ou non ne jouent pas le(s) rôle(s) qui devraient normalement leur être attribué. Toute organisation étant basée sur un système d’acteurs, la manière dont ces acteurs vont se positionner les uns par rapports aux autres, leurs modes de relations et d’interactions, leurs enjeux et intérêts respectifs (et contradictoires) vont conditionner les pratiques de gouvernance et de management du systèmes d’information ainsi que l’efficacité globale du S.I. Faire évoluer ces pratiques, c’est remettre en cause des positionnements éventuels au sein de la structure, c’est modifier des jeux de pouvoirs et des zones d’influences, c’est redéfinir des responsabilités, instrumenter le système de surveillance et donc multiplier les contraintes pour certains acteurs, tout en offrant des opportunités à d’autres acteurs qui agiront pour les saisir et ainsi remodeler la cartographie des pouvoirs. 20 Il ne faut pas oublier que l’information c’est du pouvoir, et que les rôles et fonctions au sein de la « communauté des acteurs du S.I » font l’objet de terribles luttes de pouvoir, et ce d’autant plus que l’importance stratégique des systèmes d’informations est perçue et appropriée par les différents acteurs. Les projets d’évolutions du système d’informations sont de bonnes opportunités pour avancer dans cette « construction de la maturité » en matière de management du SI. Ces projets seront alors autant d’occasions de voir éclater ou émerger des conflits de pouvoirs en fonction de la perception de plus en plus affûtée des enjeux du S.I et des enjeux des différents. Les principaux conflits de pouvoirs éventuels sont les suivants Acteurs en conflits potentiels Enjeux du conflit Répartition MOA/MOE Direction D.I Générale ou DSI Renvoi des responsabilités en cas d’insuccès Positionnement dans la structure Désaccords sur les budgets, conflits de moyens Vision stratégique non partagée Répartition MOA/MOE D.I Responsables ou DSI Métiers Renvoi des responsabilités en cas d’insuccès Positionnement dans la structure Désaccords sur les fonctionnalités des outils Contraintes métiers insuffisamment prises en compte Conflits de modes opératoires, de fonction et de métiers Responsables Responsables Métiers Métiers Luttes de pouvoir aux enjeux individuels Rejet ou refus des évolutions (compétences, avantages à défendre) Désaccords sur les fonctionnalités des outils Contraintes d’interfaces insuffisamment prises en compte Conflits sur les modalités du contrôle et l’instrumentation du management Direction Responsables Générale Métiers Luttes de pouvoir aux enjeux individuels (dimensions contrôles) Positionnement dans la structure Désaccords sur les fonctionnalités des outils Contraintes métiers insuffisamment prises en compte Répartition MOA/MOE Direction Acteurs Générale externes Direction Utilisateurs Renvoi des responsabilités en cas d’insuccès Désaccords sur les budgets, conflits de moyens Volonté de sortir d’une dépendance construite avec le temps Changements imposés par l’outil mais non préparés Renvoi des responsabilités en cas d’insuccès Conflits de moyens Générale Refus des nouvelles fonctionnalités de contrôle Conflits de modes opératoires, de fonction et de métiers Utilisateurs Utilisateurs Luttes de pouvoir aux enjeux individuels Rejet ou refus des évolutions (compétences, avantages à défendre) Désaccords sur les fonctionnalités des outils Contraintes d’interfaces insuffisamment prises en compte 21 A l’ensemble de ces situations conflictuelles propres aux acteurs de la fonction SI, vont bien sur s’ajouter les conflits liés aux situations de changement organisationnels porteurs de conflictualités de modes opératoires, de métiers, de fonctions, de pouvoirs, d’influence, de valeur et de sens (ROWE et BESSON), ce qui conduit QUAN (2006) à parler de l’impossible conduite du projet SI ! 4.2 Un apprentissage lent, difficile et à géométrie variable Trop de DSI se cantonnent encore à un rôle de gestionnaire technique d’un parc informatique. Les budgets informatiques augmentent bien souvent plus vite que les résultats de l’entreprise, et une part important de ces budgets (environ 80%) ne sont investis que pour maintenir l’outil technique en état de fonctionner (gestion des évolutions techniques, mise à niveau des versions de logiciels, dépenses de sécurité et résolutions des bugs). Cette approche trop technique de bien des DSI, tire « vers le bas » les Directions Générales en matière de management du système d’information, contribuant à donner à la résolution de problèmes techniques, et à la discussion sans fin des investissements de maintien, la priorité sur l’optimisation du système d’information en lien avec la stratégie et la performance de l’entreprise. Cette dérive dans le management des systèmes d’informations, n’est alors pas sans conséquences sur les projets mis en œuvre, et beaucoup d’actions pourtant fort coûteuses n’ont pas donné les résultats escomptés, car abordées par des approches trop techniques et trop restrictives (manque d’alignement des objectifs du projet sur la stratégie, non prise en compte du contexte organisationnel et de la culture de l’entreprise, sous-estimation des réactions du système social et tendances fortes au conservatisme des pratiques de management). Au bout d’un certain temps plus ou moins long selon la maturité organisationnelle et managériale, les entreprises ont commencé à comprendre qu’il leur fallait aborder le management de leur système d’information d’une autre manière14. Directions Générales et D.S.I doivent franchir l’obstacle technique et se centrer sur l’évaluation et l’optimisation de la valeur du système d’information en appréciant le niveau de contribution de celuici à la performance de l’entreprise15 et l’enrichissement de la valeur de l’information qui circule dans l’organisation. Les acteurs informatiques doivent intégrer les logiques métiers et les orientations stratégiques de l’entreprise, les membres des Comités de Direction doivent dépasser leurs rivalités et leurs lacunes sur la technique informatique pour se mettre à manager cette matière première essentielle qu’est l’information. 14 Dans la Région Pays de la Loire environ 25% des postes de Directeur Informatique, ont changé de titulaire dans les derniers 36 mois (Source APEC – Courrier Cadres ) 15 En effet, le fond de toute forme de management c’est d’acquérir et de garder le client (DRUCKER, Cité par RÜLING en 2003) 22 Ce processus d’évolution des Systèmes d’Informations s’inscrit dans le temps avec des rythmes irréguliers. Il implique des changements de culture et de paradigme de management. L’évolution passe alors par le dépassement de ce qui a été, autant dans la compréhension des concepts (de l’outil technique au système d’acteurs sociaux), que dans les approches terrain (de l’architecture technique à l’alignement stratégique) ou bien encore dans les pratiques de management (de la gestion d’un parc technique au management de l’information) 4.3 L’immaturité peut être retenue comme un facteur de risque majeur Dès lors, il est tout à fait logique et légitime de recourir au terme de maturité pour évaluer le management du Système d’Informations. La maturité est en effet selon la définition du Larousse, une « plénitude qui est l’aboutissement d’une évolution entre la jeunesse et le développement de la maîtrise intellectuelle et émotionnelle » La littérature (et l’expérience !) nous apportent des éléments de réponses précis en identifiant comme critère de maturité en matière de management du système d’information : L’alignement stratégique du management du système d’information L’importance croissante du rôle et des compétences de la maîtrise d’ouvrage La structure et les pratiques de gouvernance de la fonction S.I L’approche globale dans l’ingénierie des projets d’évolution du S.I L’étude de l’impact des usages que font les utilisateurs sur l’organisation Il nous parait pertinent de continuer a explorer cette notion de maturité à partir des définitions que nous avons donné au paragraphe 3.2. Cette maturité pourrait alors se caractériser selon le schéma suivant : Capacités à faire & comprendre MATURITE Pratiques mises en œuvre Résultats obtenus 23 5 Les causes d’échec des projets d’évolution du SI 5.1 L’absence d’alignement stratégique du S.I Toutes les études sur le management stratégique16 ont démontré l’impact de la stratégie sur la performance organisationnelle comme le résultat d’une cohérence voulue entre : Les orientations stratégiques : couples produits/marché, stratégies par D.A.S (domination par coûts, niches, différenciation, diversification, ...), alliances et partenariats souhaitables, .... L’organisation : abordée ici sous l'angle des systèmes de management, des différentes activités, des structures, des processus de coordination et de contrôles, des hommes, et des savoir-faire, ..... Les technologies utilisables, et en particulier les Technologies de l'Information, avec leur état des lieux, leur futur, ce que l'on peut en tirer, ainsi que les stratégies d'acquisition et d'utilisation de ces technologies Les Projets, internes ou externes, qu'ils soient organisationnels, technologiques ou humains. L’orientation stratégique du déploiement des technologies de l’information accroît les performances organisationnelles des entreprises (notamment en terme de croissance et de profitabilité), avec pour conséquences majeures, des effets très structurant sur la fonction S.I notamment au travers : De la prise en compte des composantes stratégie, management, organisation et dynamique sociale dans l’architecture du S.I (approche globale & intégrée) De la mise en place d’un organe central de Pilotage du Système d’information De la redéfinition des rôles et des responsabilités du DSI Du positionnement (donc du pouvoir !) de la Fonction Informatique dans la structure Hélas, beaucoup trop d’évolution des Systèmes d’Informations se font encore avec une totale absence de vision stratégique et ne débouchent sur aucun retour sur investissement de ce niveau ! Les motivations principales de ces évolutions peuvent être en effet techniques (il faut remplacer un outil existant devenu obsolète ou non évolutif), émotionnelles (rassurer les dirigeants dans le cadre d’une externalisation), ou sociale (faire émerger un changement non géré par le management et la négociation, mais simplement par la mise en place d’un nouveau système d‘information). Cette absence de vision stratégique est bien un des risques majeurs ! Le nécessaire alignement stratégique du système d’information implique donc des évolutions importantes dans la politique, la structure, les missions et les compétences de la Fonction 16 Citons parmi les plus célèbres MILLER (1987), VENKATRAMAN (1989), ZAHRA & COVIN (1993), HENDERSON et VENKATRAMAN (1993), PARNELL, WRIGHT & TU (1996) 24 Informatique. Dès lors, piloter une Direction des Systèmes d’Information (DSI) au sein d’une entreprise est un art complexe, qui nécessite de bien comprendre la stratégie de son établissement et l’incertitude du milieu dans laquelle il évolue, et de disposer de la capacité à la remise en cause interne 17 Ainsi, l’alignement stratégique du management du système d’information est à la fois un facteur de performance et un critère d’évaluation de la maturité de l’entreprise en matière de management du S.I. Passer à coté de cette nécessité c’est ouvrir la porte a des investissements pharaoniques qui engloutissent une part important de la valeur dégagée par l’entreprise pour des résultats en terme de positionnement stratégiques et d’atouts concurrentiels qu’il vaut mieux ne pas chercher à mesurer ! Les motivations des dirigeants dans le cadre des projets d’évolutions du S.I s’ancrent encore trop souvent sur des critères subjectifs : Les autres entreprises, et notamment les leaders ont des ERP Donc on n’y