L’ASIE ORIENTALE Définition selon les programmes : l’Asie orientale comprend l’archipel japonais, les deux Etats coréens, les deux Etats chinois (RPC et Taïwan), même si dans la pratique on n’étudie véritablement que le littoral chinois et la Corée du Sud, espaces moteurs de la mondialisation ; enfin, excentrée, mais demeurant l’un des principaux hubs portuaires et aéroportuaires, la cité-Etat de Singapour. Problématique Quelles sont les caractéristiques du renouveau asiatique ? Quels phénomènes spatiaux originaux a produit l’ouverture économique ? Quels sont les risques de fragmentation (sociale, spatiale, géopolitique) et les tentatives de regroupement (ou régionalisation économique) de cette aire de puissance (nouvel asiatisme) ? I. Une aire de puissance en plein renouveau (ou bien les caractéristiques de l’Asie orientale, envisagée comme aire de puissance) A. Une croissance économique spectaculaire Des années 1960 au milieu des années 1990 émerge, puis s'affirme, une aire de croissance économique qui s'étend du Japon jusqu'à Singapour. Elle intéresse la Corée du Sud, Taiwan, des régions dispersées dans les îles et les péninsules de l'Asie orientale, notamment en Thaïlande et en Malaisie. Elle englobe maintenant le littoral chinois. Cette aire a affiché des taux de croissance très forts, d'abord au Japon, puis dans le reste du domaine (7,2 % par an en moyenne pour la Corée du Sud et Singapour de 1965 à 1995). Un ralentissement s'est produit après 1990, aggravé par une crise en 1997, mais le domaine a été très inégalement affecté, et la croissance s'est maintenue ou a repris (taux de croissance de la Chine en 2003 : 9 %). Ce processus de développement rapide et puissant a marqué le vocabulaire. Bien qu'il n'intéresse qu'une partie du continent, on a parlé de « miracle asiatique» ; c'est dans cette aire qu'a été employé pour la première fois le concept de « nouveau pays industriel» (NPI) ; de façon plus imagée, ces pays ont été qualifiés de « dragons» ou de « tigres» (à cet égard, on distinguera les NPIA 1ère génération, comme Hong Kong, Singapour, Taïwan, la Corée du Sud, et, dans le sillage de la Chine, les NPIA 2 ème génération (Malaisie, Thaïlande, Philippines etc.), sans parler d’une troisième génération (Vietnam etc.) Au cours de cette période, la région a accru son poids et sa présence sur les marchés de la planète. Elle effectue environ 1/5 des exportations mondiales, notamment pour les produits des industries manufacturières: ceux-ci représentent près de 85 % de leurs exportations. Malgré la diversité des situations, les niveaux de vie ont augmenté de façon sensible par rapport au reste du monde. B. « L’atelier du monde » Plus que d'autres aires de puissance, celle de l'Asie orientale a une activité industrielle importante. On a pu dire qu'elle est déjà, et sera de plus en plus, « l'atelier du monde». Tous les types d'industrie y sont représentés, depuis les industries lourdes (constructions navales, sidérurgie), jusqu'aux fabrications de matériel informatique. Au cours du processus, chaque pays a adopté des industries qui ont profité d'avantages comparatifs pour impulser son décollage, avant d'être relayées par d'autres. L’Asie s’est affirmée comme le principal producteur mondial de jouets, de textiles, de bateaux ou de produits électroniques, en particulier la Chine. Le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et Singapour maîtrisent les technologies avancées et se spécialisent dans les services et produits à haute valeur ajoutée ; les opérations d’assemblage sont quant à elles délocalisées dans les pays à bas coûts salariaux, comme la Chine ou le Vietnam. C. Des relations intenses et multiples L'importance des flux entre les pays qui constituent l'aire est un aspect fondamental de sa définition. C'est la vive croissance qui a généré des flux de tous types (maritimes, aériens, de télécommunications). Ils ont été rendus possibles par la construction d'importantes infrastructures modernes. On retrouve une structure semblable en « hubs and spokes » dans tous les types de flux et tous les modes de transports. Des carrefours majeurs assurent les contacts avec les flux mondiaux et les redistributions à l'intérieur de l'Asie. L'Asie orientale contient à la fois les premiers ports du monde pour le trafic d'ensemble et celui des conteneurs (Singapour, Hong Kong, Kaohsiung, Pusan, les grands ports japonais de la Mégalopole) ; quelques aéroports majeurs; un réseau de Bourses bien reliées entre elles par des télécommunications de tous types, câbles sous-marins comme satellites. Le dynamisme du commerce asiatique est essentiellement alimenté par l’accroissement des échanges intrarégionaux. Le commerce intra-asiatique dépasse aujourd’hui la moitié des échanges de l’Asie orientale. La Chine est devenue la première puissance commerciale du continent, devant le Japon (respectivement 3e et 4e exportateurs mondiaux). Le commerce transpacifique dépasse en volume le commerce transatlantique. Les besoins croissants de l’Asie orientale en produits énergétiques constituent donc un enjeu crucial. Ces économies sont très dépendantes des importations énergétiques. Les entreprises chinoises. Les entreprises chinoises investissent dans de nombreux pays producteurs de pétrole pour satisfaire des besoins énergétiques croissants (exemple des pays africains). Le tourisme constitue également un vecteur d’ouverture mondiale et d’intégration régionale. La Chine est devenue la 4e destination touristique mondiale, l’ensemble de la région se situe au 2e rang mondial derrière l’Europe. Notez que 70% des flux touristiques de la région sont intra asiatiques. Enfin, les flux d’IDE sont aussi un puissant facteur d’intégration : l’Asie orientale est une destination privilégiée des IDE, même si cette attractivité est inégale selon les Etats, les régions, les métropoles. La RPC est devenu le premier récepteur d’IDE au monde au XXI e siècle. Il faut noter que les Asiatiques sont maintenant les principaux investisseurs en Asie ; la Chine par exemple profite des investissements de la riche diaspora chinoise présente dans les autres pays d’Asie du Sud-est mais aussi en Europe et aux Etats-Unis. Dossier : des économies hiérarchisées et complémentaires pp.224/225 D. Les conditions nécessaires du développement (a) Maîtrise de la croissance démographique et autosuffisance alimentaire Plus de deux milliards d’hommes peuplent l’Asie orientale au sens large du terme, ce qui en fait le premier foyer de peuplement de la planète. Les plus fortes densités se localisent dans la mégalopole japonaise, en Corée du Sud, à Taïwan, en Chine littorale et sur l’île de Java (littoralisation du peuplement). L’Asie orientale est cependant engagée dans un processus de transition démographique. Le mouvement est cependant inégal. La transition démographique est accomplie au Japon dès les années 1920, à Taïwan, en Corée du Sud et à Singapour à la fin des années 1960. En Chine, il faut attendre le milieu des années 1970. La politique de l'enfant unique y est sévèrement instaurée en 1979 (indice conjoncturel de fécondité : une 6 en 1965 ; 1,7 en 2003). Des contrastes régionaux existent: la population japonaise vieillit (19 % de la population a plus de 65 ans), surtout dans les campagnes reculées ; la fécondité est élevée dans certaines provinces chinoises, à l'Ouest mais aussi au centre ; le sex ratio est déséquilibré en Chine (103,9 hommes pour 100 femmes): 109,7 dans le Guangxi, mais 96 à Shanghai. Globalement, la population de l’Asie orientale connaît encore une forte croissance du fait de sa jeunesse. Cette évolution offre un énorme réservoir de main-d’œuvre jeune et bon marché. Les quatre pays ont résolu la question agro-alimentaire par des réformes agraires, un accroissement de la productivité et une protection stricte du marché, notamment rizicole, jusque dans les années 1980. Mais ce protectionnisme se fissure sous la pression des États-Unis et du marché mondial. L'exode rural est lancé (Chine) ou relancé au Japon, Corée du Sud. (b) L’extraversion