Ce travail s`intéresse aux conflits de pouvoirs

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« Car si l’on prévoit le mal longtemps à l’avance »
« On peut facilement y porter remède »
« Mais si tu attends qu’il te presse, la médecine vient trop tard »
« La maladie est incurable … »
MACHIAVEL, Le Prince, 1513
Les conflits de pouvoirs inhérents aux
évolutions du Système d’Informations
1 Introduction
« Au début de ce troisième millénaire, les entreprises évoluent dans un environnement de plus en plus
complexe et changeant. Des marchés saturés, une compétitivité croissante des pays ayant de faibles
coûts de production, une compétition accrue de la part des firmes multinationales, une plus grande
accessibilité du savoir, des clients plus exigeants, moins fidèles, de même que les modifications que
connaît le tissu démographique sont autant de défis que doivent absolument relever les entreprises
modernes1 »
« Obligées de survivre et de se développer dans un dans un contexte économique caractérisé par une
instabilité et une intensité concurrentielle croissantes, ces entreprises sont contraintes de développer
leur capacité et leur rapidité d'adaptation. Comme les ailes d'avion se déforment sous l'effet des
turbulences, les géants ont dû apprendre à danser, selon la belle expression de Rosabeth Moss Kanter
» (TARONDEAU, JOLIBERT et CHOFFRAY, 1994).
L'apprentissage et le changement organisationnels sont donc les seules sources d'avantage
concurrentiel soutenables (SAIAS & GREFEUILLE, 1992). Dès lors, les problématiques de
transformation s'avèrent être un défi majeur pour les managers (VANDANGEON-DERUMEZ, 1998).
Au sein de ces turbulences, la place et l’importance des systèmes d’informations dans le
fonctionnement des entreprises ne sont plus à démontrer, l’information étant devenue un enjeu
majeur et critique de l’économie du XXI° siècle.
1
Le gestionnaire et le manager doivent donc faire face à la complexité croissante du monde2 et pour
cela ils doivent disposer d’instruments conceptuels opérationnels pour orienter leurs actions et leurs
décisions. Ce faisant les raisons de l’évolution de la place des technologies de l’information dans les
firmes deviennent tout à fait évidentes.
Les systèmes d’information sont donc devenus des enjeux stratégiques majeurs quelle que soit la taille
de l’entreprise. Cependant avant de pouvoir disposer d’un système d’information, il faut le concevoir,
le construire, le faire approprier et l’ajuster au travers d’un projet.
L’analyse de l’abondance littérature sur le sujet montre que la plupart des projets d’évolutions des
systèmes d’informations ont des taux d’échec assez élevés, taux qui ne seraient ni acceptables, ni
acceptés dans d’autres secteurs d’activités. L’étude de ces projets peut alors nous apprendre beaucoup
de choses sur les mécanismes comportementaux qui émergent et se révèlent lors d'une tentative
d’adaptation et d'ajustement de l'organisation aux stimuli de son environnement par le biais du
système d’information. Cette analyse du comportement des acteurs dans le cadre des évolutions du
système d’information s'inscrit bien dans la lignée d'une approche contingente de l'apprentissage
organisationnel.
Ce travail s’intéresse aux conflits de pouvoirs inhérents ou émergents lors des évolutions des
systèmes d’informations. Pour organiser notre réflexion, nous commencerons par définir le concept
de système d’information, afin d’identifier les caractéristiques d’un « bon » système d’information.
Pour l’entreprise, la quête vers l’excellence en matière de S.I passera, nous le verrons, par un
management spécifique que les acteurs de la Fonction SI devront s’approprier et apprendre à mettre
en œuvre. Ce travail d’appropriation sera alors l’occasion pour nous d’approfondir le concept de
gouvernance en matière de système d’information, de l’inscrire dans un processus d’apprentissage
producteur de maturité, et de mettre en lumière le rôle du management dans les projets S.I.
Ces réflexions démontreront qu’en matière de management du S.I, l’apprentissage est long et
difficile, parce que les acteurs de la Fonction S.I appartiennent à une communauté conflictuelle et
que le manque de maturité dans la régulation des processus d’apprentissage organisationnels est à
l’origine de bien des erreurs. Enfin en nous appuyant sur toute la matière précédemment organisée et
des exemples de terrain, nous tenterons d’apporter des éclairages sur les conflits de pouvoirs inhérents
aux évolutions du système d’information.
1
Suzanne RIVARD, 2003
RA THIETARD, Management & Complexité : concepts et théories, Cahier de recherche DMSP, n° 282, avril 2000,
http://www.dmsp.dauphine.fr/DMSP/CahiersRecherche/CR282.pdf
2
2
2 Quelles définitions pour le Système d’Information ?
Le terme de « système d’information » fait l’objet de très nombreuses définitions, et reste encore
aujourd’hui très confus pour beaucoup d’acteurs au sein des entreprises. La variété des définitions
proposées depuis les années 60 permet alors d’apprécier la diversité même d’un concept qui s’inscrit
dans une dynamique permanente
d’approfondissement. Il n’est donc pas dans notre propos de
recenser toutes les définitions proposées depuis plusieurs décennies, mais de synthétiser les grandes
évolutions de ces définitions avec le temps.
2.1
L’assimilation et la confusion avec l’outil informatique
Pendant longtemps une confusion de pensée et de langage s’est développée dans le monde de
l’entreprise. Le concept de système d’information était confondu avec les outils techniques qui en
étaient le support. Il était souvent défini par les moyens que sont les ordinateurs, les programmes et les
réseaux plutôt que par sa finalité et ses usages ! On a cru – et on croit malheureusement encore - que le
système d’information, c’est de l’informatique. Cette confusion reste, en effet, toujours présente dans
l’esprit de bon nombre d’acteurs opérationnels, tant au sein de la fonction informatique qu’au niveau
des Comités de Direction3.
Les acteurs qui ont cette vision des choses vont alors chercher dans la performance de l’architecture
technique et des outils la réponse à leurs besoins organisationnels. Pour eux la maturité du système
d’information passe par sa modernité.
2.2
L’approche par le contenu et le contenant
Une fois cette confusion dépassée, il est alors possible de distinguer deux faces au système
d'information : l'une orientée vers les moyens (" le système informatique", les autres outils, les
applications), l'autre vers les besoins et les usages, auxquels la réflexion sur les S.I donne depuis
plusieurs années une place croissante. De nouvelles définitions ont alors mis l’accent sur l’information
(la matière première) et sa circulation au sein de l’entreprise. Le système d'information se définit alors
par l'ensemble des informations formalisables circulant dans l'entreprise et caractérisées par des liens
de dépendance, ainsi que par les procédures et les moyens nécessaires pour les définir, les rechercher,
les formaliser, les exploiter, les conserver, les distribuer.
d’information comme « un ensemble organisé de ressources :
REIX (1995) définit le système
matériels, logiciels, personnes,
données, procédures, … permettant d’acquérir, de traiter, stocker, et échanger des informations dans
les organisations ».
3
Cette confusion est encore tellement présente dans les PME, que dans 50% des projets d’évolution du S.I où j’interviens il me faut lever
clairement cette confusion tant au niveau du Comité de Direction que des acteurs métiers (y compris des acteurs de la fonction
informatique)
3
Le système d’information apparaît alors comme un ensemble composé de trois couches dont la
cohérence est la condition majeure de l’efficacité : le matériel et l’architecture technique, les
applications et leurs interfaces, et les pratiques de management associées aux circuits organisationnels
qui régulent le partage et d’exploitation de l’information…
Ces définitions permettent de comprendre que l’information est une matière première essentielle. La
performance organisationnelle consiste à disposer des informations pertinentes et à savoir les diffuser
et les partager au sein de l’organisation en fonction des différents niveaux de préoccupations
(stratégique, tactique, opérationnel). La maîtrise du contenu (l’information), et celle du contenant (les
outils et circuits supports de ces informations) semblent alors être les facteurs d’efficacité majeurs.
Les critères de maturité d’un tel système d’information sont alors la pertinence, la fiabilité et
l’exhaustivité de l’information disponible, ainsi que la réactivité et le taux de couverture de
« l’arborescence diffusionnelle » au sein des différentes fonctions de l’entreprise. Cependant ce type
de définitions n'indiquait ni à quoi sert le système d'information, ni comment il est utilisé : elles
ignoraient sa finalité et surtout sa dynamique d’usage !
2.3
L’approche par les finalités
Le système d’information ne peut s’organiser autour du seul objectif d’automatiser les traitements de
gestion et de faire circuler de l’information. Une de ses finalités majeures réside dans l’aide à la prise
de décisions à tous les niveaux de l’entreprise, car la finalité de l’information, c’est la décision pour
action !
Dans la logique du « à quoi cela sert-il ? » de nouvelles définitions sont alors apparues « surfant »
autour des besoins de simulations et d’aide à la décision (les SIAD) 4. PEAUCELLE (1981) explique
que « Le système d’information est un langage de communication de l’organisation, construit pour
représenter, de manière fiable et objective, rapidement et économiquement, certains aspects de son
activité passée ou à venir »
Pour VOLLE (2000) « Un système d’information est un système de
données qui, selon le degré de formalisation et les objectifs poursuivis, pourra permettre de décrire,
expliquer, simuler, prédire et agir sur les phénomènes étudiés (site www.volle.com) »
Cette étape dans la définition des systèmes d’informations est une étape importante, car elle fait
apparaître que la performance d’un S.I passe par les compétences, les pratiques, les usages et les
enjeux des acteurs qui l’utilisent.
4
SIAD Système Informationnel d’Aide à la Décision
4
Un renversement majeur s’est opéré, car les capacités offertes par les technologies disponibles ne
constituent plus un facteur limitant ! L’étude des usages des technologies de l’information et de la
communication devient un vrai enjeu pour l’entreprise. En matière de décision par exemple, la
compétence et le « courage à décider » comptent au moins autant que l’information de base et l’outil
pour l’exploiter. L’acteur prend alors une place bien plus importante par rapport à l’information et
aux outils. Il se situe de fait au cœur du système ! Il en devient du même coup un vecteur de risque
majeur !
Pour prendre en compte ces aspects émergents (notamment le rôle prépondérant dans l’efficacité du
système d’information des intentions des acteurs, qui induisent de fait, les usages qu’ils font des outils
et de l’information), est apparue l’idée qu’un système d’information est un construit contingent réalisé
par des acteurs sociaux. De nouvelles définitions sont alors apparues ayant recours à des termes assez
innovants pour décrire un système d’information tels que « acteurs sociaux, langage, représentations,
interactions, conflits, … ».
Un construit contingent d’acteurs sociaux
2.4
En plaçant l’acteur social au centre du système d’information, il devient nécessaire de tenir compte des
interprétations, des usages et des enjeux que ces acteurs vont intégrer dans la manipulation et
l’utilisation d’une information. L’information est en effet du pouvoir5 (ATTALI, 1990), et les acteurs
peuvent en modifier considérablement la pertinence, l’usage et la finalité par leurs seuls
comportements ! Il est donc possible de considérer l'information comme un produit social toujours
ouvert, sans cesse ré-interprété par l'usage qui en est fait (JEANNERET, 2000). Le système
d’information s’est (re)définit alors comme le support des échanges entre des acteurs sociaux au sein
de l’entreprise (mais aussi à l’extérieur).
Ces acteurs sociaux communiquent, et se positionnent les uns par rapport aux autres, au sein d’une
intense et opaque dynamique sociale, à l’aide d’un ensemble de représentations conçues et interprétées
(d’où l’aspect subjectif, partiel, multi interprétable et souvent politique de l’information initiale). Ces
mêmes acteurs organisent leurs échanges par un ensemble de règles, de procédures et de pratiques
dont l’usage est spécifique et contextuel, mais qui reste également orienté par une construction
technologique à base d’outils.
Cette vision des choses conduit à l’émergence de nouvelles définitions :

Un système d’informations est un système d’interactions sociales destinées à créer, échanger, et
interpréter des significations (HIRSCHEIM, KLEIN & LYYTINEN, 1995)
5
Jacques ATTALI, « Lignes d’horizon », Paris, Editions Fayard, 215 pages. L’auteur définit l’information comme le troisième pouvoir
après la force et l’argent.
5