arrivera pas sans ERP (mode incantatoire) Un nouvel outil informatique montrera à nos clients que nous sommes une entreprise dynamique Les informaticiens réclament un système moderne et up to date L’ERP nous aidera à réussir les transformations de notre organisation que nous n’avons pas réussi autrement Les solutions toutes faites vont rapidement résoudre notre difficulté d’organisation La puissance marketing des éditeurs de solutions logicielles prend le pas sur la réflexion stratégique. Et pourtant l’enjeu d’une véritable gouvernance est majeur. Car le système d’information est le lieu même où s’élabore la coordination des actes et des informations sans laquelle une entreprise, une organisation, dans la diversité des métiers et des compétences qu’elle rassemble, n’existe pas (REY,1992). Le système d’information est donc l’instrument du partage, de la mutualisation, de la coopération, de la coordination et de la transversalité, ce qui explique la forte dépendance entre la stratégie de l’entreprise et la stratégie du système d’information. Ce constat posé suppose donc qu’une stratégie du système d’information implique en tout premier lieu d’avoir une stratégie d’entreprise. Comment peut-il y avoir une gouvernance du système d’information lorsqu’il n’y a même pas de stratégie d’entreprise ? Ce qui nous renvoie bien à la maturité des dirigeants et aux pratiques de management qu’ils développent au sein de leur organisation 17 Jean-Pierre CORNIOU (Président du CIGREF) & Jean-François PEPIN, Robert MAHL, & Alain BERDUGO, « Challenge pour les DSI : l’art du management des systèmes d’informations », Editions DUNOD 25 Dans la réalité des faits, l’absence d’alignement stratégique du S.I est un risque majeur et le chemin qui reste à accomplir est encore important car une enquête récente du Cabinet de Conseil Ernst & Young18 montre que : Si 93 % des entreprises déclarent qu’il est important d’aligner le S.I et la stratégie … Dans 44% des cas, le DSI n’est pas membre du Comité de Direction La performance du système d’information n’est pas mesurée dans 49 % des cas Si c’est le cas, 93 % des entreprises se contentent de la mesure du taux de service Enfin 79% ne mesurent aucun retour sur investissement dans les projets d’évolution du S.I La maturation stratégique du rôle du S.I au travers de l’alignement sur les objectifs de l’organisation et le soutien des objectifs d’affaires de l’entreprise est donc une des grandes affaires économiques du XXI éme siècle, et son absence peut être retenu comme un des risques majeurs dans le management des systèmes d’informations. Ce changement de perspective implique que les compétences des acteurs en charge des systèmes d’informations intègrent la maîtrise d’un assortiment de compétences managériales, organisationnelles, sociales et de management de projet changement. La modification des valeurs, des priorités, des organisations et des compétences qu’elle implique aux acteurs concernés demandera certainement une à deux décennies pour irriguer l’ensemble des entreprises ! Cette évolution passe cependant obligatoirement par le renforcement du rôle et le développement des compétences de la maîtrise d’ouvrage. 5.2 La faiblesse de la maîtrise d’ouvrage La maîtrise d'ouvrage est l'entité responsable de l'expression des besoins, du pilotage des projets, et de la cohérence des construits. Il s'agit donc d'une équipe (souvent composée de non informaticiens) qui maîtrise l'idée de base du projet, initialise et anime toute la démarche permettant d’en concrétiser les finalités. Elle doit par exemple s'assurer qu'il existe un budget pour sa réalisation ainsi qu'un besoin réel. Elle doit s'assurer que ce besoin est mûr du côté utilisateur et prêt à être réalisé, et intégrer toutes les compétences ad hoc en matière d’ingénierie du changement. La maîtrise d'ouvrage centralise égalent la connaissance métier nécessaire à la réalisation en relation directe avec les futurs utilisateurs dont elle connaît parfaitement les méthodes de travail : les grandes fonctionnalités, les principales règles de gestion, les usages et les pratiques tacites... Elle doit pouvoir 18 ERNST & YOUNG, 2004, Rapport d’étude « Pour une performance des Systèmes d’Informations à la hauteur de vos attentes », Etude réalisée par questionnaire auprès de grandes entreprises de tous secteurs (205 questionnaires exploités) 26 trancher sur toute question fonctionnelle qui pourrait se poser pendant l'étude. La maîtrise d'ouvrage est donc responsable de l'expression de ces besoins et des différentes règles qui sont nécessaires à connaître. Cette expression de besoin doit se fait en langage courant, sans utilisations de termes informatiques et être facilement arbitrable ! La maturité en matière de management du S.I va donc s’exprimer au travers des rôles, des compétences et des attributions de la maîtrise d’ouvrage (MOA) qui doit fonctionner sous la responsabilité directe de la Direction et ne peut en aucun cas être déléguée - surtout à des acteurs externes – L’étendue des rôles et les compétences en matière de MOA sont donc un facteur de succès ou un risque majeur dans le management des systèmes d’informations. Compte tenu du fait que les responsabilités et les soucis de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre sont différents et parfois contradictoires (asymétrie des niveaux d’informations et des types de préoccupations) il importe alors que la maîtrise d’ouvrage soit un « donneur d’ordres » compétent de la maîtrise d’œuvre, que cette dernière soit à l’écoute de son client, enfin que les deux entretiennent des rapports mutuellement respectueux (même s’ils sont énergiques et sans complaisance). Il est cependant courant de trouver en entreprise des personnes (pourtant acteurs directs d'un projet) qui confondent allègrement la notion de maître d'ouvrage et maître d'œuvre. Or la distinction est cruciale et cette ignorance peut coûter fort cher, car si les responsabilités des maîtrises d'ouvrage de projets d’évolution du système d’informations se déportent partiellement ou complètement vers les maîtrises d'œuvre, les conséquences d'un tel comportement sont souvent dramatiques : la maîtrise d'oeuvre joue les deux rôles à la fois. C'est elle qui décide des fonctionnalités, des règles de gestion, des process métiers à mettre en place, et c'est elle qui réalise l'ensemble, en priant le ciel de répondre au réel besoin de son client en espérant avoir bien deviné. Les miracles étant rares dans le milieu professionnel, dans la plupart des cas, ce qui est développé ne correspond pas à ce qu'attendait secrètement la maîtrise d'ouvrage, alors les ennuis commencent et très vite le conflit est garanti car chacun va dépenser une énergie folle à se défendre et à accuser l'autre, à chercher les responsables. Personne n'en sort indemne ni d'un côté ni de l'autre, et surtout pas l'entreprise qui engloutit des sommes colossales pour ne pas obtenir ce dont elle a besoin ! Parallèlement à cela s'installe une véritable ambiance conflictuelle : La maîtrise d'ouvrage, client, donc roi, devient alors le « père fouettard » sanctionnant les informaticiens de la maîtrise d'œuvre pour tout écart de planning ou écarts entre les fonctionnalités développées et les fonctionnalités dont elle rêvait. Le pire, c'est que bien souvent, la maîtrise d'ouvrage est persuadée d'être dans son bon droit et ne réalise à aucun moment n'avoir jamais formulé ce besoin, ou de l'avoir mal formulé. 27 Les informaticiens qui avaient laissé la maîtrise d'ouvrage échapper à leurs responsabilités de définition fonctionnelle du projet ont peu de marge de manœuvre pour se retourner. Pire, les maîtrises d'œuvre n'ont quelque fois même pas conscience du périmètre réel de leurs responsabilités et subissent les coups sans savoir réagir. Et pour le peu que des problèmes techniques ou des résistances sociales retardent le démarrage du projet, leur sort en est jeté. La personnalité des dirigeants jouent ici un rôle majeur en édictant clairement les règles du jeu et en imposant leur respect dans les deux camps. La personnalité (forte ou faible) des acteurs clés est déterminante dès le lancement du projet. La mauvaise foi, la malhonnêteté intellectuelle ou l'incompétence de l'une ou l'autre des parties impliquent bien souvent, que maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'oeuvre se comportent comme « chien et chat » et la relation de partenariat nécessaire se traduit généralement par une défiance mutuelle, par des attaques et des défenses de part et d'autres, d’ailleurs plus par méconnaissance des métiers de chacun qu'autre chose. La compétence de maîtrise d’ouvrage peut alors s’évaluer assez facilement par rapport à : Sa compréhension de l’organisation, des mécanismes et des enjeux des changements Son degré de compréhension des enjeux des évolutions du système d’information Son implication sans faille dans le management et le pilotage du S.I Sa capacité d’arbitrage (et de suivi) des réalisations de la maîtrise d’oeuvre (MOE), La clarté et le niveau d’appropriation des règles qui régissent les rapports MOA / MOE Sa capacité à suivre et à maîtriser les budgets ainsi qu’à réguler les prestataires externes Le niveau de sophistication et d’efficacité du Contrôle Interne dédié au S.I 19 L’importance donnée à la capitalisation des expériences à des fins d’apprentissage On voit bien alors tous les risques majeurs induits par une maîtrise d’ouvrage défaillante …car la réussite d'un projet passe par la maturité des dirigeants de l'entreprise qui sauront inculquer de gré ou de force à chaque acteur de leur entreprise le goût à assumer leurs propres responsabilités. Nous pouvons donc retenir le rôle, les attributions et les compétences de la maîtrise d’ouvrage en tant que facteur de risque majeur dans le management du système d’information. 5.3 L’inadéquation de la gouvernance de la Fonction S.I L’étude des structures est un aspect intéressant du diagnostic d’une organisation. Si la structure est un moyen de répartir et d’organiser les moyens, elle est aussi (et surtout !) un outil de répartition des pouvoirs. Dès lors les missions et les statuts des responsables (Directeur ou Responsable), les niveaux de rattachements et les dénominations utilisées ne sont pas neutres et servent à positionner autant les 28 acteurs que les fonctions. Le positionnement sert aussi à construire (ou à vendre) une image à l’extérieur de l’entreprise. Par exemple choisir, pour une même entité, une dénomination « Service Comptabilité » ou « Direction Finance et Contrôle de Gestion » n’a pas du tout le même sens en matière de lisibilité structurelle et de distribution de pouvoir, même si la réalité des opérations ne varie que fort peu. Les domaines de l’Informatique et du Système d’Information n’échappent à cette règle ! Dans la lecture structurelle qu’il est possible de faire dans une entreprise il est nécessaire de bien faire la différence entre la Fonction Informatique et la Fonction Système d’Information de même entre la Direction Informatique (D.I) et la Direction des Systèmes d’Informations (D.S.I). La dénomination « Informatique » laisse supposer une approche technique, centrée sur le matériel, les outils et les applications avec une culture à base de maîtrise d’oeuvre. La fonction informatique ainsi définie peut être exercée par des acteurs internes sans d’ailleurs pour cela disposer d’une Direction Informatique. Il arrive ainsi très souvent que les acteurs informatiques soient rattachés directement et hiérarchiquement au Directeur Administratif et Financier (DAF) ou au Directeur des Ressources Humaines (DRH). La dénomination « Système d’Information » laisse supposer une approche plus globale avec une culture dominante d’assistance à maîtrise d’ouvrage centrée sur l’optimisation de l’information au sein