Psychologie comportementale et cognitive (13h) : I) Le modèle comportementaliste ou behavioriste Le béhaviorisme (ou comportementalisme) est une approche en psychologie qui consiste à se concentrer uniquement sur le comportement observable de façon à caractériser comment il est déterminé par l'environnement et l'histoire des interactions de l'individu avec son milieu, sans faire appel à des mécanismes internes au cerveau ou à des processus mentaux non directement observables. Par exemple, l'apprentissage y est décrit comme une modification du comportement observable due à la modification de la force avec laquelle une réponse est associée à des stimuli, extérieurs (environnement externe) ou à des stimuli intérieurs (environnement interne), sur l'organisme. Le but de toute thérapie comportementale ou cognitive est d’aider un patient à changer certains éléments de son comportement. C’est dans la mesure où l’individu lui-même souhaite ce changement que ces thérapies ont la valeur psychothérapique qui leur est accordée de nos jours. Il s’agit par exemple, de supprimer chez l’obsessionnel des vérifications ou des rites, de modifier des réactions émotionnelles de sujets phobiques, d’apprendre à acquérir de nouvelles compétences sociales dans des relations interpersonnelles. A) Histoire du behaviorisme Au début du siècle, la psychologie n’est toujours pas libérée de l’emprise de la philosophie. Tout se passe un peu comme si la méthode introspective avait pris le pas, en psychologie, sur la méthode expérimentale. Pourtant, dès les dernières décennies du XIXème, sous l’impulsion de physiologistes comme Wundt, les lois psychologiques sont connues. En France, avec Ribot, philosophe de formation considéré comme « le père de la psychologie scientifique française » (Pichot, 1983), se développa la psychologie expérimentale qu’il enseigna au Collège de France avec initialement, l’intention de l’élargir à l’étude de la psychopathologie. Il se borna cependant (Fraisse, 1967) à utiliser des observations de malades sans jamais tirer d’hypothèses sur la genèse de leurs troubles estimant que la pathologie mentale fournit des expériences auxquelles il suffit de se référer. Tel n’était pas l’avis de Janet, philosophe et médecin, qui succéda à Ribot dans son enseignement de psychologie expérimentale et écrivit en 1923 : « Les tentatives thérapeutiques constituent souvent de véritables FD Page 1 17/04/2017 expériences psychologiques et elles mettent en lumière des faits que l’observation seule n’avait discerné. Il s’agit d’essayer de comprendre, reprenant les termes de Yates. « La genèse et le maintien du comportement » et de voir comment « Les patterns anormaux » chez l’être vivant différent de ceux observés lors d’études expérimentales. Les recherches sur l’apprentissage ont fait ressortir le paradigme du conditionnement indispensable dans toute étude comportementale. Nous ne nous étendrons pas sur les conceptions de Watson auquel fort injustement, on a pu, en France imputer l’esprit des thérapies comportementales. IL créa une véritable révolution en psychologie lorsqu’en 1913, dans son désir de l’affranchir de la méthode introspective, il créa le behaviorisme. Il distinguait bien les comportements observables des comportements privés que sont les pensées ou images mentales, parfois traduite par des mouvements ou des paroles mais qui ne peuvent faire l’objet d’une psychologie scientifique. Watson abandonna peu après l’enseignement universitaire, mais lorsqu’il fut mis au courant des recherches de Pavlov, il adhéra pleinement à une théorie dans laquelle il ne voyait que la simple mise en évidence d’une relation causale entre stimulus et réponse. Le stimulus permettrait alors de prévoir la réponse d’un organisme et les comportements auraient été acquis par un mécanisme de conditionnement pavlovien. Certaines théories du stress renvoient à ces conceptions. Dans les premiers essais de déconditionnement utilisant des méthodes aversives, on trouve une référence à ce sujet modèle stimulus-réponse. C’est Le cas, par exemple, du traitement de l’alcoolisme par aversion conditionnée, de celui de l’énurésie nocturne chez l’enfant et même d’anomalies de l’orientation sexuelle telle l’homosexualité chez des volontaires. Mais ces traitements rentrent davantage dans le cadre de la modification du comportement que dans celui des thérapies comportementales à vocation psychothérapique. 1°) LE CONDITIONNEMENT PAVLOVIEN L’œuvre de Pavlov, est bien loin en son esprit de suivre le modèle behavioriste. Physiologiste de formation, prix Nobel de Médecine en 1902. Pavlov s’était tout d’abord intéressé au rôle des formations corticales dans le conditionnement. Comme on le sait, il avait étudié chez le chien des réactions salivaires qu’il observait au moyen d’une fistule gastrique. C’est en effet, par hasard à la suite d’une inondation qui avait fait de nombreux dégâts à Saint-Pétersbourg en 1924, que Pavlov fit une observation capitale : chez certains des chiens de son laboratoire, des apprentissages qui avaient été très longs à obtenir ne persistaient plus. Leur comportement avait été troublé par ces événements traumatisants. Mais pourquoi ce que nous appelons de nos jours un état de stress posttraumatique apparaissait il chez certains chiens seulement mais pas chez tous ? Pavlov postula alors que le système nerveux central est réagi par deux processus : un processus d’excitation et un processus d’inhibition et que les FD Page 2 17/04/2017 réactions de l’organisme résultent de la force de ces deux processus. Ce qui fait que la typologie pavlovienne, comme beaucoup d’autres, n’est apparue présenter que peu d’intérêt diagnostique. Retenons de la méthodologie pavlovienne, l’importance qu’elle donne à l’état d’un organisme en situation. Alors que les expériences des neurophysiologistes sont faites « en aigu » pour étudier par exemple les réactions d’un nerf ou d’une structure sous-corticale, Pavlov exigeait que ses animaux soient en bonne condition physique et soustraits aux influences du milieu extérieur et du bruit (il les plaçait dans une tour de silence durant l’expérimentation). Le conditionnement pavlovien ne peut déjà plus, dans cette optique se réduire à un strict modèle stimulus-réponse puisqu’est introduit obligatoirement entre le stimulus et la réponse l’état de l’organisme (o) : S O R Il peut s’agir s’un état physiologique susceptible d’être modifié par des agents pharmacologiques (d’où ses nombreuses applications), mais il peut également s’agir d’un état psychologique induit passagèrement par des facteurs émotionnels, conception que nous retrouverons chez des comportements contemporains, par exemple dans le modèle développé par Kanfer et Philipps (1970). Le protocole d’expérience de ce conditionnement classique permet de comprendre la persistance et l’étendu de certains états anxieux, notamment les phobies : un stimulus neutre, tout d’abord sans effet, (ex : un chien aboie derrière un portail et la porte s’ouvre) ne devient conditionnel que lorsqu’il a été associé à un stimulus inconditionnel (le chien sort et mord). Ensuit, l’extinction survient normalement si la réaction conditionnelle s’est manifestée un certain nombre de fois sans avoir été renforcée, c'est-à-dire sans que le stimulus inconditionnel ait été de nouveau présenté. Mais cette extinction de la réaction conditionnelle peut ne pas survenir. Ce phénomène attira l’attention de Wolpe (1958) et lui permit de mettre au point la théorie de l’inhibition réciproque. Une réaction, par exemple à un facteur passager de stress, peut persister en l’absence de ces facteurs de stress. Bien plus, cette réaction anxieuse peut se généraliser, c'est-à-dire survenir également dans des situations qu’une analogie très lointaine avec les événements traumatisants initiaux. Le sujet mordu par un chien peut devenir phobique non seulement des chiens mais de tous les animaux à poils sans les discriminer. Dans le conditionnement classique, la réaction étudiée est donc physiologique, soumise à l’état de l’organisme et indépendante de la volonté du sujet. Il fournit des hypothèses sur les processus d’acquisition et de maintien d’un comportement ou d’une cognition dysfonctionnels. Historiquement, le behaviorisme est apparu en réaction aux approches dites mentalistes qui voyant dans « le mental la cause de toute action » défendait l'introspection en tant que méthode d'accès à la compréhension de l'esprit. FD Page 3 17/04/2017 En 1913, John Broadus Watson établit les principes de base du behaviorisme (dont il invente le nom) en affirmant, dans un article intitulé "La psychologie telle que le béhavioriste la voit" que si la psychologie veut être perçue comme une science naturelle, elle doit se limiter aux événements observables et mesurables en se débarrassant, sur le plan théorique, de toutes les interprétations qui font appel à des notions telles que la conscience et en condamnant, sur le plan méthodologique, l'usage de l'introspection "aussi peu utile à la psychologie qu'elle l'est à la chimie ou la physique". Il fait de l'apprentissage un objet central pour l'étude du comportement qui doit être approché uniquement sous l'angle des comportements mesurables produits en réponse à des stimuli de l'environnement. Cette position de principe défendue par Watson correspond à ce qu'on a appelé par la suite le béhaviorisme méthodologique pour le différencier des autres courants auxquels il donnera naissance. Dans les années 1940 et 1950, Burrhus F. Skinner introduit la notion de « conditionnement opérant » sur la base des observations qu'il effectue sur les animaux placés dans des paradigmes opérationnels au cours desquels ils apprennent par essai-erreur les actions à effectuer pour obtenir une récompense. Alors que Watson la rejetait, Skinner s'appuie sur la loi de l'effet de Thorndike qui établit que le comportement est fonction de ses conséquences, pour développer les notions de renforcement, de façonnement, d'apprentissage programmé. Ces principes marquent une divergence profonde avec le béhaviorisme méthodologique de Watson en acceptant l'idée que des variables internes à l'individu puissent intervenir dans l'analyse du comportement. De plus, ce courant ne rejette pas les processus internes comme les pensées ou les émotions mais les qualifient d'événements « privés » auxquels peuvent tout aussi bien s'appliquer les principes de la psychologie opérante. 2°) LE CONDITIONNEMENT OPERANT D’autres hypothèses plus comportementales ont été empruntées à un type, différent dans son établissement, de conditionnement : le conditionnement opérant. Ici la réaction étudiée concerne le système squelettique et met en jeu la motricité du sujet. Ce sont les facteurs du milieu qui gouvernent le comportement et contrôlent ses probabilités d’apparition. Ainsi selon la loi de l’effet de Thorndike, le sujet à tendance à répéter les actions qui lui paraissent avoir des conséquences bénéfiques, et qui lui permettent par exemple d’échapper à certaines situations désagréables ou de les éviter. Ex : le syndrome de déconditionnement à la douleur dans le cadre des prises en charge de Restauration Fonctionnelle du Rachis. Skinner ne niait pas l’existence des phénomènes intérieurs (pensées par exemple), mais dans son souci, qui était celui de son époque, d’échapper au mentalisme, il ne s’intéressait qu’aux FD Page 4 17/04/2017 éléments observables du comportement. Son ambition était de faire de la psychologie une science du comportement, ambition qui est celle du behaviorisme radical et qui a soulevé une levée de boucliers. Skinner ne se proposait pas, dans travaux, de contribuer à une théorie psychopathologique et encore moins d’orienter des interventions psychothérapiques. Cependant, ses expériences sur le conditionnement opérant ont une importance capitale en thérapie comportementale : elles ont mis en évidence la notion de renforcement, elles ont montré que le comportement de tout être vivant est modifié par les conséquences de ses actes. Elles ont démontré, chez l’animal, que lorsque le protocole de renforcement est modifié, c'est-à-dire lorsque varie le débit des renforcements disponible dans l’environnement, le comportement varie : par exemple, lorsque les renforcements positifs sont moins nombreux, il y a de fortes probabilités pour que les réponses diminuent. En tant que processus, le renforcement négatif augmente également la probabilité d’apparition du comportement (et ceci l’inverse de la punition qui ne fait qu’inhiber un comportement) Mais cette fois-ci, ce qui augmente, c’est la probabilité d’apparition d’un comportement d’évitement ou d’échappement à un stimulus aversif. Par exemple, s’il peut (stimulus aversif) et que je ne veux pas être mouillée, ma probabilité d’ouvrir mon parapluie augmente…. Cette notion d’évitement est très importante pour la compréhension de réactions inadaptées et pour les stratégies comportementales qui peuvent en découler. Par exemple, l’observation du comportement de phobiques se résume souvent à l’évitement de l’objet phobogène. L’évitement, devenu habituel, les empêche d’être confrontés à cet objet, dont ils admettent pourtant l’innocuité, et même de l’évoquer en imagination. Cet évitement se généralise : une simple appréhension à prendre un moyen de transport se mue en impossibilité de le prendre, puis en difficulté à prendre un autre moyen de transport, à sortir dans une rue animée puis à sortir de chez soi ; une véritable escalade de symptômes se présente au thérapeute. Celui-ci, pour les faire rétrocéder, tentera soit une désensibilisation faisant tout d’abord évoquer mentalement dans un état de calme les stimulus anxiogènes, pour ensuite confronter le patient à des situations réelles, soit une procédure dite d’exposition, où il confrontera directement le phobique avec les objets de ses peurs. B. L'expérience de Skinner Renforcement positif. Stimulus "Le rat est dans la cage". Réponse (comportement) : "Le rat appuie sur le levier". Renforcement positif : "Il obtient de la nourriture (= ajout). FD → Augmentation de la probabilité d'apparition du comportement Page 5 17/04/2017 Renforcement négatif. Stimulus : « Le rat est dans la cage, il reçoit des chocs électriques (plancher) ». Réponse (comportement) : "Le rat appuie sur le levier". Renforcement négatif "Les chocs électriques s'arrêtent (= retrait). → Augmentation de la probabilité d'apparition du comportement Punition positive. Stimulus : "Le rat est dans la cage". Réponse (comportement) : "Le rat appuie sur le levier". Punition positive : "Il reçoit une décharge électrique (= ajout). → Diminution de la probabilité d'apparition du comportement Punition négative. Stimulus : "Le rat est dans la cage". Réponse (comportement) : "Le rat appuie sur le levier". Punition négative : "La nourriture disparaît (= retrait). → Diminution de la probabilité d'apparition du comportement. C) Base de la théorie behavioriste La théorie behavioriste fait du comportement observable l’objet même de la psychologie. L’environnement y est l’élément clé de la détermination et de l’explication des conduites humaines. La plupart des théories de l'apprentissage reconnaissent trois grandes variables dans le processus : l'environnement qui stimule, l'organisme qui est stimulé et le