Un système d’information est un ensemble d’acteurs sociaux qui mémorisent et transforment des
représentations via des technologies de l’information et des modes opératoires (REIX & ROWE,
2001)
Dans ces définitions, l’information et l’acteur sont placés au centre d’un système complexe, et sont en
permanente interaction, rétroaction et imbrication (ROSE & LEWIS, 2001). Le système d’information
ne peut donc être approché que par la complexité6.
Ce qui conduit à développer un certain nombre de réflexions. D’abord si le système d’information est
un construit contingent réalisé par des acteurs sociaux, alors il reflète leurs enjeux, et il va se traduire
par des conflictualités plus ou moins fortes. Les phénomènes d’apprentissage collectifs vont alors
passer par des étapes de déstabilisation et de progression débouchant avec le temps sur des évolutions
de maturité. Le Système d’Information est alors un phénomène complexe, multipolaire partiellement
déterminé (ROWE, 2002) Les projets d’évolution du système d’information s’inscrivent donc bien
dans le cadre d’un processus non linéaire de changement socio-technique à rythmes irréguliers et
négociables.
Il est donc indispensable pour étudier leur impact sur la maturité en matière de management du S.I, de
prendre en compte les conflictualités et les « jeux d’acteurs », les dynamiques relationnelles et les
processus support visant à orienter et réguler les actions des acteurs au sein de leur système social. Le
concept de système d’information est donc bien très diversifié. Il fait référence à des outils
technologiques et à des informations utilisés par des acteurs sociaux dont les usages sont influencés
par des dynamiques sociales propre au contexte organisationnel et à leurs enjeux individuels et
collectifs.
Mais, en fin de compte, qu’est ce qui caractérise un bon système d’information ?
2.5
Qu’est ce qu’un bon système d’information ?
Lorsque le système d’information est bien conçu, l’entreprise bénéficie d’un langage de qualité pour
éclairer son positionnement, prendre ses décisions, faire fonctionner ses procédures et évaluer son
action. Elle maîtrise la communication multimédia entre ses agents et avec ses clients, ainsi que
l’interopérabilité avec les systèmes d’information de ses partenaires. Alors le système d’information
élucide l’entreprise : il l’éclaire de sorte qu’elle rayonne l’information nécessaire aux acteurs.
6
« La complexité, c’est ce qui échappe à la pensée qui isole les objets, à la pensée qui compartimente les secteurs, à la
pensée qui réduit un tout divers à un élément fondamental. C’est ce qui échappe à la vision mécaniste ou strictement
déterministe. C’est ce qui échappe à la causalité linéaire. » Edgar Morin - Actes de la Conférence donnée en 1995 à
l’Université de Nantes sur la Complexité (page 2)
6
On entend prononcer dans l’entreprise des phrases comme : « on sait ce qu’on a à faire », « c’est bien
organisé », « la boîte marche bien », « on est bien dirigés ». Cette conception du langage de
l’entreprise relève d’abord de la responsabilité des acteurs des métiers, des « maîtrises d’ouvrage ».
Si l’informatique des années 70 ne traitait que des données structurées ; aujourd’hui le système
d’information traite et classe des textes en langage naturel, le courrier, la documentation, bref tout ce
qui s’écrit, se pense et se conçoit dans l’entreprise. Seuls lui échappent encore les textes effaçables,
les conversations orales, les savoirs tacites, les non-dits et des notes manuscrites.
Malheureusement, l’attention des dirigeants se concentre souvent sur les outil ou les projets et non sur
le fonctionnement de l’entreprise et les usages des acteurs autour du système d’information. C’est
comme si, dans une ville, on s’intéressait aux chantiers et non à la vie, au travail et à la circulation des
habitants ! Cette approche défocalisée suscite l’inflation des outils, la faible efficacité des projets et
multiplie les risques de toutes nature. Un projet est d’autant plus visible qu’il est plus coûteux et non
qu’il est plus utile.
Cependant plus un projet est gros, plus son risque d’échec est élevé. D’après le Standish Group7 30 %
des grands projets informatiques échouent totalement et 54 % ne donnent pas les résultats escomptés !
Nous ne supporterions pas un tel taux d’échec dans les autres domaines (par exemple les travaux
publics, ou les soins médicaux) : la maîtrise et le management du système d’information manquent
donc bien de maturité ! Si chaque entreprise peut définir le système d’information qui correspond à
ces besoins, la théorie économique indique que cette adéquation passe à un instant donné par un taux
d’informatisation optimal, une définition optimale du portefeuille applicatif, et la mesure d’impact des
usages que font les utilisateurs des outils et des informations. L’entreprise peut s’approcher de cet
idéal par tâtonnement si elle suit quelques règles simples.
Ces règles se résument en trois mots clés : pertinence, sobriété, cohérence.
La pertinence, c’est l’adéquation aux besoins des métiers. Elle s’acquiert par l’écoute des praticiens et
le benchmark auprès d’entreprises analogues, ainsi que par l’évaluation des applications en cours
d’exploitation. Il s’agit d’une démarche expérimentale ; elle procède au rebours du dogmatisme que
l’on rencontre parfois dans les Directions Générales.
La sobriété est le complément nécessaire de l’écoute. Si l’on suit à la lettre la demande des
utilisateurs, on produit des systèmes peu efficaces. Il faut prioriser, élaguer, décoder, simplifier le plus
7
Etude du Standish Group réalisée en 1995 portant sur 175.000 projets aux Etats-Unis : 30 % d'entre eux, représentant pourtant une
dépense totale de 81 milliards de dollars, n'ont engendré aucun bénéfice net ! La même étude réalisée en 1998, montre que 26 % des
projets aboutirent à des résultats extrêmement décevants et que 5 % furent un échec total.
7
possible. C’est en partie parce que les systèmes d’information sont trop lourds qu’il faut si souvent les
remettre en chantier.
La plupart des systèmes d’information sont soumis à une entropie qui dégrade leur qualité
sémantique : on le voit bien quand on est confronté à des statistiques incohérentes. La cohérence
s’obtient en articulant les applications au référentiel et en plaçant les données au centre du système
d’information. C’est le principe même du concept des ERP.
Ces trois critères illustrent la responsabilité des maîtrises d’ouvrage. Les échecs informatiques ont tous
été provoqués par des maîtrises d’ouvrage versatiles, incapables de définir leurs priorités, traversées
par des conflits dérisoires. Elles ont manqué de professionnalisme, et de maturité, en s’appuyant sur
des dogmes et des certitudes qui n’auraient jamais pu se développer si la compréhension des concepts
de base avait été à l’ordre du jour !
Pour conclure ce travail de synthèse sur la définition d’un système d’information, nous retiendrons
essentiellement qu’un système d’information est un construit contingent d’acteurs sociaux. Comme
tel, il se construit avec le temps, au travers d’actions collectives (des projets d’évolution) qui peuvent
(ou non, selon la maturité des acteurs) favoriser de nouvelles pratiques de management du système
d’information.
3 La nécessité d’un management spécifique
L’art du management est de choisir, d’organiser et d’animer les ressources internes et externes du
territoire à manager afin de réaliser les objectifs qui ont été fixés. Pour DRUCKER (1999) « Tout ce
qui concerne de près ou de loin les performances de l’entreprise fait partie du domaine du
management 8 »
Le management du système d’information doit alors se donner comme objectifs
de choisir,
d’organiser et d’animer les composantes internes et externes du système d’information pour permettre
à l’entreprise d’atteindre ses objectifs stratégiques. C’est la base même du concept d’alignement
stratégique.
Puisque les composantes du système d’informations sont à la fois techniques, sociales,
organisationnelles et informationnelles, leur management relève donc à la fois
de compétences
multiples, de niveaux d’interventions transversaux, et d’un niveau d’autorité couvrant l’ensemble des
situations d’usages au sein de l’entreprise.
8
DRUCKER P., « Management Challenges for the 21st Century“, Harper Business, 207 pages, 1999, page 34
8
La fonction « Système d’information » doit alors veiller à la performance du contenant (le système
informatique), à la cohérence du contenu (l’information) et à l’adhésion des acteurs (les usages), et le
management du système d’information ne peut donc relever que du domaine de compétence de la
Direction Générale, assisté par l’encadrement métier et les acteurs de la fonction informatique.
Cependant, en matière de système d’information, le concept de management rencontre de nombreuses
difficultés et résistances dans sa mise en œuvre.
Soit par ce que ce management est confié aux acteurs de la fonction informatique qui n’ont pas toutes
les compétences ad hoc pour le faire, et recentrent leur champ d’action sur la technique en restant au
stade de la simple mesure ou de l’optimisation des coûts informatiques.
Soit parce que la Direction Générale, qui n’a pas compris l’importance du système d’information, et ne
possède qu’une faible culture informatique, s’en désintéresse.
Si c’est le cas, la nature ayant horreur du vide (surtout en management) c’est souvent la Fonction
informatique interne, ou un prestataire externe qui assumera ce rôle. Cette situation d’abandon arrange
alors dans de nombreux cas l’encadrement métier, qui est peu enclin à voir se développer des outils
supports de nouvelles pratiques de management basées sur la mesure, l’évaluation et la
responsabilisation.
3.1
Introduction à la notion de gouvernance du système d’information
JOMINI, Général de Napoléon, considérait la stratégie comme l’art de gagner la guerre, et la tactique
comme celui de gagner une bataille. C’est un peu la relation qui existe entre la gouvernance du
système d’information et la gestion de projets, cette dernière étant le premier pas vers la gouvernance.
Cette notion de gouvernance est fondamentale car en matière de S.I le constant navrant que l’on peut
faire est que les directions générales ont perdu la main (TASSIN,2005). Les mécanismes de
gouvernance n’en constituent pas moins le socle qui permet d’établir et de gérer les relations avec les
différentes parties prenantes et les acteurs de la fonction SI, base incontournable de la gestion d’un
projet S.I.
Qu’est ce que la gouvernance ? Etymologiquement le mot trouve son origine dans la France du 18eme
siècle. A cette époque les termes de gouvernement et de gouvernance semblent très proches sur le plan
sémantique. Renvoyant à l’image du gouvernail (Kubernaï en grec) dans l’art de piloter les navires, la
notion de gouvernance renvoie à l’action de piloter quelque chose. L’émergence de l’état moderne à
partir du 16eme siècle et les réflexions conceptuelles sur les notions liées au pouvoir (MACHIAVEL,
HOBBES, LOCKE, BODIN, ROUSSEAU) ont progressivement conduit à l’autonomisation de la
notion de gouvernance par rapport à celle de gouvernement.
9
LA GOUVERNANCE DE LA FONCTION SYSTEME D’INFORMATION
alors au monopole de l’entièreté du
MATURITES
VISION DU SYSTEME D’INFORMATION
MANAGEMENT DE SYSTEMES
MAITRISE DE PROCESSUS
Usages des TIC
& dynamiques
sociales
Indicateurs
Tableaux de bord
pouvoir s’exerçant sur une population
Outil Informatique : Architecture, Applications,
Moyens, compétences
Relations avec les partenaires externes
Sécurité, Qualité, Évolutivité, Intégration
Variables d’usages
Relations acteurs – outils
Impacts organisationnels & managériaux
Pratiques
de MOA
Structures
& règles
de coordination
du S.I
donné. La gouvernance, au sens de la
manière de gérer adéquatement la
Rôles
Composition
Compétences
chose publique indépendamment de
la question du pouvoir. Ce concept
qui est plus lié à l’idée de gestion,
Projets
d’évolution du S.I
Comite de pilotage
Règles du jeu – Schéma directeur
Lien avec les autre démarche de progrès
donnée circonscrite à un territoire
science du gouvernement, est alors la
Rôles &
Structures
de la Fonction
Informatique
Outils
de pilotage
La notion de gouvernement renvoi
Approche globale, Normes et Méthodes
Aspects Management, Organisation
Management de projets
qu’à la notion de pouvoir s’exporte
vers le monde anglo-saxon au 19 ème
siècle, et nous revient aujourd’hui alors que le mot même était tombé en désuétude dans le vocabulaire
français. C’est donc bien du mode de gestion du système d’information dont il s’agit ….
La gouvernance du système d’information a donc une structure comparable à celle que propose
l’IFAC 9pour la gouvernance d’entreprise, elle se structure en deux partie : une organisation (centrée
sur les acteurs de la fonction SI) et des moyens
(planification, développement, exploitation,
surveillance …) (A développer ici les différentes composantes …)
3.2
La notion maturité appliquée au management du S.I
La notion de maturité nous paraît un concept intéressant pour analyser et caractériser les évolutions en
matière de gouvernance et de management du système d’information. Les définitions de la maturité
sont nombreuses preuve que la connaissance en ce domaine n’est peut être pas arrivée … à maturité !
Certaines de ces définitions nous donnent cependant des pistes de réflexions intéressantes pour définir
– par extrapolation à partir du monde vivant – ce qui peut caractériser la maturité en terme de
gouvernance et de management du système d’information …
Maturité n.f., ou Mature adj., ou Maturation n.f. (psychobiologie) : La maturité correspond à la
période postérieure au développement initial d'une structure ou d'une fonction. À la maturité, celle-ci
devient pleinement fonctionnelle ce qui se traduit par le développement et l’acquisition de
comportements complexes C’est une plénitude qui est l'aboutissement d'une évolution (pour l’être
humain c’est la période ou est atteinte son potentiel de développement physique et intellectuel)
9
IFAC International Federation of Accountants
10
Des expériences successives semblent être des conditions nécessaires mais pas suffisantes pour le
développement de la maturité. La maturité est un processus d’apprentissage qui se construit sur ce
qu’on retire des expériences et non sur les expériences elles mêmes 10. La maturité peut alors être un
autre nom pour la réalisation. La fonction ou l’individu sont arrivés à l'accomplissement de leur
potentiel. Mais celui-ci s'étant actualisé au fil de temps et des contraintes d’environnement, la maturité
n’est pas l’atteinte d’un état, mais se définirait plutôt comme une dynamique de progrès.
Ainsi la notion de maturité serait tellement variable qu’elle se redéfinirait sans cesse. Elle fluctue avec
le mouvement choisi, avec les responsabilités, avec les libertés périphériques; elle varie selon le
contexte : être mature c’est s’assumer pleinement, mais de façon différente en fonction d’un contexte.
Dans la Kabbale, qui est la branche juive de la Pensée traditionnelle, on enseigne que pour
entreprendre une démarche authentique, il faut avoir passé quarante ans, avoir élevé ses enfants et
avoir payé sa maison. Il ne s'agit pas de prendre cette formule à la lettre mais d'en comprendre l'esprit.
Il n'y a aucun doute, quels qu'aient été l'ouverture d'esprit et le sérieux de l'interrogation dans la
première phase de la vie, que l'âge semble déterminant. Il paraît nécessaire, en effet, d'avoir parcouru
une bonne partie du chemin : de s'être occupé des siens, d'avoir bâti maison et d'être parvenu à une
certaine stabilité, pour ensuite investir dans l'étude, la réflexion et le travail sur soi.
Et ce, pour la simple raison que l'étude, la réflexion et même le travail sur soi ne suffisent pas pour
éclairer le sens de la vie; il faut aussi avoir vécu un certain nombre d'années, et être parvenu à intégrer
son vécu. La maturité suppose donc du temps, un parcours avec des expériences (bonnes ou
mauvaises) et la capacité d’analyser ses succès et ses échecs dans le temps pour en tirer des
ajustements de vision, de pensées, d’actions et de comportements.
Dewey qui était un philosophe de l’éducation refuse le débat comme quoi le but de l’éducation est de
faire passer l’enfant à l’adulte (donc à maturité). Il pense que l’enfance comme la maturité s’inscrivent
d’abord à l’intérieur d’un processus biologique, celui de la croissance. Ce processus est un mouvement
dynamique qui commence à la naissance et ne finit qu’à la mort. L’immaturité doit selon lui être
entendu dans le sens de la potentialité, de la disposition et non d’un manque ou une privation.
DEWEY introduit la notion de plasticité comme le pouvoir de régler nos actions présentes en fonction
des résultats que nous avons obtenus en d’autres situations. L’éducation est l’acquisition de certaines
habitudes qui permettent à l’individu de s’adapter à son milieu. Mais il faut entendre cette adaptation
dans son sens actif et non dans le sens d’une conformité au milieu. Ce caractère d’inachèvement que
nous trouvons dans la plasticité semble alors être une caractéristique fondamentale de la
maturité.
10
« Le succès ne consiste pas à ne jamais faire d’erreurs, mais à ne jamais faire la même deux fois. » G. Bernard Shaw
11
Ainsi, il ne s’agit plus, comme le voulait la philosophie des lumières, de mettre l’accent sur
l’achèvement de l’homme, mais au contraire la vraie maturité est celle qui met l’accent sur
l’imperfection.
Chez Dewey comme chez Fromm ou Ulmann, cette attitude s’explique surtout par son pragmatisme.
Ce pragmatisme qui lui enseigne que rien n’est définitif ni consolidé chez l’adulte. La maturité n’est
donc jamais acquise définitivement. Chaque génération à le devoir de la reconstruire et de l’accorder
à ses propres besoins et problèmes.
De la rencontre de Bateson, d'une part avec la psychiatrie et Ruesch, d'autre part avec la cybernétique,
va naître en 1951 l’ouvrage, "Communication et société" (traduction bien libre de "Communication :
the social matrix of psychiatry"). Autour de ce livre, la théorie de la communication propose de définir
la maturité comme la connaissance de la valeur et de la signification relative des choses. Comme
l'écrit Gérard Artaud : "Notre erreur est de croire que l'homme fait, bien adapté à son milieu, est un
être accompli, qui a achevé sa croissance, et de faire fi des nouvelles possibilités qui sont en lui. Notre
erreur, c’est l'illusion de la maturité." La maturité n'apparaît donc pas d'un coup. Elle procède d'une
transformation lente et de la croissance
La maturité peut également se définir comme l’aptitude à tolérer l'ambiguïté... et même la
contradiction. Alors que qu’une première phase de vie se définirait autour du concept de dualité : oui
ou non, blanc ou noir, vrai ou faux; l’ère de la maturité se définirait par la « médiété » : c'est-à-dire la
capacité de considérer les choses à distance, d'avoir sur les événements et les situations une vue
d'ensemble – dans une certaine perspective porteuses de contradictions apparentes. C’est par exemple
le 'oui et non' de Pythagore. La maturité c’est alors dépasser l’illusion qui nous conduit à penser
connaître tout ce que nous percevons, et à réduire l’explication des phénomènes à ce que nous
connaissons .. . C’est alors la porte ouverte d'un nouveau processus d'intégration et d'assimilation des
expériences, ou les combinaisons de facteurs, jusque là cloisonnés se mettent enfin à produire du sens.
Cette capacité peut alors favoriser l’anticipation: c'est-à-dire être capable d'une planification et
d'une organisation réalistes du présent en fonction du futur. La maturité serait alors une des
habiletés que la vie nous offre en matière de sagesse de savoir transformer l'adversité en
conditions favorables.
Enfin en explorant les domaines du leadership, nous avons trouvé cette information très intéressante
traitant de la maturité émotionnelle et la personnalité selon Edward E. MORLER. Les leaders de
niveau 6 (le niveau de maturité le plus élevé) présentent tous un certain nombre de caractéristiques :

ils sont directs et francs, sincères et inspirent la confiance,

ils sont très présents (c'est ce qu'on leur reproche parfois),

ils gèrent bien les priorités, sachant s'adapter au contexte rapidement,

leur chemin est orienté par l'action et ils fournissent des résultats,

ils s'efforcent d'obtenir qualité et excellence,
12

ils ne tolèrent pas l'irresponsabilité, l'incompétence, l'injustice ou les comportements
malhonnêtes,

ils souhaitent écouter sincèrement et sont ouverts à plusieurs points de vue,

ils manifestent, demandent et récompensent autant l'authenticité et la responsabilité que la
haute performance,