de l’entreprise. L’informatique n’étant alors qu’un moyen d’œuvrer à cette optimisation. Les Directions des Systèmes d’Informations sont alors souvent rattachées directement à la Direction Générale. Le changement de dénomination entre « Informatique » et « Systèmes d’Informations » peut alors traduire une réelle volonté d’évolution de la part de la Direction de l’Entreprise. Souvent ce changement se fait lors d’un changement de manager. Un Directeur (ou Responsable) informatique part, et il est remplacé par un Directeur (Responsable) du Système d’Information. Le changement de nom, de statut, de rattachement peut être alors un simple acte de communication interne ou externe, mais il peut traduire un acte politique visible, associé à une évolution majeure de la Direction. Plus la maturité en matière de management du système d’information est grande plus : Le lien est fort entre la Direction et le DSI (rattachement direct) Le rôle et les responsabilités du DSI sont importants Le DSI est membre du Comité de Direction Les compétences du DSI évoluent de la technique vers les métiers et la stratégie La gestion du S.I dépend d’un Comité de Pilotage Inter-Fonctionnel 19 IT control Objectives for Sarbanes-Oxley : www.itii.org et Contrôle Interne et Système d’information (AFAI), 2003 29 Ainsi, une plus grande maturité influe sur le degré de centralisation du S.I, sur les compétences de la fonction sur les outils de contrôles et de pilotage. Le DSI lui va alors privilégier la connaissance des logiques métiers, et développer un rôle d’architecte et de stratège au sein des réseaux de diffusion de l’information. Structure de la fonction, positionnement et compétences du DSI, niveau de centralisation et d’intégration des outils évoluent donc bien en fonction de la maturité en matière de management des systèmes d’informations. Leur inadéquation représente là encore un risque majeur dans la capacité qu’aura l’entreprise à faire émerger un système d’information adapté à ses besoins 5.4 L’approche trop technique des projets d’évolution du S.I Le développement d’un système d’information est un processus complexe qui combine processus d’amélioration organisationnel, évolution du management, régulation des changements et management de projets. Les évolutions des S.I doivent donc s’appréhender selon de multiples dimensions car ils imposent des changements organisationnels et sociaux. Malheureusement il apparaît que la maîtrise d'ouvrage a souvent tendance à estimer que les projets informatiques sont du seul ressort des informaticiens, et que la réalisation des programmes et leur mise en production marque le terme du projet et de leur propre engagement. Leur tâche constituerait alors à donner l'impulsion première du projet et quelques grandes directions à suivre. C'est là une grossière erreur. Car la réussite du projet ne tient pas uniquement dans les choix technologiques ou la réalisation : ce sont les utilisateurs qui en décident ! C'est ainsi qu'est souvent sous estimé l'importance du travail en amont (diagnostic des usages, information préalable, association des acteurs dans la définitions des besoins, prises en compte des évolutions des dynamiques sociales …) et en aval du projet (évolutions des pratiques de management, accompagnement au changement, formations, ...) qui n'est pas du ressort, ni de la compétence métier des seuls informaticiens : La prise en compte des « jeux d’acteurs » est également très importante dans les processus d’implémentation des systèmes d’informations et dans la conduite des projets d’évolution associés. Le processus de mise en place d’un S.I dans une organisation n’est pas neutre et est à l’origine de changements dans les comportements des acteurs et des relations qu’ils entretiennent. Deux modèles théoriques sont avancés pour expliquer ces changements : le modèle du pouvoir et le modèle conflictuel. Le modèle du pouvoir issu de la théorie du pouvoir organisationnel, stipule que le pouvoir détenu par une unité ou un acteur dépend : (1) du degré d’incertitude lié aux activités, (2) de la substituabilité des 30 fonctions et des tâches traitées, (3) de la rapidité de circulation de l’information et (4) du degré de contrôle sur les autres unités ou acteurs. Le modèle conflictuel énumère les conditions porteuses de conflits au sein de l’organisation : (1) interdépendance des tâches entre plusieurs acteurs, (2) asymétrie dans les relations de travail, (3) différences dans les critères de performance et de rétribution, (4) différenciation des tâches, (5) manque de satisfaction des acteurs, (6) ambiguïté sur les définitions des responsabilités et des rôles, (7) partage de ressources, (8) habilités et caractères personnels et (9) obstacles à la communication (dont différences de culture, de langage ou de jargon). Des évolutions majeures dans le système d’information, peuvent réduire l’incertitude sur les activités, simplifier des séquences obscures, modifier les règles de contrôles, accroître les niveaux d’interdépendance entre acteurs. En ce sens ils sont bien porteurs de modifications de pouvoirs et de conflictualités. L’organisation définie comme le terrain de mise en place des technologies et systèmes d’information, devient également le théâtre et le médiateur des impacts et changements produits par ces outils sur les utilisateurs du système. Lorsque les individus agissent et interagissent dans un système social, tel que par exemple, une organisation, ils produisent trois propriétés structurantes de cette organisation. Ils produisent du sens, du pouvoir et des normes. La construction du sens se matérialise par la mise en place plus ou moins durables de contextes de communication qui constituent des schèmes interprétatifs, c’est à dire des cadres de connaissances et de compréhension partagés qui jouent le rôle de médiateur de communication. Le pouvoir se réfère au sens large, à la capacité transformatrice dont est doté l’individu, c’est à dire la latitude dont il dispose pour affecter (seul ou avec des alliés) le monde qui l’entoure. Les normes et les conventions régissent de manière plus ou moins formelle les interactions entre les acteurs. Le système d’information au carrefour de toutes ces propriétés devient alors un produit socialement construit, et qui en tant que tel est porteur d’un grand nombre de risques ! Malheureusement ce phénomène n’est pas toujours rendu visible dans les organisations du fait de la séparation dans le temps et dans l’espace des processus de conception et des processus d’utilisation. Les erreurs de construction du nouveau système d’information peuvent de ce fait se retrouver dans des situations de conflits porteuses de mouvements de transformation ou de changement organisationnel. Car la technologie de l’information n’est pas neutre, elle façonne un champ de contraintes et d’opportunités pour les acteurs dans un univers où les rapports contractuels et les engagements sont peu clairs, les rôles respectifs de chacun et les rapports hiérarchiques traditionnels demeurent ambiguës et peuvent être remis en cause, 31 Dés lors l’émergence d’une nouvelle cartographie des jeux de pouvoirs au moment de l’implantation d’un système informatique est porteuse de risques majeurs. Il ne s'agit donc pas seulement d'un problème purement technique de choix de la bonne solution technologique, mais d'un enjeu beaucoup plus vaste, à la fois organisationnel, social et politique. Ce qui suppose pour conduire le projet, d’adopter une posture d’analyse stratégique de l’organisation pour comprendre les dynamiques profondes, identifier les acteurs en présence, évaluer les manoeuvres possibles et les champs du négociable, choisir des options, et définir des tactiques de mise en oeuvre. Les échecs constatés proviennent de l'impréparation des Directions et des équipes projets à gérer cette problématique de décodage et de régulation qui s'exprime au travers des conflits de métiers, d'influence et de valeurs ! Dans le cadre des projets d’évolution du système d’information, la question de l'acteur est donc centrale parce qu'on ne peut pas réfléchir sur l'information sans lui associer le pôle de l'individu et le pôle de l'action. Selon les situations, l'acteur apparaît tantôt comme rationnel, prenant des décisions à l'issue d'un processus linéaire et rationnel ; tantôt comme acteur social, engagé dans des stratégies de tous ordres, faisant preuve d'autonomie et d'initiatives, utilisant l'information selon le problème concret ou l’enjeu qui l'occupe ; parfois aussi comme acteur collectif, groupe de travail ou organisation tout entière, qui met en oeuvre ou subit une politique d'information. Face aux évolutions du système d’information, chaque acteur est donc conduit à réfléchir sur son niveau d’engagement, sur le champ du négociable en ce qui le concerne et sur les intérêts et le bénéfice qu'il peut tirer du nouveau système. Raisonner en termes d'interactions demande donc d'approfondir la façon dont un acteur se dote d'un système d'information personnel, constitué de tous les circuits interpersonnels d'informations plus ou moins formalisées et d'outils techniques qu'il utilise pour s'informer en adéquation avec sa situation de travail. Comme tout projet de changement, les projets d’évolution des S.I vont donc créer ou rendre visibles : Des conflits entre les métiers avec des perdants et des gagnants Des modifications dans l’usage des outils (appropriation ou rejets) Des résistances face aux nouveaux modes opératoires (Syndrome OATFCC20) Des évolutions de structures et modifications de pouvoirs entre acteurs, fonctions, métiers Des modifications des stratégies d’alliance et / ou d’opposition Des risques sociaux (externalisation, gains de productivité, mise en place de nouveaux outils de pilotage, …) 20 Des évolutions culturelles et comportementales (attendues ou non) OATFCC : ON A TOUJOURS FAIT COMME CELA ! 32 Le niveau de maturité organisationnelle modifie également les besoins de compétences, notamment dans le domaine du management des systèmes d’informations. Cette modification des compétences peut se traduire par l’arrivée de nouveaux arrivants dont le positionnement peut faire de l’ombre aux « anciens » et provoquer des conflictualités et des logiques d’opposition. Mais de nombreux acteurs internes peuvent hésiter à acquérir de nouvelles compétences pensant (à tort ou à raison) qu’ils n’en sont pas capables, et que leur incapacité va se traduire par une dépréciation de leur image, une diminution de leurs responsabilités ou un affaiblissement de leur pouvoir ! Les forces en présence peuvent alors conduire les « jeux d’acteurs » à faire évoluer les variables de cadrages à savoir la nature et les objectifs du projet, la méthodologie support, le planning et les résultats attendus, contribuant ainsi à l’apparition de résultats émergents non prévus initialement. Tous les projets d’évolution du système d’information sont porteurs de conflictualités. La conflictualité est un bon indicateur pour comprendre l'organisation. Au travers du conflit, les acteurs révèlent ce qui fait sens et ce qui compte pour eux. Ils entrent en conflit pour manifester un désaccord et essayer de faire entendre leurs points de vue. Dans le processus conflictuel se dévoilent et se confrontent les conceptions de l'organisation partagées par les différents acteurs. C'est dire l'intérêt qu'il y a à écouter les conflictualités dans les projets d’évolution du S.I car beaucoup de projets d’évolution du S.I ne sont ainsi qu'une suite de conflits qui s'accélèrent et s'amplifient à mesure que le projet avance ! BESSON (1999) identifie quatre types majeurs de conflictualités dans ce type de projet : Les conflits de modes opératoires portent sur la définition et la meilleure manière de réaliser une tâche ou un ensemble de tâches. Par