comportement ou la réponse de l'organisme par suite de la stimulation. Le schéma classique est donc : S = le stimulus provenant de l'environnement (des stimuli) I = l'individu R = le comportement ou réponse de l'individu par suite de la stimulation Sans nier la réalité de l'individu (I) et de son fonctionnement interne, les behavioristes classiques ne s'en occupent pas. En effet, leur objectif est de spécifier les conditions et les processus par lesquels l'environnement (S) contrôle le comportement (R), sans faire référence à des variables internes considérées comme non observables et hypothétiques. Le schéma selon lequel ils travaillent met ainsi entre parenthèses l'individu (I) qu'ils considèrent comme une « boîte FD Page 6 17/04/2017 noire ». Toutes les questions relatives à la conscience sont ainsi écartées de leur champ d'étude. D'où le schéma : considéré comme le schéma linéaire classique behavioriste. Ce schéma, pouvant être assimilé au schéma du conditionnement classique pavlovien, a été modifié par B.F. Skinner, car le conditionnement pavlovien n'explique que les apprentissages liés à des stimuli dits inconditionnels c'est-àdire des stimuli provoquant des réponses inconditionnelles liées à la phylogénèse (développement) de l'espèce. Ainsi, le deuxième schéma classique est celui du conditionnement opérant. Ce schéma introduit deux nouvelles variables : l'environnement et les conséquences sur l'organisme pouvant être positives ou négatives. D'où le schéma : (conséquences) (le tout étant modulé par le contexte) Ce schéma n'est plus linéaire car ce n'est pas un stimulus qui déclenche une réponse, c'est un stimulus qui l'évoque. La réponse ou comportement étant sélectionné par les conséquences sur l'organisme et sur l'environnement, conséquences qui sont propres à chaque organisme, c'est pour cela que l'étude et la classification des stimuli et des réponses ne peut s'effectuer qu'a posteriori. Le conditionnement opérant explique les comportements appris lors de l'ontogénèse de l'organisme (Plus précisément l'ontogenèse est la science qui étudie la croissance et le développement d'un individu à partir de l'oeuf (ovule fécondé par un spermatozoïde) jusqu'à l'âge adulte. Le terme ontogenèse ne doit pas être confondu avec celui de phylogenèse qui désigne le développement de l'espèce. Le terme dysontogenèse désigne un développement défectueux de l'individu). La différence fondamentale entre le conditionnement classique et opérant est que le conditionnement opérant présuppose un être actif dans son environnement. Quelques concepts : L'extinction FD Page 7 17/04/2017 Les réponses conditionnelles peuvent ne durer que pendant un certain temps. Si, à la suite d'un conditionnement, on présente à plusieurs reprises le stimulus conditionnel sans le faire suivre du stimulus inconditionnel, la réponse conditionnelle finit par s'estomper. En gros, cela nous amène à dire que l'extinction illustre une diminution puis la disparition d'une réponse apprise; dans le conditionnement répondant, l'extinction se produit lorsque le stimulus conditionnel cesse d'être mis en association avec le stimulus inconditionnel. Exemple [...] Marc a reçu un ballon en pleine figure (stimulus inconditionnel) à sa première journée à la garderie, et il a ainsi appris à craindre (réponse conditionnelle) l'enfant (stimulus conditionnel) qui l'a lancé. Marc en viendra progressivement à ne plus craindre son compagnon de jeu si, en le voyant, il ne l'associe plus au [stimulus inconditionnel] (le ballon). La réaction de crainte (réponse conditionnelle) aura alors été éteinte. La récupération spontanée La réapparition de la réponse conditionnelle après la mise en place d'une procédure d'extinction réussie est une récupération spontanée. En gros, nous pouvons affirmer, dans certains cas, qu'une habitude pourra faire une nouvelle apparition après son extinction apparente. Exemple Par exemple, si Marc devait s'absenter de la garderie quelques jours, il est possible qu'à son retour il réagisse de nouveau par une réponse de peur en voyant son compagnon de jeu. C'est pourquoi il faut habituellement plusieurs séances d'extinction pour supprimer une réponse conditionnelle. La généralisation du stimulus Lorsqu'un stimulus est devenu un stimulus conditionnel, entraînant une réponse conditionnelle donnée, on observe que des stimuli du même type sont susceptibles de déclencher eux aussi la même réponse conditionnelle; nous donnons à ce processus le nom de généralisation du stimulus. En d'autres mots, une personne appliquant le principe de la généralisation du stimulus déploie un comportement spécifique sur des stimuli qui ont une similarité très proche avec un stimulus très spécifique. Exemple Par exemple, Marc pourra déployer la même réponse conditionnelle de peur en présence d'autres enfants qui ressemblent physiquement à son compagnon de jeu. Le proverbe « Chat échaudé craint l'eau froide » décrit bien le processus de généralisation du stimulus. FD Page 8 17/04/2017 Discrimination du stimulus Contrairement au principe de généralisation d'un stimulus qui consiste à déployer un comportement spécifique sur des stimuli qui ont une similarité très proche avec un stimulus spécifique qui se trouve à la source d'un comportement, la discrimination du stimulus, qui est l'image inversée de la généralisation d'un stimulus, consiste à réagir de façon différente à des stimuli ressemblant par certains aspects au stimulus conditionnel. La discrimination du stimulus survient lorsque des stimuli qui s'apparentent au stimulus conditionnel ne sont pas associés au stimulus inconditionnel à l'origine de la réponse conditionnelle. Exemple Ainsi, si Marc apprend à ne déployer la réponse conditionnelle de peur qu'en présence de l'enfant qui lui a lancé le ballon en plein visage, c'est qu'il a appris à discriminer le stimulus. Actuellement et depuis les années 70, le behaviorisme radical défendu par Skinner a perdu de son influence. Néanmoins, l'adaptation des paradigmes du conditionnement classique de Pavlov et instrumental de Skinner aux composantes cognitives du comportement a permis à des auteurs comme Ellis, Seligman, Wolpe ou Beck de développer l'approche comportementale-cognitive en psychothérapie. Les données auxquelles ce courant a donné naissance sont utilisées notamment dans les thérapies comportementales (ou cognitivo-comportementales), auxquelles elles continuent à apporter des données fondamentales. Cette approche a permis à la psychologie contemporaine de traiter des problèmes d'adaptation, tels les troubles anxieux et la dépression. Nous verrons ces applications un peu plus loin dans le cours. D) LES THEORIES ASSOCIEES Le modèle du conditionnement classique ne permet pas d’appréhender le comportement d’un sujet envisagé comme un tout, car il reste dépendant du stimulus et ne peut avoir toute la liberté de ses actes. Celui du conditionnement opérant libre est plus proche du comportement d’un individu observé dans son milieu. Il a mis en évidence les notions de renforcement envisagé sous l’optique de la loi de l’effet et celle d’évitement. Pour comprendre l’intérêt, pour les modèles comportementaux, des théories du conditionnement, il faut distinguer dans celui-ci deux facteurs : un facteur de conditionnement classique et un facteur de conditionnement instrumental (opérant). C’est la théorie des deux facteurs que O.H Mowrer exposa en 1947, alors qu’inspiré par les travaux de Hull, il s’intéressait surtout à la « résolution des problèmes ». Plus tard Mowrer (1960) remit en cause sa propre théorie et plaça au premier plan l’état FD Page 9 17/04/2017 émotionnel dans lequel se forme le réflexe conditionnel classique qui lui apparaissait être d’un intérêt primordial pour l’étude des névroses. Kanfer et Phillips ont proposé en 1970 un modèle tenant compte de ces deux facteurs de conditionnement qui s’est avéré utile dans l’analyse d’un comportement. Dans le schéma pavlovien, on s’attache aux facteurs caractérisant l’état interne du sujet (O = état de l’organisme). Celui-ci définit ce qui pousse un individu à émettre la réponse. Cette réponse R peut agir rétroactivement sur O. Dans un modèle élargi, on peut admettre qu’il y a des facteurs autres que purement physiologiques ou biologiques : anxiété de base par exemple, facteurs constitutionnels, facteurs cognitifs, etc. S O R Cette réponse elle-même est suivie de conséquences qui, comme nous l’avons vu en nous référant à la loi de l’effet dans le conditionnement opérant, auront des effets sur l’émission des réponses suivantes en modifiant leur débit. Mais il existe une relation de contingence entre la conséquence d’un acte et l émission renforcée de la réponse. Nous l’appellerons K. Elle est propre à chaque individu. Antécédents Conséquences S O R K C C’est cette relation de contingence entre l’émission de la réponse et sa conséquence dont le comportementaliste doit étudier les facteurs. Dans l’analyse du comportement d’un claustrophobe, on peut en distinguer trois : A, M, C. A. Facteurs du système autonome : J’ai chaud. J’ai la gorge serrée. Je transpire M. Facteurs moteurs : Je ne pense qu’à fuir ce lieu Je vais fuir ce lieu mais je suis paralysé, je ne peux pas parler. C. Facteurs cognitifs Si ça continue, je vais suffoquer, m’évanouir K englobe évidemment de nombreux facteurs autres, notamment des facteurs culturels et sociaux qui déterminent et renforcent un grand nombre des comportements sur lesquels les approches comportementales et cognitives se proposent d’agir. E) L’APPRENTISSAGE SOCIAL FD Page 10 17/04/2017 Nous arrivons à un modèle de conditionnement, celui qui se rencontre dans l’apprentissage social indispensable pour communiquer avec ses semblables. En pathologie mentale, on trouve de nombreux cas ou n’existent pas les troubles de la communication, rencontrés fréquemment, par exemple dans la schizophrénie, mais où simplement le patient ne connaît pas les moyens d’expression qui lui permettront de mieux communiquer, soit parce qu’il manque d’assertivité, soit parce qu’au contraire il n’attache pas assez d’importance aux conduites des autres. L’apprentissage social est généralement décrit (Bandura, 1976) comme un processus d’observation et d’imitation : on observe comment les autres agissent et ils servent de modèle que l’on essaie d’imiter. Cette description est insuffisante pour rendre compte des nombreuses difficultés rencontrées dans la formation de cet apprentissage : outre l’observation et l’imitation, il existe dans l’apprentissage social un processus de conditionnement opérant dans lequel l’élément déterminant est le renforcement. Il s’agit de l’apprentissage vicariant. On a montré que les animaux placés dans des cages proches de celles de congénères soumis à des chocs électriques pénibles présentaient des manifestations neurovégétatives semblables à celles de ces derniers. Dans l’apprentissage vicariant, ce que le sujet observe chez son modèle, c’est la conséquence de son comportement. Si celui-ci est renforcé positivement, le sujet observateur aura tendance à faire comme lui. L’observation n’est pas passive comme elle peut l’être chez l’enfant à qui ont dit « fais comme papa », ou celle su skieur débutant qui s’attacher à imiter les gestes de son moniteur. L’apprentissage social est un phénomène complexe puisqu’il n’obéit pas au seul déterminisme des stimulations sociales. On peut refuser de suivre la mode, être en désaccord avec certaines normes culturelles et cependant rester en harmonie avec le groupe. Ce qu’on appelle l’entraînement aux habilités ou aux conséquences sociales (social skills training) vise à faire acquérir au sujet plus d’adresse dans sa façon de défendre ses droits, d’exposer son opinion sans heurter celle des autres. F) CONCLUSION ET CRITIQUE DE LA THEORIE BEHAVIORISTE Les approches comportementales en psychopathologie sont parties du refus des applications des théories du mentalisme. Sans les rejeter, elles ne mettent au premier plan aucun des modèles psychologiques de la motivation, l’affectivité, la volonté, l’émotion, la personnalité, l’intelligence ou l’hérédité. Mais les hypothèses explicatives sur lesquelles sont fondées les théories psychopathologiques, si elles n’ont pas eu l’ambition d’aboutir à des modèles du comportement humain, n’en sont pas moins fécondes pour orienter le choix d’une stratégie psychothérapique ou médicamenteuse. C’est là l’intérêt de la recherche en thérapie comportementale et cognitive. Dès ses débuts, le parti-pris anti-psychique, et donc anti-constructiviste de la psychologie behavioriste a été critiqué. Jean Piaget a démontré qu'on ne pouvait pas résumer l'intelligence à des FD Page 11 17/04/2017 phénomènes d'apprentissage et d'imitation sur le modèle de l'éthologie animale sans tenir compte de la manière dont la connaissance se construit chez un sujet et un groupe. Or par définition, la connaissance n'étant pas un phénomène observable, le behaviorisme ne s'est pas engagé dans la problématique de l'épistémologie. La "boîte-noire" d'autre part, est vue par les psychanalystes comme un argument rhétorique pour évacuer la question de l'inconscient et celle du sujet. L'adaptation au sens étroit est postulée comme le seul moteur, l'alpha et l'omega, de toutes les conduites humaines. Par ailleurs, pour la théorie behavioriste, ne peut être objet de science que ce qui est observable par un individu extérieur sans référence au contenu psychique d'un sujet pensant, en contradiction évidente avec la perspective analytique. Les critiques de l'approche behavioriste ont ainsi utilisé la métaphore de l'iceberg : selon eux, les comportementalistes ne s'intéressent qu'à la partie émergée (le comportement observable, i.e., le symptôme) délaissant la partie immergée (le psychisme). La théorie freudienne repose en effet sur le fait que le symptôme n'est que l'expression de la partie inconsciente de la vie mentale (et notamment de conflits internes au sujet, comme dans la conversion hystérique) ce qui, en soi, n'est pas incompatible avec la position théorique behavioriste qui n'émet simplement pas d'hypothèse sur le contenu du psychisme. Par contre, les divergences entre ces deux approches peuvent apparaître cruciales s'agissant de la thérapeutique : une psychothérapie d'inspiration comportementaliste cherchera à faire disparaître le symptôme sans se préoccuper de leur signification, tandis que la cure psychanalytique visera une modification des processus psychiques s'exprimant dans la symptomatologie clinique. Le cognitivisme est un courant en psychologie qui est né en prolongation du behaviorisme. La thématique du langage a joué un rôle important en canalisant la critique sur la conception behavioriste du langage comme un ensemble d'« habitudes » apprises par observation et conditionnement. Au contraire, la linguistique cognitive défendue par Noam Chomsky se fonde sur l'hypothèse d'une grammaire mentale constituée de règles que l'on peut décrire formellement et qui serait contenu dans l'héritage phylogénétique de chacun des êtres humains. La critique chomskyenne repose notamment sur l'argument de la pauvreté du stimulus qui considère qu'une telle grammaire universelle est indispensable aux enfants pour acquérir une telle compétence langagière alors qu'ils sont loin