de l’économie Le modèle de développement suivie dans l’Asie orientale s’inspire largement de la stratégie du Japon. Le cas du Japon a donné lieu à une théorie de développement illustré par l’image d’un vol d’oies sauvages (une oie de tête entraine les autres) ou d’un déferlement de vagues, comme le modèle d’Akamatsu, économiste japonais qui à la fin des années 1930, a conçu la stratégie de remonte de filières (modèle qui consiste à produire et à exporter des produits dont la valeur ajoutée est croissante). L’industrialisation est extravertie, par phases successives. Dans un premier temps, exportation de produits lourds (aciérie, pétrochimie) et de biens manufacturés à faible valeur ajoutée (textile) ; puis exportation de biens finis ou intermédiaires à forte valeur ajoutée (machines-outils, automobile, électronique, appareillage électrique) ; enfin, délocalisation de la production lourde et semi-finie, de plus en plus entre les pays d'Asie orientale, et développement des activités haut de gamme (informatique, finances, assurances, logistique...). Les États-Unis restent, de loin, les principaux partenaires commerciaux des pays de la région. Singapour s'arrime à la Malaisie voisine et le Japon, moins à la Chine. La vigueur de l'extraversion chinoise est surtout due aux firmes étrangères délocalisées. Le taux de dépendance commerciale est important à Singapour (137 % en 2000) et en Corée du Sud (39%), moindre au Japon (9%) ou en Chine (21 %). Mais Des stratégies différentes selon les pays Après 1945, le Japon refuse les capitaux étrangers et protège son marché national. Depuis le milieu des années 1980, il relocalise une partie de ses activités industrielles outre-mer, d'abord aux États-Unis puis, de plus en plus, en Asie orientale et en Chine (automobile, électronique, optique. L'éclatement de la bulle spéculative (1985-1990) déstabilise les finances et l'industrie; le capital étranger (américain, européen) arrive. Singapour, Taïwan et la Corée du Sud ont tablé sur les capitaux étrangers et les zones franches d'exportation, d'où leur fragilité lors de la crise dite «asiatique» de 1997, à l'exception partielle de Taïwan. Ainsi, en Corée, les grands conglomérats (chaebols) sont surendettés. Singapour outrepasse les frontières voisines pour relocaliser et s'étendre (archipel indonésien de Riau, province malaise de Johore). Taïwan se recentre sur les activités de hautes technologies. La Chine s'ouvre au marché international et aux investissements étrangers dès 1978 : privatisation des entreprises, déréglementation; pression accrue sur les travailleurs (exode rural, « population flottante », emploi de jeunes filles, refus de syndicats libres);-. zonage progressif de villes portuaires et d'espaces « ouverts » à l'économie capitaliste. Ses dirigeants lancent en 1992 le concept d' « économie socialiste de marché ». II. La spatialisation de l’ouverture A. La littoralisation de l'économie : les cordons industriels, urbains et portuaires (les cordons littoraux) L’extraversion privilégie les localisations économiques le long des littoraux, en fonction des réseaux urbainsportuaires préexistants, des possibilités de connexion aux grands axes économiques mondiaux, et des stratégies des grands groupes industriels ou commerciaux: keiretsu au Japon (réseaux lignagers hérités des zaibatsu), chaebol en Corée du Sud, grandes entreprises privées à Taïwan et à Hong Kong, entreprises d'État privatisées en Chine. La littoralisation aboutit à la formation de véritables cordons industriels, urbains et portuaires au Japon, en Corée du Sud et à Taïwan . Dès les années 1960, l'État japonais développe les régions industrielles existantes (Tôkyô, Nagoya, Ôsaka, Kyûshû septentrional) et le littoral du Tôkaidô. Il désigne des zones spéciales d'équipement industriel, accueillant des combinats où l'industrie lourde est intégrée horizontalement et verticalement. À partir des années 1970, l'État coréen renforce l'axe Séoul-Pusan. Il favorise le quadrilatère industriel du Sud-est : industries