exemple, les acteurs vont se confronter sur la question des procédures de passation d'une commande, sur la manière de saisir une facture, sur les méthodes de calcul d'un coût de revient. Les conflits de métiers portent sur le type de compétences nécessaires, sur la distribution de ces compétences entre les acteurs, sur l'organisation des filières métiers. La mise en place d'un ERP transforme plus ou moins profondément les métiers. D'anciens métiers deviennent obsolètes, de nouveaux métiers émergent. Le profil des métiers change mais les individus restent, s'interrogent sur leur avenir, se défendent de leur perte d’influence ou saisissent des opportunités de pouvoir. Les conflits d'influences portent sur la distribution du pouvoir. Ce type de conflit se manifeste sous des formes différentes, souvent détournées. Le pouvoir n'est pas une question qui se traite frontalement dans l'entreprise. Le conflit d'influence se manifestera donc au travers de questions souvent techniques : par exemple, la confidentialité et la sécurité des données ou le degré de standardisation des nomenclatures client, produit ou comptable. Dans de nombreuses entreprises, 33 la différenciation informationnelle a été un moyen de construction et de consolidation des pouvoirs locaux. En voulant réduire ces autonomies informationnelles, la dynamique de la standardisation impulsée par un projet (de type ERP par exemple) remet en cause l'équilibre des pouvoirs, des territoires, des castes, des stratégies d’alliances et d’opposition. Les conflits de buts et de valeurs portent sur les finalités de l'organisation et sur les modalités de la création de valeur. Les évolutions des S.I s'articulent de plus en plus autour d'une refonte des systèmes d'information financière et des outils de pilotage et de contrôle de gestion. Cette refonte est souvent l'occasion pour l'entreprise de moderniser sa culture de management et ses pratiques de gestion économique. Dans de nombreuses entreprises marquées par la domination des cultures techniques, la réticence vis-à-vis de la culture financière véhiculée par ces nouveaux outils est une source très importante de conflit. Les acteurs n'acceptent pas la domination de la culture financière avec son corollaire, le durcissement des critères de création de valeur, la modification de la culture et des exigences managériales, et les évolutions du système de contribution – rétribution qui bien au-delà des enjeux financiers peuvent venir détruire une hiérarchie d’appréciation basée parfois plus sur l’apparence, la relation et l’agitation que sur les réalisations contributives de valeur réelle. Les acteurs immatures en charge des évolutions du S.I véhiculent le même modèle de l'organisation mécaniste que les ingénieurs industriels de la première heure. Malgré le développement des sciences de l'organisation, ils sont restés attachés aux vieux concepts tayloriens du début du siècle. Comme eux, ils confondent l'écriture de procédures et la construction d'une organisation. Illusionnés dans un exercice de « rengineering virtuel », ils oublient que l'organisation est un système socio-technique, un subtil équilibre de modes opératoires, de métiers, de relations d'influence et de systèmes de valeurs. Dés lors réduite à ses modes opératoires, rebaptisés pour la circonstance « processus », l'organisation fait de la résistance. Organiser, c'est reconstruire une communauté autour de nouveaux modes de coopération. Les échecs constatés proviennent de l'impréparation des Dirigeants et de l’encadrement à gérer cette problématique communautaire qui s'exprime au travers des conflits de métiers, d'influence et de valeurs. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, comme eux, ils refont les mêmes erreurs. La maturité en matière de management de système d’information passe donc par la compréhension de l'organisation et la capacité à décoder et à réguler les jeux d’acteurs. Ce qui suppose une posture stratégique des acteurs en charge des évolutions du S.I. Il faut comprendre les dynamiques profondes, identifier les acteurs en présence, évaluer les manoeuvres possibles, choisir une option, puis définir et négocier une tactique de mise en œuvre du changement, qui vise à créer, puis à légitimer, une nouvelle norme d'action. 34 L'action organisationnelle met l'accent dans ce cas sur le désapprentissage des anciennes normes, la construction des significations liées à la nouvelle norme et la négociation avec les acteurs des conditions opérationnelles de mise en oeuvre de cette nouvelle norme. Avant de s'intéresser aux outils et à leur mode d'utilisation, les acteurs sont en attente d'explication sur le sens de la rationalisation de l’organisation cible, sur l'impact que cette dernière aura sur leurs métiers, sur leur autonomie, leur marge de manœuvre et de confort, sur leurs métiers, leurs relations voire leur existence même au sein de l’organisation. Les acteurs veulent comprendre le pourquoi de l'innovation, expérimenter les implications sur leurs métiers et leurs zones d'influence et être activement impliqués dans la définition opérationnelle de l'outil, et l’émergence de la nouvelle organisation. Un des signes de maturité dans le management des systèmes d’informations est bien la prise en compte dans la conduite des projets d’évolution de la complexité et de la conflictualité des jeux d’acteurs, avec pour corollaire l’abandon du mode unique de pensée cartésienne ! Ne pas le faire ouvre la porte a des risques financiers, sociaux et techniques incalculables ! 5.5 La méconnaissance des usages des utilisateurs Peu d’entreprises se soucient d’analyser précisément les usages a posteriori que font les utilisateurs des technologiques de l’information et de la communication. Il est cependant nécessaire d’intégrer les règles qui structurent traitement social de l’information pour expliquer le comportement individuel et collectif dans l’utilisation des moyens de communication. L’efficacité d’un outil est ainsi déterminée en partie par les attitudes et comportements des acteurs au sein de l’organisation. Ces sources d’influence sociale permettent à l’individu d’arbitrer – à son niveau - les conditions d’utilisation du système d’information. Elles modifient donc les perceptions individuelles des différents moyens de communication. Pour expliquer, dans un contexte donné, le choix d’un outil de communication et le comportement adopté face à cet outil, il est indispensable d’identifier des critères rationnels et des facteurs d’influence sociale qui vont présider au choix et à la bonne utilisation (ou non !) de tel ou tel outil et de les enrichir par l’étude sur le terrain d’un certain nombre de variables d’usage telles que : La nature de l’activité / tâche. La richesse et la facilité d’utilisation de l’outil Le contenu du message à traiter 35 La situation d’utilisation de l’outil La signification symbolique de l’outil La fonction occupée par l’utilisateur et son rapport avec la technologie La culture nationale De plus en plus des changements radicaux sont imposés aux acteurs par les évolutions des systèmes d’informations. Les rythmes du changement s’accélèrent, les produits sont individualisés, les organisations doivent s’adapter au changement perpétuel (en ajustant les hommes, les technologies et les processus). Ces changements représentent pour les acteurs une perte de contrôle, une perte de pouvoir, une perte de crédibilité et de légitimité qui se traduisent par une vulnérabilité accrue et des pressions souvent insupportables. La possibilité de partager de l’information instantanément et sans coûts dans le temps et dans l’espace impose de devoir constamment anticiper, pour y parvenir les acteurs doivent disposer des conditions émotionnelles de l’implication et de la responsabilité (confiance) et de la cohésion (sentiment d’appartenance). Non seulement la plupart du temps ces conditions ne sont pas réunies mais de plus ils constatent que leurs outils de références, leurs avantages traditionnels et leurs statuts actuels vont disparaître. La réaction des acteurs est alors inévitable en terme d’usages qu’ils font et feront du système d’information. Force est de constater que ces acteurs ont très bien compris que le système d’information est un outil de pouvoir fantastique, et qu’ils apprennent à s’adapter aux menaces que celui-ci fait peser sur eux en modulant de manière non visible les usages qu’ils feront de l’information. Cette situation est porteuse à terme de risques majeurs car la majorité des Dirigeants n’est pas sensibilisée aux critères permettant d’apprécier l’efficacité d’usage de tel ou tel média dans telle ou telle situation. C’est alors la gouvernance et les règles de fonctionnement qu’il faut faire évoluer, car les projets se déploient avec des utilisateurs insuffisamment consultés, des outils de mesure imparfaits ou absents, l’absence de tout référentiel commun, un manque de maîtrise du système d’information, une analyse superficielle des risques, la sous-évaluation systématique de l’impact sur les rapports humains, et une non cohérence des outils installés dans les différentes strates de l’entreprise. Face a des acteurs qui ont de plus en plus de mal à trouver des nouveaux repères, le développement des outils de communication doit obligatoirement s’accompagner d’une formation au « e- management » pour maîtriser les bouleversements individuel et collectifs induits par ces outils. « La technologie n’a jamais défini l’organisation, elle ne fait que créer les potentialités dont les managers doivent s’emparer (M. Kalika, 2002) » 36 5.6 Et beaucoup d’autres causes ! La course effrénée au délai demandée par les décideurs est en corrélation directe avec l’accélération de l’économie, et les changements répétitifs d’organisation. En quelques années les délais impartis à des projets de taille identique ont été réduits d’un facteur de 2 à 4, alors que les temps de prise de décision ont eux de leur cotés été allongés de la même manière. Ce double phénomène de contraction du temps et d’allongement du délai de prises de décisions 21 augmentant considérablement la probabilité d’erreur de conception, d’autant plus que les temps consacrés aux test sont de plus en plus réduits Si l’efficacité du système d’informations est un facteur majeur dans la performance de l’entreprise, il n’en demeure pas moins une construction qui repose encore sur des fondations méthodologiques relativement jeunes, sur des évolutions technologiques à rythme forcée et pas encore « sèches », des ambitions démesurées (tout refaire en une seule fois), sur des distributeurs de solutions dont la pérennité n’est pas garantie et sur des concepts mal appropriés ! toutes ces conditions induisent pour une absence de rigueur, des effets de mode, des visions court-termistes, des impasses technologiques, et des projets dont la complexité dépasse largement les capacités managériales des acteurs concernés. Le mythe du progiciel miracle reste encore bien ancré dans les mentalités. Bien entendu la contorsion organisationnelle pour faire rentrer les pratiques dans les paramètres est largement sous-estimée. Les projections en matière d’organisation cible collent à l’existant ou ressemblent à des lettres au Père Noël, et ignorent complètement les évolutions possibles des business models. Les incohérences de modèles de management entre les choix induits par l’outil et les pratiques de terrain rendent les fonctionnements complexes et porteurs d’inefficacité et de stratégies d’évitement au niveau des usages des utilisateurs. Les cahiers des charges sont indigents ou procèdent d’une abondance relevant d’un cahier de décharge. Les coûts pris en compte sont ceux des licences, de la formation et du paramétrage. Les coûts internes sont systématiquement ignorés ou sous-estimés. Des contrats trop contraignants imposés par des clients apeurés a leurs prestataires, font que les acteurs passent plus de temps a se protéger qu’à chercher des solutions adaptées et ou innovantes ! Toutes ces raisons et bien d’autres encore (que nous développerons) font que conduire un projet S.I revient encore dans beaucoup d’entreprises à prendre rendez vous avec le diable ! 