d'avoir été confrontés à toutes les structures grammaticales possibles. Plus généralement, la psychologie cognitive se fonde sur l'idée que la pensée est décomposable en processus mentaux distincts qu'il convient de modéliser comme des entités relativement autonomes. Les caractéristiques de ces processus mentaux sont alors indirectement accessibles au moyen d'expériences dans lesquelles le comportement reste la principale variable expérimentale. FD Page 12 17/04/2017 Le modèle cognitiviste II) Le courant cognitiviste est issu des travaux sur la logique et les mathématiques, et surtout du développement de l'informatique. Wiener en 1948 ("cybernetics") émet l'idée d'une représentation mécanique du cerveau. En psychologie, le cognitivisme désigne le courant de recherche scientifique endossant l'hypothèse que la pensée est un processus de traitement de l'information. On l'inscrit généralement dans l'approche computo-représentationnelle de l'esprit ayant cours dans les sciences cognitives, bien que depuis la fin des années 1980, le modèle connexioniste rivalise avec le computationnalisme. En gros, celui-ci est une thèse philosophique qui établit une analogie entre le fonctionnement de la pensée humaine et d'un ordinateur. Le cognitivisme est d'abord un paradigme scientifique constitué au moment de la Révolution cognitiviste des années 1950 qui a vu s'unifier différents domaines scientifiques notamment la psychologie, la linguistique, l'intelligence artificielle, les neurosciences, l'anthropologie et la philosophie, en une super-discipline qui a pris le nom de sciences cognitives. Le rôle central de la cognition (humaine, mais aussi artificielle et animale) dans ce paradigme marque son opposition à la tradition comportementaliste (ou béhavioriste) qui avait cours en psychologie jusqu'alors. Le cognitivisme psychologique est suivant les auteurs associé ou non à un physicalisme fonctionnaliste qui établit une séparation entre le matériel biologique constituant le système nerveux (le « hardware » de l'ordinateur) et les opérations mentales qui sont exécutés (les « programmes » ou « software »). Pour le cognitivisme, le stockage de la mémoire dans le cerveau se fait d'une manière constructive. Pour la simple petite perception, un travail de stockage et d'interprétation est enclenché. L'information se dirige premièrement dans la mémoire sensorielle, qui se dirige ensuite dans la mémoire à court terme pour ensuite être traduite et classée dans la mémoire à long terme. La mémoire guide notre perception. Il y a deux traitements de l'information le mode ascendant: d'une information donnée, nous tirons des conclusions grâce à notre mémoire à long terme. le mode descendant: grâce aux schèmes et scripts que nous avons emmagasinés dans notre tête, nous essayons d'anticiper des situations. Le cognitivisme repose donc sur deux métaphores : FD Page 13 17/04/2017 le cerveau est similaire à un ordinateur et fonctionne en traitant de l'information à l'aide de systèmes ouverts qui peuvent communiquer avec l'environnement, en manipulant des symboles le cerveau est semblable à un réseau neuronique où les concepts sont reliés entre eux par des relations. Ainsi, la pensée est un système de représentations de l'état du monde, représentations qui sont des significations sur lesquelles la pensée s'exerce et l'humain recueille, modifie, encode, interprète, emmagasine l'information provenant de l'environnement et en tient compte pour prendre des décisions et orienter sa conduite. En fait, tout système cognitif a une architecture à trois composantes : - une base de connaissances ou mémoire à long terme - une instance de traitement - un moteur d'inférences Tout apprentissage repose sur l'activité de la mémoire. A tout moment, notre système mnésique enregistre nos perceptions et nos actions et guide nos réalisations. Le processus mnésique se décompose en 3 phases : l’encodage, le stockage et la récupération. Les troubles cognitifs peuvent intervenir sur une des étapes ou toutes en même temps. Le courant cognitiviste classique regroupe habituellement sous le terme de mémoire les processus d'encodage, de stockage et de récupération des représentations mentales. Beaucoup de recherches sur la mémoire en psychologie cognitive consistent à repérer et à décrire ses différents composants. Pour ce faire, les psychologues se basent sur des résultats expérimentaux et sur les symptômes manifestés par des patients cérébrolésés. A) Modèle modal de la mémoire Le plus influent de ces modèles structuraux de la mémoire est le modèle modal, qui divise la mémoire en trois sous-systèmes : registre sensoriel, mémoire à court terme et mémoire à long terme. La notion de mémoire à court terme a ensuite été profondément renouvelée par le concept de mémoire de travail. Le modèle modal divise la mémoire en trois sous-systèmes principaux. Ce modèle est une synthèse de nombreux résultats expérimentaux et représente la conception dominante de la mémoire humaine dans la psychologie cognitive de FD Page 14 17/04/2017 la fin des années 1960. Une formulation classique de ce modèle a été proposée par Atkinson et Schiffrin (1968). Les trois composantes de la mémoire dans le modèle modal sont : Le registre sensoriel : il peut retenir une grande quantité d'informations sous forme visuelle pendant un temps extrêmement court (quelques millisecondes). Ce processus est différent du phénomène de rémanence visuelle La mémoire à court terme (MCT) : elle contient un nombre limité d'éléments, stockés sous forme verbale pendant quelques secondes La mémoire à long terme (MLT) correspond à notre conception intuitive de la mémoire. Les informations en MLT sont de nature sémantique. La MLT ne connait pas en pratique de limites de capacité ou de durée de mémorisation. Pour Atkinson et Schiffrin, la probabilité de mémorisation en mémoire à long terme (c'est-à-dire d'un apprentissage durable) dépend uniquement de la durée de présence en mémoire à court terme Voyons en détail les systèmes de stockage selon Atkinson et Shiffrin : Il en existe trois : - le registre d'information sensorielle (visuel, auditif, tactile) - la mémoire à court terme (répétition, encodage, décision, récupération) - la mémoire à long terme (stockage permanent). Tout d'abord le registre d'information sensorielle (R.I.S.). C'est une mémoire de nature sensorielle et immédiate. Les traces s'évanouissent très vite. La trace mnésique ne dure que quelques 10° de secondes. C'est en fait la persistance pendant un laps de temps très court, de la stimulation de nos organes sensoriels. Par exemple le son en écho du dernier mot entendu. Pour appréhender ce mode de fonctionnement de la mémoire, Linsay et Norman vous conseillent de faire tapoter quatre doigts sur votre bras. Vous obtenez une sensation immédiate. Notez comment elle s'évanouit: d'abord, vous conservez la sensation du tapotement; ensuite, il ne reste que le souvenir de cette sensation. FD Page 15 17/04/2017 Vous pouvez également fermer les yeux pendant un court instant puis ouvrez-les quelques instants avant de les refermer. Notez que l'image claire et nette que vous avez captée se maintient un instant pour ensuite s'effacer lentement. Faites bouger un crayon par un mouvement de va-et-vient devant vos yeux, tout en regardant fixement droit devant vous. Voyez l'image fugace qui traîne derrière l'objet en mouvement. Cette dernière expérience permet d'évaluer la persistance de l'image. Changez la vitesse à laquelle vous bougez l'objet. Notez que si vous allez trop lentement vous perdez la continuité de l'image entre les points extrêmes du mouvement de va-et-vient. Pour conserver la continuité de l'image consécutive, il faut environ 10 va-etvient par 5 s. Le crayon passe donc 20 fois toutes les 5 s ou 4 fois par seconde. La trace visuelle persiste pendant 0,25 s. Ce type de mémoire permet d'assurer la continuité d'un mouvement quand nous regardons un film : cela maintient le mouvement d'une image à l'autre et permet le traitement de l'information sensorielle pendant un temps plus long que son déroulement réel. En fait, le registre d'information sensorielle stocke plus d'informations qu'on ne peut en retenir. L'oubli, quant à lui, est dû à l'évanescence de la trace (mise en repos des organes sensoriels ou nouvelles stimulations sensorielles). L'impression, le bruit, le tableau visuel disparaît. La mémoire à court terme (MCT) quant à elle, est un système qui maintient l'information déjà recueillie en R.I.S., pendant quelques secondes voire quelques minutes. C'est l'étape pendant laquelle nous conservons à l'esprit l'information dont nous avons besoin temporairement que nous essayons d'organiser pour la stocker de façon permanente La nature de ce souvenir est du type interprétation de l'image sensorielle. Par exemple, après audition d'une phrase, on se souvient des mots prononcés et du sens de ces mots beaucoup plus que des sons qui ont produit la phrase. Ainsi on peut se rappeler du mot profit alors que le mot prononcé était bénéfice. FD Page 16 17/04/2017 La capacité de cette mémoire est limitée. Miller (1972) parle de 7+ou-2 éléments retenus quelque soit leur longueur. Par rapport au R.I.S., on peut garder indéfiniment en MCT des éléments par le travail d'interprétation ou l'autorépétition. Si les éléments stockés en MCT sont encore présents à l'esprit, c'est qu'ils n'ont jamais quitté la conscience (sinon c'est de la mémoire à long terme). Donc, c'est une mémoire directe et immédiate qui excède rarement les 30 s à 1minute. La mémoire à long terme ( MLT). Elle est laborieuse et compliquée. C'est le système de mémoire le plus important. Sa capacité est illimitée. Tout ce qui est appris et retenu depuis plusieurs minutes passe en MLT. Son contenu est immense : on sait que l'on possède 100 milliards de neurones stockant chacun une assez bonne quantité d'information. La probabilité de recouvrer tel ou tel élément dépend de la nature du matériel stocké. L'oubli n'est plus dû à l'évanescence de la trace mais à l'interférence (phénomène de masquage d'une information par une autre). D'ailleurs, il n'y a pas d'oubli en MLT mais parfois une impossibilité provisoire de se rappeler, à cause du contexte pas toujours adapté. Le matériel stocké en MLT ne vient pas toujours d'un transit en MCT. On peut fabriquer de nouveaux souvenirs en associant des éléments déjà présents en MLT. C'est la porte ouverte à la créativité... Quant au recouvrement de l'information, c'est une opération de résolution de problème. Car pour que l'information puisse passer de la MCT à la MLT, il est nécessaire de l'organiser. Il faut opérer un traitement en profondeur de cette information. La qualité du rappel dépendra du niveau d'analyse des items à retenir, reposant sur une structure logique et associative. Ainsi, l'on peut fournir à des gens une liste de mots à examiner. Cette liste comprend des mots courts, d'autres longs; ces mots sont de couleurs différentes. Certains sont des noms et d'autres des verbes. Et l'on peut demander aux personnes de faire des choses différentes avec ces mots, à savoir : - dire la couleur du mot - dire le nombre de lettres du mot FD Page 17 17/04/2017 - dire le nombre de lettres qui riment avec le mot thé - dire si c'est un nom ou un verbe - trouver un mot qui rime avec - trouver un antonyme (contraire du synomyme) - produire une image mentale du mot - composer une histoire qui comporte le mot et ceux qui précèdent Cette liste de tâches est ordonnée suivant la profondeur de traitement. Et l'on s'aperçoit qu'à chaque niveau d'analyse correspond une performance mnémonique croissante… Un second modèle est le modèle HAM d'Anderson et Bower qui fait état de deux types de mémoire : une mémoire de travail et une mémoire à long terme. Avec, en plus, des éléments d'entrée et de sortie : les récepteurs auditifs et visuels (repérage perceptif) doublés d'une mémoire tampon - un analyseur linguistique situé après les récepteurs sensoriels - un analyseur perceptif - un dispositif d'exécution et un générateur de réponses Dans ce deuxième modèle, on retrouve le registre sensoriel dont les fonctions sont la perception et l'attribution de signification aux stimuli. La mémoire de travail est le centre de traitement de toute l'information et d'intégration des stimuli extérieurs à la structure des connaissances antérieures. Elle correspond en tous points à la mémoire à court terme d'Atkinson et Shiffrin, avec sa capacité limite de traitement de l'information (7 +/- 2 éléments) et sa durée très brève de disponibilité des informations (qq secondes). 1°) Mémoire à court terme, mémoire de travail (MDT) Pour le modèle modal, la MCT joue un rôle particulier dans la cognition et particulièrement dans l'apprentissage de nouvelles informations. Les preuves expérimentales de ce fonctionnement sont cependant limitées. Devant les difficultés de ce modèle, et particulièrement pour rendre compte des propriétés FD Page 18 17/04/2017 dynamiques de la MCT, Alan Baddeley et ses collègues ont proposé un nouveau modèle de la mémoire de travail composé de plusieurs sous-systèmes. Les trois composants du modèle de Baddeley et Hitch sont : L'administrateur central : mécanisme attentionnel de contrôle et de coordination des 2 systèmes esclaves (boucle phonologique et calepin visuo-spatial) : La boucle phonologique (BP) : elle est capable de retenir et de manipuler des informations sous forme verbale Le calepin visuo-spatial (CVS) : il est chargé des informations codées sous forme visuelle. 