lourdes (combinat sidérurgique de P'ohang), manufactures (industrie automobile à Ulsan), port (Pusan) et industries légères (Masan). . À Taïwan, le développement industriel se propage du nord (Keelung-Taipei) au sud de la plaine occidentale (Taichung-Kaohsiung). Les zones industrielles sont relayées par un tissu rural de petites et moyennes entreprises. La congestion suscite des tentatives de déconcentration: combinats en périphérie (échec au Japon, tentative en Corée entre Inchon et Mokp’o) ; technopoles. Rappel : il est important pour le croquis de localiser ces corridors industriels, donc référez-vous aux cartes du livre. L'ouverture des espaces économiques en Chine produit un phénomène spatial de même nature mais d’une ampleur encore plus grande (à une échelle continentale : formation de véritables mégalopoles, l’une de Beijing à Séoul, l’autre de Shanghai à Hong-Kong et Macao) La théorie des «Quatre modernisations» (industrie, commerce, science, armée) est appliquée à partir de 1978. Entreprises et capitaux étrangers destinés à la production de biens semi-finis sont accueillis dans des zones économiques spéciales dont la localisation évolue: le Sud et le littoral sont d'abord privilégiés. Les deux zones pionnières (1980) de Shenzhen et de Zhuhai fonctionnent en synergie avec Hong Kong (rattaché à la Chine en 1997); celles de Shantou et de Xiamen avec Taïwan. Les trois quarts des capitaux taïwanais investis en Chine sont ainsi concentrés dans les trois provinces littorales et méridionales (Guangdong, Fujian, Jiangsu). Au cours des années 1990, la région de Shanghai-Pudong devient «la tête du Dragon» du développement économique qui doit remonter le long du Yangzi. Le développement des zones frontalières est encouragé après 2000. Le non décollage de la zone économique transfrontalière du Tumen au nord (avec la Corée du Nord et la Russie) n'a pas découragé la Chine au sud (Yunnan, bassin du Grand Mékong). Le recentrage du développement économique vers l'intérieur est net. L'État veut un aménagement global du territoire national: rééquilibrages, fronts pionniers, relation avec les pays voisins, contrôle des minorités ethniques, développement et colonisation du Tibet et du Xinjiang, attraction des capitaux entreprenants (japonais, coréens, taïwanais, chinois d'outre-mer). Définitions : Chaebol : conglomérat sud-coréen oligopolistique, généralement sous contrôle familial, impulsé au début des années 1960 par l'État et les banques. En 1994, les cinq premiers chaebol (Hyundai, Samsung, Daewoo, Lucky Goldstar et Sunkyung) réalisent 54% du PNB sud-coréen. Combinat : intégration verticale dans une même zone industrielle. Intégration horizontale : réunion d'entreprises fabriquant le même produit ou situées au même stade de production. Intégration verticale : maîtrise des différents stades de la production, par concentration d'entreprises notamment. Keiretsu : lignage d'entreprises indépendantes mais organisées en réseaux, liées entre elles par des participations financières croisées ou par des relations clients-fournisseurs privilégiées, sinon exclusives. B. Des mégapoles portuaires : engorgement ou redéploiement? L'Asie orientale occupe une place croissante dans le commerce mondial. Le commerce intra régional est renforcé par les relocalisations du Japon et, plus récemment, celles des Quatre Dragons, vers la Chine et l'Asie du Sud-est. Les métropoles portuaires et aéroportuaires grandissent et se transforment. L'Asie orientale est à la pointe mondiale du trafic maritime, grâce au choix précoce de la conteneurisation, et au poids de ses grands groupes d'armateurs et de manutentionnaires. Ainsi, les ports de conteneurs asiatiques occupent les premiers rangs mondiaux. 