ils se respectent et respectent la dignité des autres,

ils savent comment communiquer avec ceux qui adoptent des comportements qu'ils
n'apprécient pas.
Rapporté à la notion de gouvernance ces caractéristiques peuvent se redéfinir comme la capacité à
fédérer des acteurs autour d’une vision partagée, a définir des priorités, à instrumenter le management
comme la gestion, à définir des règles du jeu permettant à chacun de situer son investissement et
d’apprécier sa contribution, et à prendre en compte les différentes dimensions des domaines à manager
tout en tenant compte des prises de positions et des enjeux des différents acteurs. L’approfondissement
de ces approches sur les concepts de maturité (postérieur à cette première rédaction) devrait nous
permettre de pouvoir modéliser des caractéristiques pertinentes de la gouvernance du S.I.
L’analyse des différentes définitions possibles de la maturité ouvre bien des portes pour caractériser la
notion de gouvernance et de management des systèmes d’informations en se centrant sur les
connaissances, les comportements et les savoirs êtres des hommes.
Il est cependant regrettable de constater que le monde de l’informatique ait choisi une voie à
dominance technique traduisant essentiellement les niveaux de maturités comme l’acquisition
progressive de bonnes pratiques procédurales.
Nous sommes ici sur la même culture de base et la même approche que la qualité « qualiticienne »
dont beaucoup ont compris que les exigences de conformité normatives ne garantissaient en rien les
résultats en terme d’efficacité et de rentabilité.
De nombreux travaux de recherche ont contribué, à partir des années 70, à fournir des éléments pour
apprécier la maturité de l’entreprise par rapport à son système d’information. Citons parmi les auteurs
les plus importants sur le sujet : NOLAN (1972), GIBSON (1974), CHURCHILL, KEMPSTER et
URETSKY (1989), MORTON (1990), GALLIERS & SUTHERLAND (1991) et HUMPHREY
(2001). Ces travaux ont débouché sur la formalisation de référentiels11 et de modèles. Ils permettent
d’identifier si les processus mis en œuvre, et la manière dont ils sont mis en œuvre, correspondent à
une organisation de tel niveau de maturité (FAIRCHILD, 2004). Les travaux de NOLAN et
11
La maturité en matière de management des systèmes d’informations peut s’évaluer à l’aide d’un questionnaire établi par
SUTHERLAND en 1991 puis par GALLIERS en 1995
13
GALLIERS &
DEARDEN (1973) puis de GIBSON et NOLAN (1974) identifiaient 4 étapes dans le chemin vers la
maturité. En 1979, NOLAN a enrichi le modèle portant le nombre d’étape de 4 à 6.
Ces étapes sont les suivantes :
Le premier âge : l'initiation
Cette phase est celle de la découverte. Le premier système informatique est installé. Son but :
automatiser les tâches afin de réduire les coûts. Le système n'est là que pour couvrir un domaine
fonctionnel. Si constitution d'un service informatique il y a, son rôle est essentiellement l'apprentissage
de la technique. Il n'existe pas de stratégie globale de développement et l'implication de la direction se
limite à observer si la réduction des coûts promise est bien constatée.
La deuxième phase : la prolifération
Les services sont satisfaits des systèmes installés, la demande s'accroît et on assiste à une prolifération
d'applications, sans pour autant assurer une cohérence entre elles. Il n'y a toujours pas de vision globale
du système, le service informatique s'empressant de réaliser les applications demandées. De nombreux
développements sont effectués pour les utilisateurs, mais ces derniers n'interviennent que sur la forme
du problème, pas sur le fond.
Le troisième stade : Le contrôle
La croissance des coûts et l'augmentation des réclamations des utilisateurs, induit une reprise en main
et un contrôle des décisions en matière des systèmes d'information. Un schéma directeur est réalisé, et
on insiste surtout pour son application. Conjointement, on assiste à une restructuration de l'existant,
mais les utilisateurs sont de plus en plus mécontents, les délais s'allongeant.
L'intégration : stade 4
On assiste à une intégration des données communes aux applications dans des bases de données. On
spécifie les interfaces entre les applications. L'accent est porté sur les performances et la maîtrise des
coûts. Le service informatique raisonne en terme de service auprès des utilisateurs au lieu de
solutionner de façon ponctuelle leurs problèmes.
Administration des données : stade 5
On définit à ce niveau les cohérences et les règles de gestion des données communes. Il y a retour à
l'autonomie quant leur utilisation. L'information commence à être considérée comme une ressource
stratégique. Le rôle de l’organisation et du management dans la circulation et le partage des
informations devient évident aux yeux de la Direction !
14
Maturité : stade 6
Le dossier des applications est complet, les applications spécifiques sont réalisées, les objectifs sont
atteints en termes de coûts et de services. L’alignement stratégique est atteint. Au-delà de ce modèle,
on s'aperçoit d'une étape importante, le
passage du stade 3 au stade 4, correspondant,
en quelque sorte, à la " puberté " du système
d'information. Le passage à ce stade peut se
traduire par un audit demandé par la
Direction, ou encore, le changement du DSI.
Celui qui reprend ce genre de situation
dispose, grâce à ce modèle, d'une sorte de
guide de progrès sur la partie technique et
architecture.
Le schéma suivant permet de résumer ces différentes étapes dans la maturité en matière de
management du S.I12
Un autre modèle classique, le CMM (Capability Maturity Model) a été développé par HUMPHREY
(1980) et l’équipe du Software Engineering Institute (SEI). Ce modèle est organisé autour de cinq
niveaux de maturité (initiation, reproduction, définition, management et optimisation).
Le CMM est centré sur les évolutions des processus. Il traduit la maturité du système d’information
par le degré de maîtrise des processus de l’entreprise. Ce modèle permet de relier les démarches de
management, d’organisation et de Qualité et l’évolution du système d’information au travers des
différentes étapes de maturité des processus.
Il a été repris et adapté pour l’évaluation des processus de développements (SE-CMM)13. Depuis deux
ans, le CMMi (i pour integrated) a été intronisé comme successeur du CMM. Il couvre simplement un
domaine plus vaste que ce dernier, tout en en conservant la même approche.
Le modèle CMM-I est un modèle progressif ; il est structuré en 5 niveaux. Chacun de ces niveaux
correspond à un palier de maturité dans la gestion des processus de développement logiciel. Pour
passer d’un niveau à un autre, l’entreprise doit atteindre des objectifs regroupés en trois grandes
catégories :
12
13
Source : Adapté de NOLAN (1979), “Nolan ‘s revised stages of growth”
SE-CMM pour Software Engineering Capability Maturity Model
15

les processus de gestion de projet : gestion des exigences, planification, suivi, supervision, de
l’assurance qualité, maîtrise des risques

les
processus
organisationnels :
organisation
de
l’entreprise,
organisation des
process, formation, amélioration continue

les processus d’ingénierie : développement des exigences, développement technique, tests,
validations, gestion de configuration.
Ces modèles sont certes intéressants car ils permettent – en partie - de situer des étapes dans la
progression de la maturité du système d’information en analysant certaines pratiques procédurales.
Cependant ils présentent des lacunes majeures :
 Ils sont encore trop centrés sur les développements applicatifs et les niveaux d’intégration
technique,
 Ils ne permettent pas de savoir quels événements et quels acteurs sont à l’origine des évolutions
constatées,
 Ils introduisent de la rigidité au sein de l’entreprise BAKER (2001) et NOYES (2002),
 Il n’y a pas de véritable mesure de la performance avant les niveaux 4 et 5 (DIAZ et SLIGO,
1997),
 Ils ne caractérisent pas les forces en présence qui s’opposent et/ou favorisent tour à tour les
évolutions, et méconnaissent complètement le rôle des dynamiques sociales.
 Ils n’identifient pas précisément le pourquoi et le comment des évolutions en terme de maturité
Il y a donc de la place pour des travaux qui chercheraient à explorer la dynamique du processus de
maturité du management des systèmes d’informations dans le but d’apporter des éléments de réponse à
ces points de critique !
Si la littérature nous permet bien de définir des grandes étapes du chemin vers la maturité en matière
de management des systèmes d’information identifiées, il nous faut cependant aller plus loin, et
identifier des critères objectifs (pratiques, faits organisationnels, …) qui permettent de situer
l’entreprise par rapport à telle ou telle étape. De tels critères sont en effet essentiels pour apprécier un
indice de maturité, et pour situer dans le temps la progression de l’entreprise.
16
3.3
Le rôle du management dans la conduite des projets SI
Le management de projet constitue un facteur central dans les projets d’évolutions du système
d’information. Il combine en effet les dimensions techniques, organisationnelles, politiques,
humaines et stratégiques, souvent critiques à gérer et dont le niveau d'importance change au cours des
différentes phases du projet. La capacité de l’entreprise à conduire des projets de changement va donc
être un des facteurs clé de succès de la gouvernance et du management du système d’information.
Malgré la disponibilité de méthodologies soi-disant éprouvées, et le recours à un accompagnement
externe, le management de projets d’évolution des systèmes d’informations demeure une entreprise
risquée. En effet, l'introduction des progiciels de type ERP, CRM, SIAD … induits des nécessités de
changement beaucoup plus intenses que des projets informatiques traditionnels, qui se caractérisent
généralement par un changement organisationnel de moins grande envergure (VENKATRAMAN,
1994) et par des impacts moins significatifs sur les processus, les tâches les structures et les pratiques
de management (SCOTT MORTON, 1995).
Le changement organisationnel, associé à l'implantation et l'utilisation des systèmes d'information (SI),
devrait induire la transformation des processus d'affaires pour une adéquation parfaite avec le
Business Model, et l’ajustement de la structure de l'entreprise. Ainsi, l'implantation de nouvelles
applications SI dépasse la dimension technique qui caractérise l'informatique pour englober des
facteurs humains, organisationnels, culturels, managériaux et stratégiques. Néanmoins, les
organisations ont tendance à se focaliser sur les aspects technologiques et ne voient dans la mise en
place des ERP que des projets informatiques.
MORLEY (2000) précise, à ce titre, que la majorité des échecs de projet en systèmes d'information
viennent du fait que l’on conduit ces projets comme des projets informatiques alors qu’ils sont en
réalité des projets de management et d’organisation. Dés lors leur bon déroulement est souvent remis
entre les mains d’un informaticien qui va piloter le projet avec une vision technique sans se soucier
de nombreuses dynamiques sociales et formes d’influence que sa formation initiale et sa
méthodologie support conduisent presque systématiquement à ignorer.
L'articulation entre les nombreuses variables techniques, sociales et organisationnelles et les objectifs
stratégiques du projet s'opère dans le cas de ces progiciels autour de processus d'affaires Cette
articulation nécessite un management spécifique qui accroît le rôle de la maîtrise d’ouvrage et de la
17
direction de projet dans l'influence des choix organisationnels, le management des tensions et des
conflits et l’adhésion des utilisateurs finaux.
L'intégration des compétences métiers, au sein de la maîtrise d’ouvrage et de l'équipe projet car
l’organisation dit intégrer de nouvelles technologies de communication porteuses de changements
significatifs tant au niveau de l'individu que du groupe, et ce par la transformation des modes de
fonctionnement et des jeux de pouvoirs. L'équipe de direction de projet, par la qualité de son
management, peut jouer un rôle central, soit dans la conduite des changements planifiés, soit
dans l'émergence des transformations improvisées au sein de l'organisation.
Les résultats dépendent alors en grande partie du niveau de conscience et du style de management, au
cours des différentes phases du projet
KWON et ZMUD (1987) proposent un modèle composé d'étapes qui a pour fondement le modèle de
changement de Lewin (1952) et a été enrichi ensuite par COOPER et ZMUD (1990). Ils ont identifié
cinq facteurs contextuels majeurs qui affectent le déroulement du projet et les résultats au niveau de
chaque étape. Ces cinq facteurs sont :

Les caractéristiques de la communauté des utilisateurs : le travail effectué, les valeurs individuelles, la culture du groupe, l'éducation et l'expérience, la résistance au changement ;

Les caractéristiques de l'organisation : spécialisation, centralisation, formalisation, la culture
d'entreprise ;

Les caractéristiques de la technologie adoptée : la complexité et l'évolution des techniques ;

Les caractéristiques des tâches automatisées par la technologie : incertitude, autonomie, variété des tâches et des responsabilités de la personne l'effectuant ;

Les caractéristiques de l'environnement de l'organisation : incertitude, dépendance interorganisationnelle, concurrence
KEEN (1981) remarque que le processus de déploiement d’un nouveau système d'information est bien
plus politique que technique dans sa nature. Ceci est particulièrement vrai dans les organisations de
grande taille où les conflits d'intérêts et de pouvoir entre les directions fonctionnelles
(technostructure) et les directions opérationnelles sont importants.
Ainsi, les intérêts des acteurs affectent les efforts de déploiement et par conséquent, le management de
projet dépend dans sa réussite de la reconnaissance de la diversité des intérêts et de la nécessité d'une
forte réactivité pour la résolution des problèmes dès leur apparition (Markus, 1983). Rattaché au cadre
théorique de l'analyse des organisations, le processus de déploiement peut être considéré comme une
18
coordination des actions liées au processus, maintenue par un mécanisme de jeux entre acteurs qui
ont chacun une stratégie et une vision particulière des objectifs du projet (Crozier et Friedberg., 1977).
Besson (1999) indique, également, que le déploiement implique une déstabilisation organisationnelle
dans laquelle surgissent des conflits autour de la question de la gouvernance, conflits d'influences et
de buts. La mise en scène du projet par les concepteurs, les anticipations des impacts et les marges de
manœuvres perçues par les acteurs conditionnent la réussite du projet (Besson et Rowe, 2001). Pour
mener cette évolution, une compréhension et une analyse des systèmes d'action concret 5, au cœur
desquels se dessine le jeu des acteurs, s'avèrent nécessaires.
Si le courant du « Développement organisationnel », dominant jusqu'à la fin des années soixante,
supporte l'idée que le changement organisationnel puisse être programmé et contrôlé, K.Weick
développe une autre conception de ce dernier. Les ruptures programmées sont moins fréquentes que
les évolutions et les variations imprévisibles et inattendues qui n'ont pas pour origine une délibération
rationnelle.
Van de Ven et Poole (1995) définissent le changement comme « un type d'événement, une observation
empirique d'une différence dans la forme, la qualité ou l'état d'une entité à travers le temps. Cette
entité peut être un travail individuel, un groupe de travail, une stratégie d'une organisation, un
programme, un produit ou toute l'organisation ».
Kanter, Stein et Jick (1992) proposent trois grandes catégories d'acteurs impliqués dans le processus
de changement au sein des organisations : les Stratèges, les Maîtres d'œuvre et les Récepteurs. Cette
classification constitue une simplification évidente de la réalité organisationnelle. Toutefois, le rôle et
le poids de chacune de ces catégories changent avec la phase du projet, l'objectif et la nature du
changement observé : technologique ou organisationnelle.
De nombreuses recherches ont montré le rôle central que joue la direction de projet et
principalement la maîtrise d'ouvrage (MOA) dans la détermination des choix opérationnels, le
paramétrage des fonctionnalités de l'outil, la mise à disposition progressive des fonctions nécessaires
au travail des utilisateurs et l'accompagnement du changement.
La
marge de liberté des acteurs et leur capacité à « choisir » leur conduite est fonction de
considérations d'opportunité parmi un éventail plus ou moins large de conduites possibles. Le rôle
de la direction de projet, par son management, est d'orienter les actions et comportements de chacune
des parties prenantes dans le seul objectif de réussir la mise en place du progiciel et sa meilleure
utilisation. Cette mission est assez complexe en raison des contraintes à la fois d'ordre technologique,
organisationnel, financier et humain. Le modèle classique du pilotage de projet, selon les axes qualité coûts - délais, trouve ici ses limites et nécessite une revue de ses fondements, afin de proposer
19
d'autres modèles plus pertinents pour le management des projets en systèmes d'information dont la
complexité est de plus en plus importante.
(a développer : les pratiques de management de projet permettent de caractériser la maturité en
matière de gouvernance S.I)
4 Des constats déterminants en toile de fond !
4.1 Les acteurs de la fonction SI, une communauté conflictuelle
Les acteurs de la fonction S.I
La définition des acteurs de la gouvernance du
système d’information, de leurs responsabilités, de
Régulation
DG
CODIR
Cté exécutif
DSI
Sociétés
Externes
SSII
Consultants
Définition
des besoins
DI
Centre Informatique
externe
Direction Utilisateurs
DU
DU
DU
DU
leurs prérogatives et de leurs enjeux est au cœur du
bon fonctionnement du S.I. Lorsque celui-ci intègre la
dimension
stratégique
cette
question
devient
essentielle.
DI
UTILISATEURS
Un certain nombre d’acteurs (internes et / ou externes
à l’entreprise) sont impliqués dans la gouvernance et le management du système d’information (voir
schéma). Si leurs préoccupations sont parfois contradictoires, elles peuvent se résumer autour de
quatre grandes finalités : que ça rapporte, que ça serve, que ça fonctionne, que ce soit sous
contrôle !
Lorsque le système d’information est défaillant c’est parce que l’une
- au moins – de ces
préoccupations n’est pas correctement gérée et / ou que certains acteurs volontairement ou non ne
jouent pas le(s) rôle(s) qui devraient normalement leur être attribué.
Toute organisation étant basée sur un système d’acteurs, la manière dont ces acteurs vont se
positionner les uns par rapports aux autres, leurs modes de relations et d’interactions, leurs enjeux et
intérêts respectifs (et contradictoires)
vont conditionner les pratiques de gouvernance et de
management du systèmes d’information ainsi que l’efficacité globale du S.I.
Faire évoluer ces pratiques, c’est remettre en cause des positionnements éventuels au sein de la
structure, c’est modifier des jeux de pouvoirs et des zones d’influences, c’est redéfinir des
responsabilités, instrumenter le système de surveillance et donc multiplier les contraintes pour certains
acteurs, tout en offrant des opportunités à d’autres acteurs qui agiront pour les saisir et ainsi remodeler
la cartographie des pouvoirs.
20
Il ne faut pas oublier que l’information c’est du pouvoir, et que les rôles et fonctions au sein de la
« communauté des acteurs du S.I » font l’objet de terribles luttes de pouvoir, et ce d’autant plus que
l’importance stratégique des systèmes d’informations est perçue et appropriée par les différents
acteurs. Les projets d’évolutions du système d’informations sont de bonnes opportunités pour avancer
dans cette « construction de la maturité » en matière de management du SI. Ces projets seront alors
autant d’occasions de voir éclater ou émerger des conflits de pouvoirs en fonction de la perception de
plus en plus affûtée des enjeux du S.I et des enjeux des différents. Les principaux conflits de pouvoirs
éventuels sont les suivants
Acteurs en conflits potentiels
Enjeux du conflit
Répartition MOA/MOE
Direction
D.I
Générale
ou DSI
Renvoi des responsabilités en cas d’insuccès
Positionnement dans la structure
Désaccords sur les budgets, conflits de moyens
Vision stratégique non partagée
Répartition MOA/MOE
D.I
Responsables
ou DSI
Métiers
Renvoi des responsabilités en cas d’insuccès
Positionnement dans la structure
Désaccords sur les fonctionnalités des outils
Contraintes métiers insuffisamment prises en compte
Conflits de modes opératoires, de fonction et de métiers
Responsables
Responsables
Métiers
Métiers
Luttes de pouvoir aux enjeux individuels
Rejet ou refus des évolutions (compétences, avantages à défendre)
Désaccords sur les fonctionnalités des outils
Contraintes d’interfaces insuffisamment prises en compte
Conflits sur les modalités du contrôle et l’instrumentation du management
Direction
Responsables
Générale
Métiers
Luttes de pouvoir aux enjeux individuels (dimensions contrôles)
Positionnement dans la structure
Désaccords sur les fonctionnalités des outils
Contraintes métiers insuffisamment prises en compte
Répartition MOA/MOE
Direction
Acteurs
Générale
externes
Direction
Utilisateurs
Renvoi des responsabilités en cas d’insuccès
Désaccords sur les budgets, conflits de moyens
Volonté de sortir d’une dépendance construite avec le temps
Changements imposés par l’outil mais non préparés
Renvoi des responsabilités en cas d’insuccès
Conflits de moyens
Générale
Refus des nouvelles fonctionnalités de contrôle
Conflits de modes opératoires, de fonction et de métiers
Utilisateurs
Utilisateurs
Luttes de pouvoir aux enjeux individuels
Rejet ou refus des évolutions (compétences, avantages à défendre)
Désaccords sur les fonctionnalités des outils
Contraintes d’interfaces insuffisamment prises en compte
21
A l’ensemble de ces situations conflictuelles propres aux acteurs de la fonction SI, vont bien sur
s’ajouter les conflits liés aux situations de changement organisationnels porteurs de conflictualités de
modes opératoires, de métiers, de fonctions, de pouvoirs, d’influence, de valeur et de sens (ROWE et
BESSON), ce qui conduit QUAN (2006) à parler de l’impossible conduite du projet SI !
4.2 Un apprentissage lent, difficile et à géométrie variable
Trop de DSI se cantonnent encore à un rôle de gestionnaire technique d’un parc informatique. Les
budgets informatiques augmentent bien souvent plus vite que les résultats de l’entreprise, et une part
important de ces budgets (environ 80%) ne sont investis que pour maintenir l’outil technique en état de
fonctionner (gestion des évolutions techniques, mise à niveau des versions de logiciels, dépenses de
sécurité et résolutions des bugs). Cette approche trop technique de bien des DSI, tire « vers le bas » les
Directions Générales en matière de management du système d’information, contribuant à donner à la
résolution de problèmes techniques, et à la discussion sans fin des investissements de maintien, la
priorité sur l’optimisation du système d’information en lien avec la stratégie et la performance de
l’entreprise.
Cette dérive dans le management des systèmes d’informations, n’est alors pas sans conséquences sur
les projets mis en œuvre, et beaucoup d’actions pourtant fort coûteuses n’ont pas donné les résultats
escomptés, car abordées par des approches trop techniques et trop restrictives (manque d’alignement
des objectifs du projet sur la stratégie, non prise en compte du contexte organisationnel et de la culture
de l’entreprise, sous-estimation des réactions du système social et tendances fortes au conservatisme
des pratiques de management).
Au bout d’un certain temps plus ou moins long selon la maturité organisationnelle et managériale, les
entreprises ont commencé à comprendre qu’il leur fallait aborder le management de leur système
d’information d’une autre manière14.
Directions Générales et D.S.I doivent franchir l’obstacle technique et se centrer sur l’évaluation et
l’optimisation de la valeur du système d’information en appréciant le niveau de contribution de celuici à la performance de l’entreprise15 et l’enrichissement de la valeur de l’information qui circule dans
l’organisation. Les acteurs informatiques doivent intégrer les logiques métiers et les orientations
stratégiques de l’entreprise, les membres des Comités de Direction doivent dépasser leurs rivalités et
leurs lacunes sur la technique informatique pour se mettre à manager cette matière première essentielle
qu’est l’information.
14
Dans la Région Pays de la Loire environ 25% des postes de Directeur Informatique, ont changé de titulaire dans les
derniers 36 mois (Source APEC – Courrier Cadres )
15 En effet, le fond de toute forme de management c’est d’acquérir et de garder le client (DRUCKER, Cité par RÜLING en
2003)
22
Ce processus d’évolution des Systèmes d’Informations s’inscrit dans le temps avec des rythmes
irréguliers. Il implique des changements de culture et de paradigme de management. L’évolution passe
alors par le dépassement de ce qui a été, autant dans la compréhension des concepts (de l’outil
technique au système d’acteurs sociaux), que dans les approches terrain (de l’architecture technique à
l’alignement stratégique) ou bien encore dans les pratiques de management (de la gestion d’un parc
technique au management de l’information)
4.3 L’immaturité peut être retenue comme un facteur de risque majeur
Dès lors, il est tout à fait logique et légitime de recourir au terme de maturité pour évaluer le
management du Système d’Informations. La maturité est en effet selon la définition du Larousse, une
« plénitude qui est l’aboutissement d’une évolution entre la jeunesse et le développement de la
maîtrise intellectuelle et émotionnelle »
La littérature (et l’expérience !) nous apportent des éléments de réponses précis en identifiant comme
critère de maturité en matière de management du système d’information :