2°) Mémoire à long terme (MLT) En ce qui concerne la mémoire à long terme, plusieurs distinctions ont été établies : Entre la mémoire épisodique et la mémoire sémantique Entre la mémoire implicite (procédurale) et la mémoire explicite (déclarative) En outre, de très nombreuses recherches en psychologie cognitive portent sur les formes de représentations mentales utilisées en mémoire à long terme. Mémoire implicite et mémoire explicite La distinction entre mémoire implicite et mémoire explicite inclut approximativement celle de mémoire procédurale et de mémoire déclarative : La mémoire procédurale permet l'acquisition et l'utilisation de compétences motrices comme faire du vélo, pratiquer un sport… La mémoire déclarative est responsable de la mémorisation de toutes les informations sous forme verbale, c'est-à-dire celles que l'on peut exprimer avec notre langage. La notion de mémoire implicite et explicite généralise cette distinction à l'ensemble des natures de traitements d'information liés à la cognition humaine. Autrement dit, il existe des automatismes pour les informations verbales, imagées, sensitives et gestuelles (ex : rappel du mot) autant qu'il existe des représentations mentales manipulables par la conscience et l'attention, sur lesquelles peuvent porter des décisions (ex : représentation mentale d’un geste d’agressivité). FD Page 19 17/04/2017 Une décision se réfère à la conscience : prendre une décision correspond à autoriser ou au contraire à inhiber un processus automatique préexistant. E : la réponse motrice au geste interprété comme agressif consiste à entamer un mouvement ou au contraire, inhiber un réflexe moteur de fuite. Au contraire des présupposés courants, la prise de décision ne « crée » pas à proprement parler de nouvelles informations, elle ne permet pas non plus d'en récupérer : elle permet simplement de porter un dernier processus de vérification sur des processus déjà déclenchés et des informations déjà activées et préstructurées. Mémoire épisodique et mémoire sémantique L'idée de la nécessité d'une mémoire sémantique contenant des connaissances générales pour la perception et la compréhension du langage a été suggérée par les recherches en intelligence artificielle. Ex : expériences sur le langage des machines ou de reconnaissance des expressions. En psychologie, Endel Tulving a proposé en 1972, la distinction entre mémoire sémantique et mémoire épisodique (mémoire des événements de la vie personnelle), notamment pour rendre compte des symptômes de certains patients cérébrolésés présentant des troubles spécifiques à l'un de ces deux types de mémoire. La mémoire à long terme se décompose en deux sous-ensembles (Tulving, 1972) : la mémoire épisodique (ou explicite) : c'est une mémoire contextualisée; elle contient des images sur où, quand, comment; la récupération des informations se fait par indices spatio-temporels; elle contient des épisodes de vie. la mémoire sémantique ( ou implicite) : elle contient les concepts, les principes, les règles, les images mentales élémentaires, les plans d'action. INFORMATION FD MEMOIRE EPISODIQUE Evénement MEMOIRE SEMANTIQUE Faits, idées Episodes Concepts Référence au moi Références à l'univers Page 20 17/04/2017 PROCESSUS Croyance Codage temporel consensus social Codage a-temporel Affect important Affect peu important Contextuel A-contextuel Evocation du passé Actualisation des connaissances Sensible à l'amnésie APPLICATIONS Peu utilisé en éducation Témoignages Peu sensible à l'amnésie Forte utilité en éducation Forte association avec l'intelligence Oubli La gage Expertise Tableau : les principales différences entre mémoire sémantique et mémoire épisodique (inspiré de Tulving, 1983). Selon Baddeley, la mémoire sémantique serait le résidu de plusieurs épisodes cad une extraction des traits communs, indépendamment du contexte de chaque épisode. Elle est générique. Donc, c'est la mémoire épisodique qui vient nourrir la mémoire sémantique. Toujours selon Baddeley, la métaphore la plus parlante pour illustrer et comprendre le fonctionnement de la mémoire est celle d'une bibliothèque : - le matériel doit être bien rangé : fonction d'encodage - il ne doit pas se détériorer avec le temps : fonction de stockage - on doit pouvoir y accéder facilement : fonction de récupération. Le plus gros du travail se fait en mémoire à court terme ou mémoire de travail, qui se décompose en sous-systèmes : un contrôleur central et deux systèmes auxilliaires, à savoir un agenda visuo-spatial (stockage de l'information visuospatiale) et une boucle articulatoire (répétition de l'information verbale, codage phonologique) Baddeley 1994. En mémoire à long terme, on distingue plusieurs composants. FD Page 21 17/04/2017 - Une première distinction oppose, selon Paivio, la mémoire visuelle à la mémoire verbale. La mémoire visuelle ou imagée stocke l'information en préservant ses caractéristiques. Le codage se ferait sous forme analogique. Par contre, la mémoire verbale code l'information sous forme d'unités de sens sans préserver les propriétés du stimulus. - Une deuxième distinction est opérée par Tulving (1972) entre mémoire épisodique et mémoire sémantique (voir plus haut). - Une troisième opposition peut être faite, selon Squire (1980), entre connaissances déclaratives et connaissances procédurales. Les connaissances déclaratives sont des représentations verbalisables d'épisodes de vie, de concepts ou d'images mentales. Ce sont des connaissances conscientes, faisant l'objet d'un contrôle intentionnel. Elles décrivent certains états du monde et ont un caractère statique. Les connaissances procédurales sont dynamiques et ont un caractère perceptivo-cognitif ou cognitivo-moteur. A ce titre, elles sont peu communicables, peu conscientes et très automatisées : elles consistent en systèmes d'associations plus ou moins complexes entre des stimuli, des comportements et des états mentaux. Les modes d'apprentissage de ces deux types de connaissances ne sont pas les mêmes : les connaissances déclaratives fonctionnent sur le mode de la restructuration ou de l'accumulation alors que les connaissances procédurales fonctionnent par réglage. B) Modèle SPI de Tulving Endel Tulving (1995) a proposé un modèle structural de la mémoire dans lequel il distingue cinq systèmes de mémoire organisés de façon hiérarchique, à la fois en termes d'origine phylogénétique et en termes de prépondérance au sein du système cognitif. On peut rappeler que Sherry et Schacter (1987) ont défini le terme de système de mémoire comme l'« interaction entre mécanismes d'acquisition, de rétention et de récupération, caractérisés par certaines règles opératoires (...), 2 systèmes (ou plus) se caractérisant par des règles fondamentalement différentes ». FD Page 22 17/04/2017 Du plus ancien au plus récent, il considère les systèmes suivants, chacun d'eux nécessitant l'intégrité des systèmes précédents pour fonctionner : La mémoire procédurale : elle constitue selon ce modèle le plus ancien et le plus important système de mémoire ; son intégrité est nécessaire au fonctionnement des suivants. Ex : toutes les techniques du corps Le système de représentation perceptive SRP) : il contiendrait des ébauches perceptives des éléments constitutifs de la mémoire sémantique. Ex : les expressions. Ces deux premiers systèmes sont dits anoétiques puisqu'ils n'impliqueraient pas de prise conscience de l'« objet ». La mémoire sémantique se réfère à l'ensemble des représentations sur les connaissances générales sur le monde La mémoire primaire correspond à la MCT ou à la MDT. Ce système permet le maintien temporaire et la manipulation de l'information. Ces deux systèmes sont dits noétiques puisqu'ils impliquent une prise de conscience des objets qu'ils traitent La mémoire épisodique concerne les représentations des événements situés dans le temps et dans l'espace (contexte). Ce système est dit autonoétique parce qu'il implique une prise de conscience de l'objet et du sujet propre en tant qu'il perçoit l'objet. Ex : schizophrénie et troubles cognitifs. Le modèle SPI (pour sériel, parallèle et indépendant) soutient que : L'encodage se fait de façon sérielle, dans un système après l'autre, item après item Le stockage est parallèle, un élément pouvant être stocké dans plusieurs systèmes en même temps La récupération se fait de manière indépendante, dans le système concerné. C) Mémoire et cognition située et distribuée Alors que la plupart des modèles évoqués jusqu'à présent s'inscrivent dans la perspective du traitement de l'information en psychologie cognitive, certains auteurs proposent une vision radicalement différente de la cognition comme processus collectif inscrit dans l'environnement social et physique. Ces diverses FD Page 23 17/04/2017 perspectives sont généralement regroupées sous l'étiquette cognition située et distribuée. Dans le domaine de la mémoire, on peut notamment citer le travail d'Edwin Hutchins sur le pilotage d'avions de ligne et la navigation maritime. Il décrit, par exemple, comment le traitement (mémorisation, rappel, utilisation) d'un paramètre comme la vitesse de l'avion se distribue entre les deux membres de l'équipage et les outils à leur disposition dans le cockpit. Il suggère ainsi que les processus cognitifs ne sont pas des phénomènes purement individuels mais le résultat de l'activité coordonnée des participants et de leurs instruments. D) Approche unitaire de la mémoire Versace, Padovan et Nevers (2002) proposent une approche différente de la mémoire. Cette approche remet en question la conception en systèmes multiples de la mémoire, ainsi que la notion de représentation dans la valeur abstractive (l'objectif des systèmes sensoriels serait d'« abstraire » des invariants) que lui donne l'approche cognitiviste classique. La conception en traces multiples considère que chaque confrontation à un événement entraine la création d'une trace mnésique, qui correspond strictement aux activations sensori-motrices (et notamment émotionnelles) provoquées par celui-ci. Ce serait l'accumulation de ces traces qui permettrait, à partir des confrontations répétées à un objet par exemple, dans une large étendue de contextes différents, d'extraire en quelque sorte un sens, recréé à chaque activation. Ce sens, qui n'est pas stocké en tant que tel, correspond en quelque sorte à l'ensemble des activations sensorimotrices liées à cet objet, en fonction du degré de liaison. E) Méta-mémoire Pour expliquer la production du concept de l'écoulement temporel, il est nécessaire de faire appel au concept de méta-mémoire ou méta-mnèse, c’est-àdire une mémoire de la mémoire, caractérisée par le souvenir des variations de celle-ci. La méta-mnèse permet à l'esprit de s'abstraire du présent et d'imaginer un cours du temps en considérant la succession des souvenirs de ses états de mémoire ou plus précisément encore le souvenir des variations de sa mémoire. Cette propriété serait aussi nécessaire à la construction de la conscience de soi. III) De la Pratique des Thérapies Comportementales et Cognitives L’application de la psychologie scientifique à la psychothérapie est représentée par les thérapies comportementales et cognitives. Celle-ci mettent l’accent sur FD Page 24 17/04/2017 l’utilisation d’une méthodologie expérimentale afin de comprendre et de modifier les troubles psychologiques. Les cadres de références des thérapies comportementales sont des théories de l’apprentissage, c'est-à-dire le conditionnement classique et opérant et l’apprentissage social. De nos jours, les théories font également référence aux modèles cognitifs basés sur l’étude du traitement de l’information, c'est-à-dire : les processus de pensée qui filtrent et organisent les événements environnementaux du sujet. Le comportement et les processus sont en interaction avec les émotions. Le premier type de conditionnement a été décrit, il y a à peu près trois-quarts de siècle par Pavlov. Dans le conditionnement pavlovien ou classique, l’acquisition relève d’un principe de continuité et d’associationnisme, principe que l’on retrouvera dans toutes les théories comportementalistes. Dans la théorie de Pavlov, l’apprentissage est acquis par l’association répétée des liaisons temporaires. Ces liaisons sont temporaires car l’organisme doit continuellement s’adapter à un environnement sans cesse changeant. Plusieurs écoles de psychologie ont tenté d’expliquer la genèse de l’anxiété selon leurs positions théoriques. Les comportementalistes considèrent l’anxiété comme une tendance acquise. Dans le conditionnement classique, l’anxiété joue un rôle important dans la détermination des comportements névrotiques. L’anxiété névrotique est considérée comme une réponse émotionnelle conditionnée pour laquelle un stimulus neutre a été associé avec un stimulus aversif inconditionnel. Vers 1913, Thorndike, en effectuant des expériences sur l’apprentissage animal, formula la loi de l’effet : un comportement est appris en fonction de cet effet sur l’environnement. La loi de l’effet entre dans la psychologie dite du stimulus réponse (S-R). Elle élimine l’interaction d’idées « conscientes » d’un raisonnement entre le stimulus et la réponse. En tant que telle, elle anticipe le principe de renforcement de la réponse par ses conséquences qui sera adapté par de nombreux théoriciens du comportementalisme, dont Skinner. Les premiers travaux chez l’homme remontent à Watson et Rayner. En 1920, ces derniers ont conditionné Albert, un enfant de neuf mois, à apprendre la réaction de peur à la présentation d’un rat blanc. En 1924, Mary Cover-Johns, à la suite d’une expérience avec le petit Peter, lui enseigna la possibilité de se reconditionner de sa phobie en lui apprenant une réponse incompatible avec la peur. A partir de 1952, après une série d’expérience. Wolpe met au point la technique de désensibilisation systématique des phobies. Il y a un peu plus d’un demi- siècle que la deuxième tendance des théories comportementales est née, grâce aux travaux des chercheurs américains et particulièrement B.F. Skinner. Ainsi, la théorie du conditionnement opérant, instrumental ou skinnérien, a été distinguée de la théorie du conditionnement classique ou pavlovien. FD Page 25 17/04/2017 Dans cette forme de conditionnement ; la variable dépendante à étudier dans tout comportement est la réponse et son débit. Selon Skinner, l’organisme agit sur l’environnement et les conséquences de son action la conduisent à modifier son comportement. D’après Skinner, une réponse constitue la condition d’obtention du renforcement. La réponse opérante peut être définie comme une unité du comportement dont la production est la condition du renforcement. Skinner appelle l’ensemble des modalités qui régissent la relation entre la réponse, le renforcement et les stimuli discriminatifs, les contingences de renforcement. Le conditionnement opérant apprend aux individus non seulement à être sensibles à la structure causale des événements mais aussi à intervenir dans cette structure. Il est instrumental ou opérant parce qu’il peut générer des comportements qui modifient certaines relations de l’environnement. Ainsi l’organisme ne subit pas, il agit. Vers les années 70, sous l’influence des chercheurs comme Mahoney et Bandura, le comportementalisme radical a peu à peu laissé la place au comportementalisme méthodologique. Les premiers comportementalistes comme Watson étaient convaincus que l’on ne peut pas accéder aux états mentaux des êtres humains. Leurs croyances, leurs motivations, leurs intentions et enfin leurs pensées sont inaccessibles à la méthode scientifique. C’est au début du siècle que Wertheimerer, Kohler et Koffa, un groupe de chercheurs allemands, ont mis au point, les théories cognitivistes. Ils ont étudié la perception en liaison avec les mécanismes de la mémoire et de la résolution des problèmes. La psychologie cognitive s’intéresse au processus de la pensée. La psychothérapie cognitive est différente de la psychothérapie classique par les points suivants : - Son caractère structuré, - Sa concentration sur ici et maintenant - L’absence des constructions théoriques comme celles de la psychanalyse La modification du comportement n’est pas seulement due à des associations des réponses du monde extérieur mais aussi à la représentation cognitive que nous faisons de l’environnement. La perception cognitive des contingences de l’environnement est l’élément principal pour expliquer toute une série d’inadaptations, de malformations sociales et psychologiques. Parmi les tendances actuelles du cognitivisme, il est possible de citer : - Le cognitivisme structural, - Le cognitivisme computationnel. Ces deux approches se distinguent l’une de l’autre par les moyens qu’elles se donnent pour analyser le système cognitif. La première se base sur les structures FD Page 26 17/04/2017 et les mécanismes de fonctionnement de ces structures alors que la seconde tient compte des représentations de connaissances calculables et des règles de calcul. Parmi les différentes formes de cognitivisme