1ère place disputée entre Shanghai, Hong Kong et Singapour; puis viennent Pusan et Kaohsiung, sans parler des ports japonais. Les « ports d'éclatement » (les hubs) concentrent les grands terminaux ultramodernes. Ils drainent les caisses des « feeders», ports secondaires ou «nourrisseurs », qui les redistribuent localement (navigation par cabotage). Les villes portuaires les plus dynamiques sont celles qui sont les mieux placées sur le grand axe de circumnavigation mondiale, notamment dans les détroits qui sont des passages captifs, ou à proximité (détroits de Malacca, de Formose, de Corée, exemples de Singapour, Hong-Kong, Shanghai, Kita Kyushu, Pusan) ; les plus décidées à s'étendre et à se moderniser (poids des acteurs locaux, villes chinoises); les moins coûteuses (la manutention d'une caisse est trois fois moins chère à Pusan qu'à Kóbe). Les plus grands aéroports s'alignent sur le même axe que les grands ports maritimes, se confondant parfois avec eux : Tôkyô, Séoul, Hong Kong, Singapour. L'essor des télécommunications est spectaculaire, d'autant que la croissance s'oriente vers les technologies les plus modernes et s'appuie sur elles. Les principales «autoroutes» régionales de l'information se superposent aux routes maritimes grâce aux câbles sous-marins. Leur réseau est polarisé par Singapour, Hong Kong et, de façon plus diffuse, par le Japon. Les nouvelles fonctions entraînent une restructuration des villes portuaires. Avec la croissance démographique et l'afflux des activités, celles-ci deviennent des mégapoles (au moins 4 millions d'habitants): rénovation des anciens CBD et création de nouveaux CBD en première couronne; périurbanisation s'étendant sur des dizaines de kilomètres (rayon de 70 km à Tôkyô ; élargissement de l'aire des migrants pendulaires; création de réseaux de transports, avec la route de plus en plus préférée, d'où de nombreux problèmes de congestion. Ces villes s'étendent sur de nouveaux espaces, soit par des avancées sur la mer, par terre-pleins: baie de Tôkyô, Nagoya, baie d'Osaka-Kóbe, Pusan ; soit par extension sur un espace littoral voisin : Pu dong pour Shanghai, Shenzhen ou Dan shui pour Hong Kong. Soit les deux (exemple de Singapour). III. Un espace encore éclaté malgré des tentatives d’intégration politique régionale A. Des disparités spatiales (a) entre les régions Extraversion économique a privilégié le développement des cités portuaires, aggravant le dualisme entre les régions modernisées et les régions délaissées. Les métropoles subissent les inconvénients du développement industriel lourd : saturation des équipements, retard des infrastructures sociales (santé, éducation, logement), congestion, pollution (renvoyer à l’étude de cas). Les campagnes proches, voire lointaines, peuvent bénéficier du désengorgement des métropoles. Les ateliers de sous-traitance y sont plus nombreux que les technopoles. (b) Des inégalités à l’intérieur des régions Les métropoles attirent des populations pauvres à la recherche d'un emploi et de la fortune: travailleurs flottants en Chine, véritables immigrés de l'intérieur; travailleurs immigrés au Japon venant généralement d'Asie (Corée, Chine, Philippines), une fois tari l'exode rural intérieur. Ces populations parfois clandestines vivent dans la débrouille. La « nouvelle pauvreté » gagne les espaces publics (gares, places, parcs...). Au sein des campagnes, une petite bourgeoisie provinciale se maintient comme au Japon ou fait son apparition (Chine, Corée). En Chine, surtout, sa nouvelle richesse contraste avec la masse des paysans encore pauvres. B Les risques de fragmentation sociale Les syndicats ne touchent qu'une fraction des travailleurs urbains. Leurs forces sont réduites par leur domestication, par la remise en cause de la protection sociale (Japon, Corée) et par leurs faibles marges de manœuvre (contrôle de l'État et répression en Chine). La misère urbaine est noyée dans la masse ou bien fait l'objet de politiques de « nettoyage » (exemple des travaux pour les JO de Beijing en 2008) La misère rurale comporte davantage de risques car elle peut se combiner à une marginalisation ethnique et frontalière (exemple du Tibet). La Chine, méfiante des puissants voisins (États-Unis, Russie et Inde), craint un démembrement qui rappellerait la quasi-colonisation du siècle et