L’alignement stratégique du management du système d’information

L’importance croissante du rôle et des compétences de la maîtrise d’ouvrage

La structure et les pratiques de gouvernance de la fonction S.I

L’approche globale dans l’ingénierie des projets d’évolution du S.I

L’étude de l’impact des usages que font les utilisateurs sur l’organisation
Il nous parait pertinent de continuer a explorer cette notion de maturité à partir des définitions que
nous avons donné au paragraphe 3.2. Cette maturité pourrait alors se caractériser selon le schéma
suivant :
Capacités à faire & comprendre
MATURITE
Pratiques mises en œuvre
Résultats obtenus
23
5 Les causes d’échec des projets d’évolution du SI
5.1 L’absence d’alignement stratégique du S.I
Toutes les études sur le management stratégique16 ont démontré l’impact de la stratégie sur la
performance organisationnelle comme le résultat d’une cohérence voulue entre :

Les orientations stratégiques : couples produits/marché, stratégies par D.A.S (domination par
coûts, niches, différenciation, diversification, ...), alliances et partenariats souhaitables, ....

L’organisation : abordée ici sous l'angle des systèmes de management, des différentes activités,
des structures, des processus de coordination et de contrôles, des hommes, et des savoir-faire, .....

Les technologies utilisables, et en particulier les Technologies de l'Information, avec leur état des
lieux, leur futur, ce que l'on peut en tirer, ainsi que les stratégies d'acquisition et d'utilisation de
ces technologies

Les Projets, internes ou externes, qu'ils soient organisationnels, technologiques ou humains.
L’orientation stratégique du déploiement des technologies de l’information accroît les performances
organisationnelles des entreprises (notamment en terme de croissance et de profitabilité), avec pour
conséquences majeures, des effets très structurant sur la fonction S.I notamment au travers :
De la prise en compte des composantes stratégie, management, organisation et dynamique
sociale dans l’architecture du S.I (approche globale & intégrée)
De la mise en place d’un organe central de Pilotage du Système d’information
De la redéfinition des rôles et des responsabilités du DSI
Du positionnement (donc du pouvoir !) de la Fonction Informatique dans la structure
Hélas, beaucoup trop d’évolution des Systèmes d’Informations se font encore avec une totale absence
de vision stratégique et ne débouchent sur aucun retour sur investissement de ce niveau ! Les
motivations principales de ces évolutions peuvent être en effet techniques (il faut remplacer un outil
existant devenu obsolète ou non évolutif), émotionnelles (rassurer les dirigeants dans le cadre d’une
externalisation), ou sociale (faire émerger
un changement non géré par le management et la
négociation, mais simplement par la mise en place d’un nouveau système d‘information). Cette
absence de vision stratégique est bien un des risques majeurs !
Le nécessaire alignement stratégique du système d’information implique donc des évolutions
importantes dans la politique, la structure, les missions et les compétences de la Fonction
16
Citons parmi les plus célèbres MILLER (1987), VENKATRAMAN (1989), ZAHRA & COVIN (1993), HENDERSON et
VENKATRAMAN (1993), PARNELL, WRIGHT & TU (1996)
24
Informatique. Dès lors, piloter une Direction des Systèmes d’Information (DSI) au sein d’une
entreprise est un art complexe, qui nécessite de bien comprendre la stratégie de son établissement et
l’incertitude du milieu dans laquelle il évolue, et de disposer de la capacité à la remise en cause interne
17
Ainsi, l’alignement stratégique du management du système d’information est à la fois un facteur de
performance et un critère d’évaluation de la maturité de l’entreprise en matière de management du S.I.
Passer à coté de cette nécessité
c’est ouvrir la porte a des investissements pharaoniques qui
engloutissent une part important de la valeur dégagée par l’entreprise pour des résultats en terme de
positionnement stratégiques et d’atouts concurrentiels qu’il vaut mieux ne pas chercher à mesurer !
Les motivations des dirigeants dans le cadre des projets d’évolutions du S.I s’ancrent encore trop
souvent sur des critères subjectifs :
 Les autres entreprises, et notamment les leaders ont des ERP
 Donc on n’y arrivera pas sans ERP (mode incantatoire)
 Un nouvel outil informatique montrera à nos clients que nous sommes une entreprise dynamique
 Les informaticiens réclament un système moderne et up to date
 L’ERP nous aidera à réussir les transformations de notre organisation que nous n’avons pas réussi
autrement
 Les solutions toutes faites vont rapidement résoudre notre difficulté d’organisation
La puissance marketing des éditeurs de solutions logicielles prend le pas sur la réflexion stratégique.
Et pourtant l’enjeu d’une véritable gouvernance est majeur. Car le système d’information est le lieu
même où s’élabore la coordination des actes et des informations sans laquelle une entreprise, une
organisation, dans la diversité des métiers et des compétences qu’elle rassemble, n’existe pas
(REY,1992). Le système d’information est donc l’instrument du partage, de la mutualisation, de la
coopération, de la coordination et de la transversalité, ce qui explique la forte dépendance entre la
stratégie de l’entreprise et la stratégie du système d’information.
Ce constat posé suppose donc qu’une stratégie du système d’information implique en tout premier lieu
d’avoir une stratégie d’entreprise. Comment peut-il y avoir une gouvernance du système d’information
lorsqu’il n’y a même pas de stratégie d’entreprise ? Ce qui nous renvoie bien à la maturité des
dirigeants et aux pratiques de management qu’ils développent au sein de leur organisation
17
Jean-Pierre CORNIOU (Président du CIGREF) & Jean-François PEPIN, Robert MAHL, & Alain BERDUGO, « Challenge pour les
DSI : l’art du management des systèmes d’informations », Editions DUNOD
25
Dans la réalité des faits, l’absence d’alignement stratégique du S.I est un risque majeur et le chemin
qui reste à accomplir est encore important car une enquête récente du Cabinet de Conseil Ernst &
Young18 montre que :
 Si 93 % des entreprises déclarent qu’il est important d’aligner le S.I et la stratégie …
 Dans 44% des cas, le DSI n’est pas membre du Comité de Direction
 La performance du système d’information n’est pas mesurée dans 49 % des cas
 Si c’est le cas, 93 % des entreprises se contentent de la mesure du taux de service
 Enfin 79% ne mesurent aucun retour sur investissement dans les projets d’évolution du S.I
La maturation stratégique du rôle du S.I au travers de l’alignement sur les objectifs de l’organisation et
le soutien des objectifs d’affaires de l’entreprise est donc une des grandes affaires économiques du
XXI éme siècle, et son absence peut être retenu comme un des risques majeurs dans le management
des systèmes d’informations.
Ce changement de perspective implique que les compétences des acteurs en charge des systèmes
d’informations
intègrent
la
maîtrise
d’un
assortiment
de
compétences
managériales,
organisationnelles, sociales et de management de projet changement. La modification des valeurs, des
priorités, des organisations et des compétences qu’elle implique aux acteurs concernés demandera
certainement une à deux décennies pour irriguer l’ensemble des entreprises ! Cette évolution passe
cependant obligatoirement par le renforcement du rôle et le développement des compétences de la
maîtrise d’ouvrage.
5.2 La faiblesse de la maîtrise d’ouvrage
La maîtrise d'ouvrage est l'entité responsable de l'expression des besoins, du pilotage des projets, et de
la cohérence des construits. Il s'agit donc d'une équipe (souvent composée de non informaticiens) qui
maîtrise l'idée de base du projet, initialise et anime toute la démarche permettant d’en concrétiser les
finalités. Elle doit par exemple s'assurer qu'il existe un budget pour sa réalisation ainsi qu'un besoin
réel. Elle doit s'assurer que ce besoin est mûr du côté utilisateur et prêt à être réalisé, et intégrer toutes
les compétences ad hoc en matière d’ingénierie du changement.
La maîtrise d'ouvrage centralise égalent la connaissance métier nécessaire à la réalisation en relation
directe avec les futurs utilisateurs dont elle connaît parfaitement les méthodes de travail : les grandes
fonctionnalités, les principales règles de gestion, les usages et les pratiques tacites... Elle doit pouvoir
18
ERNST & YOUNG, 2004, Rapport d’étude « Pour une performance des Systèmes d’Informations à la hauteur de vos attentes »,
Etude réalisée par questionnaire auprès de grandes entreprises de tous secteurs (205 questionnaires exploités)
26
trancher sur toute question fonctionnelle qui pourrait se poser pendant l'étude. La maîtrise d'ouvrage
est donc responsable de l'expression de ces besoins et des différentes règles qui sont nécessaires à
connaître. Cette expression de besoin doit se fait en langage courant, sans utilisations de termes
informatiques et être facilement arbitrable !
La maturité en matière de management du S.I va donc s’exprimer au travers des rôles, des
compétences et des attributions de la maîtrise d’ouvrage
(MOA) qui doit fonctionner sous la
responsabilité directe de la Direction et ne peut en aucun cas être déléguée - surtout à des acteurs
externes – L’étendue des rôles et les compétences en matière de MOA sont donc un facteur de succès
ou un risque majeur dans le management des systèmes d’informations.
Compte tenu du fait que les responsabilités et les soucis de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise
d’œuvre sont différents et parfois contradictoires (asymétrie des niveaux d’informations et des types
de préoccupations) il importe alors que la maîtrise d’ouvrage soit un « donneur d’ordres » compétent
de la maîtrise d’œuvre, que cette dernière soit à l’écoute de son client, enfin que les deux entretiennent
des rapports mutuellement respectueux (même s’ils sont énergiques et sans complaisance).
Il est cependant courant de trouver en entreprise des personnes (pourtant acteurs directs d'un projet)
qui confondent allègrement la notion de maître d'ouvrage et maître d'œuvre. Or la distinction est
cruciale et cette ignorance peut coûter fort cher, car si les responsabilités des maîtrises d'ouvrage de
projets d’évolution du système d’informations se déportent partiellement ou complètement vers les
maîtrises d'œuvre, les conséquences d'un tel comportement sont souvent dramatiques : la maîtrise
d'oeuvre joue les deux rôles à la fois. C'est elle qui décide des fonctionnalités, des règles de gestion,
des process métiers à mettre en place, et c'est elle qui réalise l'ensemble, en priant le ciel de répondre
au réel besoin de son client en espérant avoir bien deviné. Les miracles étant rares dans le milieu
professionnel, dans la plupart des cas, ce qui est développé ne correspond pas à ce qu'attendait
secrètement la maîtrise d'ouvrage, alors les ennuis commencent et très vite le conflit est garanti car
chacun va dépenser une énergie folle à se défendre et à accuser l'autre, à chercher les responsables.
Personne n'en sort indemne ni d'un côté ni de l'autre, et surtout pas l'entreprise qui engloutit des
sommes colossales pour ne pas obtenir ce dont elle a besoin !
Parallèlement à cela s'installe une véritable ambiance conflictuelle :
 La maîtrise d'ouvrage, client, donc roi, devient alors le « père fouettard » sanctionnant les
informaticiens de la maîtrise d'œuvre pour tout écart de planning ou écarts entre les fonctionnalités
développées et les fonctionnalités dont elle rêvait. Le pire, c'est que bien souvent, la maîtrise
d'ouvrage est persuadée d'être dans son bon droit et ne réalise à aucun moment n'avoir jamais
formulé ce besoin, ou de l'avoir mal formulé.
27
 Les informaticiens qui avaient laissé la maîtrise d'ouvrage échapper à leurs responsabilités de
définition fonctionnelle du projet ont peu de marge de manœuvre pour se retourner. Pire, les
maîtrises d'œuvre n'ont quelque fois même pas conscience du périmètre réel de leurs
responsabilités et subissent les coups sans savoir réagir. Et pour le peu que des problèmes
techniques ou des résistances sociales retardent le démarrage du projet, leur sort en est jeté.
La personnalité des dirigeants jouent ici un rôle majeur en édictant clairement les règles du jeu et en
imposant leur respect dans les deux camps. La personnalité (forte ou faible) des acteurs clés est
déterminante dès le lancement du projet. La mauvaise foi, la malhonnêteté intellectuelle ou
l'incompétence de l'une ou l'autre des parties impliquent bien souvent, que maîtrise d'ouvrage et
maîtrise d'oeuvre se comportent comme « chien et chat » et la relation de partenariat nécessaire se
traduit généralement par une défiance mutuelle, par des attaques et des défenses de part et d'autres,
d’ailleurs plus par méconnaissance des métiers de chacun qu'autre chose.
La compétence de maîtrise d’ouvrage peut alors s’évaluer assez facilement par rapport à :