structural, nous pouvons citer le gestaltisme et le structuralisme piagétien. Le cognitivisme computationnel a donné naissance à la psychologie dite du traitement de l’information. Le modèle théorique du traitement de l’information repose sur l’idée fondamentale que le fonctionnement cognitif humain est équivalent à un flux de l’information ou de façon plus détaillée à un ensemble d’activités de saisie, transformation ou traitement, stockage et utilisation de l’information. On entend par cognition, l’acquisition des savoirs sur l’environnement et cela par l’intermédiaire des phénomènes comme l’attention, la perception, la mémoire et l’image mentale. L’organisme traite l’information (stimulus) en fonction de schémas cognitifs inconscients et acquis (les schémas sont des représentations organisées, des expériences de l’enfance précoce, ils sont stockés dans la mémoire à long terme). Ceux-ci avec l’aide des processus cognitifs (assimilation, accommodation, heuristiques, distorsions de la pensée logique) filtrent et transforment l’information en événements cognitifs (pensées et images mentales) qui interagissent avec le comportement moteur. Des 1959, la théorie cognitive de la psychothérapie cognitive s’est développée à partir des travaux effectués par Beck et la notion du traitement de l’information a été appliquée pour la première fois aux états dépressifs. A. Epistémologie et modèles théoriques C’est thérapies ont donc suivi l’histoire de la psychologie expérimentale avec ses grandes étapes : la psychologie comportementale jusqu’à la fin des années 60, puis la psychologie cognitive « froide » accompagnée de l’introduction de la psychoneurologie ; et depuis les années 80, la psychologie cognitive dite « chaude » intégrant les processus émotionnels. Ce qui différencie les thérapies dites cognitives de celles dites comportementale est que dans les premières entre le stimulus et la réponse n’est pas non analysable : elle doit être étudiée d’autant plus que ce sont les structures et processus internes (différentes appellations ont été données : variables intermédiaires, boîte noire, etc.) qui modulent la liaison entre la stimulation et la réponse. Des modèles plus anciens avaient été déjà introduit l’organisme dans le schéma S.R, d’où un schéma S-O-R qui n’apportait pas grand-chose concernant les processus cognitifs. L’introduction de ceux-ci dans les modèles de fonctionnement pathologique a complexifié et diversifié fortement la vision des problèmes d’où la difficulté de présenter une méthode de thérapie cognitive . La plus connue, celle initiée par Beck mais souvent adaptée par les auteurs qui s’en sont inspiré, la technique de Ellis (La Thérapie Rationnelle Emotive), la résolution de problèmes, etc., sont décrites par les auteurs avec des concepts FD Page 27 17/04/2017 différents qui les font apparaître comme très différentes alors que le psychologue cognitiviste repère rapidement les points de convergence. Ces pratiques thérapeutiques en « techniques comportementales » ou en « techniques cognitives » mettent en jeu la plupart du temps des processus à la fois comportementaux et cognitifs, ce qui n’est qu’une traduction d’un mode d’appréhension syncrétique de l’homme : le corps, la pensée, les émotions, les comportements sont en continuelle interrelation. Si l’on excepte les anciennes chaînes linéaires, les modèles actuels sont en effet tous de type de boucle de rétroaction, la différence se faisant au niveau de l’ordre des composantes du système et/ou plus ou moins interne de ces systèmes en feedback. La rétroaction peut se faire sur la base d’un modèle linéaires dans lequel il y a un ordre des « modules » du modèle (comportement, cognitions, émotions, etc.) ; l’exécution d’un module permettant la poursuite de la chaîne, son dysfonctionnement renvoyant à une étape antérieure. Dans une autre perspective, la rétroaction peut se faire dans un système multilinéaire où les feedback ne renvoient pas à une étape antérieure précise mais à celui des ces modules qui est à l’initiation du dysfonctionnement et qui sera cible d’un processus de booster permettant de gérer l’homéostasie. Nous verrons par ailleurs qu’une schématisation en « modules » utile pour un exposé simple des différentes théories est par essence faux car, par exemple, les fonctions « cognitions » et « émotions apparaissent comme étant complètement interpénétrées dans un système de rétroaction structure-processus » central. La « révolution cognitiviste » va, dès le début des années 70. Modifier profondément l’approche en psychothérapie comportementale. Dès le moment où celle-ci n’est plus définie par un modèle théorique elle s’ouvre obligatoirement, pourrait-i sembler, à toute orientation s’appuyant sur le raisonnement expérimental. En fait l’opposition entre le behaviorisme et le cognitivisme se retrouve dans les psychothérapies. Pendant longtemps on a parlé de thérapies comportementales et de thérapies cognitives, les tenants des unes et des autres admettant une communauté sur les principes développés précédemment mais résistant à une intégration dans un corps commun de pratiques thérapeutiques. Un exemple concret institutionnel, en est le fait que l’Association française de thérapie comportementale (AFTC) ne s’est transformée qu’en 1990, soit vingt ans après le virage de 1970, en Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC), alors que la même année l’European Association for Behaviour Therapy (EABT), dont fait partie l’AFTCC, décidait de ne pas inclure le terme « cognitive » dans son appellation et ceci en reprenant strictement les mêmes arguments que ceux qui avaient amené l’AFTCC à prendre la décision contraire. B) Interrelations entre les thérapies comportementales et cognitives FD Page 28 17/04/2017 La première question qui se pose est de savoir s’il existe des thérapies purement comportementales ou purement cognitives bien qu’il apparaisse nettement que les différentes pratiques tendent plus vers l’une ou vers l’autre. 1°) Les thérapies comportementales La plus connue de ces méthodes comportementales, la désensibilisation systématique (DS), mise au point à la fin des années 40 par Wolpe mais déjà pré-élaborée en 1924 par Mary Cover Jones, est censée reposer sur le principe de l’inhibition réciproque. Cependant de nombreux travaux tendent à mettre en doute ce seul principe explicatif de l’efficacité de la DS. En particulier le rôle de la relaxation est très discuté, car cette technique impliquerait l’effet d’autres facteurs. Des lors, à l’exception des hypothèses de l’extinction ou d’un effet opérant, lesquelles ont reçu un soutien expérimental très nettement insuffisant, ce sont les facteurs cognitifs qui ont focalisé l’attention des chercheurs. D’autre part, pour ce qui concerne tout au moins la DS en imaginaire, il est évident que les processus de représentation et d’imagerie mentale tiennent une place très importante puisque c’est par leur biais que le patient affronte les situations anxiogènes. Même s’il semble impossible de réduire l’efficacité de la D.S. aux seuls facteurs cognitifs, il apparaît également impossible d’ignorer leur nécessaire implication. Même dans les procédures d’exposition directe, par exemple l’implosion ou l’immersion, l’intervention de processus cognitifs ne peut être niée. Dans l’implosion il est classique de demander au patient d’imaginer une rencontre, sinon un contact, avec l’objet source d’anxiété et ce jusqu’à l’obtention de l’anxiété maximal. L’immersion, in vivo, ne reçoit aucune explication théorique satisfaisante par les modèles comportementaux (théorie de la réponse compétitive, la théorie des deux facteurs ou celle de la relaxation). Il est ici aussi impossible d’éliminer le rôle de l’impact des pensées du patient (et de leur restructuration) lors de sa confrontation avec la situation anxiogène. Les techniques aversives, directement issues des principes du conditionnement, et qui posent des problèmes déontologiques en fonction en particulier de leur caractère physiquement désagréable pour le patient, se voient remplacées par les techniques aversives modernes fondées sur l’aversion cognitive. Il apparaît que les facteurs cognitifs sont sans cesse interpellés dans l’explication des éventuelles réussites ou échecs. Il est clair par exemple qu’un patient alcoolique sait parfaitement que les nausées ressenties lors d’une cure aversive ne sont dues qu’à l’administration de la substance chimique « X » et qu’il suffira par la suite de ne pas la prendre pour évier ces sensations désagréables lors de l’absorption d’alcool. De même, il m’est souvent apparu que des alcooliques se servaient volontairement de l’émétine. Sachant que l’association émétine + boissons alcoolisées permettait de se libérer des différents troubles (immédiats) consécutifs à la prise importante d’alcool, ils utilisent délibérément l’émétine pour, après avoir vomi l’alcool, pouvoir recommencer à en absorber. Il s’agit là FD Page 29 17/04/2017 d’un processus cognitif prévisionnel utilisant les propriétés d’une « thérapie » théoriquement basée sur les lois du conditionnement, mais dans l’optique inverse de celle-ci. Plus qu’une interférence des processus cognitifs, il s’agit d’un détournement conscient d’une procédure thérapeutique a priori basée sur les principes de l’apprentissage par conditionnement. On pourrait ainsi analyser l’ensemble des procédures thérapeutiques dites comportementales (telles que la relaxation, les techniques d’affirmation de soi, etc.) pour montrer qu’elles impliquent toujours des processus cognitifs. Même celles qui semblent a priori uniquement fondées sur les principes du conditionnement opérant n’excluent pas l’intervention des activités cognitives. Par exemple, la technique d’économie de jetons appliquée même chez des sujets retardés mentaux peut difficilement voir son efficacité expliquée sans faire appel à la notion de représentation mentale de la liaison du jeton, renforçateur secondaire, et des divers renforçateurs primaires qu’il permet d’obtenir. Certains travaux relativement récents montent d’ailleurs l’intrication des processus cognitifs dans ceux, pourtant semble-t-il a priori plus simples, du conditionnement. Bien que l’impact des activités cognitives soit sans doute à différencier dans leur importance selon la technique utilisée et le type de cas traité. Il faut remarquer que les processus conditionnels, fondement principal des pratiques comportementales « pures » ont, a contrario, longtemps justifié les explications des phénomènes inconscients décrits par la psychanalyse alors que la psychologie cognitive ne mettait l’accent que sur les processus conscients. L’apparition de la psychologie cognitive « chaude » a complètement bouleversé la façon d’appréhender les activités centrales automatisées et non conscientes. 2°) Les thérapies cognitives Contrairement aux thérapies comportementales qui s’appuyaient par principe directement sur les principes théoriques de la psychologie de l’apprentissage, les thérapies cognitives de type sémantique ont d’une certaine manière précédée l’éclosion de la psychologie cognitive. Par exemple la thérapie rationnelle émotive de Ellis ou la thérapie cognitive de Beck voient leur naissance au tout début des années 60 alors que c’est la fin de cette même décennie que commence à s’élaborer la psychologie cognitive sur des bases expérimentales et qu’il faut compter plusieurs années avant que l’on puisse présenter un corpus théorique bien élaborer et structuré. Remarquons qu’il s’agit souvent de psychiatres transfuges de la psychanalyse mais qui, bien que déçus par celle–ci, sont attirés par l’étude des activités psychiques internes donc au cognitivisme par une voie originale tout à fait différente de celle qui sera suivie par les psychologues expérimentalistes. D’autre part la thérapie cognitive de type sémantique a souvent pour effet de faire apparaître les apprentissages antérieurs du patient. La restructuration cognitive, par exemple, nécessite la mise en évidence de la construction de FD Page 30 17/04/2017 pensées erronées, et la modification de celles-ci lors de la thérapie cognitive consiste tout compte fait en leur désapprentissage et en l’apprentissage de pensées adaptées. Les modalités de l’apprentissage ne reposent pas explicitement sur l’administration de renforcements mais dans la réalité le comportement du thérapeute (attitudes, approbations, etc.) introduit des renforcements sociaux ayant sans doute un grand rôle dans le processus thérapeutique. Il en est de même, par exemple, avec les techniques de résolution de problème : il s’agit bien d’apprentissages cognitifs mais on ne peut exclure l’intrusion de processus de renforcements sociaux. L’entrainement à la résolution de problèmes consiste en un véritable apprentissage pour lequel il est cependant difficile pour l’instant de fournir un modèle théorique unique. Le choix ne s’impose pas C) Les émotions et les affects S’il est un domaine de la vie psychique que la psychologie behaviorale avait pratiquement ignoré, c’est celui des émotions et des affects. Les recherches sur l’apprentissage font, au plus, parfois appel à la notion de peur (ou même d’anxiété) mais le modèle S.R ignore volontairement les activités centrales même si les événements privés ne sont pas niés systématiquement. La psychologie cognitive qui se développe durant les années 70 se donnes pour but l’étude de la connaissance, elle s’élabore à partir des modèles issus de l’informatique et tend à s’intégrer dans un plus vaste champ : les sciences cognitives, ce qui n’est pas favorable en soi à l’éclosion de travaux sur les émotions. Des recherches sur l’influence des émotions sur les processus cognitives, sont menées, en premier lieu avec parfois l’arrière-pensée de pouvoir contrôler ces éléments potentiellement perturbateurs du bon fonctionnement d’une machine cognitive qui pourrait, comme un ordinateur, être parfaite. D’autres recherches portent à l’inverse sur l’influence des processus cognitifs sur les émotions ; elles apporteront essentiellement à l’étude de celles-ci des modèles méthodologiques, des cadres conceptuels qui permettent dans les années 80 un développement très important des recherches expérimentales sur les émotions en liaison très étroite avec les modèles théoriques cognitivistes. D) Intégrer les principaux modèles cognitifs de l’anxiété La psychologie dite cognitive a profondément modifié l’approche des désordres émotionnels, essentiellement les troubles de l’anxiété et la dépression. Le modèle présenté ne peut être compris qu’en fonction d’une vision syncrétique de la causalité phylogénétique et surtout ontogénétique de la construction des structures fonctionnelles constatées à un moment donnée de la vie de l’individu, FD Page 31 17/04/2017 y compris sa personnalité. C’est un modèle où structure (parfois appelée « architecture ») et fonctionnement sont indissociables en une boucle incessante de rétroaction : la structure permet le fonctionnement qui, de par son propre fait, modifie la structure, et ainsi de suite. Cette évolution architecturo-fonctionnelle interne ne s’entend que par l’interaction incessante de « état » de l’individu avec son environnement. Cette interaction résultant en modes de gestion de l’action modifie cet « état » immédiatement antérieur en un nouvel état. Cette séquence implique donc à la fois un mode de stockage évolutif un contenu et en organisation et un système de la modification de ce stockage. Selon le même principe « contenu » et « organisation » évoluent en interrelation étroite : l’organisation est maître d’œuvre des modifications de contenu qui en retour impliquent une réorganisation permanente. C’est de la plasticité de cet ensemble complexe de rétroactions que dépend le bien-être de l’individu. Cela sera à prendre en compte dans la détermination des différentes pathologies, en particulier dans la distinction entre les différentes pathologies, en particulier dans la distinction entre les différents types de troubles anxieux. Je me référerai à deux sources qui, de fait, tendent à se rapprocher de plus en plus. La première était au départ surtout clinique et psychiatrique : elle repose essentiellement sur le modèle cognitif de Beck de la dépression puis de l’anxiété, bien qu’il faille prendre en compte d’autres modèles tel celui de Ellis. Beck a commencé à développer. Cette seconde source est celle de la psychologie expérimentale cognitive : dans cette perspective les modèles concernant les désordres émotionnels sont directement issus des théories décrivant les étapes du traitement de l’information, de l’entrée (saisi de l’information) à l’action en passant par les fonctionnements des structures internes. Ici il faut distinguer deux types d’approche : Les théories centrales, concernent essentiellement l’organisation de la mémoire à long terme décrivant la façon dont les événements de vie et les connaissances sont stockés en liaison étroite avec leur contenu émotionnel. Je me baserai ici sur le modèle de Bower datant de 19811982 qui pour rendre compte de ce modèle je ferai appel à celui de Plutchick, c'est-à-dire un modèle psycho-évolutionniste dont l’intérêt est de montrer comment les émotions complexes peuvent se créer à partir des émotions de base innées. Les théories focalisées sur le début du traitement de l’information ciblent plus particulièrement la sélection de l’information l’attention et la mémoire de travail (mémoire à court terme : quelques secondes). En définitive il apparaît que ces modèles ne sont pas réellement concurrents, ils s’adressent souvent à des étapes différentes du fonctionnement des structures impliquées dans le traitement de l’information. Un point commun qu’il faut tout FD Page 32 17/04/2017 de suite relever est que le terme de cognitif n’implique pas des processus conscients. Quel que soit le niveau d’analyse, des processus automatisés, qui ne peuvent la plupart du temps se mesurer expérimentalement qu’avec des unités temporelles de l’ordre du 1/100e de seconde, qui ne demandent aucun effort et qui sont donc inconscients, sont la règle du fonctionnement courant de la personne. Il est indispensable de retenir les principales étapes du traitement de l’information en mémoire faisant intervenir : le registre des informations sensorielles (RIS), la mémoire à court terme (MCT) souvent appelée maintenant la mémoire de travail (MDT) et la mémoire à long terme (MLT). 1°) Le modèle de Beck Beck suppose l’existence d’un profil cognitif et d’un contenu cognitif spécifiques à chaque état affectif. Selon Piaget un schéma cognitif sous-tend le comportement sensorimoteur et les activités mentales complexes et explique la régularité des actes. Dans ces conditions on conçoit qu’un schéma, s’il est dysfonctionnel, contribue à une perturbation stable et constante d’un individu. Selon Neisser (1976) les schémas cognitifs peuvent être définis comme des représentations non spécifiques mais organisées, de l’expérience préalable qui facilitent le rappel amnésique mais en même temps peuvent entraîner des constructions mentales nouvelles, des distorsions systématiques. De façon générale, on peut considérer qu’il s’agit de structures abstraites de représentation des connaissances et des expériences antérieures inscrites en MLT. Ce sont des structures fonctionnelles mais relativement stables qui gèrent toutes les étapes du traitement de l’information : filtrage et sélection des informations nouvelles, organisation des informations stockées en MLT, récupération des informations en MLT, gestion de l’action. Selon Beck les schémas sont normalement latents mais peuvent devenir actifs et engendrer des fonctionnements pathologiques : la dépression, l’anxiété, les troubles de la personnalité. En assimilant les informations nouvelles sélectionnées. Ils sont inconscients, permettent l’anticipation (ils sont le lien entre le passé et le futur), ils gèrent les représentations et les évaluations des individus, ils peuvent se structurer entre eux et former des structures de niveau plus global : les constellations et les modes : le mode anxieux est basé sur la menace. Les constellations correspondent aux différents types de troubles anxieux. Chez les personnes ayant des troubles anxieux, certains schémas sont suractivés. Le nouveau de fonctionnement que l’on peut qualifier de « pathologique » correspond à une activation tellement intense des schémas que ceux-ci sont de plus en plus rigides, imperméables, surincluants et concrets. Ils finissent par produire une occupation incessante de la pensée consciente de l’individu. Il y a ainsi une préparation à la saisie des stimulations porteuse potentiellement ou réellement de danger. La surestimation de la menace s’accompagne d’une sous-estimation de la capacité à faire face. Cette dépréciation des moyens de FD Page 33 17/04/2017 coping sera en particulier un point essentiel dans la création d’un modèle de la phobie sociale. Les schémas assimilent les informations nouvelles qu’ils sélectionnent et les relient à celles déjà stabilisées et stockées. De ce fait ils se renforcent, deviennent plus prégnants, et plus rigides. Plus ils sont prégnants plus ils participent à la sélection d’informations qui leur sont spécifiquement isomorphes. C’est ainsi que le cours de la vie voit l’individu se spécialiser dans son mode d’appréhension du monde et dans ses modes d’action. Beck propose en outre une organisation hiérarchique en distinguant les schémas de base, les constellations et les modes. Si les schémas constituent les structures de base de l’organisation cognitive, un examen plus approfondi montre que l’on ne peut en rester à une notion simpliste de schémas isolés. En fonction de l’interaction entre les éléments neurochimiques, éthologiques et environnementaux, chaque individu développe au cours de sa vie des schémas concernant les conséquences probables d’un événement et sur la façon d’y faire face. Il s peuvent par exemple prendre la forme d’un sentiment exagéré de vulnérabilité ou d’une représentation exagérée de la menace liée à un stimulus. Lorsque les schémas partagent des éléments communs ils se regroupent en constellations (cognitives). Lorsque ces constellations deviennent plus englobantes, incluent un grand nombre de situations, d’événements et structurent l’information commune d’une manière particulière, elles constituent un niveau supérieur d’organisation appelé mode. Un mode représente une façon typique, caractéristique, de traiter l’information : c’est ainsi que chaque trouble psychopathologique est dominé par un mode qui lui est propre. Mais dans chaque mode on peut caractériser un thème dominant (une constellation) qui est composé de schémas. Caractéristiques des schémas dans le modèle de Beck Ils sont stockés en MLT et consistent en des structures fonctionnelles, des organisations relativement stables. Ils sont donc difficiles et longs à modifier. Mais Beck ne fournit que peut de précisions sur la façon dont ces schémas sont inscrits en MLT. Ils contiennent les connaissances et expériences préalables mais aussi les informations, les théories et les expectations que la personne a du monde extérieur et d’elle-même. Ils guident l’encodage, l’organisation, la mémorisation et la récupération des informations. Ils sont donc une sorte de gestionnaire de l’input et de l’output. Leur propre fonctionnement les modifie par l’intégration d’informations qu’ils ont eux-mêmes sélectionnées : leur plasticité tend à se réduire avec leur mise en œuvre et peut devenir très faible dans les cas pathologiques. Ils sont inconscients : ils fonctionnent de façon automatique en dehors de toute activité volontaire. Ils sélectionnent, filtrent, et interprètent l’information de façon rapide, routinière, en fonction d’hypothèses implicites qui sont un ensemble de croyances concernant le monde extérieur et FD Page 34 17/04/2017 soi-même. Ils permettent l’anticipation : ils sont le lien par lequel le passé affecte l’estimation du futur et gèrent les représentations et les évaluations des individus. Ils sont spécifiques de chaque individu, idiosyncrasiques. Leur suractivation entraîne l’inhibition des schémas antagonistes. Leur activation produit une occupation de la pensée consciente. Le modèle général de Beck débouche sur un profil cognitif de l’anxiété : bien qu’il y ait des constellations spécifiant chaque trouble anxieux, il y a un mode anxieux général basé sur la vulnérabilité aux situations de menace. La vulnérabilité consiste en une appréciation négative des capacités de contrôle. Beck et Emery (1985) définissent la vulnérabilité comme la perception d’une personne a d’elle-même lorsque ses capacités de contrôle lui semblent insuffisantes pour résoudre les problèmes posés dans des domaines divers dont celui des relations sociales. Le schéma superordonné (constellation dans le cas de l’anxiété sociale) produit des traitements spécifiques de l’information. Les traitements spécifiques de l’anxiété décrits par Beck sont les suivantes : - La focalisation de l’attention sur des stimuli menaçants : - Les schémas produisent l’intrusion involontairement et persévérante de pensées automatiques verbales et visuelles. Ces pensées sont si fugitives que la personne n’est pas consciente de l’anxiété qu’elles génèrent ; - Le manque d’objectivité et de contrôle volontaire : altération de la capacité de raisonner et d’éliminer les pensées illogiques. Même si cet illogisme est reconnu, le caractère automatisé de celles-ci fait qu’elles sont envahissantes. On en verra les effets au niveau de la mémoire de travail. - La généralisation du stimulus : si ce n’est dans les rares phobies simples, les troubles de l’anxiété ont tendance à la généralisation du stimulus. Personnellement je pense que la boucle anxiété-évitement des situations sociales la produisant, avec pour conséquence la diminution des situations ou le coping (affrontement) peut avoir lieu, fait que la personne est de moins en moins apte à lutter contre les diverses situations sociales gênantes. Il se produit une généralisation de l’anxiété sociale à de nombreuses situations. Ce processus de généralisation par le biais de la diminution des occasions de coping est à ajouter au processus bien connu de généralisation conditionnelle ; - La dramatisation ou encore catastrophisation. C’est le fait de privilégier la pire issue possible dans n’importante quelle situation potentiellement déplaisante : c’est un biais de la dangerosité des situations ; - L’abstraction sélective : c’est le problème de la sélection des informations. Ici aussi le modèle de Beck s’avère, à mon avis, trop peu précis ; FD Page 35 17/04/2017 - La pensée dichotomique qui fait que le sujet anxieux ne peut s’adapter. Il est peu capable de discerner le caractère réellement menaçant d’une situation qu’il perçoit en tout ou rien Schémas de l’anxiété sociale Les travaux en psychologie expérimentale montrent qu’il est justifié de distinguer l’anxiété créée par les sensations physiques de cette issu des situations sociales. L’anxiété sociale concerne essentiellement la peur exagérée d’être le centre d’attention, d’exposer ses faiblesses et d’être jugé négativement par autrui. Dans la constellation « anxiété sociale », il peut y avoir des schémas de base différents : - Situations sociales provoquant des relations de face à face (anxiété de parler en public, peur des assemblées, des réceptions, etc.) ; - Situations professionnelles et scolaires où il y a risque permanent d’être jugé par un supérieur hiérarchique ou même par ses pairs (anxiété d’examen, présentation de projets, de propositions personnelles de travail, conflit avec le milieu de travail) ; - Situations publiques entraînant des transactions avec des personnes inconnues (vendeurs, etc.). Cependant dans tous les cas, il s’agirait selon Beck de la peur d’être évalué, d’où l’appellation générale qu’il propose : les « anxiétés d’évaluation ». Tout dépend évidemment de l’évaluation que la personne fait de sa propre vulnérabilité de son statut social et de celui des personnes auxquelles elle risque d’être confrontée. 2°) Le modèle de Bower Modèle général de Bower (HAM) Le modèle HAM (Anderson et Bower, 1972 ; Anderson, 1976) représente la mémoire comme un treillis (ou réseau) mnémonique. C’est un modèle propositionnel : un ensemble de relations et d’espaces en MLT. La MLT peut être représentée par un ensemble de nœuds activés. L’accès à un nœud favorise l’accès aux autres nœuds auxquels il est fortement relié. Toute nouvelle information est stockée en MLT en créant des liaisons avec celles déjà installées. Mémoire cognitive émotionnelle FD Page 36 17/04/2017 En 1981, Bower étend le modèle du réseau sémantique en y introduisant les émotions. Les nœuds concernent l’information sémantique et l’information épisodique (événements de vie) mais il y a aussi un certain nombre de nœudsémotions primitifs. Toute information connotée émotionnellement est reliée en MLT à l’un de ces nœuds émotionnels. Les informations (par exemple certains nœuds conceptuels et les nœuds événement) sont reliées au même nœud émotionnel et sont elles-mêmes interconnectées. Il est nécessaire que le niveau d’activation de ces nœuds soit suffisant. Le principe d’activation est central, les seuils d’activation sont différents selon les nœuds émotionnels : les activations successives et cumulées abaissent ce seuil. Un nœud–émotion peut ainsi devenir systématiquement activé, ainsi que les liaisons entre les nœuds du treillis qui lui sont reliés. Un « Tableau noir » (d’une certaine façon comparable à la MDT) implique l’activation de la MCT par le nœud émotionnel concerné en MLT. Cela implique que les schémas de base peuvent aussi s’agglomérer autour d’un nœud-émotion commun. Les schémas se renforcent en intégrant les événements nouveaux qui leurs sont congruents et qui sont reliés au nœud-émotion. En retour les schémas émotionnels agissent sur l’état de la MDT et ainsi de suite. Avantages du modèle de Bower La référence au tableau noir montre l’intérêt des implications de ce type de modèle au niveau du fonctionnement de la MDT. Si l’on admet le principe d’activation, cela implique celui de l’inhibition des informations sémantiques épisodiques liées à des nœuds émotionnels antagonistes : le principe d’une psychothérapie passe par la réactivation de ces nœuds informationnels et émotionnels inhibés (Hautekeete et Vantomme, 1986). Si deux nœuds émotion sont activés en même temps, il se produit un pattern « mélangé » à partir de deux patterns purs. Ceci permet d’aborder plus