21 Cet allongement est en partie due à la volonté des acteurs de développer des modes collectifs de prise de décisions pour se protéger du risque d’erreur dont un acteur pourrait être rendu responsable personnellement 37 6 Les mécanismes d’apprentissage organisationnels Le fait de se poser la question de la construction d’un nouveau système d’information va questionner l’entreprise dans de nombreux domaines. Le nécessaire alignement stratégique du système d’information doit conduire l’entreprise à formaliser son Business Model, à clarifier sa stratégie et à identifier son positionnement dans la chaîne de valeurs et ses avantages concurrentiels. Souvent la mise en œuvre d’un nouveau système d’information conduit l’entreprise à se poser des questions nouvelles et à s’extraire du quotidien pour construire, argumenter et faire partager une vision … L’organisation et les pratiques de management sont également remises en cause, nécessitant des mécanismes de désapprentissage et d’apprentissage. Les conflictualités à gérer devront être dépassées et des nouveaux modes de fonctionnement devront s’implanter dans les pratiques quotidiennes. Trop souvent sous-estimée, la conduite du changement au travers de la régulation des mécanismes d’apprentissage managériaux et organisationnels va structurer les dynamiques sociales qui vont en réalité déterminer les résultats obtenus (rejet ou stratégies d’évitement). Il faudra donc déterminer quelles formes d'apprentissages mobiliser et à quel moment. Même si certaines formes d'apprentissage sont reconnues comme plus efficaces par les théoriciens de l'organisation, elles n'en sont pas pour autant nécessaires à toutes les situations que l'entreprise va rencontre dans la construction ou l’ajustement de son système d’information. Toutes les formes d'apprentissage nécessitent de l'énergie, induisant anxiété et perturbation. C'est pourquoi il apparaît essentiel de réfléchir, du point de vue de la conduite du projet, au moyen de mobiliser de manière distincte les différentes formes d'apprentissage, selon les enjeux de la situation. Le concept de vision stratégique se pose comme l'une des réponses possibles à cette problématique. En effet, une vision stratégique partagée est généralement considérée comme un levier fondamental pour la réussite du projet et l’accroissement de la performance de l’entreprise. 6.1 La « vision stratégique » comme levier du changement La vision constitue un concept fondamental pour la stratégie d'entreprise, largement développé ces dernières années. Il représente l'une des réponses les plus intéressantes au pourquoi du changement organisationnel. En effet, le changement et l'apprentissage organisationnels sont souvent abordés sous l'angle de leurs processus, mécanismes et freins. Cependant, le problème de savoir pourquoi un ensemble d'individus accepte, à un moment donné, de se mobiliser et de changer collectivement 38 derrière des objectifs communs l'est moins fréquemment. La notion de vision permet d'éclairer de manière intéressante ce problème Le principe fondamental de la vision consiste, pour une entreprise, à se fixer des ambitions démesurées pour le futur par rapport à l'état actuel de ses ressources (Hamel & Prahalad, 1994). La vision est donc un point de repère que l'entreprise se fixe dans l'avenir, en dehors de toute contingence liée à son passé et son présent. La vision revêt en fait une dimension "onirique" évidente. Le rêve constitue en effet l'un des fondements majeurs de l'ambition. Par opposition à toutes les théories associées à l'adéquation à l'environnement concurrentiel (Porter, 1985), les approches fondées sur la vision supposent une volonté délibérée de s'émanciper de ces conditions environnementales actuelles, afin d'être en mesure des les influencer. L'entreprise doit en effet réfléchir, au-delà d'une simple démarche prospective, à ce qu'elle pense que son environnement sera demain, voir à ce qu'elle souhaite qu'il devienne (Hamel & Prahalad, 1994). Cette première approche la vision étant opérée, quel est le lien entre la vision et le changement organisationnel ? Comment une ambition peut-elle conduire l'organisation à se transformer, à trouver de nouvelles voies de création de valeur, parfois à l'encontre du sentiment général ? La vision consiste justement, à s'imposer des ambitions dans le long terme totalement disproportionnées au regard des moyens disponibles (Hamel & Prahalad, 1989). La tension est issue de l'écart entre la réalité présente et le futur souhaité (Senge, 1991). "La tension, ainsi que la créativité qu'elle engendre, sont le moteur et l'énergie de la croissance et de la vitalité de l'entreprise" (Hamel, 1991). De fait, elle constitue une "obsession de vaincre à tous les niveaux", formulant un désir de domination et de progrès, tout en dépassant le cadre d'une simple ambition prétentieuse. Elle confère ainsi une consistance aux actions de l'entreprise sur le court et le moyen terme. Nous verrons plus loin que cette situation ne sera pas étrangère aux modifications des cartographies de pouvoirs au sein du management puisque les représentations du futur laissent clairement entrevoir que « certaines cartes peuvent et / ou doivent être reconfigurées 6.2 Les dynamiques qui s’organisent autour de l’apprentissage Cyert et March (1963) conceptualisent l'organisation comme un système ouvert rationnel et adaptatif qui apprend de ses expériences pour modifier ses comportements en fonction des rétroactions de l'environnement selon des normes et des routines précisément définies. L'apprentissage organisationnel est alors un phénomène qui induit la modification du comportement de l'organisation sous l'influence des réponses de l'environnement aux actions organisationnelles. L’apprentissage organisationnel apparaît comme une réponse à une source de déséquilibre ou de rupture. 39 Bien entendu les membres de l’organisation vont chercher à tirer profit la démarche et vont donc modifier leurs comportements selon leur interprétation des événements et les opportunités qu’ils croient pouvoir saisir au travers des stratégies d’alliances et d’opposition actuelles ou reconfigurées. L'apprentissage devient alors un support de transformation majeur du cadre de l'action collective Les acteurs d'une organisation se réfèrent sans cesse à des cadres d'action collectifs pour agir, l'apprentissage est alors perçu comme un phénomène auto-engendré par les organisations (et les acteurs) pour assurer leur régénérescence. Argyris et Schön (1978) ont privilégié une perspective individuelle de l'apprentissage organisationnel. Les travaux par exemple, même s'ils sont fondateurs du concept d'apprentissage organisationnel, partent de présupposés qui laissent une place centrale à l'individu. Dans leur conception, l'apprentissage organisationnel est un processus dans lequel les individus cherchent à se forger une représentation de l'organisation et à défendre ou modifier leur place dans l'organisation par des transformations comportementales et des transformations cognitives. Les transformations comportementales sont le fruit d'une adaptation d’un acteur aux stimuli de son environnement. Les transformations cognitives s'exercent lorsque l'organisation transforme ses cadres de référence fondamentaux, donc ses modèles par l'introduction d'une contrainte inattendue, d'une rupture (Kim, 1993) ou d'une dose de désordre qui force l'organisation à modifier sa manière de penser pour y répondre. Dès lors, les problématiques de transformation dans le cadre d’un projet d’évolution du SI s'avèrent être un défi majeur pour les managers, car les changements envisagés vont déstabiliser l’organisation et ouvrent la porte à la redéfinition (possible) de nouvelles règles du jeu. Leur régulation s'avère alors pour le moins problématique car les logiques des acteurs et leurs interactions avec les processus de changement ne dépendent que rarement d’une action intentionnelle de l’entreprise. 7 L’origine des conflits de pouvoirs entre acteurs 7.1 Les jeux de pouvoirs inhérents à toute organisation De nombreux auteurs ont travaillé sur les jeux de pouvoirs au sein d’une organisation. (partie en cours de reconstruction) Dans Le pouvoir dans les organisations, Henry Mintzberg décrit les diverses formes de pouvoir dans les organisations. Il définit le pouvoir de la façon suivante : "la capacité à produire ou modifier les 40 résultats ou effets organisationnels". Cette capacité est motivée par des buts : "intentions précédant les décisions ou les actions". Mintzberg recherche les différents détenteurs de pouvoir et étudie la façon dont ils exercent ce pouvoir. On voit apparaître dix sortes de détenteurs d'influence classés en deux catégories. La coalition externe : les propriétaires, les associés, les regroupements de salariés, les publics. La coalition interne : Le conseil d'administration, le PDG, les opérateurs, l'encadrement, la technostructure, la logistique. Il existe un onzième agent : l'idéologie de l'organisation. On distingue alors cinq moyens d'influence externe : les normes sociales, les contraintes formelles, les campagnes de groupes de pression, les contrôles directs, la participation au conseil d'administration. Les normes sociales sont souvent très générales, instables et divergentes. Dans la coalition interne "le PDG est le plus souvent l'individu le plus puissant. Il connaît les buts et a à sa disposition les moyens pour les atteindre. Les cadres intermédiaires, en fonction de leur position dans la hiérarchie, partagent plus ou moins le pouvoir du PDG. L'influence des opérateurs ne peut se faire que par les politiques (pouvoir informel) ou par leur compétences professionnelles. Les analystes de la technostructure recherchent la qualité professionnelle et ne voient que l'aspect coûts/bénéfices. Le personnel de soutien logistique (administratif…) aura du pouvoir en fonction de ces qualifications. Ces différents membres vont mettre en place cinq systèmes au sein de la coalition interne : l'autorité personnelle, l'autorité bureaucratique, l'idéologie (mission à accomplir), les compétences, les politiques. Les quatre premières sont identifiables, quant à la cinquième elle peut prendre des formes diverses : rivalités coalition, indiscipline… Ce pouvoir politique peut devenir un appui au pouvoir légitime ou le remplacer. Ensuite, Henry Mintzberg classe les différents buts en fonction de leur force de cohésion : l'idéologie, l'autorité, les buts personnels et en dernier les buts systèmes (survie, efficacité, contrôle, croissance). Il décrit le cycle de vie d'une organisation. Elle débute par l'autocratie ensuite elle se transforme en instrument (au service d'un agent externe) ou en missionnaire (idéologie de l'entreprise) puis période de stabilisation c'est à dire système clos (soutien de tous les agents internes) ou en méritocratie (repose sur les experts) et meurt en prenant la forme d'arène politique (conflits). Cette mort permet aussi le passage vers d'autres formes. Mintzberg montre la profondeur des relations de pouvoir dans l'entreprise. Il y a une pluralité d'agents, une pluralité de buts avec des alliances diverses et des jeux d'influence de l'entreprise et de son environnement. Mais au fil du livre on voit transparaître son penchant pour un certain type d'entreprise : un chef puissant, des buts systèmes afin d'affronter la compétitivité économique et l'accroissement de la rationalité. Il ne fait pas l'impasse