fut que sa seconde fille de dix-huit ans, Grácia, qui avait écrit des slogans anti-allemands sur
les fenêtres de l’université, fut arrêtée en mars 1944, déportée en Allemagne et emprisonnée
dans plusieurs camps de concentration, entre autres à Auschwitz. Elle ne fut libérée en
conditions de santé extrêmement précaires qu’une année et demie après, en août 1945, grâce
à plusieurs démarches soit d’un collègue allemand de Kerényi, Franz Altheim
, soit du
président suisse de la Croix-rouge, Carl Jacob Burckhardt
. Au même temps la famille de ma
mère, qui était d’origine juive, se trouva gravement menacée par les persécutions raciales
favorisées par le nouveau gouvernement filo-nazi. Les parents et le frère de ma mère eurent
la chance d’échapper au pire, tandis qu’une grande partie du reste de la famille et quelques
uns des amis plus chers de mes parents disparurent pour toujours.
La suite de ce bouleversement politique fût pour Kerényi de perdre non pas
seulement son statut diplomatique, mais aussi sa base de subsistance: il n’était plus qu’un
refugé politique en Suisse. Par la médiation de quelques amis hongrois déjà installés en
Suisse et aussi de C.G. Jung on lui confia pendant quelques semestres, entre 1945 et 1947,
l’enseignement de la langue et de la culture hongroise à l’université de Bâle
.
En 1947, dans une phase où l’on espérait que la Hongrie puisse avoir un futur
démocratique, on le nomma membre de l’Académie des Sciences hongroise. Il rentra en
Hongrie en novembre pour y tenir sa conférence inaugurale
avec même la perspective très
concrète d’obtenir la chaire d’histoire de l’antiquité à l’université de Budapest
. Mais la
situation politique était en train de changer d’une manière radicale. Le parti communiste, qui
faisait partie du nouveau gouvernement démocratique avec les sociaux-démocrates et le
parti des paysans, était en train, avec l’appui de l’Union Soviétique, de s’installer à tous les
niveaux. Il y eut des intrigues infâmes par le vol et la publication tendancieuse de lettres
volées de l’archive détruit de Kerényi pour faire croire qu’il avait été au solde de l’Allemagne
nazi. Il y eut des articles diffamatoires dans la presse par le philosophe marxiste György
Lukács et des personnes de son entourage
. De toute façon, Kerényi réalisa juste au dernier
moment qu’il n’avait plus aucune chance de participer à la reconstruction d’une Hongrie
démocratique et abandonna le pays: cette fois délibérément et pour toujours.
Cette estimation de la situation était tout-à fait exacte. Je ne m’en suis rendue compte
que récemment pendant mes recherches faites en vue de ma communication d’aujourd’hui.
Historien de l’antiquité (1898-1976): Losemann 1999, 122 ss.
Historien et diplomate (1891-1974).
Gemelli Marciano 173 s.
Cette conférence n’eut jamais lieu: Losemann 1999, 132; Szilàgyi 1999, 155 note 19.
Szilàgyi 1999, 92 s.; pour Magris 1975, 118 il s’agissait de la chaire de mythologie, ce qui n’est pas
probable.
Magris 1975, 119: Szilàgyi 1999, 93 ss.;