facilement le problème des comorbidités par l’intermédiaire de ces liaisons de type A. Inconvénients du modèle de Bower Il faut admettre qu’un certain nombre de nœuds-émotion (émotions primaires, de base) inscrit en LMT sont innés, déjà présents dans la mémoire émotionnelle embryonnaire du nouveau-né. Le principe de nœuds-émotionnels innés nécessite d’être justifié (nous verrons cela avec les modèles psycho-évolutionnistes). Il n’explique qu’imparfaitement la construction des émotions complexes, or on ne peut se limiter aux seules émotions primitives. En particulier il n’explique pas de façon précise la directionnalité de l’évolution des schémas « dominants » en psychopathologie. Le fonctionnement de la MDT FD Page 37 17/04/2017 Les données expérimentales montrent que les effets de l’anxiété sont plutôt spécifiques de l’encodage. Les anxieux manifestent une hypervigilance. Ils sélectionnent l’information menaçante, mais ceci n’apparaît que lorsqu’il y a compétition entre les situations porteuses ou non de menace : allocation de ressources au traitement des stimuli anxiogènes (contrôleur central ?). L’hypervigilance facilite dans un premier temps la détection des dangers mais un processus actif produit l’inhibition cognitive des traitements profonds lorsque la personne se sent incapable de surmonter son anxiété (contrôleur central ?). Le Worry (inquiétude, part cognitive de l’anxiété) fait que le canal à capacité limitée est en partie encombré, ce qui laisse moins de place que la normale pour le traitement des informations en MDT. Le terme français de pré-occupation reflète ces deux aspects : l’inquiétude et la préoccupation du canal à capacité limitée. Les anxieux peuvent utiliser des stratégies de compensation coûteuses en énergie (voir les processus d’intégration). L’anxiété met en jeu des processus pré-attentifs, automatiques, passifs, inconscients, qui prennent peu de place en MCT. Nous avons donc deux types d’action de l’anxiété : le captage (processus automatisé initié par l’activation des schémas) et l’élaboration : processus stratégique d’intégration créant de nouvelles connexions entre le schéma et le stimulus traité, coûteux en énergie. Caractéristiques minimales d’un modèle de l’anxiété Lorsque les « zones schématiques » anxiété sont suractivées et prédominent dans la gestion du traitement des informations, il se produit une hypervigilance, orientation spécifique de l’attention vers les stimuli menaçants due à des processus automatiques et le captage des informations congruentes à l’état d’activation de cette zone émotionnelle. L’assimilation des événements nouveaux nécessite, elle, des processus d’intégration qui occupent de la place en MDT, mais qui produisent une restructuration au moins partielle de la « zone » concernée en MLT. Cette restructuration diminue encore l’accommodation des schémas dominants face à la réalité de l’environnement. On peut supposer qu’un contrôleur central gère l’activation des schémas en MLT, la mise en œuvre de processus actifs d’élaboration de l’information en MDT et, par son « dysfonctionnement » laisse régulièrement se développer les processus automatiques produisant l’hypervigilance vers les stimuli potentiellement menaçants. Caractéristiques spécifiques d’un modèle de l’anxiété sociale C’est une zone en MLT hiérarchiquement subordonnée à la zone plus générale de l’anxiété. Elle est empreinte de ses deux nœuds émotionnels principaux : la peur et l’anticipation. Bien qu’incluse. Si l’on reprend le modèle de Plutchick, elle pourrait s’organiser autour d’un nœud émotionnel secondaire : la soumission qui est la combinaison de la peur et de l’attirance. Cette zone FD Page 38 17/04/2017 s »active si des événements viennent l’alimenter, la renforcer. Ceci n’est possible qui si dans la dualité dominance-soumission, la zone « anxiété-sociale » n’a pas ou peu inclus de schémas de base concernant les modalités de coping. Il y a donc un déficit de schémas concernant les modèles d’affrontement des situations d’évaluation. E) Des émotions primaires innées Les travaux récents dont remonter le délai d’apparition des émotions de plus en plus tôt. Des la naissance : la joie et la peur, et très rapidement les autres émotions primaires. Les théories phylogénétiques contemporaines (voir celle de Plutchick, 1984) distinguent les émotions primaires des émotions secondaires qui sont des mélanges d’émotions primaires. Ces émotions primaires sont mises en relation avec des comportements adaptatifs, sortes de prototypes phylogénétiques assurant la survie de l’individu et la continuation de l’espèce. L’existence de telles émotions primaires jette les bases d’un modèle inspiré de celui de Bower se construisant à partir de quelques nœuds émotionnels primitifs. III) Applications thérapeutiques. A) Attaque de panique et anxiété généralisée C’est en 1983 que Freud créa le concept de la névrose d’angoisse, en l’isolant de la neurasthénie. Le terme de névrose d’angoisse désigne l’association d’une anxiété généralisée à des attaques de panique. La notion récente d’attaque de panique remonte en fait à 1873, Krishaber (1873) la décrivit alors sous le terme de névropathie cérébrocardiaque. Cependant, il faut préciser que freud classait la névrose d’angoisse parmi les névroses actuelles. C’est-à-dire, celles qui sont en rapport avec des conflits psychiques de la vie « actuelle » de l’individu, contrairement aux psychonévroses de défense organisées à partir des frustrations infantiles inconscientes. Les concepts « d’anxiété généralisée » et « d’attaque de panique » n’ont été officiellement reconnus qu’en 1980 avec la publication du DSM III puis DSM III R. Depuis longtemps, on faisait référence au trouble de l’anxiété généralisée sous l’étiquette d’anxiété chronique ou d’anxiété libre flottante. L’attaque de panique touche environ 1 % de la population générale, alors que la prévalence de l’anxiété généralisée est difficile à préciser, étant donné les dimensions souvent subjectives et arbitraires entre l’anxiété normale et l’anxiété clinique. Certains auteurs ont évalué la prévalence à six mois à 9 % (Barlow, Raper et Brown, 1992). L’anxiété généralisée serait donc plus fréquente que le trouble panique. Cependant, seulement 10 % des patients souffrant de ce trouble consultent les spécialistes. Cet écart entre la prévalence et la fréquence de consultations s’expliquerait par le fait que ce trouble était moins handicapant que les autres troubles anxieux. FD Page 39 17/04/2017 En ce qui concerne la distinction entre les troubles paniques et l’anxiété généralisée, les travaux de Klein et Fink entre 1962, méritent d’être cités. A la suite de leur première publication en 1962, la conception unitaire de la névrose d’angoisse est mise en cause. Comme résultats de ces travaux, les auteurs mettent en avant les points suivants : » La réponse à l’Imipramine est d’un intérêt majeur. Puisque « l’anxiété » de l’attaque de panique est vite réduite alors que « l’anxiété » anticipatoire liée pattern « phobique » persiste. » L’utilisation du terme commun « anxiété » peut ainsi obscurcir une différence sous-jacente de ces processus. Par la suite, Klein essaya d’imposer la suite de ses travaux. Constatant que l’Imipramine prévenait efficacement l’apparition des crises d’angoisse aiguë, sans améliorer l’anxiété chronique. Klein proposa de distinguer deux types de manifestations anxieuses qualitativement différentes. Les modèles biologiques de Klein ont été très critiqués. D’autres modèles d’inspiration psychodynamique ou cognitivo-comportementale sont proposés et remettent en question la séparation entre trouble panique et anxiété généralisée. Actuellement, il existe plusieurs tendances dans la stratégie thérapeutique de ces troubles. Klein propose de supprimer les attaques de panique avec la chimiothérapie, alors que Marks est persuadé que le phénomène principal étant l’évitement phobique, la thérapie comportementale est plus efficace. Cependant, l’association chimiothérapie et thérapie comportementale et cognitive améliorait le pronostic à long terme. 1. schéma général de l’anxiété. Un stimulus quelconque interne ou externe provoque une pensée automatique qui entraînera un début d’anxiété. Cette dernière provoquera une réponse physique de tension musculaire qui peut se manifester sous forme de crampes, de douleurs abdominales, une oppression thoracique, une hyperventilation. Cette réaction physique va maintenir et renforcer le trouble. Ainsi, le patient se focalisera sur ces symptômes physiques et cherchera des interprétations possibles. Suivant ces interprétations, il y aura soit une diminution ou une disparition de ses troubles, soit un renforcement de ces derniers. Par son interprétation, il peut donner un sens catastrophique à l’événement et donc déclencher une attaque de panique (figure 8.1). Stimulus FD Page 40 17/04/2017 Pensée automatique Anxiété Réaction physique Tension musculaire Muscles volontaires Autres : - lisses Vertiges Fatigue Faiblesse Renforcement blesse Crampes Douleurs abdominales intercostales Oppression thoracique Figure 8.1. Schéma général de l’anxiété Manque d’air Hyperventilation Attaque de panique Renforcement Transition : La question de l’évaluation. La définition du symptôme et de l’homme. Focalisation Interprétation Catastrophique Figure 8.1. Schéma général de l’anxiété Les éléments principaux de la définition de l’attaque de panique (AP) par DSM III R FD Page 41 17/04/2017 A un moment quelconque d u trouble, une ou plusieurs attaques de panique peuvent survenir (périodes bien délimitées de crainte ou de malaises intenses). Elles sont imprévisibles, c'est-à-dire ne survenant pas immédiatement avant ou pendant l’exposition à une situation qui provoque une anxiété dans la plupart des cas et sont non déclenchées par des situations dans lesquelles le sujet est observé attentivement par autrui. Les symptômes somatiques qui précèdent ou succèdent aux symptômes psychiques provoquent : Soit un syndrome d’allure cardiovasculaire ; Soit un syndrome d’allure neurologique ; Soit un syndrome d’allure digestive ; Soit un malaise d’allure syncopale. A l’apogée du malaise, le patient peut éprouver une sensation de mort imminente, la crainte de devenir fou, de commettre un acte absurde, agressif contre lui-même ou autrui. Les éléments principaux de la définition du trouble de l’anxiété généralisée (TAG) par le DSM III R L’anxiété et les soucis sont injustifiés ou excessifs (attente craintive) et concernent deux ou plusieurs situations ou événements, par exemple : soucis à propos d’un malheur pouvant arriver à l’un de ses enfants (alors que celui-ci n’est pas en danger) ou souci concernant sa situation financière (sans raisons valables) pendant six mois ou plus, avec présence de soucis pendant plus d’une journée ou deux …. Le TAG apparaît souvent au milieu de l’adolescence ou au début de l’âge adulte, mais il s’écoulera de nombreuses années avant que le patient consulte un thérapeute. Le TAG s’accompagne de manifestations somatiques que l’on divise en trois catégories : Tension motrice : Hyperactivité neurovégétative : Exploration hypervigilante de l’environnement. Barlow (1992) affirme que 90 % des patients qui présentent ce trouble souffrent aussi de façon secondaire d’un autre trouble comme des attaques de panique ou la phobie sociale. Ainsi, il existe peu de TAG à l’état pur, ce qui expliquerait sa difficulté d’identification et de traitement. Dans le TAG, l’inquiétude gravite autour des préoccupations familiales, financières, professionnelles et celles de la santé. De plus, elle mobilise toutes les énergies de l’individu et l’empêche d’affronter les situations anxiogènes. Le souci est constant et ne laisse que peu de place à une activité mentale plus constructive. Le sujet a peu de contrôle sur l’inquiétude qui devient un moyen qu’il croit efficace pour prévenir et éliminer le danger. FD Page 42 17/04/2017 Les différences entre l’anxiété généralisée et les attaques de panique sont présentées dans le tableau 8.1. Schémas de danger dans les attaques de panique et l’anxiété généralisée Le postulat du fonctionnement mental au sujet anxieux peut se formuler ainsi : « puisque je suis vigilant et me soucie de l’avenir, le pire qui est toujours probable, ne risque pas de m’arriver. » Tableau 8.1 différence entre anxiété généralisée Et attaque de panique Anxiété généralisée (TAG) Absencede manifestations paroxystiques Attaque de panique (AP) Début brutal avec manifestations paroxystiques Absence de facteurs déclenchants Elle apparaît plus à son début comme un trait de personnalité dont l'intensité va en s'aggra- Manifestations cardiorespiratoires plus marquées vant au fil des années que dans l'anxiété généralisée Les troubles somatiques sont constants mais avec une intensité modérée Plus handicapante que le TAG C'est un concept assez flou, aux critères peu Moins fréquentes précis, probablement hétérogène Traitement pharmacologique plutôt Imipramine (Tofranil) Plus fréquente que les AP Traitement pharmacologique plutôt avec les Traitement plus facile Benzodiazépines (xanax et autres) Difficulté d'identification car l'anxiété est FD Page 43 17/04/2017 diffuse et flottante, donc traitement plus difficile L’anxieux a ainsi l’illusion de contrôler l’environnement et d’être le maître du futur. 2. Aspect clinique du TAG et de l’AP Diagnostics différentiels Il faut savoir différencier l’anxiété comme un symptôme de la dépression et non pas comme un trouble indépendant. Il ne faut également pas porter e diagnostic de l’anxiété généralisée et l’attaque de panique si les symptômes de l’anxiété persistent à la suite d’un facteur organique spécifique tel qu’une hyperthyroïdie, une intervention cardiaque, ou de facteur toxique tel que l’abus d’amphétamines ou de café. 3. Etiologie de l’AP Facteurs neurochimiques Différentes situations expérimentales sont susceptibles de déclencher une AP. - Lactate et bicarbonate de sodium. A partir de l’observation, on a constaté que les sujets anxieux produisaient davantage d’acide lactique que les sujets témoins. - Hyperventilation/CO2. L’inhalation du CO2 peut déclencher des attaques de panique. Selon Klein (1964) l’hyperventilation serait la conséquence de l’attaque de panique et non sa cause. Face à une situation de danger, le sujet commence inconsciemment à hypo-ventiler ce qui le conduit à réinhaler son CO2 : cela avertit son organisme d’une situation de danger et l’amène à une hyperventilation réflexe. Prolapsus de la valve mitrale 80 % des troubles paniques et/ou dépressifs chez les sujets présentant un prolapsus de la valve mitrale en l’absence de troubles coronariens. Facteurs psychologiques Les AP surviennent fréquemment chez des sujets de sexe masculin, très actifs, exerçant des responsabilités, souvent indemnes d’antécédents psychiatriques, de prise de benzodiazépines ou de somnifères. Ces sujets deviennent des malades à la recherche hyperactive d’une organicité. Ils correspondent aux comportements de type A. FD Page 44 17/04/2017 A propos des personnalités risque coronarien, il s’agit de sujets qui présentent un besoin excessif d’accomplissement, de compétition et de contrôle de l’environnement, une agressivité et une hostilité supérieures à la moyenne. Les troubles de la personnalité (axe II du DSM III R) Les paniqueurs avec agoraphobie présentent des traits de personnalité appartenant au groupe 3 de l’axe II du DSM III R, c’est-à-dire les personnalités dépendantes, évitentes, compulsives et passives-agressives, de sexe principalement féminin. Les états de stress Le rôle des états de stress intercurrents, du surmenage, des événements de vie tels que des situations d’impasse affective ou professionnelle ne peut être nié tant il correspond à la réalité clinique quotidienne. L’approche comportementale et cognitive propose un ensemble des solutions. Ces solutions ont pour points communs la réduction de l’activation émotionnelle et la modification des attentes catastrophiques par l’affrontement et la maîtrise du danger externe et/ou interne. 