sur des éléments ne correspondant pas intégralement à son modèle comme le pouvoir politique et l'idéologie. Il trouve le pouvoir politique illégitime. C'est un pouvoir qui ne peut être maîtriser et expliqué mais son instabilité peut permettre un changement de formes. Même si l'idéologie est difficilement définissable (histoire, culture…), elle donne à l'entreprise une certaine grandeur. Elle n'est pas indispensable à l'entreprise florissante, mais vitale pour l'entreprise en 7-41 difficulté. Les idéologies qui les parcourent, les arènes politiques où elles tombent ne sont, pour les entreprises que des mauvais moments à passer. Dans la vision de SAINSAULIEU, l’entreprise est vue comme le lieu des mutations sociales actuelles, il indique qu'il existe des formes précises des représentations des rapports sociaux se réclamant toutes d'une rationalité : ce sont les identités collectives. L'entreprise produit de telles identités et on peut admettre qu'il puisse y en avoir de nouvelles propres à l'entreprise. Pour SAINSAULIEU l'apprentissage collectif permet de nous éclairer sur ces identités. Pour progresser l'entreprise doit compter sur la force vive que représente l'Homme, alors que très souvent l'économie et la technologie prennent le pas sur la logique sociale. Quatre modèles -types de l'intégration sociale des membres de l'entreprise sont retenus : Professionnel : s'appuie sur la confiance en la pratique d'un métier. Bureaucratique : parcellisation et réglementation des tâches. Gestionnaire : prend en comptes les relations humaines. Démocratique : cogestion et autonomie. Pour WEBER ces modèles sont limités par une double rationalité du monde économique : rationalité subjective et rationalité objective. Le changement dans l'entreprise passe par le système social qui peut être abordé de différentes façons : les dysfonctionnements observés dans l'entreprise qui déclenchent l'examen des jeux de pouvoirs, et les relations avec l'environnement. Pour pouvoir vivre ensemble les hommes sont obliger de passer par une élaboration collective des représentations du monde. Ce qui nous permet d'admettre que l'entreprise est une société à part entière, avec ces traditions ses valeurs propres axées sur le travail, qui est elle-même en interaction avec le monde extérieur qui lui aussi à sa culture. Les identités au travail : SAINSAULIEU distingue quatre cultures : fusionnelle, la négociation, les affinités sélectives et le retrait. Les représentations correspondent à des opinions fondées sur un processus cognitif dépendant d'un groupe : très rigides si elles sont basées sur des valeurs. Or, actuellement les changements organisationnels sont nombreux et modifient les relations de pouvoir. Il y a permanence des apprentissages culturels. En plus, des identités collectives, le travail produit de véritables types d'acteurs sociaux. Pour la fusion c'est l'acteur de masse, la négociation l'acteur stratégique, les affinités acteur de soi et le retrait, acteur d'ailleurs. Cela oblige à créer de nouvelles rationalités au travail. On passe à une 7-42 nouvelle forme d'autorité : travail et élaboration collective, travail par projet…Même si l'on ne pense pas que l'entreprise puisse produire une culture autonome, on peut y voir des réactions culturelles dépassant les jeux de pouvoir. SAINSAULIEU rajoute la prise en compte de trois aspects complémentaires de la culture d'entreprise : les interactions stratégiques, les processus constitutifs d'identités collectives, la formulation de projet d'organisation. L'entreprise est un lieu de culture et est un lieu de pouvoir, au travers des identités, des projets, des processus d’apprentissage…. Il faut également tenir compte de la relation entre pouvoirs et valeurs qui n'avait pas été abordé par Mintzberg. La culture se trouve au cœur des sociétés mais les processus affectifs d'identification de l'exercice du travail permettant de modifier les jugements de valeur (changer de métier, de niveau hiérarchique) pour recomposer de nouvelles valeurs. L'entreprise devient donc productive de valeurs. Ces valeurs sont le cœur des sociétés, au même rang que les jeux de pouvoirs et les mécanismes de régulation. SAINSAULIEU nous amène à nous poser deux questions essentielles : "Quels processus affectifs se jouent dans l'entreprise? De quoi sont constitué les valeurs et comment jouent-elles en entreprise ?" CROZIER dans Le phénomène bureaucratique met en œuvre une théorie des interactions entre les acteurs, puis une théorie plus générale de l'organisation bureaucratique, en observant les relations entre les catégories de personnel. Pour Crozier "…dans ses relations avec autrui… le pouvoir de chaque individu dépend de l'imprévisibilité de son comportement et du contrôle qu'il exerce sur une source d'incertitude importante pour la réalisation des objectifs communs…". Pour faire sa démonstration Crozier se base sur l'agence comptable, dans ce service, le personnel (femmes), ne se sent pas considéré d'où un comportement passif. Le fait que la passivité et que les règles impersonnelles soient acceptées peut être vu comme un jeu admis par tout le monde. C'est une façon d'éviter des situations de face à face pouvant créer des situations difficiles. Chaque personne calcul l'avantage qu'il peut tirer d'une situation donnée. Dans le monopole industriel il s'aperçoit que le pouvoir est détenu par les ouvriers d'entretien et non par les chefs d'atelier, car ce sont les ouvriers qui savent réparer les pannes de machines. M. Crozier en déduit que le pouvoir n'est pas du domaine de la hiérarchie mais est initié par des situations imprévisibles dont les uns et les autres profitent. Il se lance ensuite dans une critique des théories du fonctionnement des organisations, qui pour lui n'ont qu'une vision partielle des conduites humaines, soit une rationalité technique soit une rationalité des rapports humains. Il faut donc arriver à grouper ses deux rationalités en une rationalité complète. Il en vient à une clef du pouvoir : le pouvoir est existant que si on peut changer la conduite des autres et si on y a intérêt et démontre que même si la rationalité empruntait un "one best way" le pouvoir serait toujours là. Ce pouvoir "est lié à l'impossibilité d'éliminer l'incertitude dans le cadre de la rationalité limitée qui est le nôtre". C'est une tentative permanente d'échapper aux changements et ne change que quand sa survie est mise en cause. 7-43 La passivité met l'entreprise dans l'obligation de passer au contrat pour acquérir de l'autonomie. Pour Crozier "c'est en effet seulement au travers d'organisations complexes que l'action de l'homme moderne peut s'exprimer": Les conduites collectives ne sont que le résultat des jeux entre diverses catégories d'individus. Elles sont toujours motivées et ne dépendent pas de pression extérieure. Critique du taylorisme. Sur la constitution des règles : L'histoire a eu une influence sur l'apprentissage des conduites bureaucratiques persistantes du passé, imposant des règles bureaucratiques pour protéger son indépendance. Les conduites collectives dépendent des possibilités des jeux d'acteurs dans une société de contrats. Crozier arrive à ces conclusions en faisant des restrictions au niveau de l'exercice des jeux de pouvoir et sur l'apparition des règles qui les conditionnent. Ces jeux de pouvoir sont liés à la maîtrise technique dans l'entreprise. Que penser alors des grèves ? Dans tous les systèmes, même les bureaucraties, on voit que les jeux relationnels ne se cantonnent pas aux relations de pouvoir. Car comment expliquer ceux qui jouent "contre leur camp" ou pour perdre ? Crozier parle de ces autres relations mais les considèrent comme secondaires. Crozier ne dit pas que les limitations des jeux de pouvoir sont dues à une auto limitation. Il nous dit que les croyances collectives découlent des jeux de pouvoir et de l'autre il nous dit que ces jeux de pouvoir résulte de manière d'agir culturellement déterminée. Pour E. Goffman, les conduites sociales peuvent être expliquées par les interactions entre humains. Avant de définir l'interaction, il faut définir l'action. E. Goffman nous définit l'action "Si l'on prend pour base la notion de devoir fatal, on peut considérer l'action comme une sorte de mise en scène personnelle et ritualisée de l'aspect moral de l'accomplissement de ce devoir". Il n'y a action que quand il y a risque, et que l'on ne connaît pas l'issue du jeu. Pour réduire la fatalité on prend des précautions : prudence, prévoyance…. qui sont elles-mêmes source d'angoisse. Pour prendre des risques, il faut posséder des aptitudes primordiales qui sont indissociables du caractère. Le caractère correspond au sang froid, à l'intégrité, au cran…Mais dans les situations de crise le caractère ne suffit pas il faut occulter les intérêts personnels et se soumettre à l'autorité. Toute personne en situation sociale est soumise au jugement des autres. Ce caractère est immuable mais paradoxalement il naît et disparaît par l'action. Cette contradiction permet à la société d'aborder de nouvelles situations où le caractère est nécessaire et en même temps assure sa continuité à l'aide de règles et de conventions. Ce qui nous ramène à la notion de devoir fatal. L'action dépend des risques pris pour eux-mêmes, afin de fortifier le caractère qui lui-même maintient la société en bonne état. L'action interpersonnelle nous montre les démonstrations de caractère qui sont l'occasion de joutes. Joutes ritualisées qui permettent à chacun de trouver sa place dans la société. Tout cela doit se faire à bonne distance du moi sacré. Goffman reprend une phrase de Durkheim "la personnalité humaine est chose sacrée ; on n'ose la violer, on se tient à distance de l'enceinte de la personne, en même temps que le bien par excellence, c'est la communion avec autrui". 7-44 Concernant la mise en scène et le rituel, on s'aperçoit que le rituel n'est pas seulement accompli, il est interprété, estimé, jugé, corrigé et redéfini. Il est le compagnon d'une grande partie de nos actes et des relations sociales. La vie sociale est composée d'actions à risques et d'autres plus sécurisées, les relations sociales sont toujours à risque. La personnalité de chacun est multiple est complexe, ce qui peut engendrer des situations d'embarras, de détachement ou autres… La protection du moi est primordiale ; pour chacun cela passe par la protection de ceux des autres. Tous les rituels sociaux sont fait d'échanges mutuels. Les interactions donnent aux gens le sens de la réalité sociale et désignent leur place. De plus les règles que nous suivons viennent "des nécessités inhérentes à l'organisations des rencontres sociales". L'épreuve de caractère permet de distinguer les forts des faibles et sert d'étalon à l'interaction. Mais on peut déceler des digressions qui pourraient nous faire penser que les interactions n'expliquent pas tout. Pour rester soi-même on doit faire attention aux autres. Ces quatre auteurs s'intéressent à la complexité du jeu d'acteur. Ils cherchent le dénominateur commun qui pousserait les gens à agir de manière sensée malgré la différence de leurs représentations et de leurs intentions. Pour tous, les gens agissent en raison. Minztberg fait une revue de détail du management, il souhaiterait que la fonctionnalité buts de système soit la règle en entreprise. Pour Sainsaulieu il y a deux sortes de raison (subjective et objective) et quatre types d'intégration sociale. Il pense que les mises en scène peuvent avoir une influence sur les intrigues. Pour Crozier il existe une rationalité limitée. Pour lui la société moderne créée en permanence des valeurs, même s'il y a des constantes liées à l'histoire. Pour Goffman les conduites sociales sont basées sur le respect du moi sacré des individus. Mais lors des moments de crise, il y a soumission à l'autorité. Minztberg et Sainsaulieu s'intéressent peu aux origines des rationalités. Pour Mintzberg chaque cycle de vie est égal à un type de rationalité. Sainsaulieu les juxtapose sans chercher leur filiation. Crozier explique que les stratégies de pouvoir sont le fruit d'une longue histoire. Goffman fait référence à un monde mythique avec des dieux et des héros. Même s'ils insistent sur la rationalité des conduites (intrigues) fondant les valeurs. Ils ne peuvent faire abstraction de l'histoire de ces rationalités. Chacun des auteurs idéalise un ou des types de personnages et n'en autorise aucun autre sur la scène de l'entreprise. L'idéologie de ces quatre acteurs exclue de penser qu'une personne soit changeante, non-susbstancielle et historique. Même s'ils veulent l'exclure l'histoire est là. On peut dégager un principe commun : la société moderne n'a plus rien à voir avec les sociétés traditionnelles. Principe adopté par les entreprises qui vivent de la compétence et du mérite réunis. C'est ce principe qui va être abordé dans le chapitre suivant. Pour Elliot. Jaques tout peut s'expliquer par un héritage inconscient. Fondé sur des relations fortes dont il faut débusquer les anomalies. Il donne un éclairage psychanalytique aux relations dans les entreprises, il doit cependant être utilisé avec précautions car l'entreprise n'est pas la famille et on court le risque d'une interprétation erronée des conduites. 