Sa compréhension de l’organisation, des mécanismes et des enjeux des changements

Son degré de compréhension des enjeux des évolutions du système d’information

Son implication sans faille dans le management et le pilotage du S.I

Sa capacité d’arbitrage (et de suivi) des réalisations de la maîtrise d’oeuvre (MOE),

La clarté et le niveau d’appropriation des règles qui régissent les rapports MOA / MOE

Sa capacité à suivre et à maîtriser les budgets ainsi qu’à réguler les prestataires externes

Le niveau de sophistication et d’efficacité du Contrôle Interne dédié au S.I 19

L’importance donnée à la capitalisation des expériences à des fins d’apprentissage
On voit bien alors tous les risques majeurs induits par une maîtrise d’ouvrage défaillante …car la
réussite d'un projet passe par la maturité des dirigeants de l'entreprise qui sauront inculquer de gré ou
de force à chaque acteur de leur entreprise le goût à assumer leurs propres responsabilités.
Nous
pouvons donc retenir le rôle, les attributions et les compétences de la maîtrise d’ouvrage en tant que
facteur de risque majeur dans le management du système d’information.
5.3 L’inadéquation de la gouvernance de la Fonction S.I
L’étude des structures est un aspect intéressant du diagnostic d’une organisation. Si la structure est un
moyen de répartir et d’organiser les moyens, elle est aussi (et surtout !) un outil de répartition des
pouvoirs. Dès lors les missions et les statuts des responsables (Directeur ou Responsable), les niveaux
de rattachements et les dénominations utilisées ne sont pas neutres et servent à positionner autant les
28
acteurs que les fonctions. Le positionnement sert aussi à construire (ou à vendre) une image à
l’extérieur de l’entreprise.
Par exemple choisir, pour une même entité,
une dénomination « Service Comptabilité » ou
« Direction Finance et Contrôle de Gestion » n’a pas du tout le même sens en matière de lisibilité
structurelle et de distribution de pouvoir, même si la réalité des opérations ne varie que fort peu. Les
domaines de l’Informatique et du Système d’Information n’échappent à cette règle ! Dans la lecture
structurelle qu’il est possible de faire dans une entreprise il est nécessaire de bien faire la différence
entre la Fonction Informatique et la Fonction Système d’Information de même entre la Direction
Informatique (D.I) et la Direction des Systèmes d’Informations (D.S.I).
La dénomination « Informatique » laisse supposer une approche technique, centrée sur le matériel, les
outils et les applications avec une culture à base de maîtrise d’oeuvre.
La fonction informatique ainsi définie peut être exercée par des acteurs internes sans d’ailleurs pour
cela disposer d’une Direction Informatique. Il arrive ainsi très souvent que les acteurs informatiques
soient rattachés directement et hiérarchiquement au Directeur Administratif et Financier (DAF) ou au
Directeur des Ressources Humaines (DRH).
La dénomination « Système d’Information » laisse supposer une approche plus globale avec une
culture dominante d’assistance à maîtrise d’ouvrage centrée sur l’optimisation de l’information au sein
de l’entreprise. L’informatique n’étant alors qu’un moyen d’œuvrer à cette optimisation. Les
Directions des Systèmes d’Informations sont alors souvent rattachées directement à la Direction
Générale. Le changement de dénomination entre « Informatique » et « Systèmes d’Informations » peut
alors traduire une réelle volonté d’évolution de la part de la Direction de l’Entreprise. Souvent ce
changement se fait lors d’un changement de manager. Un Directeur (ou Responsable) informatique
part, et il est remplacé par un Directeur (Responsable) du Système d’Information. Le changement de
nom, de statut, de rattachement peut être alors un simple acte de communication interne ou externe,
mais il peut traduire un acte politique visible, associé à une évolution majeure de la Direction.
Plus la maturité en matière de management du système d’information est grande plus :

Le lien est fort entre la Direction et le DSI (rattachement direct)

Le rôle et les responsabilités du DSI sont importants

Le DSI est membre du Comité de Direction

Les compétences du DSI évoluent de la technique vers les métiers et la stratégie

La gestion du S.I dépend d’un Comité de Pilotage Inter-Fonctionnel
19
IT control Objectives for Sarbanes-Oxley : www.itii.org et Contrôle Interne et Système d’information (AFAI), 2003
29
Ainsi, une plus grande maturité influe sur le degré de centralisation du S.I, sur les compétences de la
fonction sur les outils de contrôles et de pilotage. Le DSI lui va alors privilégier la connaissance des
logiques métiers, et développer un rôle d’architecte et de stratège au sein des réseaux de diffusion de
l’information.
Structure de la fonction, positionnement et compétences du DSI, niveau de centralisation et
d’intégration des outils évoluent donc bien en fonction de la maturité en matière de management des
systèmes d’informations. Leur inadéquation représente là encore un risque majeur dans la capacité
qu’aura l’entreprise à faire émerger un système d’information adapté à ses besoins
5.4 L’approche trop technique des projets d’évolution du S.I
Le développement d’un système d’information est un processus complexe qui combine processus
d’amélioration organisationnel, évolution du management, régulation des changements et management
de projets. Les évolutions des S.I doivent donc s’appréhender selon de multiples dimensions car ils
imposent des changements organisationnels et sociaux.
Malheureusement il apparaît que la maîtrise d'ouvrage a souvent tendance à estimer que les projets
informatiques sont du seul ressort des informaticiens, et que la réalisation des programmes et leur mise
en production marque le terme du projet et de leur propre engagement. Leur tâche constituerait alors à
donner l'impulsion première du projet et quelques grandes directions à suivre. C'est là une grossière
erreur. Car la réussite du projet ne tient pas uniquement dans les choix technologiques ou la réalisation
: ce sont les utilisateurs qui en décident ! C'est ainsi qu'est souvent sous estimé l'importance du travail
en amont (diagnostic des usages, information préalable, association des acteurs dans la définitions des
besoins, prises en compte des évolutions des dynamiques sociales …) et en aval du projet (évolutions
des pratiques de management, accompagnement au changement, formations, ...) qui n'est pas du
ressort, ni de la compétence métier des seuls informaticiens :
La prise en compte des « jeux d’acteurs » est également très importante dans les processus
d’implémentation des systèmes d’informations et dans la conduite des projets d’évolution associés. Le
processus de mise en place d’un S.I dans une organisation n’est pas neutre et est à l’origine de
changements dans les comportements des acteurs et des relations qu’ils entretiennent.
Deux modèles théoriques sont avancés pour expliquer ces changements : le modèle du pouvoir et le
modèle conflictuel.
Le modèle du pouvoir issu de la théorie du pouvoir organisationnel, stipule que le pouvoir détenu par
une unité ou un acteur dépend : (1) du degré d’incertitude lié aux activités, (2) de la substituabilité des
30
fonctions et des tâches traitées, (3) de la rapidité de circulation de l’information et (4) du degré de
contrôle sur les autres unités ou acteurs.
Le modèle conflictuel énumère les conditions porteuses de conflits au sein de l’organisation : (1)
interdépendance des tâches entre plusieurs acteurs, (2) asymétrie dans les relations de travail, (3)
différences dans les critères de performance et de rétribution, (4) différenciation des tâches, (5)
manque de satisfaction des acteurs, (6) ambiguïté sur les définitions des responsabilités et des rôles,
(7) partage de ressources, (8) habilités et caractères personnels et (9) obstacles à la communication
(dont différences de culture, de langage ou de jargon).
Des évolutions majeures dans le système d’information, peuvent réduire l’incertitude sur les activités,
simplifier des séquences obscures, modifier les règles de contrôles, accroître les niveaux
d’interdépendance entre acteurs. En ce sens ils sont bien porteurs de modifications de pouvoirs et de
conflictualités. L’organisation définie comme le terrain de mise en place des technologies et systèmes
d’information, devient également le théâtre et le médiateur des impacts et changements produits par
ces outils sur les utilisateurs du système.
Lorsque les individus agissent et interagissent dans un système social, tel que par exemple, une
organisation, ils produisent trois propriétés structurantes de cette organisation. Ils produisent du sens,
du pouvoir et des normes. La construction du sens se matérialise par la mise en place plus ou moins
durables de contextes de communication qui constituent des schèmes interprétatifs, c’est à dire des
cadres de connaissances et de compréhension partagés qui jouent le rôle de médiateur de
communication. Le pouvoir se réfère au sens large, à la capacité transformatrice dont est doté
l’individu, c’est à dire la latitude dont il dispose pour affecter (seul ou avec des alliés) le monde qui
l’entoure. Les normes et les conventions régissent de manière plus ou moins formelle les interactions
entre les acteurs.
Le système d’information au carrefour de toutes ces propriétés devient alors un produit socialement
construit, et qui en tant que tel est porteur d’un grand nombre de risques !
Malheureusement ce phénomène n’est pas toujours rendu visible dans les organisations du fait de la
séparation dans le temps et dans l’espace des processus de conception et des processus d’utilisation.
Les erreurs de construction du nouveau système d’information peuvent de ce fait se retrouver dans
des situations de conflits porteuses de mouvements de transformation ou de changement
organisationnel. Car la technologie de l’information n’est pas neutre, elle façonne un champ de
contraintes et d’opportunités pour les acteurs dans un univers où les rapports contractuels et les
engagements sont peu clairs, les rôles respectifs de chacun et les rapports hiérarchiques traditionnels
demeurent ambiguës et peuvent être remis en cause,
31
Dés lors l’émergence d’une nouvelle cartographie des jeux de pouvoirs au moment de l’implantation
d’un système informatique est porteuse de risques majeurs. Il ne s'agit donc pas seulement d'un
problème purement technique de choix de la bonne solution technologique, mais d'un enjeu beaucoup
plus vaste, à la fois organisationnel, social et politique. Ce qui suppose pour conduire le projet,
d’adopter une posture d’analyse stratégique de l’organisation pour comprendre les dynamiques
profondes, identifier les acteurs en présence, évaluer les manoeuvres possibles et les champs du
négociable, choisir des options, et définir des tactiques de mise en oeuvre. Les échecs constatés
proviennent de l'impréparation des Directions et des équipes projets à gérer cette problématique de
décodage et de régulation qui s'exprime au travers des conflits de métiers, d'influence et de valeurs !
Dans le cadre des projets d’évolution du système d’information, la question de l'acteur est donc
centrale parce qu'on ne peut pas réfléchir sur l'information sans lui associer le pôle de l'individu et le
pôle de l'action.
Selon les situations, l'acteur apparaît tantôt comme rationnel, prenant des décisions à l'issue d'un
processus linéaire et rationnel ; tantôt comme acteur social, engagé dans des stratégies de tous ordres,
faisant preuve d'autonomie et d'initiatives, utilisant l'information selon le problème concret ou l’enjeu
qui l'occupe ; parfois aussi comme acteur collectif, groupe de travail ou organisation tout entière, qui
met en oeuvre ou subit une politique d'information.
Face aux évolutions du système d’information, chaque acteur est donc conduit à réfléchir sur son
niveau d’engagement, sur le champ du négociable en ce qui le concerne et sur les intérêts et le
bénéfice qu'il peut tirer du nouveau système. Raisonner en termes d'interactions demande donc
d'approfondir la façon dont un acteur se dote d'un système d'information personnel, constitué de tous
les circuits interpersonnels d'informations plus ou moins formalisées et d'outils techniques qu'il utilise
pour s'informer en adéquation avec sa situation de travail.
Comme tout projet de changement, les projets d’évolution des S.I vont donc créer ou rendre visibles :

Des conflits entre les métiers avec des perdants et des gagnants

Des modifications dans l’usage des outils (appropriation ou rejets)

Des résistances face aux nouveaux modes opératoires (Syndrome OATFCC20)

Des évolutions de structures et modifications de pouvoirs entre acteurs, fonctions, métiers

Des modifications des stratégies d’alliance et / ou d’opposition

Des risques sociaux (externalisation, gains de productivité, mise en place de nouveaux outils de
pilotage, …)

20
Des évolutions culturelles et comportementales (attendues ou non)
OATFCC : ON A TOUJOURS FAIT COMME CELA !
32
Le niveau de maturité organisationnelle modifie également les besoins de compétences, notamment
dans le domaine du management des systèmes d’informations. Cette modification des compétences
peut se traduire par l’arrivée de nouveaux arrivants dont le positionnement peut faire de l’ombre aux
« anciens » et provoquer des conflictualités et des logiques d’opposition. Mais de nombreux acteurs
internes peuvent hésiter à acquérir de nouvelles compétences pensant (à tort ou à raison) qu’ils n’en
sont pas capables, et que leur incapacité va se traduire par une dépréciation de leur image, une
diminution de leurs responsabilités ou un affaiblissement de leur pouvoir !
Les forces en présence peuvent alors conduire les « jeux d’acteurs » à faire évoluer les variables de
cadrages à savoir la nature et les objectifs du projet, la méthodologie support, le planning et les
résultats attendus, contribuant ainsi à l’apparition de résultats émergents non prévus initialement.
Tous les projets d’évolution du système d’information sont porteurs de conflictualités. La
conflictualité est un bon indicateur pour comprendre l'organisation. Au travers du conflit, les acteurs
révèlent ce qui fait sens et ce qui compte pour eux. Ils entrent en conflit pour manifester un désaccord
et essayer de faire entendre leurs points de vue. Dans le processus conflictuel se dévoilent et se
confrontent les conceptions de l'organisation partagées par les différents acteurs. C'est dire l'intérêt
qu'il y a à écouter les conflictualités dans les projets d’évolution du S.I car beaucoup de projets
d’évolution du S.I ne sont ainsi qu'une suite de conflits qui s'accélèrent et s'amplifient à mesure que le
projet avance ! BESSON (1999) identifie quatre types majeurs de conflictualités dans ce type de projet
:

Les conflits de modes opératoires portent sur la définition et la meilleure manière de réaliser une
tâche ou un ensemble de tâches. Par exemple, les acteurs vont se confronter sur la question des
procédures de passation d'une commande, sur la manière de saisir une facture, sur les méthodes de
calcul d'un coût de revient.

Les conflits de métiers portent sur le type de compétences nécessaires, sur la distribution de ces
compétences entre les acteurs, sur l'organisation des filières métiers. La mise en place d'un ERP
transforme plus ou moins profondément les métiers. D'anciens métiers deviennent obsolètes, de
nouveaux métiers émergent. Le profil des métiers change mais les individus restent, s'interrogent
sur leur avenir, se défendent de leur perte d’influence ou saisissent des opportunités de pouvoir.

Les conflits d'influences portent sur la distribution du pouvoir. Ce type de conflit se manifeste
sous des formes différentes, souvent détournées. Le pouvoir n'est pas une question qui se traite
frontalement dans l'entreprise. Le conflit d'influence se manifestera donc au travers de questions
souvent techniques : par exemple, la confidentialité et la sécurité des données ou le degré de
standardisation des nomenclatures client, produit ou comptable. Dans de nombreuses entreprises,
33
la différenciation informationnelle a été un moyen de construction et de consolidation des
pouvoirs locaux. En voulant réduire ces autonomies informationnelles, la dynamique de la
standardisation impulsée par un projet (de type ERP par exemple) remet en cause l'équilibre des
pouvoirs, des territoires, des castes, des stratégies d’alliances et d’opposition.