demi passé. Elle réprime toute possibilité de sécessionnisme régionaliste (Tibet, Xinjiang), quitte à se montrer accommodante en certains cas (aides, souplesses des politiques démographiques pour certaines ethnies; tolérance des cultes chrétien et musulman avec Églises inféodées, d’où les tensions avec le Vatican qui ne peut exercer son autorité). Ouverture à l'économie de marché, décentralisation des initiatives économiques ou politiques et globalisation via les multinationales peuvent affaiblir l'État central et renforcer les grands entrepreneurs locaux. Singapour devient ainsi le modèle d'une cité-État capable de gérer le développement à l'intérieur d'un territoire réduit, mais qui déplace la pauvreté ou les fonctions ingrates dans les espaces frontaliers. Hong Kong, dont l'absorption par la Chine en 1997 avait été si redoutée, concrétise l'idée d'« un État, deux systèmes » que la Chine rêve d'appliquer à Taïwan. C. Des régimes politiques différents Quatre pays asiatiques prônent encore le marxisme-léninisme (Chine, Corée du Nord, Viêtnam, Laos). Depuis l'essor des NPIA et l'effondrement du bloc soviétique (1989-1991), ils recentrent leur idéologie sur la prospérité marchande et l'unité nationale Les autres pays constituent des démocraties libérales, mais avec certaines limites. Seule le Japon paraît une démocratie mûre (encore que jeune, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale). À la suite d'une dictature militaire (1961-1988), la Corée du Sud s'est progressivement démocratisée. Après le régime nationaliste musclé du Guomindang (1949- 1996), le parti indépendantiste a gagné les élections présidentielles de mars 2000 à Taïwan, suscitant les foudres de la République Populaire de Chine qui considère l'île comme une simple province chinoise. Hong Kong est rétrocédée en douceur à la Chine (1997), mais son système partiellement démocratique est contrôlé par la Chine. À Singapour, l'étroit cercle dirigeant du People's Action Parti monopolise le pouvoir depuis l'indépendance de 1965, sous le masque d'une constitution de type parlementaire britannique. A Singapour, on peut pas dire que les libertés fondamentales soient assurées, ce qui lui vaut l’objet de critiques récurrentes de la part des ONG. D. Des tensions géopolitiques (page 215) Les «points chauds» sont encore nombreux : - partition de la Corée (et chantage nucléaire de la Corée du Nord, de plus en plus d’actualité, et qui embarrasse jusqu’à son allié chinois) - course aux armements entre Chine et Taïwan, la Chine populaire n’entend pas reconnaître l’île comme Etat souverain. - essor du fondamentalisme islamiste radical en Asie du Sud-Est - essor de la piraterie - séparatismes divers (voir en Chine, exemple du Tibet, mais il y en a d’autres) - armement nucléaire (Chine, Russie, États-Unis), mauvaises relations entre Russie et Japon, relations empreintes de défiance entre Chinois et Japonais (dans de larges couches de l’opinion publique chinoise, le Japonais demeure l’ennemi héréditaire). D’une manière générale, ni la Seconde Guerre mondiale ni la Guerre froide n’ont été oubliées dans cette région du monde (la plus touchée par la guerre froide, on s’en souvient) et contrairement à l’Europe, l’Asie orientale n’a pas encore tourné la page ; E. Les tentatives d‘intégration politiques L'ASEAN (Association of South-East Nations) est fondée en 1967 autour d'un noyau dur de cinq pays (Thaïlande, Malaisie, Singapour, Indonésie, Philippines). Son objectif est anti-communiste, dans le cadre du containment américain, puis libre-échangiste avec l'émergence des NPIA. Depuis la fin des années 1990, les rencontres intergouvernementales de l'ASEAN + 3 (Chine, Japon, Corée) veulent créer une vaste zone de libre-échange (AFTA: Asian Free Trade Area), déjà amorcée par plusieurs accords bilatéraux Japon-Singapour en janvier 2002). L'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation), lancée par l'Australie en 1989, veut rassembler les États des deux côtés de l'océan Pacifique avec les États-Unis.