7-45 En 1948, E. Jaques débute une étude dans l'usine La glacier Métal Compagny. Il va définir cette usine comme un champ d'action où tout est en interaction. Il commence par reconstituer l'histoire de la firme afin d'analyser la façon dont les éléments passés et ayant encore des suites continuaient à influencer la représentation des choses. Ensuite il analyse les changements de conduite. Avec l'aide de Tavistock il donne la définition des principaux termes employés. La structure sociale correspond aux positions (rôle) occupées par les individus ou les groupes. La culture est le mode de pensée partagé par tous les membres. La personnalité correspond au moi de l'individu. Ces trois termes représentent le caractère unique de chaque entreprise. Il en découle une définition de la responsabilité, de l'autorité du pouvoir et de la sanction. L'autorité est l'attribut d'une position dans l'entreprise. Le pouvoir est "la force ou l'intensité de l'influence potentielle d'un individu ou d'un groupe donné peut exercer à un moment donné, quelque soit le rôle qu'il assure ou l'autorité qu'il possède". La sanction s'entend comme un régulateur. A la glacier : le chef peut être anxieux face à l'autorité, les coéquipiers peuvent faire bloc contre le chef ou être rivaux entre eux. Ces formes de stress peuvent provoquer des mécanismes d'autodéfense. Pour dépasser ce mécanisme inconscient on peut construire des "processus exécutifs d'adaptation" (réunion, gestion des erreurs…). Conclusion d' E. Jaques : "une structure organisationnelle saine est celle dans laquelle chacun des cadres peut accomplir ses obligations en travaillant avec ses seuls subordonnés immédiats et avec son propre supérieur et ses propres collègues" c'est ainsi qu'il reçoit "la sanction personnelle de son autorité". L'adaptation sociale de l'entreprise ne peut se faire que si les rôles sont clarifiés (perlaboration), si l'autorité est bien distribuée et si les pouvoirs sont équilibrés. Pour maintenir sa bonne santé sociale, une entreprise doit de façon régulière identifier et retravailler les facteurs cachés qui influencent sa conduite. On peut définir les idées d' E. Jaques de la façon suivante : L'entreprise est un champ d'actions où tous les évènements sont en interactions ce qui fait émerger d'autres problèmes. Les conduites au sein de l'entreprise sont déterminées par sa structure sociale (rôle), sa culture, la personnalité de chacun des membres de l'entreprise. Les rôles sont difficiles à tenir car ils impliquent toujours une responsabilité. Pour assurer une responsabilité le plus difficile c'est l'anxiété souvent inconsciente. Elle peut déclencher des phénomènes d'autodéfense (fuite) et confusion des rôles. Pour effacer cette confusion, il faut rechercher la source de l'anxiété. C'est un travail sans fin car les forces qui agissent dans le champ psychosocial sont à déchiffrer en permanence. Il nous fait comprendre que l'acteur n'est ni une marionnette avec des impulsions contradictoires, ni un être rationnel calculateur. Ces réflexions aboutissent à quelques principes : l'autorité législative distribue les rôles en fonction de la politique d'entreprise. L'autorité exécutive transmet hiérarchiquement la politique. La hiérarchie et le commandement : on retrouve les mêmes responsabilités dans toutes les structures sociales à tous les niveaux. La motivation des membres de l'entreprise : c'est la clarification des rôles et des sanctions qui motivent les gens. Cette approche, certainement pour des raisons culturelles et mal connue en France. 7-46 7.2 La fonction de révélateur du diagnostic préalable La finalité du diagnostic est de permettre une meilleure visibilité et une plus grande lisibilité des logiques de fonctionnement et d’évolution (ou de transformation) de l’organisation (où en sommesnous ? qui sommes-nous ? comment fonctionnons-nous ? comment appréhendons-nous et résistons nous aux changements ?) et permettre de comprendre l’organisation peut se projeter (ou s’est déjà projetée) vers une organisation cible (où voulons nous aller ? voulons nous vraiment y aller ?). Comprendre le fonctionnement d’une organisation suppose de la décoder en tenant compte des aspects formels et visibles, mais plus encore des aspects informels organisant et régulant les courants de fond des dynamiques sociales de pouvoirs autour des enjeux des acteurs. Les acteurs externes qui animeront le diagnostic préalable vont travailler sur les différentes dimensions de l’organisation et ce, par l’émergence (à partir des informations collectées) de nouvelles cartes ou « cartographies » permettant de comprendre les différents aspects du paysage organisationnel et social. Les cartographies les plus courantes sont les suivantes : Une carte « structurelle », basée sur l’organigramme et le découpage en services et fonctions Une carte « des zones collaborative », basée sur les processus clé et les besoins de collaboration pour réaliser au mieux les différentes missions et activités et répondre avec la plus grande efficacité aux besoins des « parties prenantes » Une carte des « pouvoirs » basée sur les influences (actuelles ou recherchées), les alliances, les zones de conflictualités, et les représentations culturelles et claniques Une carte des « moyens et des compétences » basée sur la capacité de l’organisation à mobiliser des moyens pertinents par rapport à des niveaux de préoccupations donnés et l’anticipation et l’accompagnement de nouveaux modes de fonctionnement Une carte du système d’information, basée sur l’étude des flux réels d’informations et des outils support , pour mieux apprécier les usages qu’en font les acteurs et les règles formelles et informelles qui président au partage et à l’exploitation de ces informations (notamment les principes de gouvernance du système d’information) 7-47 Les cartes des interfaces permettant de comprendre comment un dysfonctionnement notoire (qu’il faut certainement supprimer) dans une dimension cartographiée est généré par un avantage majeur (qu’il faut absolument conserver !) dans une autre dimension cartographiée. La carte des pratiques de management permettant de mieux comprendre les modes de régulation sociale, les souhaits réels de collaboration (dépassant les logiques de pouvoirs) les comportements des acteurs et les décalages entre les intérêts individuels, Les cartes de « positionnement » permettant de comprendre les paradoxes paralysant entre des missions confiées à certains acteurs et leur positionnement au sein de la structure. Les cartes des « maturités » permettant de mettre en évidence les illusions collectives (décalage entre les objectifs recherchés et la maturité des acteurs en terme de compréhension, de pratiques et de relations pour y parvenir) La cartographie des projets analysant leur mode de gestion et leurs interactions avec l’organisation hiérarchique et les objectifs stratégiques La recherche de transversalité génère de nombreuses situations de conflictualités (conflits de modes opératoires, conflits de métiers et de fonctions, conflits de pouvoirs et d’influences, conflits de valeurs et de sens) au sein d’une organisation majoritairement hiérarchique et cloisonnée. Pour analyser les process de déploiement de cette transversalité il convient de rendre visible et lisibles les différentes dimensions que ces cartographies permettent d’approfondir. L’animation et la co-construction de ce diagnostic avec les acteurs , implique des « allers-retours » entre l’organisation visible et les niveaux des multiples dynamiques du systèmes d’acteurs car l’exigence de lisibilité et de visibilité ne porte pas uniquement sur le monde apriorique du prescrit procédural, mais doit permettre d’élucider les interprétations et les significations des logiques de travail, les enjeux de pouvoir des acteurs et les causes porteuses des comportements réels (souvent à la base de l’inefficacité partagée) et des multiples conflictualités. Le travail de diagnostic visant à identifier les facteurs d’échecs et de succès dans l’émergence d’une nouvelle organisation cible vis à vis de laquelle, certains acteurs seront en conflits de modes opératoires, d’intérêt, de pouvoirs ou de valeurs, il sera nécessaire de comprendre en quoi les transformations souhaitées, subies ou tout simplement possibles, affectent les règles du jeu existantes, et les grands équilibres souterrains qui régulent la paix sociale et les jeux « de chat et de souris » au sein de l’encadrement . Les processus d’apprentissages et les logiques d’exemplarité qui ont été mis en œuvre pour favoriser les évolutions souhaitées sont également analysées, et leur conception, leur déploiement et leurs 7-48 niveaux d’appropriation sont comparées aux résultats obtenus …Il est évident qu’un tel travail, va rendre visible bien des comportements qui ne sont officiellement condamnables qu’à partir du moment ou ils intègrent le monde du visible. Les acteurs vont alors réagir différemment face à la mise en lumière des règles informelles. Certains acteurs vont penser que le temps est venu de modifier certains comportements qui ont besoin d’ombre et d’opacité pour se développer et perdurer, « ce qui est pris est pris » et leur conscience des mécanismes de changement les conduit à prendre le train en route. D’autres acteurs au contraire vont s’arque bouter dans des combats d’arrières gardes tentant de justifier les situations évoquées en mettant en cause les autres acteurs allant parfois sans vergogne dans la mauvaise foi, sans se rendre compte du discrédit qu’ils s’auto-attirent par de tels comportements. Enfin, certains acteurs vont très vite comprendre l’intérêt qu’ils peuvent tirer d’adhérer aux nouvelles orientations, et pressentent les naufrages prévisibles de certains responsables. Certains n’hésitant pas à les encourager par des faux soutiens et encouragements dans leurs comportements suicidaires … Le diagnostic préalable, s’il est bien fait, va souvent être le premier acte de la reconfiguration des cartes managériales au sein de l’entreprise … A insérer ici de nombreux verbatim issus des entretiens de diagnostic, de la restitution du diagnostic et la comparaison entre les propos avant de démarrer un diagnostic et les propos après la validation du diagnostic par la DG 7.3 La remise en cause de la fonction informatique existante Dans bien des entreprises la fonction informatique va être au cœur des jeux d’acteurs dans les projets d’évolutions du SI. Son influence, sa structure, le profil et le positionnement de son responsable (caractéristiques déterminantes pour apprécier les pratiques de gouvernance et de management du S.I) risquent alors d’être remodelés en fonction des orientations du nouveau projet. Soit la Fonction informatique pilote le S.I et les évolutions du S.I, démontrant par là que la Direction n’est pas vraiment présente au niveau de la maîtrise d’ouvrage, et que sa compréhension des enjeux du S.I reste encore faible. Soit la Direction assume bien les rênes de la maîtrise d’ouvrage, et la fonction informatique demeure une fonction support en charge des outils informatiques et de la sauvegarde des données numériques. 