se manifeste auprès de Fouqué, dissociant l’amour d’une réflexion plus
intime, philosophique et passionnée. Mais l’amour pour Mme de Rênal
transparaît dans le choix de « reposer » à Verrières, nouveau retour
au début du roman. L’interrogation délibérative « Qui sait ? »
surprend chez un ancien séminariste : le doute exprimé par Julien
(« peut-être ») sur une forme de vie sensible après la mort traduit
les questions mêlées de l’athée qu’est Stendhal et du héros romantique
qu’est Julien ; la focalisation sur ses « sensations » justifie une
perception romantique où le seul lien entre les deux mondes se fait
par l’amour. La tournure litotique « J’aimerais assez » ouvre une
série de termes euphémistiques, signes de la présence distanciée du
narrateur ; l’anaphore du verbe « reposer », avec la précision sur le
« mot », euphémise la réalité de la mort perçue communément comme un
sommeil réparateur après une vie complexe ;
Le choix de la « petite grotte de la montagne » identifiée par le
démonstratif « cette » renvoie encore au début du roman (I,2 : »Ici,
dit-il, avec des yeux brillants de joie, les hommes ne sauraient me
faire du mal.[…] La tête appuyée sue les deux mains, Julien resta dans
cette grotte plus heureux qu’il ne l’avait été de la vie, agité par
ses rêveries et par son bonheur de liberté. ») ; c’est aussi un écho
des lieux tourmentés et sauvages qu’affectionnent les romantiques,
comme déjà Saint-Preux dans La Nouvelle Héloïse de Rousseau. La
« grotte », lieu d’une vie primitive, corrobore l’idée d’une nature-
mère, faisant douter de l’existence de toutes choses au-delà. Le
rappel des moments passés dans la grotte relève de confidences et peut
donc se taire : « je te l’ai conté », par le choix d’un verbe de
narration, se place à la limite entre réalité et fiction. Toute cette
phrase marquée par une évocation itérative qui contribue à faire de la
grotte un lieu référentiel et sentimental, résume le roman et le
caractère de Julien ; elle est imprégnée de signes de romantisme :
« retiré », « nuit », « ma vue plongeant », renvoyant à ces poèmes, de
Byron notamment, où le héros souffrant et seul domine un paysage,
position intermédiaire entre Dieu (ou le Ciel) et les hommes.
Mais Stendhal perturbe le romantisme par des notations plus
concrètes : « les plus riches provinces de France », expression
séparée par un simple virgule de sa conséquence « l’ambition », dénote
une autre attitude de Julien que celle du moi souffrant et lyrique des
romantiques ; cela annonce le cri « A nous deux, maintenant ! »
poussé par Rastignac à la fin du Père Goriot de Balzac ( 1835). La
remarque sur la richesse des terres, l’extension à la France à partir
d’un point très excentré (Jura) montrent combien le caractère de
Julien s’embarrassait peu de sentiments, l’élévation ne valant que
pour lui-même sur l’échelle sociale. Le mélange des deux comportements
s’opère dans le verbe « a enflammé » emprunté à la »passion »
amoureuse et appliqué à « l’ambition’, termes reliés par la rime
intérieure et entourant le « cœur », organe du sentiment devenu ici le
centre de toute la pensée de Julien. Le mot « passion » revêt alors
une tonalité plus générale de moteur de l existence, subordonnant
toute action, fût-elle amoureuse , aspect important dans cet ultime
discours-confession. L’adverbe temporel « alors » induit le changement
intervenu depuis et les points de suspension laissent planer un
regret. Le retour au présent se fait par » Enfin », comme un geste
pour effacer les erreurs ; « cette grotte m’est chère » officialise
les sentiments de Julien, entre passé et présent et l’extension
explicative amorcée par la conjonction « et » traduit le changement de