Les conflits de buts et de valeurs portent sur les finalités de l'organisation et sur les modalités de
la création de valeur. Les évolutions des S.I s'articulent de plus en plus autour d'une refonte des
systèmes d'information financière et des outils de pilotage et de contrôle de gestion. Cette refonte
est souvent l'occasion pour l'entreprise de moderniser sa culture de management et ses pratiques de
gestion économique. Dans de nombreuses entreprises marquées par la domination des cultures
techniques, la réticence vis-à-vis de la culture financière véhiculée par ces nouveaux outils est une
source très importante de conflit. Les acteurs n'acceptent pas la domination de la culture financière
avec son corollaire, le durcissement des critères de création de valeur, la modification de la culture
et des exigences managériales, et les évolutions du système de contribution – rétribution qui bien
au-delà des enjeux financiers peuvent venir détruire une hiérarchie d’appréciation basée parfois
plus sur l’apparence, la relation et l’agitation que sur les réalisations contributives de valeur réelle.
Les acteurs immatures en charge des évolutions du S.I véhiculent le même modèle de l'organisation
mécaniste que les ingénieurs industriels de la première heure. Malgré le développement des sciences
de l'organisation, ils sont restés attachés aux vieux concepts tayloriens du début du siècle. Comme eux,
ils confondent l'écriture de procédures et la construction d'une organisation.
Illusionnés dans un exercice de « rengineering virtuel », ils oublient que l'organisation est un système
socio-technique, un subtil équilibre de modes opératoires, de métiers, de relations d'influence et de
systèmes de valeurs. Dés lors réduite à ses modes opératoires, rebaptisés pour la circonstance «
processus », l'organisation fait de la résistance. Organiser, c'est reconstruire une communauté autour
de nouveaux modes de coopération. Les échecs constatés proviennent de l'impréparation des
Dirigeants et de l’encadrement à gérer cette problématique communautaire qui s'exprime au travers
des conflits de métiers, d'influence et de valeurs. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets,
comme eux, ils refont les mêmes erreurs.
La maturité en matière de management de système d’information passe donc par la compréhension de
l'organisation et la capacité à décoder et à réguler les jeux d’acteurs. Ce qui suppose une posture
stratégique des acteurs en charge des évolutions du S.I. Il faut comprendre les dynamiques profondes,
identifier les acteurs en présence, évaluer les manoeuvres possibles, choisir une option, puis définir et
négocier une tactique de mise en œuvre du changement, qui vise à créer, puis à légitimer, une nouvelle
norme d'action.
34
L'action organisationnelle met l'accent dans ce cas sur le désapprentissage des anciennes normes, la
construction des significations liées à la nouvelle norme et la négociation avec les acteurs des
conditions opérationnelles de mise en oeuvre de cette nouvelle norme. Avant de s'intéresser aux outils
et à leur mode d'utilisation, les acteurs sont en attente d'explication sur le sens de la rationalisation de
l’organisation cible, sur l'impact que cette dernière aura sur leurs métiers, sur leur autonomie, leur
marge de manœuvre et de confort, sur leurs métiers, leurs relations voire leur existence même au sein
de l’organisation. Les acteurs veulent comprendre le pourquoi de l'innovation, expérimenter les
implications sur leurs métiers et leurs zones d'influence et être activement impliqués dans la définition
opérationnelle de l'outil, et l’émergence de la nouvelle organisation.
Un des signes de maturité dans le management des systèmes d’informations est bien la prise en
compte dans la conduite des projets d’évolution de la complexité et de la conflictualité des jeux
d’acteurs, avec pour corollaire l’abandon du mode unique de pensée cartésienne ! Ne pas le faire
ouvre la porte a des risques financiers, sociaux et techniques incalculables !
5.5 La méconnaissance des usages des utilisateurs
Peu d’entreprises se soucient d’analyser précisément les usages a posteriori que font les utilisateurs
des technologiques de l’information et de la communication. Il est cependant nécessaire d’intégrer les
règles qui structurent traitement social de l’information pour expliquer le comportement individuel et
collectif dans l’utilisation des moyens de communication.
L’efficacité d’un outil est ainsi déterminée en partie par les attitudes et comportements des acteurs au
sein de l’organisation. Ces sources d’influence sociale permettent à l’individu d’arbitrer – à son
niveau - les conditions d’utilisation du système d’information. Elles modifient donc les perceptions
individuelles des différents moyens de communication.
Pour expliquer, dans un contexte donné, le choix d’un outil de communication et le comportement
adopté face à cet outil, il est indispensable d’identifier des critères rationnels et des facteurs
d’influence sociale qui vont présider au choix et à la bonne utilisation (ou non !) de tel ou tel outil et
de les enrichir par l’étude sur le terrain d’un certain nombre de variables d’usage telles que :
La nature de l’activité / tâche.
La richesse et la facilité d’utilisation de l’outil
Le contenu du message à traiter
35
La situation d’utilisation de l’outil
La signification symbolique de l’outil
La fonction occupée par l’utilisateur et son rapport avec la technologie
La culture nationale
De plus en plus des changements radicaux sont imposés aux acteurs par les évolutions des systèmes
d’informations. Les rythmes du changement s’accélèrent, les produits sont individualisés, les
organisations doivent s’adapter au changement perpétuel (en ajustant les hommes, les technologies et
les processus). Ces changements représentent pour les acteurs une perte de contrôle, une perte de
pouvoir, une perte de crédibilité et de légitimité qui se traduisent par une vulnérabilité accrue et des
pressions souvent insupportables.
La possibilité de partager de l’information instantanément et sans coûts dans le temps et dans l’espace
impose de devoir constamment anticiper, pour y parvenir les acteurs doivent disposer des conditions
émotionnelles de l’implication et de la responsabilité (confiance) et de la cohésion (sentiment
d’appartenance). Non seulement la plupart du temps ces conditions ne sont pas réunies mais de plus ils
constatent que leurs outils de références, leurs avantages traditionnels et leurs statuts actuels vont
disparaître.
La réaction des acteurs est alors inévitable en terme d’usages qu’ils font et feront du système
d’information. Force est de constater que ces acteurs ont très bien compris que le système
d’information est un outil de pouvoir fantastique, et qu’ils apprennent à s’adapter aux menaces que
celui-ci fait peser sur eux en modulant de manière non visible les usages qu’ils feront de l’information.
Cette situation est porteuse à terme de risques majeurs car la majorité des Dirigeants n’est pas
sensibilisée aux critères permettant d’apprécier l’efficacité d’usage de tel ou tel média dans telle ou
telle situation. C’est alors la gouvernance et les règles de fonctionnement qu’il faut faire évoluer, car
les projets se déploient avec des utilisateurs insuffisamment consultés, des outils de mesure imparfaits
ou absents, l’absence de tout référentiel commun, un manque de maîtrise du système d’information,
une analyse superficielle des risques, la sous-évaluation systématique de l’impact sur les rapports
humains, et une non cohérence des outils installés dans les différentes strates de l’entreprise.
Face a des acteurs qui ont de plus en plus de mal à trouver des nouveaux repères, le développement
des outils de communication
doit obligatoirement s’accompagner d’une formation au « e-
management » pour maîtriser les bouleversements individuel et collectifs induits par ces outils. « La
technologie n’a jamais défini l’organisation, elle ne fait que créer les potentialités dont les managers
doivent s’emparer (M. Kalika, 2002) »
36
5.6 Et beaucoup d’autres causes !
La course effrénée au délai demandée par les décideurs est en corrélation directe avec l’accélération de
l’économie, et les changements répétitifs d’organisation. En quelques années les délais impartis à des
projets de taille identique ont été réduits d’un facteur de 2 à 4, alors que les temps de prise de décision
ont eux de leur cotés été allongés de la même manière. Ce double phénomène de contraction du temps
et d’allongement du délai de prises de décisions
21
augmentant considérablement la probabilité
d’erreur de conception, d’autant plus que les temps consacrés aux test sont de plus en plus réduits
Si l’efficacité du système d’informations est un facteur majeur dans la performance de l’entreprise, il
n’en demeure pas moins une construction qui repose encore sur des fondations méthodologiques
relativement jeunes, sur des évolutions technologiques à rythme forcée et pas encore « sèches », des
ambitions démesurées (tout refaire en une seule fois), sur des distributeurs de solutions dont la
pérennité n’est pas garantie et sur des concepts mal appropriés ! toutes ces conditions induisent pour
une absence de rigueur, des effets de mode, des visions court-termistes, des impasses technologiques,
et des projets dont la complexité dépasse largement les capacités managériales des acteurs concernés.
Le mythe du progiciel miracle reste encore bien ancré dans les mentalités. Bien entendu la contorsion
organisationnelle pour faire rentrer les pratiques dans les paramètres est largement sous-estimée. Les
projections en matière d’organisation cible collent à l’existant ou ressemblent à des lettres au Père
Noël, et ignorent complètement les évolutions possibles des business models. Les incohérences de
modèles de management entre les choix induits par l’outil et les pratiques de terrain rendent les
fonctionnements complexes et porteurs d’inefficacité et de stratégies d’évitement au niveau des usages
des utilisateurs. Les cahiers des charges sont indigents ou procèdent d’une abondance relevant d’un
cahier de décharge.
Les coûts pris en compte sont ceux des licences, de la formation et du paramétrage. Les coûts internes
sont systématiquement ignorés ou sous-estimés.
Des contrats trop contraignants imposés par des clients apeurés a leurs prestataires, font que les acteurs
passent plus de temps a se protéger qu’à chercher des solutions adaptées et ou innovantes !
Toutes ces raisons et bien d’autres encore (que nous développerons) font que conduire un projet S.I
revient encore dans beaucoup d’entreprises à prendre rendez vous avec le diable !
21
Cet allongement est en partie due à la volonté des acteurs de développer des modes collectifs de prise de décisions pour se protéger du
risque d’erreur dont un acteur pourrait être rendu responsable personnellement
37
6 Les mécanismes d’apprentissage organisationnels
Le fait de se poser la question de la construction d’un nouveau système d’information va questionner
l’entreprise dans de nombreux domaines. Le nécessaire alignement stratégique du système
d’information doit conduire l’entreprise à formaliser son Business Model, à clarifier sa stratégie et à
identifier son positionnement dans la chaîne de valeurs et ses avantages concurrentiels. Souvent la
mise en œuvre d’un nouveau système d’information conduit l’entreprise à se poser des questions
nouvelles et à s’extraire du quotidien pour construire, argumenter et faire partager une vision …
L’organisation et les pratiques de management sont également remises en cause, nécessitant des
mécanismes de désapprentissage et d’apprentissage. Les conflictualités à gérer devront être dépassées
et des nouveaux modes de fonctionnement devront s’implanter dans les pratiques quotidiennes. Trop
souvent sous-estimée, la conduite du changement au travers de la régulation des mécanismes
d’apprentissage managériaux et organisationnels va structurer les dynamiques sociales qui vont en
réalité déterminer les résultats obtenus (rejet ou stratégies d’évitement).
Il faudra donc déterminer quelles formes d'apprentissages mobiliser et à quel moment. Même si
certaines formes d'apprentissage sont reconnues comme plus efficaces par les théoriciens de
l'organisation, elles n'en sont pas pour autant nécessaires à toutes les situations que l'entreprise va
rencontre dans la construction ou l’ajustement de son système d’information. Toutes les formes
d'apprentissage nécessitent de l'énergie, induisant anxiété et perturbation. C'est pourquoi il apparaît
essentiel de réfléchir, du point de vue de la conduite du projet, au moyen de mobiliser de manière
distincte les différentes formes d'apprentissage, selon les enjeux de la situation. Le concept de vision
stratégique se pose comme l'une des réponses possibles à cette problématique. En effet, une vision
stratégique partagée est généralement considérée comme un levier fondamental pour la réussite du
projet et l’accroissement de la performance de l’entreprise.
6.1 La « vision stratégique » comme levier du changement
La vision constitue un concept fondamental pour la stratégie d'entreprise, largement développé ces
dernières années. Il représente l'une des réponses les plus intéressantes au pourquoi du changement
organisationnel. En effet, le changement et l'apprentissage organisationnels sont souvent abordés
sous l'angle de leurs processus, mécanismes et freins. Cependant, le problème de savoir pourquoi un
ensemble d'individus accepte, à un moment donné, de se mobiliser et de changer collectivement
38
derrière des objectifs communs l'est moins fréquemment. La notion de vision permet d'éclairer de
manière intéressante ce problème
Le principe fondamental de la vision consiste, pour une entreprise, à se fixer des ambitions
démesurées pour le futur par rapport à l'état actuel de ses ressources (Hamel & Prahalad, 1994). La
vision est donc un point de repère que l'entreprise se fixe dans l'avenir, en dehors de toute contingence
liée à son passé et son présent. La vision revêt en fait une dimension "onirique" évidente. Le rêve
constitue en effet l'un des fondements majeurs de l'ambition. Par opposition à toutes les théories
associées à l'adéquation à l'environnement concurrentiel (Porter, 1985), les approches fondées sur
la vision supposent une volonté délibérée de s'émanciper de ces conditions environnementales
actuelles, afin d'être en mesure des les influencer. L'entreprise doit en effet réfléchir, au-delà d'une
simple démarche prospective, à ce qu'elle pense que son environnement sera demain, voir à ce qu'elle
souhaite qu'il devienne (Hamel & Prahalad, 1994).
Cette première approche la vision étant opérée, quel est le lien entre la vision et le changement
organisationnel ? Comment une ambition peut-elle conduire l'organisation à se transformer, à trouver
de nouvelles voies de création de valeur, parfois à l'encontre du sentiment général ? La vision
consiste justement, à s'imposer des ambitions dans le long terme totalement disproportionnées au
regard des moyens disponibles (Hamel & Prahalad, 1989). La tension est issue de l'écart entre la
réalité présente et le futur souhaité (Senge, 1991). "La tension, ainsi que la créativité qu'elle engendre,
sont le moteur et l'énergie de la croissance et de la vitalité de l'entreprise" (Hamel, 1991). De fait, elle
constitue une "obsession de vaincre à tous les niveaux", formulant un désir de domination et de
progrès, tout en dépassant le cadre d'une simple ambition prétentieuse. Elle confère ainsi une
consistance aux actions de l'entreprise sur le court et le moyen terme. Nous verrons plus loin que cette
situation ne sera pas étrangère aux modifications des cartographies de pouvoirs au sein du
management puisque les représentations du futur laissent clairement entrevoir que « certaines cartes
peuvent et / ou doivent être reconfigurées
6.2 Les dynamiques qui s’organisent autour de l’apprentissage
Cyert et March (1963) conceptualisent l'organisation comme un système ouvert rationnel et
adaptatif qui apprend de ses expériences pour modifier ses comportements en fonction des rétroactions
de l'environnement selon des normes et des routines précisément définies. L'apprentissage
organisationnel est alors un phénomène qui induit la modification du comportement de l'organisation
sous l'influence des réponses de l'environnement aux actions organisationnelles. L’apprentissage
organisationnel apparaît comme une réponse à une source de déséquilibre ou de rupture.
39
Bien entendu les membres de l’organisation vont chercher à tirer profit la démarche et vont donc
modifier leurs comportements selon leur interprétation des événements et les opportunités qu’ils
croient pouvoir saisir au travers des stratégies d’alliances et d’opposition actuelles ou reconfigurées.
L'apprentissage devient alors un support de transformation majeur du cadre de l'action collective
Les acteurs d'une organisation se réfèrent sans cesse à des cadres d'action collectifs pour agir,
l'apprentissage est alors perçu comme un phénomène auto-engendré par les organisations (et les
acteurs) pour assurer leur régénérescence. Argyris et Schön (1978) ont privilégié une perspective
individuelle de l'apprentissage organisationnel. Les travaux par exemple, même s'ils sont fondateurs
du concept d'apprentissage organisationnel, partent de présupposés qui laissent une place centrale à
l'individu. Dans leur conception, l'apprentissage organisationnel est un processus dans lequel les
individus cherchent à se forger une représentation de l'organisation et à défendre ou modifier leur
place dans l'organisation par des transformations comportementales et des transformations
cognitives.
Les transformations comportementales sont le fruit d'une adaptation d’un acteur aux stimuli de son
environnement. Les transformations cognitives s'exercent lorsque l'organisation transforme ses
cadres de référence fondamentaux, donc ses modèles par l'introduction d'une contrainte inattendue,
d'une rupture (Kim, 1993) ou d'une dose de désordre qui force l'organisation à modifier sa manière
de penser pour y répondre. Dès lors, les problématiques
de
transformation dans le cadre d’un
projet d’évolution du SI s'avèrent être un défi majeur pour les managers, car les changements
envisagés vont déstabiliser l’organisation et ouvrent la porte à la redéfinition (possible) de nouvelles
règles du jeu. Leur régulation s'avère alors pour le moins problématique car les logiques des acteurs
et leurs interactions avec les processus de changement ne dépendent que rarement d’une
action intentionnelle de l’entreprise.
7 L’origine des conflits de pouvoirs entre acteurs
7.1
Les jeux de pouvoirs inhérents à toute organisation
De nombreux auteurs ont travaillé sur les jeux de pouvoirs au sein d’une organisation. (partie en cours
de reconstruction)
Dans Le pouvoir dans les organisations, Henry Mintzberg décrit les diverses formes de pouvoir dans
les organisations. Il définit le pouvoir de la façon suivante : "la capacité à produire ou modifier les
40
résultats ou effets organisationnels". Cette capacité est motivée par des buts : "intentions précédant les
décisions ou les actions".
Mintzberg recherche les différents détenteurs de pouvoir et étudie la façon dont ils exercent ce
pouvoir. On voit apparaître dix sortes de détenteurs d'influence classés en deux catégories. La coalition
externe : les propriétaires, les associés, les regroupements de salariés, les publics. La coalition interne :
Le conseil d'administration, le PDG, les opérateurs, l'encadrement, la technostructure, la logistique. Il
existe un onzième agent : l'idéologie de l'organisation. On distingue alors cinq moyens d'influence
externe : les normes sociales, les contraintes formelles, les campagnes de groupes de pression, les
contrôles directs, la participation au conseil d'administration. Les normes sociales sont souvent très
générales, instables et divergentes. Dans la coalition interne "le PDG est le plus souvent l'individu le
plus puissant. Il connaît les buts et a à sa disposition les moyens pour les atteindre. Les cadres
intermédiaires, en fonction de leur position dans la hiérarchie, partagent plus ou moins le pouvoir du
PDG. L'influence des opérateurs ne peut se faire que par les politiques (pouvoir informel) ou par leur
compétences professionnelles. Les analystes de la technostructure recherchent la qualité
professionnelle et ne voient que l'aspect coûts/bénéfices. Le personnel de soutien logistique
(administratif…) aura du pouvoir en fonction de ces qualifications.
Ces différents membres vont mettre en place cinq systèmes au sein de la coalition interne : l'autorité
personnelle, l'autorité bureaucratique, l'idéologie (mission à accomplir), les compétences, les
politiques. Les quatre premières sont identifiables, quant à la cinquième elle peut prendre des formes
diverses : rivalités coalition, indiscipline… Ce pouvoir politique peut devenir un appui au pouvoir
légitime ou le remplacer. Ensuite, Henry Mintzberg classe les différents buts en fonction de leur force
de cohésion : l'idéologie, l'autorité, les buts personnels et en dernier les buts systèmes (survie,
efficacité, contrôle, croissance). Il décrit le cycle de vie d'une organisation. Elle débute par l'autocratie
ensuite elle se transforme en instrument (au service d'un agent externe) ou en missionnaire (idéologie
de l'entreprise) puis période de stabilisation c'est à dire système clos (soutien de tous les agents
internes) ou en méritocratie (repose sur les experts) et meurt en prenant la forme d'arène politique
(conflits). Cette mort permet aussi le passage vers d'autres formes.
Mintzberg montre la profondeur des relations de pouvoir dans l'entreprise. Il y a une pluralité d'agents,
une pluralité de buts avec des alliances diverses et des jeux d'influence de l'entreprise et de son
environnement. Mais au fil du livre on voit transparaître son penchant pour un certain type d'entreprise
: un chef puissant, des buts systèmes afin d'affronter la compétitivité économique et l'accroissement de
la rationalité. Il ne fait pas l'impasse sur des éléments ne correspondant pas intégralement à son modèle
comme le pouvoir politique et l'idéologie. Il trouve le pouvoir politique illégitime. C'est un pouvoir qui
ne peut être maîtriser et expliqué mais son instabilité peut permettre un changement de formes. Même
si l'idéologie est difficilement définissable (histoire, culture…), elle donne à l'entreprise une certaine
grandeur. Elle n'est pas indispensable à l'entreprise florissante, mais vitale pour l'entreprise en
7-41
difficulté. Les idéologies qui les parcourent, les arènes politiques où elles tombent ne sont, pour les
entreprises que des mauvais moments à passer.
Dans la vision de SAINSAULIEU, l’entreprise est vue comme le lieu des mutations sociales actuelles,
il indique qu'il existe des formes précises des représentations des rapports sociaux se réclamant toutes
d'une rationalité : ce sont les identités collectives. L'entreprise produit de telles identités et on peut
admettre qu'il puisse y en avoir de nouvelles propres à l'entreprise. Pour SAINSAULIEU
l'apprentissage collectif permet de nous éclairer sur ces identités. Pour progresser l'entreprise doit
compter sur la force vive que représente l'Homme, alors que très souvent l'économie et la technologie
prennent le pas sur la logique sociale.
Quatre modèles -types de l'intégration sociale des membres de l'entreprise sont retenus :

Professionnel : s'appuie sur la confiance en la pratique d'un métier.