7-49 La mise en œuvre d’un projet d’évolution du S.I peut alors représenter des bouleversements positifs ou négatifs pour les acteurs de fonction informatique …. Bouleversements négatifs Bouleversements positifs Perte d’influence Rattachement à la D.G Externalisation de la Fonction Ouverture sur le S.I Remplacement du Responsable Accroissement des compétences Obligation d’instrumenter les prestations Rôle stratégique de la fonction Mise en lumière des incompétences Recentrement sur des tâches d’exploitation Les rapports souvent assez tendus entre les acteurs informatiques et les utilisateurs seront autant de bonnes raisons de rééquilibrer les postures et les pouvoirs. C’est alors souvent un acteur externe qui va servir de catalyseur de l’évolution en travaillant avec la Direction. Il faut remarquer que jusqu’à quelques années les prestataires informatiques faisaient du Responsable Informatiques leur interlocuteur privilégié, car ils savaient que ce dernier pilotait implicitement ou explicitement les investissements et les budgets. Cette situation a considérablement évoluée et ce pour diverses raisons : Les échecs successifs ont conduits les SSII à travailler avec la Direction pour se prémunir des aléas du projet (dont le manque de disponibilité des acteurs) La plupart des SSSI offrent des prestations d’externalisation de la puissance de calcul. De fait, l’interlocuteur majeur devient alors la DG La maturité des DG en matière de management du SI évolue avec le temps, conduisant l’équipe de Direction a reprendre la main le management du S.I en s’appuyant sur les acteurs métiers La culture informatique se répand parmi les utilisateurs et les Responsables métiers Dans certaines situations le Responsable Informatique ou un des acteurs informatique est le seul a posséder la connaissance non seulement des outils informatiques existant, mais également des règles de gestion et des procédures de mises à jour des tables et des fichiers. Cette situation à risque a été favorisée par des acteurs métiers qui souhaitaient se débarrasser de ces taches de maintenance et par des acteurs informatiques qui voyaient dans ce transfert des responsabilités une véritable source de 7-50 pouvoir et de pérennité. La mise en place d’un nouveau système risque alors de bouleverser un ordre établi, avec toutes les conflictualités et les résistances que cela implique. Pour illustrer ce propos, dans une entreprise de la région qui cherche à implanter un ERP, le Responsable de la Fonction Informatique qui détenait à lui seule (et volontairement) toutes les connaissances clés du système a remplacer vient de démissionner bloquant du coup l’ensemble du projet ! Se sentant menacé, il a tout essayé pour bloquer le projet ou le reporter dans le temps (il est à 3 ans de la retraite). Etant le seul a posséder les connaissances clé du système à remplacer (cote informatique et cote utilisateurs), il a – poussé dans ses derniers retranchements – choisi la solution la plus bloquante, ouvrant ainsi la porte a de futures négociation en sa faveur Le Responsable Informatique cristallise également les insatisfactions des utilisateurs, confrontés à la difficulté de travailler avec un outil parfois rustique et à la frustration de ne pouvoir retrouver des fonctionnalités essentielles dans l’outil qu’on leur propose. A insérer ici de nombreux verbatim issus des entretiens avec des Responsables Informatiques et des utilisateurs 7.4 Les conflits entre les acteurs métiers La mise en œuvre d’un projet d’évolution du S.I n’est pas sans conséquence sur les acteurs métiers. Se dessinent alors plusieurs schémas de conflits plus ou moins ouverts. Le premier conflit qui apparaît de manière généralisé mais à mot couvert est le rejet par les acteurs métiers des possibilités de contrôle et de flicage du nouvel outil. Le fait de redéfinir les indicateurs de suivi et les tableaux de bord des responsables induit la première gêne globale parmi les responsables métiers. Rarement ouvert ces conflits vont s’épanouir dans des stratégies d’évitement et des difficultés sans fin à capturer les informations de base. La redéfinition d’une nouvelle organisation va voir s’affronter différents responsables métiers. Certains métiers ou fonctions réduits à un rôle mineur parce que sous-équipée en terme d’outils et d’informations peuvent tout d’un coup reprendre de la vigueur et de l’importance. Leurs Responsables vont alors tout faire pour valoriser leurs activités et leurs possibles contribution dans la nouvelle organisation. 7-51 Des acteurs influents et intouchables (pour des raisons historiques, affectives ou parce qu’ils sont les seuls a maîtriser tel ou tel domaine volontairement) font souvent peser leur joug sur l’organisation, les acteurs « mineurs » devant s’adapter à leurs diktats. Trop surs de leur influence, ils peuvent tenter de s’opposer aux évolutions pourtant indispensables. Les autres acteurs vont alors tenter de les pousser à la faute pour les discréditer et casser (enfin !) l’ordre établi. La querelle des anciens et des nouveaux est là encore toujours d’actualité. Certains voyant dans le nouveau projet une occasion bien trop belle de se faire remarquer pour son dynamisme, le coté novateur de certaines propositions qui ne manquent d’ailleurs aucune occasion de critiquer l’organisation existante et de manière plus soyeuse ceux qui l’ont construit ! Enfin il ne faut pas négliger le fait que la Direction peut saisir l’opportunité d’un tel projet pour remodeler les champs de pouvoirs lorsque ceux-ci deviennent trop contraignants. C’est notamment le cas de tel ou tel Responsable, collaborateur historique de l’entreprise pour qui la Direction à bien des égards, mais qu’elle réduirait bien à un rôle sans risques en profitant du nouveau projet. Bien entendu les conflits entre les responsables s’étendent aux collaborateurs, d’autant plus que chacun a quelque chose à défendre et au moins une situation à envier. Lorsque les aspects organisationnels et managériaux sont bien pris en compte dans le projet d’évolution du S.I, tous ces conflits s’inscrivent dans la dynamique des processus de changement et peuvent être traités comme tels. Mais lorsque les aspects organisationnels et managériaux sont sousestimés tous ces conflits sont autant de poudrières avec effets retard qui viendront rendre très difficile l’appropriation par les acteurs du nouveau système, car ouvertement c’est le nouvel outil informatique que chacun rendra responsable pour expliquer les tensions …. A insérer ici de nombreux verbatim issus des entretiens avec des utilisateurs et les Responsables métiers 7-52 8 Quel champ de recherche explorer ? COMPETENCES EVENEMENTS CONVICTIONS ACTEURS DE LA FONCTION SI APPRENTISSAGES 1 PRATIQUES RELATIONS 2 CYCLE DE MATURITE DE LA GOUVERNANCE 4 PERFORMANCE ENTREPRISE 3 GOUVERNANCE DU S.I PROJETS D’EVOLUTION DU S.I Comment expliquer l’évolution de la maturité des acteurs de la Fonction SI en matière de management du S.I ? En quoi cette évolution impacte-t-elle la gouvernance du S.I Quels liens entre l’évolution de la gouvernance du S.I et la performance de l’entreprise ? Quels interactions entre la performance de l’entreprise et l’évolution de la maturité des acteurs de la Fonction SI ? 8-53 8-54 1 9 En conclusion … Les systèmes d’information vont jouer un rôle de plus en plus important dans les entreprises quelle que soit leur taille, car ils orientent et induisent tous les mécanismes de coordination entre les compétences, le travail, les outils, les idées et l’argent. Placées de fait au cœur de toute stratégie d’affaires, les évolutions des systèmes d’informations deviennent de plus en plus, à la fois l’origine, et les outils du changement. La maîtrise de leurs évolutions est donc devenue indissociable du développement de toute entreprise et de toute politique de management. Avec le temps, les équipes dirigeantes et l’encadrement progressent plus ou moins rapidement en maturité dans le management de leur système d’information. Cette maturité trouve, sous certaines conditions, en partie son origine dans la mise œuvre des projets d’évolutions du système d’information, et en partie dans l’apprentissage de la maîtrise de la relation « acteurs-outils-usages » dans les phases de conception, d’implémentation et de routinisation des systèmes mis en place. Cependant la progression de cette maturité repose sur une dynamique sociale sous-jacente, qui est au cœur des leviers d’actions dans les positionnements des acteurs. Beaucoup d’entreprises pensent disposer d’une bonne maturité en matière de management du système d’information, parce qu’elles pensent maîtriser l’outil technique. Mais beaucoup de ces entreprises ne maîtrisent pas les dynamiques sociales sous-jacentes, et elles découvriront face à des changements majeurs qu’elles n’ont pas encore imaginé entreprendre, que cette dynamique sociale peut s’avérer être un boomerang dévastateur dans le cadre des évolutions de leur système d’information. Les acteurs ont en effet bien compris le rôle majeur des systèmes d’informations. Ils savent que leur bon fonctionnement est indispensable à la survie de l’entreprise, et ils comprennent que les évolutions des systèmes d’informations annoncent, préparent ou camouflent d’autres changements beaucoup plus importants. Un contre-pouvoir majeur est en train de germer au sein des entreprises, car les acteurs apprennent à adapter leurs stratégies individuelles par rapport aux évolutions et aux usages des systèmes d’informations. Les changements que les entreprises vont subir dans les années à venir vont être gigantesques, la nature, la forme des emplois, du travail, des rémunérations vont être remises causes. La société française est l’une des moins bien préparée à faire face à ces changements majeurs. Elle sera donc, à n’en pas douter, une de celles qui réagiront le plus violemment. @ HP GODEAU – Février 2006 Concepts et principes de base La maturité en matière de management des systèmes d’informations doit donc intégrer la capacité à réguler et à négocier les soubresauts inévitables des dynamiques sociales qui ne manqueront pas voir le jour lorsque les changements deviendront insupportables aux acteurs sociaux. Ces acteurs utiliseront alors tous les leviers d’actions possibles pour défendre leurs pouvoirs, leurs enjeux et leurs intérêts, autant dans les projets d’évolutions du système d’informations que dans les usages quotidiens qu’ils feront des outils mis à leur disposition. Il y a là des risques majeurs pour les entreprises autant dans les domaines organisationnels que sociaux et financiers. Il nous parait donc important d’intégrer dans les facteurs de maturité en matière de management des systèmes d’informations, la capacité à réguler et négocier dans le temps les dynamiques sociales qui s’instaurent progressivement autour des évolutions des systèmes d’informations. Notre dépendance croissante vis à vis de la technologie, va donc peut-être finir par nous ramener à reconsidérer l’importance des relations humaines !