Bureaucratique : parcellisation et réglementation des tâches.

Gestionnaire : prend en comptes les relations humaines.

Démocratique : cogestion et autonomie.
Pour WEBER ces modèles sont limités par une double rationalité du monde économique : rationalité
subjective et rationalité objective. Le changement dans l'entreprise passe par le système social qui peut
être abordé de différentes façons : les dysfonctionnements observés dans l'entreprise qui déclenchent
l'examen des jeux de pouvoirs, et les relations avec l'environnement. Pour pouvoir vivre ensemble les
hommes sont obliger de passer par une élaboration collective des représentations du monde. Ce qui
nous permet d'admettre que l'entreprise est une société à part entière, avec ces traditions ses valeurs
propres axées sur le travail, qui est elle-même en interaction avec le monde extérieur qui lui aussi à sa
culture.
Les identités au travail : SAINSAULIEU distingue quatre cultures : fusionnelle, la négociation, les
affinités sélectives et le retrait. Les représentations correspondent à des opinions fondées sur un
processus cognitif dépendant d'un groupe : très rigides si elles sont basées sur des valeurs. Or,
actuellement les changements organisationnels sont nombreux et modifient les relations de pouvoir. Il
y a permanence des apprentissages culturels. En plus, des identités collectives, le travail produit de
véritables types d'acteurs sociaux.
Pour la fusion c'est l'acteur de masse, la négociation l'acteur stratégique, les affinités acteur de soi et le
retrait, acteur d'ailleurs. Cela oblige à créer de nouvelles rationalités au travail. On passe à une
7-42
nouvelle forme d'autorité : travail et élaboration collective, travail par projet…Même si l'on ne pense
pas que l'entreprise puisse produire une culture autonome, on peut y voir des réactions culturelles
dépassant les jeux de pouvoir. SAINSAULIEU rajoute la prise en compte de trois aspects
complémentaires de la culture d'entreprise : les interactions stratégiques, les processus constitutifs
d'identités collectives, la formulation de projet d'organisation.
L'entreprise est un lieu de culture et est un lieu de pouvoir, au travers des identités, des projets, des
processus d’apprentissage…. Il faut également tenir compte de la relation entre pouvoirs et valeurs qui
n'avait pas été abordé par Mintzberg. La culture se trouve au cœur des sociétés mais les processus
affectifs d'identification de l'exercice du travail permettant de modifier les jugements de valeur
(changer de métier, de niveau hiérarchique) pour recomposer de nouvelles valeurs. L'entreprise devient
donc productive de valeurs. Ces valeurs sont le cœur des sociétés, au même rang que les jeux de
pouvoirs et les mécanismes de régulation. SAINSAULIEU nous amène à nous poser deux questions
essentielles : "Quels processus affectifs se jouent dans l'entreprise? De quoi sont constitué les valeurs
et comment jouent-elles en entreprise ?"
CROZIER dans Le phénomène bureaucratique met en œuvre une théorie des interactions entre les
acteurs, puis une théorie plus générale de l'organisation bureaucratique, en observant les relations entre
les catégories de personnel. Pour Crozier "…dans ses relations avec autrui… le pouvoir de chaque
individu dépend de l'imprévisibilité de son comportement et du contrôle qu'il exerce sur une source
d'incertitude importante pour la réalisation des objectifs communs…". Pour faire sa démonstration
Crozier se base sur l'agence comptable, dans ce service, le personnel (femmes), ne se sent pas
considéré d'où un comportement passif. Le fait que la passivité et que les règles impersonnelles soient
acceptées peut être vu comme un jeu admis par tout le monde. C'est une façon d'éviter des situations
de face à face pouvant créer des situations difficiles. Chaque personne calcul l'avantage qu'il peut tirer
d'une situation donnée. Dans le monopole industriel il s'aperçoit que le pouvoir est détenu par les
ouvriers d'entretien et non par les chefs d'atelier, car ce sont les ouvriers qui savent réparer les pannes
de machines. M. Crozier en déduit que le pouvoir n'est pas du domaine de la hiérarchie mais est initié
par des situations imprévisibles dont les uns et les autres profitent. Il se lance ensuite dans une critique
des théories du fonctionnement des organisations, qui pour lui n'ont qu'une vision partielle des
conduites humaines, soit une rationalité technique soit une rationalité des rapports humains. Il faut
donc arriver à grouper ses deux rationalités en une rationalité complète. Il en vient à une clef du
pouvoir : le pouvoir est existant que si on peut changer la conduite des autres et si on y a intérêt et
démontre que même si la rationalité empruntait un "one best way" le pouvoir serait toujours là. Ce
pouvoir "est lié à l'impossibilité d'éliminer l'incertitude dans le cadre de la rationalité limitée qui est le
nôtre". C'est une tentative permanente d'échapper aux changements et ne change que quand sa survie
est mise en cause.
7-43
La passivité met l'entreprise dans l'obligation de passer au contrat pour acquérir de l'autonomie. Pour
Crozier "c'est en effet seulement au travers d'organisations complexes que l'action de l'homme
moderne peut s'exprimer": Les conduites collectives ne sont que le résultat des jeux entre diverses
catégories d'individus. Elles sont toujours motivées et ne dépendent pas de pression extérieure.
Critique du taylorisme. Sur la constitution des règles : L'histoire a eu une influence sur l'apprentissage
des conduites bureaucratiques persistantes du passé, imposant des règles bureaucratiques pour protéger
son indépendance. Les conduites collectives dépendent des possibilités des jeux d'acteurs dans une
société de contrats. Crozier arrive à ces conclusions en faisant des restrictions au niveau de l'exercice
des jeux de pouvoir et sur l'apparition des règles qui les conditionnent. Ces jeux de pouvoir sont liés à
la maîtrise technique dans l'entreprise. Que penser alors des grèves ? Dans tous les systèmes, même les
bureaucraties, on voit que les jeux relationnels ne se cantonnent pas aux relations de pouvoir. Car
comment expliquer ceux qui jouent "contre leur camp" ou pour perdre ? Crozier parle de ces autres
relations mais les considèrent comme secondaires. Crozier ne dit pas que les limitations des jeux de
pouvoir sont dues à une auto limitation. Il nous dit que les croyances collectives découlent des jeux de
pouvoir et de l'autre il nous dit que ces jeux de pouvoir résulte de manière d'agir culturellement
déterminée.
Pour E. Goffman, les conduites sociales peuvent être expliquées par les interactions entre humains.
Avant de définir l'interaction, il faut définir l'action. E. Goffman nous définit l'action "Si l'on prend
pour base la notion de devoir fatal, on peut considérer l'action comme une sorte de mise en scène
personnelle et ritualisée de l'aspect moral de l'accomplissement de ce devoir". Il n'y a action que
quand il y a risque, et que l'on ne connaît pas l'issue du jeu. Pour réduire la fatalité on prend des
précautions : prudence, prévoyance…. qui sont elles-mêmes source d'angoisse. Pour prendre des
risques, il faut posséder des aptitudes primordiales qui sont indissociables du caractère. Le caractère
correspond au sang froid, à l'intégrité, au cran…Mais dans les situations de crise le caractère ne suffit
pas il faut occulter les intérêts personnels et se soumettre à l'autorité. Toute personne en situation
sociale est soumise au jugement des autres. Ce caractère est immuable mais paradoxalement il naît et
disparaît par l'action. Cette contradiction permet à la société d'aborder de nouvelles situations où le
caractère est nécessaire et en même temps assure sa continuité à l'aide de règles et de conventions. Ce
qui nous ramène à la notion de devoir fatal. L'action dépend des risques pris pour eux-mêmes, afin de
fortifier le caractère qui lui-même maintient la société en bonne état. L'action interpersonnelle nous
montre les démonstrations de caractère qui sont l'occasion de joutes. Joutes ritualisées qui permettent à
chacun de trouver sa place dans la société. Tout cela doit se faire à bonne distance du moi sacré.
Goffman reprend une phrase de Durkheim "la personnalité humaine est chose sacrée ; on n'ose la
violer, on se tient à distance de l'enceinte de la personne, en même temps que le bien par excellence,
c'est la communion avec autrui".
7-44
Concernant la mise en scène et le rituel, on s'aperçoit que le rituel n'est pas seulement accompli, il est
interprété, estimé, jugé, corrigé et redéfini. Il est le compagnon d'une grande partie de nos actes et des
relations sociales. La vie sociale est composée d'actions à risques et d'autres plus sécurisées, les
relations sociales sont toujours à risque. La personnalité de chacun est multiple est complexe, ce qui
peut engendrer des situations d'embarras, de détachement ou autres… La protection du moi est
primordiale ; pour chacun cela passe par la protection de ceux des autres. Tous les rituels sociaux sont
fait d'échanges mutuels. Les interactions donnent aux gens le sens de la réalité sociale et désignent leur
place. De plus les règles que nous suivons viennent "des nécessités inhérentes à l'organisations des
rencontres sociales". L'épreuve de caractère permet de distinguer les forts des faibles et sert d'étalon à
l'interaction. Mais on peut déceler des digressions qui pourraient nous faire penser que les interactions
n'expliquent pas tout. Pour rester soi-même on doit faire attention aux autres.
Ces quatre auteurs s'intéressent à la complexité du jeu d'acteur. Ils cherchent le dénominateur commun
qui pousserait les gens à agir de manière sensée malgré la différence de leurs représentations et de
leurs intentions. Pour tous, les gens agissent en raison. Minztberg fait une revue de détail du
management, il souhaiterait que la fonctionnalité buts de système soit la règle en entreprise. Pour
Sainsaulieu il y a deux sortes de raison (subjective et objective) et quatre types d'intégration sociale. Il
pense que les mises en scène peuvent avoir une influence sur les intrigues. Pour Crozier il existe une
rationalité limitée. Pour lui la société moderne créée en permanence des valeurs, même s'il y a des
constantes liées à l'histoire. Pour Goffman les conduites sociales sont basées sur le respect du moi
sacré des individus. Mais lors des moments de crise, il y a soumission à l'autorité. Minztberg et
Sainsaulieu s'intéressent peu aux origines des rationalités. Pour Mintzberg chaque cycle de vie est égal
à un type de rationalité. Sainsaulieu les juxtapose sans chercher leur filiation. Crozier explique que les
stratégies de pouvoir sont le fruit d'une longue histoire. Goffman fait référence à un monde mythique
avec des dieux et des héros. Même s'ils insistent sur la rationalité des conduites (intrigues) fondant les
valeurs. Ils ne peuvent faire abstraction de l'histoire de ces rationalités. Chacun des auteurs idéalise un
ou des types de personnages et n'en autorise aucun autre sur la scène de l'entreprise. L'idéologie de ces
quatre acteurs exclue de penser qu'une personne soit changeante, non-susbstancielle et historique.
Même s'ils veulent l'exclure l'histoire est là. On peut dégager un principe commun : la société moderne
n'a plus rien à voir avec les sociétés traditionnelles. Principe adopté par les entreprises qui vivent de la
compétence et du mérite réunis. C'est ce principe qui va être abordé dans le chapitre suivant.
Pour Elliot. Jaques tout peut s'expliquer par un héritage inconscient. Fondé sur des relations fortes dont
il faut débusquer les anomalies. Il donne un éclairage psychanalytique aux relations dans les
entreprises, il doit cependant être utilisé avec précautions car l'entreprise n'est pas la famille et on court
le risque d'une interprétation erronée des conduites.
7-45
En 1948, E. Jaques débute une étude dans l'usine La glacier Métal Compagny. Il va définir cette usine
comme un champ d'action où tout est en interaction. Il commence par reconstituer l'histoire de la firme
afin d'analyser la façon dont les éléments passés et ayant encore des suites continuaient à influencer la
représentation des choses. Ensuite il analyse les changements de conduite. Avec l'aide de Tavistock il
donne la définition des principaux termes employés. La structure sociale correspond aux positions
(rôle) occupées par les individus ou les groupes. La culture est le mode de pensée partagé par tous les
membres. La personnalité correspond au moi de l'individu. Ces trois termes représentent le caractère
unique de chaque entreprise. Il en découle une définition de la responsabilité, de l'autorité du pouvoir
et de la sanction. L'autorité est l'attribut d'une position dans l'entreprise. Le pouvoir est "la force ou
l'intensité de l'influence potentielle d'un individu ou d'un groupe donné peut exercer à un moment
donné, quelque soit le rôle qu'il assure ou l'autorité qu'il possède". La sanction s'entend comme un
régulateur. A la glacier : le chef peut être anxieux face à l'autorité, les coéquipiers peuvent faire bloc
contre le chef ou être rivaux entre eux. Ces formes de stress peuvent provoquer des mécanismes
d'autodéfense. Pour dépasser ce mécanisme inconscient on peut construire des "processus exécutifs
d'adaptation" (réunion, gestion des erreurs…). Conclusion d' E. Jaques : "une structure
organisationnelle saine est celle dans laquelle chacun des cadres peut accomplir ses obligations en
travaillant avec ses seuls subordonnés immédiats et avec son propre supérieur et ses propres
collègues" c'est ainsi qu'il reçoit "la sanction personnelle de son autorité". L'adaptation sociale de
l'entreprise ne peut se faire que si les rôles sont clarifiés (perlaboration), si l'autorité est bien distribuée
et si les pouvoirs sont équilibrés. Pour maintenir sa bonne santé sociale, une entreprise doit de façon
régulière identifier et retravailler les facteurs cachés qui influencent sa conduite.
On peut définir les idées d' E. Jaques de la façon suivante : L'entreprise est un champ d'actions où tous
les évènements sont en interactions ce qui fait émerger d'autres problèmes. Les conduites au sein de
l'entreprise sont déterminées par sa structure sociale (rôle), sa culture, la personnalité de chacun des
membres de l'entreprise. Les rôles sont difficiles à tenir car ils impliquent toujours une responsabilité.
Pour assurer une responsabilité le plus difficile c'est l'anxiété souvent inconsciente.
Elle peut déclencher des phénomènes d'autodéfense (fuite) et confusion des rôles. Pour effacer cette
confusion, il faut rechercher la source de l'anxiété.
C'est un travail sans fin car les forces qui agissent dans le champ psychosocial sont à déchiffrer en
permanence. Il nous fait comprendre que l'acteur n'est ni une marionnette avec des impulsions
contradictoires, ni un être rationnel calculateur. Ces réflexions aboutissent à quelques principes :
l'autorité législative distribue les rôles en fonction de la politique d'entreprise. L'autorité exécutive
transmet hiérarchiquement la politique. La hiérarchie et le commandement : on retrouve les mêmes
responsabilités dans toutes les structures sociales à tous les niveaux. La motivation des membres de
l'entreprise : c'est la clarification des rôles et des sanctions qui motivent les gens. Cette approche,
certainement pour des raisons culturelles et mal connue en France.
7-46
7.2
La fonction de révélateur du diagnostic préalable
La finalité du diagnostic est de permettre une meilleure visibilité et une plus grande lisibilité des
logiques de fonctionnement et d’évolution (ou de transformation) de l’organisation (où en sommesnous ? qui sommes-nous ? comment fonctionnons-nous ? comment appréhendons-nous et résistons
nous aux changements ?) et permettre de comprendre l’organisation peut se projeter (ou s’est déjà
projetée) vers une organisation cible (où voulons nous aller ? voulons nous vraiment y aller ?).
Comprendre le fonctionnement d’une organisation suppose de la décoder en tenant compte des aspects
formels et visibles, mais plus encore des aspects informels organisant et régulant les courants de fond
des dynamiques sociales de pouvoirs autour des enjeux des acteurs.
Les acteurs externes qui animeront le diagnostic préalable vont travailler sur les différentes dimensions
de l’organisation et ce, par l’émergence (à partir des informations collectées) de nouvelles cartes ou
« cartographies » permettant de comprendre les différents aspects du paysage organisationnel et
social.
Les cartographies les plus courantes sont les suivantes :

Une carte « structurelle », basée sur l’organigramme et le découpage en services et fonctions

Une carte « des zones collaborative », basée sur les processus clé et les besoins de collaboration
pour réaliser au mieux les différentes missions et activités et répondre avec la plus grande
efficacité aux besoins des « parties prenantes »

Une carte des « pouvoirs » basée sur les influences (actuelles ou recherchées), les alliances, les
zones de conflictualités, et les représentations culturelles et claniques

Une carte des « moyens et des compétences » basée sur la capacité de l’organisation à mobiliser
des moyens pertinents par rapport à des niveaux de préoccupations donnés et l’anticipation et
l’accompagnement de nouveaux modes de fonctionnement

Une carte du système d’information, basée sur l’étude des flux réels d’informations et des outils
support , pour mieux apprécier les usages qu’en font les acteurs et les règles formelles et
informelles qui président au partage et à l’exploitation de ces informations (notamment les
principes de gouvernance du système d’information)
7-47

Les cartes des interfaces permettant de comprendre comment un dysfonctionnement notoire (qu’il
faut certainement supprimer) dans une dimension cartographiée est généré par un avantage majeur
(qu’il faut absolument conserver !) dans une autre dimension cartographiée.

La carte des pratiques de management permettant de mieux comprendre les modes de régulation
sociale, les souhaits réels de collaboration (dépassant les logiques de pouvoirs) les comportements
des acteurs et les décalages entre les intérêts individuels,

Les cartes de « positionnement » permettant de comprendre les paradoxes paralysant entre des
missions confiées à certains acteurs et leur positionnement au sein de la structure.

Les cartes des « maturités » permettant de mettre en évidence les illusions collectives (décalage
entre les objectifs recherchés et la maturité des acteurs en terme de compréhension, de pratiques et
de relations pour y parvenir)

La cartographie des projets analysant leur mode de gestion et leurs interactions avec l’organisation
hiérarchique et les objectifs stratégiques
La recherche de transversalité génère de nombreuses situations de conflictualités (conflits de modes
opératoires, conflits de métiers et de fonctions, conflits de pouvoirs et d’influences, conflits de valeurs
et de sens) au sein d’une organisation majoritairement hiérarchique et cloisonnée. Pour analyser les
process de déploiement de cette transversalité il convient de rendre visible et lisibles les différentes
dimensions que ces cartographies permettent d’approfondir.
L’animation et la co-construction de ce diagnostic avec les acteurs , implique des « allers-retours »
entre l’organisation visible et les niveaux des multiples dynamiques du systèmes d’acteurs car
l’exigence de lisibilité et de visibilité ne porte pas uniquement sur le monde apriorique du prescrit
procédural, mais doit permettre d’élucider les interprétations et les significations des logiques de
travail, les enjeux de pouvoir des acteurs et les causes porteuses des comportements réels (souvent à la
base de l’inefficacité partagée) et des multiples conflictualités.
Le travail de diagnostic visant à identifier les facteurs d’échecs et de succès dans l’émergence d’une
nouvelle organisation cible vis à vis de laquelle, certains acteurs seront en conflits de modes
opératoires, d’intérêt, de pouvoirs ou de valeurs, il sera nécessaire de comprendre en quoi les
transformations souhaitées, subies ou tout simplement possibles, affectent les règles du jeu existantes,
et les grands équilibres souterrains qui régulent la paix sociale et les jeux « de chat et de souris » au
sein de l’encadrement .
Les processus d’apprentissages et les logiques d’exemplarité qui ont été mis en œuvre pour favoriser
les évolutions souhaitées sont également analysées, et leur conception, leur déploiement et leurs
7-48
niveaux d’appropriation sont comparées aux résultats obtenus …Il est évident qu’un tel travail, va
rendre visible bien des comportements qui ne sont officiellement condamnables qu’à partir du moment
ou ils intègrent le monde du visible. Les acteurs vont alors réagir différemment face à la mise en
lumière des règles informelles.
Certains acteurs vont penser que le temps est venu de modifier certains comportements qui ont besoin
d’ombre et d’opacité pour se développer et perdurer, « ce qui est pris est pris » et leur conscience des
mécanismes de changement les conduit à prendre le train en route. D’autres acteurs au contraire vont
s’arque bouter dans des combats d’arrières gardes tentant de justifier les situations évoquées en
mettant en cause les autres acteurs allant parfois sans vergogne dans la mauvaise foi, sans se rendre
compte du discrédit qu’ils s’auto-attirent par de tels comportements.
Enfin, certains acteurs vont très vite comprendre l’intérêt qu’ils peuvent tirer d’adhérer aux nouvelles
orientations, et pressentent les naufrages prévisibles de certains responsables. Certains n’hésitant pas à
les encourager par des faux soutiens et encouragements dans leurs comportements suicidaires …
Le diagnostic préalable, s’il est bien fait, va souvent être le premier acte de la reconfiguration des
cartes managériales au sein de l’entreprise …
A insérer ici de nombreux verbatim issus des entretiens de diagnostic, de la restitution du diagnostic et
la comparaison entre les propos avant de démarrer un diagnostic et les propos après la validation du
diagnostic par la DG
7.3 La remise en cause de la fonction informatique existante
Dans bien des entreprises la fonction informatique va être au cœur des jeux d’acteurs dans les projets
d’évolutions du SI. Son influence, sa structure, le profil et le positionnement de son responsable
(caractéristiques déterminantes pour apprécier les pratiques de gouvernance et de management du S.I)
risquent alors d’être remodelés en fonction des orientations du nouveau projet.
Soit la Fonction informatique pilote le S.I et les évolutions du S.I, démontrant par là que la Direction
n’est pas vraiment présente au niveau de la maîtrise d’ouvrage, et que sa compréhension des enjeux du
S.I reste encore faible. Soit la Direction assume bien les rênes de la maîtrise d’ouvrage, et la fonction
informatique demeure une fonction support en charge des outils informatiques et de la sauvegarde des
données numériques.
7-49
La mise en œuvre d’un projet d’évolution du S.I peut alors représenter des bouleversements positifs ou
négatifs pour les acteurs de fonction informatique ….
Bouleversements négatifs
Bouleversements positifs
Perte d’influence
Rattachement à la D.G
Externalisation de la Fonction
Ouverture sur le S.I
Remplacement du Responsable
Accroissement des compétences
Obligation d’instrumenter les prestations
Rôle stratégique de la fonction
Mise en lumière des incompétences
Recentrement sur des tâches d’exploitation
Les rapports souvent assez tendus entre les acteurs informatiques et les utilisateurs seront autant de
bonnes raisons de rééquilibrer les postures et les pouvoirs. C’est alors souvent un acteur externe qui va
servir de catalyseur de l’évolution en travaillant avec la Direction.
Il faut remarquer que jusqu’à quelques années les prestataires informatiques faisaient du Responsable
Informatiques leur interlocuteur privilégié, car ils savaient que ce dernier pilotait implicitement ou
explicitement les investissements et les budgets. Cette situation a considérablement évoluée et ce pour
diverses raisons :

Les échecs successifs ont conduits les SSII à travailler avec la Direction pour se prémunir des
aléas du projet (dont le manque de disponibilité des acteurs)

La plupart des SSSI offrent des prestations d’externalisation de la puissance de calcul. De fait,
l’interlocuteur majeur devient alors la DG

La maturité des DG en matière de management du SI évolue avec le temps, conduisant l’équipe de
Direction a reprendre la main le management du S.I en s’appuyant sur les acteurs métiers

La culture informatique se répand parmi les utilisateurs et les Responsables métiers
Dans certaines situations le Responsable Informatique ou un des acteurs informatique est le seul a
posséder la connaissance non seulement des outils informatiques existant, mais également des règles
de gestion et des procédures de mises à jour des tables et des fichiers. Cette situation à risque a été
favorisée par des acteurs métiers qui souhaitaient se débarrasser de ces taches de maintenance et par
des acteurs informatiques qui voyaient dans ce transfert des responsabilités une véritable source de
7-50
pouvoir et de pérennité. La mise en place d’un nouveau système risque alors de bouleverser un ordre
établi, avec toutes les conflictualités et les résistances que cela implique.
Pour illustrer ce propos, dans une entreprise de la région qui cherche à implanter un ERP, le
Responsable de la Fonction Informatique qui détenait à lui seule (et volontairement) toutes les
connaissances clés du système a remplacer vient de démissionner bloquant du coup l’ensemble du
projet ! Se sentant menacé, il a tout essayé pour bloquer le projet ou le reporter dans le temps (il est à 3
ans de la retraite). Etant le seul a posséder les connaissances clé du système à remplacer (cote
informatique et cote utilisateurs), il a – poussé dans ses derniers retranchements – choisi la solution la
plus bloquante, ouvrant ainsi la porte a de futures négociation en sa faveur
Le Responsable Informatique cristallise également les insatisfactions des utilisateurs, confrontés à la
difficulté de travailler avec un outil parfois rustique et à la frustration de ne pouvoir retrouver des
fonctionnalités essentielles dans l’outil qu’on leur propose.
A insérer ici de nombreux verbatim issus des entretiens avec des Responsables Informatiques et des
utilisateurs
7.4 Les conflits entre les acteurs métiers
La mise en œuvre d’un projet d’évolution du S.I n’est pas sans conséquence sur les acteurs métiers. Se
dessinent alors plusieurs schémas de conflits plus ou moins ouverts.
Le premier conflit qui apparaît de manière généralisé mais à mot couvert est le rejet par les acteurs
métiers des possibilités de contrôle et de flicage du nouvel outil. Le fait de redéfinir les indicateurs de
suivi et les tableaux de bord des responsables induit la première gêne globale parmi les responsables
métiers. Rarement ouvert ces conflits vont s’épanouir dans des stratégies d’évitement et des difficultés
sans fin à capturer les informations de base.
La redéfinition d’une nouvelle organisation va voir s’affronter différents responsables métiers.
Certains métiers ou fonctions réduits à un rôle mineur parce que sous-équipée en terme d’outils et
d’informations peuvent tout d’un coup reprendre de la vigueur et de l’importance. Leurs Responsables
vont alors tout faire pour valoriser leurs activités et leurs possibles contribution dans la nouvelle
organisation.
7-51
Des acteurs influents et intouchables (pour des raisons historiques, affectives ou parce qu’ils sont les
seuls a maîtriser tel ou tel domaine volontairement) font souvent peser leur joug sur l’organisation, les
acteurs « mineurs » devant s’adapter à leurs diktats. Trop surs de leur influence, ils peuvent tenter de
s’opposer aux évolutions pourtant indispensables. Les autres acteurs vont alors tenter de les pousser à
la faute pour les discréditer et casser (enfin !) l’ordre établi.
La querelle des anciens et des nouveaux est là encore toujours d’actualité. Certains voyant dans le
nouveau projet une occasion bien trop belle de se faire remarquer pour son dynamisme, le coté
novateur de certaines propositions qui ne manquent d’ailleurs aucune occasion de critiquer
l’organisation existante et de manière plus soyeuse ceux qui l’ont construit !
Enfin il ne faut pas négliger le fait que la Direction peut saisir l’opportunité d’un tel projet pour
remodeler les champs de pouvoirs lorsque ceux-ci deviennent trop contraignants. C’est notamment le
cas de tel ou tel Responsable, collaborateur historique de l’entreprise pour qui la Direction à bien des
égards, mais qu’elle réduirait bien à un rôle sans risques en profitant du nouveau projet.
Bien entendu les conflits entre les responsables s’étendent aux collaborateurs, d’autant plus que
chacun a quelque chose à défendre et au moins une situation à envier.
Lorsque les aspects organisationnels et managériaux sont bien pris en compte dans le projet
d’évolution du S.I, tous ces conflits s’inscrivent dans la dynamique des processus de changement et
peuvent être traités comme tels. Mais lorsque les aspects organisationnels et managériaux sont sousestimés tous ces conflits sont autant de poudrières avec effets retard qui viendront rendre très difficile
l’appropriation par les acteurs du nouveau système, car ouvertement c’est le nouvel outil informatique
que chacun rendra responsable pour expliquer les tensions ….
A insérer ici de nombreux verbatim issus des entretiens avec des utilisateurs et les Responsables
métiers
7-52
8 Quel champ de recherche explorer ?
COMPETENCES
EVENEMENTS
CONVICTIONS
ACTEURS
DE LA
FONCTION SI
APPRENTISSAGES
1
PRATIQUES
RELATIONS
2
CYCLE DE MATURITE
DE LA GOUVERNANCE
4
PERFORMANCE
ENTREPRISE
3
GOUVERNANCE
DU S.I
PROJETS D’EVOLUTION DU S.I
Comment expliquer l’évolution de la maturité des acteurs de la Fonction
SI en matière de management du S.I ?
En quoi cette évolution impacte-t-elle la gouvernance du S.I
Quels liens entre l’évolution de la gouvernance du S.I et la performance
de l’entreprise ?
Quels interactions entre la performance de l’entreprise et l’évolution de la
maturité des acteurs de la Fonction SI ?
8-53
8-54
1
9 En conclusion …
Les systèmes d’information vont jouer un rôle de plus en plus important dans les entreprises quelle
que soit leur taille, car ils orientent et induisent tous les mécanismes de coordination entre les
compétences, le travail, les outils, les idées et l’argent. Placées de fait au cœur de toute stratégie
d’affaires, les évolutions des systèmes d’informations deviennent de plus en plus, à la fois l’origine, et
les outils du changement. La maîtrise de leurs évolutions est donc devenue indissociable du
développement de toute entreprise et de toute politique de management.
Avec le temps, les équipes dirigeantes et l’encadrement progressent plus ou moins rapidement en
maturité dans le management de leur système d’information. Cette maturité trouve, sous certaines
conditions,
en partie son origine dans la mise œuvre des projets d’évolutions du système
d’information, et en partie dans l’apprentissage de la maîtrise de la relation « acteurs-outils-usages »
dans les phases de conception, d’implémentation et de routinisation des systèmes mis en place.
Cependant la progression de cette maturité repose sur une dynamique sociale sous-jacente, qui est au
cœur des leviers d’actions dans les positionnements des acteurs. Beaucoup d’entreprises pensent
disposer d’une bonne maturité en matière de management du système d’information, parce qu’elles
pensent maîtriser l’outil technique. Mais beaucoup de ces entreprises ne maîtrisent pas les dynamiques
sociales sous-jacentes, et elles découvriront face à des changements majeurs qu’elles n’ont pas encore
imaginé entreprendre, que cette dynamique sociale peut s’avérer être un boomerang dévastateur dans
le cadre des évolutions de leur système d’information.
Les acteurs ont en effet bien compris le rôle majeur des systèmes d’informations. Ils savent que leur
bon fonctionnement est indispensable à la survie de l’entreprise, et ils comprennent que les évolutions
des systèmes d’informations annoncent, préparent ou camouflent d’autres changements beaucoup plus
importants. Un contre-pouvoir majeur est en train de germer au sein des entreprises, car les acteurs
apprennent à adapter leurs stratégies individuelles par rapport aux évolutions et aux usages des
systèmes d’informations.
Les changements que les entreprises vont subir dans les années à venir vont être gigantesques, la
nature, la forme des emplois, du travail, des rémunérations vont être remises causes. La société
française est l’une des moins bien préparée à faire face à ces changements majeurs. Elle sera donc, à
n’en pas douter, une de celles qui réagiront le plus violemment.
@ HP GODEAU – Février 2006
Concepts et principes de base
La maturité en matière de management des systèmes d’informations doit donc intégrer la capacité à
réguler et à négocier les soubresauts inévitables des dynamiques sociales qui ne manqueront pas voir
le jour lorsque les changements deviendront insupportables aux acteurs sociaux. Ces acteurs utiliseront
alors tous les leviers d’actions possibles pour défendre leurs pouvoirs, leurs enjeux et leurs intérêts,
autant dans les projets d’évolutions du système d’informations que dans les usages quotidiens qu’ils
feront des outils mis à leur disposition. Il y a là des risques majeurs pour les entreprises autant dans les
domaines organisationnels que sociaux et financiers.
Il nous parait donc important d’intégrer dans les facteurs de maturité en matière de management des
systèmes d’informations, la capacité à réguler et négocier dans le temps les dynamiques sociales qui
s’instaurent progressivement autour des évolutions des systèmes d’informations. Notre dépendance
croissante vis à vis de la technologie, va donc peut-être finir par nous ramener à reconsidérer
l’importance des relations humaines !
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