4. Traitement du TAG et de l’AP Pour l’approche thérapeutique de ces eux troubles, trois catégories de traitement peuvent être envisagées : 1. Les traitements pharmacologiques ; 2. Les traitements comportementaux ; 3. Les thérapies cognitives. Mécanismes de l’attaque de panique Après les premières attaques, le patient interprète la moindre variation de ses mouvements physiologiques, l’accélération du rythme cardiaque, la gêne respiratoire, la sensation de chaleur, etc. comme annonciateurs d’une attaque de panique et l’anxiété qui en résulte va en effet induire l’attaque complète. D’où la nécessité d’une éducation intensive préalable concernant l’origine des sensations physiologiques, le rôle des agents stresseurs, la différence entre peur, honte et deuil souvent confondus avec l’anxiété, la capacité de certaines pensées à amplifier les sensations et émotions actuelles, de les percevoir comme provenant de l’extérieur incontrôlables et effrayantes. Traitements pharmacologiques. La description par Klein (1964) de l’action préventive de l’Imipramine (Tofranil), sur les attaques de panique a largement contribué au développement de la nouvelle classification des troubles anxieux en faisant une distinction nette FD Page 45 17/04/2017 avec l’anxiété généralisée, curable par les benzodiazépines, distinction officialisée par le DSM III (1980). Traitements comportementaux Relaxation Elle a pour but de modifier les symptômes physiques d’angoisse. Les techniques utilisées sont : la technique de Jacobson (ou relaxation musculaire progressive) et le training autogène de Schultz. Il s’agit d’un réapprentissage d’une réaction de stress adaptée à l’intensité de l’agent stresseur. L’approche comportementale met l’accent sur la dimension d’autocontrôle et de maîtrise émotionnelle de la relaxation. Ainsi, le sujet apprend lui-même à déclencher la relaxation quand il ressent un indice psychologique ou physique d’anxiété Exposition Une exposition prolongée et répétée à une situation anxiogène se termine par une extinction de la réponse anxieuse. L’exposition peut se dérouler pendant une dizaine de séances, d’abord en imagination et puis pendant les séances in vivo, suivant une hiérarchie de situation d’anxiété établie avec le patient. Techniques visant le contrôle respiratoire - Hyperventilation volontaire : elle provoque des effets similaires aux attaques de panique, explication de l’induction des attaques de panique par hyperventilation. Le patient apprend l’épreuve d’hyperventilation volontaire suivie d’un contrôle rapide par la remise en place du ralentissement respiratoire. - Techniques vagales : on demande au patient de réaliser durant trois à cinq secondes, une hyperpression abdominale en gonflant le ventre, ce qui a pour effet de réduire rapidement la fréquence cardiaque. Elle peut être utilisée en combinaison avec l’exposition en imagination et l’exposition in vivo. Thérapie cognitive de l’anxiété généralisée et de l’attaque de panique L’approche cognitive des troubles anxieux vise les points suivants : - L’identification et liaison des images et pensées anxieuses anticipatoires des situations de danger - L’analyse des signaux physiologiques d’angoisse et réattribution ; - L’identification des adaptations dysfonctionnelles (évitement, refuge, agressivité). - L’adoption de procédures adaptées pour faire face aux agents stresseurs et à l’irruption d’anticipations anxiogènes. Les anxieux possèdent trois caractéristiques FD Page 46 17/04/2017 - Une vision menaçante du monde extérieur ; - Une vision défaillante du monde extérieur ; - Une vision péjorative du futur. Ils éprouvent des images et des pensées menaçantes qui précèdent l’apparition des phénomènes d’anxiété. Ils possèdent dans leurs schémas centraux, ou « postulats silencieux » un catalogue de règles inflexibles. Leur schéma est égal à une nécessité absolue et permanente de contrôle : « si je ne contrôle pas la situation quelque chose de mauvais va arriver ». Triade cognitive de Beck Les cognitions de l’anxieux ont pour thème le danger alors que pour le déprimé, il s’agit d’autodépréciation. Nous allons comparer le contenu de pensée dans l’anxiété et dans la dépression selon la triade cognitive de Beck : le sujet, le monde et l’avenir (tableau 8.2). Tableau 8.2. Le contenu de pensée dans l’anxiété et la dépression Selon la triade cognitive de Beck (Stradling, 1992) L'anxieux Le déprimé Image vulnérable de soi (quelque chose de catastrophique va arriver) Image négative de soi (je suis un échec) Image menaçante du monde Image négative du monde (on ne peut pas avoir confiance en qqun) (c'est juste une catastrophe après l'autre) Image imprévisible de l'avenir Image négative de l'avenir (je dois tjs rester sur mes gardes) (c'est sans espoir, il n'y a rien à faire) La pensée de l’anxieux est composée par une succession de tragédies tels : maladies, mort des enfants ou du conjoint, déchéance sociale, abandon, perte d’argent, séparation et accident. FD Page 47 17/04/2017 Principales caractéristiques de la thérapie cognitive Durée limitée (15 à 20 séances sur trois à six mois). Modèle d’apprentissage : pas d’interprétation psychodynamique, et réapprendre des comportements plus adaptés. Méthodologie scientifique : recueil des données, formulation des hypothèses, vérifications expérimentales, évaluation des résultats par des échelles validées. Coopération : élaboration d’un contrat thérapeutique. Attitude du thérapeute : active, directive, chaleureuse, empathique, pédagogique. Transparence : pas d’effet « gourou ». Le processus thérapeutique est explicite. Priorité à l’éducation et à l’autonomie du patient Les différences étapes de la théorie cognitive Identification des cognitions : il s’agit de recueillir les pensées automatiques par l’instrument de base de la restructuration cognitive qui est le cahier d’auto-enregistrement à colonnes (tableau 8.3). Tableau 8.3. Fiche de modification des pensées automatiques (Evaluer l’intensité des émotions de 0 à 8) Situations Emotions Pensées Pensées automatiques alternatives L'enfant a une heure de Angoisse, Il a sûrement eu Il s'amuse bien et il ne s'est retard colère, un accident pas rendu compte peur de l'heure Modifier les cognitions Mettre en évidence des distorsions cognitives telles que : - Inférence arbitraire, « ils ont décidé de m‘ignorer » ; - Surgénéralisation, « les réceptions sont un calvaire » ; - Minimisation des aspects positifs et amplification des aspects négatifs ; FD Page 48 17/04/2017 - Abstraction sélective, « celle-là me regarde d’un drôle d’air, je dois avoir l’air d’une folle » ; - Personnalisation, « ils font exprès de parler entre eux pour me tenir à l’écart ». Modifier les schémas : peser les avantages et les inconvénients, soumettre chaque argument à l’épreuve de la flèche descendante. Comparer l’utilité de chaque règle implicite. 5. Conclusion Situés entre la médecine et la psychiatrie, les troubles anxieux paroxystiques offrent certainement un terrain d’étude privilégié des relations « psyché » et « soma ». B) Les phobies simples ou spécifiques Les phobies en général sont des anxiétés situationnelles amenant le sujet à utiliser des stratégies d’évitement de la situation ou des objets amenant le sujet à utiliser des stratégies d’adaptations qui lui permettent de faire face à la situation tant redoutée. La prise d’alcool, de tranquillisants, le port d’objets fétiches font partie de ces attitudes. Il s’agit par conséquent, d’un trouble anxieux mais qui peut devenir fortement invalidant et amener le sujet à demander une aide thérapeutique. Pour la théorie comportementale, les phobies représentent une étape historique. En effet, Watson et Rayner montrent, expérimentalement, que l’on peut faire acquérir une phobie à un être humain par conditionnement classique, puis que l’on peut arriver à l’extinction de ce comportement phobique par déconditionnement. Cette démarche renouvelée ensuite par d’autres auteurs, démontrait que certaines phobies étaient acquises par conditionnement et qu’il était possible alors de proposer des techniques de déconditionnement qui permettaient de faire disparaître ce comportement. Se sont alors développées différentes théories permettant de comprendre L’acquisition mais aussi le maintien de comportements phobiques pendant plusieurs années. D’autre part, sont nées de nombreuses techniques de déconditionnement pouvant être utilisées chez ces patients. Aujourd’hui, les phobies représentent une part importante des demandes de thérapie faites au comportementaliste, mais devant cette symptomatologie apparemment simple, il est important de rester vigilant car il existe de nombreux symptomatologies associées et des diagnostics différentiels. 1. Epidémiologie FD Page 49 17/04/2017 Les phobies sont des symptomatologies fréquentes puisque certains auteurs avancent les chiffres de prévalence des différents types de phobies d’environ 8 % de la population générale, mais des études ponctuelles annoncent des chiffres de 20 % (Cottraux, 1995,) En résumé, l’ensemble des études montent une prévalence forte de la symptomatologie phobique dont les motifs les plus fréquents de consultations sont l’agoraphobie, le phobie sociale, la phobie des maladies du sang, enfin les phobies simples. Il existe une forte prépondérance féminine des troubles dans un rapport de deux femmes pour un homme. Aucune influence du milieu socioculturel n’a pu être mise en évidence. 2. Classifications Reprenons quelques définitions. L’agoraphobie est dominée par une peur irrationnelle de quitter les lieux familiers : les situations desquelles le sujet ne peut que difficilement s’échapper et où il se sent enfermé sont sources d’anxiété. En cas de maintien de l’agoraphobie, le sujet évite les espaces clos ouverts, les voyages effectués seuls, un parcours distant de plus de huit kilomètres de chez lui quel que soit le moyen de transport, les promenades effectuées seul, à pied, la solitude de manière générale Les phobies sociales sont représentées par la peur et l’évitement des situations ou l’individu est exposé à l’attention des autres et où il pourrait avoir un comportement qui serait considéré comme honteux, de plus, le sujet a peur de voir son anxiété découverte par les autres. Les phobies simples constituent une catégorie résiduelle, elles rassemblent les phobies d’animaux, l’acrophobie mais certaines phobies comme la phobie des moyens de transport ou la phobie de la marche sont difficiles à classer du fait de leur parenté avec l’agoraphobie par exemple. Enfin, il est utile de rappeler qu’un même patient peut présenter plusieurs symptomatologies phobiques. L’évaluation clinique et quantitative des troubles s’attachera à bien préciser les différents types de troubles anxieux présentés par le sujet. 3. Evolution Une fois le diagnostic positif établi et précisé par des échelles cliniques telles que la Fear Survey Schedule (ou FSS III de Wolpe et Lang, 1967) ou par le Fear Questionnaire (ou FQ de Marks et Mathews, 1979) qui sont des autoquestionnaires évaluant l’intensité de différentes symptomatologies phobiques, le thérapeute pourra mener son analyse fonctionnelle avant de proposer éventuellement un contrat thérapeutique. Dans ce même temps, il aura FD Page 50 17/04/2017 écarté différents grands diagnostics différentiels tels que dépression, anxiété généralisée, troubles obsessionnels et troubles schizophréniques pour lesquels seront proposées d’autres stratégies thérapeutiques. L’évolution du trouble phobique peut se faire vers le maintien de la symptomatologie des années durant et se constituer même une aggravation avec généralisation des situations phobogènes amenant le patient à un état d’inhibition comportementale majeur. Au cours de cette évolution, à long terme, peuvent apparaître des complications avec isolement social, désocialisation ou survenue d’épisodes dépressifs. Cependant, une autre forme évolutive existe, celle de la rémission spontanée, elle survient dans 60 à 65 % .des cas (Cottraux, Mollard, 1984). 4. Théories comportementales et cognitives Eysenck explique certains cas de rémission spontanée par extinction du fait de l’absence fortuite de renforcement. Wolpe propose une autre explication : il suppose qu’un principe d’inhibition réciproque se met en place naturellement grâce à un entourage sécurisant Théorie du conditionnement classique La théorie réflexologique en général considère le symptôme phobique comme une réponse apprise et inadaptée. C’est cette maladaptation qui donne au comportement son caractère pathologique. On décrit ainsi le modèle de Watson et Reinert (1920) d’acquisition du comportement. C’est l’expérimentation d’acquisition d’une phobie des rats induite expérimentalement chez un jeune enfant. Pour eux, le symptôme phobique s’acquiert sur un mode de conditionnement pavlovien classique, soit au cours d’une circonstance isolée, soit par répétition d’événement subtraumatiques. Théorie des deux facteurs de Mowrer (1947) reprise par Salomon et Winn Une fois la phobie acquise, le phobique développe des conduites d’évitement. Il va fuir le stimulus générateur de son angoisse. L’évitement a pour effet de réduire la tension anxieuse si bien que le soulagement qui en résulte vient renforcer sur un mode opérant la conduite de fuite. Cette conduite d’évitement devient liée automatiquement aux stimuli pathogènes et à tout ce qui peut l’évoquer. Mais cette théorie des deux facteurs connaît certaines limites. Elle ne permet pas d’une part, d’expliquer la persistance du comportement phobique et d’autre part, la survenue de phobie en l’absence de situation traumatique directe. En effet, tant que la réponse d’évitement continue d’être émise, la réponse conditionnée de peur cesse d’être renforcée et devrait graduellement s’éteindre, amenant l’extinction de la réponse d’évitement elle-même. En pratique, on ne constate pas cette extinction chez l’être humain. On peut supposer que la persistance de la symptomatologie phobique provient de la conduite d’évitement. Dans cette conduite d’évitement en fuyant le FD Page 51 17/04/2017 stimulus conditionnel, le phobique perd toute chance de bénéficier du processus d’extinction. C’est en fuyant l’expérience du réel que le phobique s’enferme dans un cercle vicieux. Théorie du modelage de Bandura et Rosenthal (1977) Pour ces auteurs, le comportement phobique pourrait être appris par imitation des autres ou bien encore par instruction verbale donc en l’absence de l’observation directe d’un modèle. Modèle d’incubation d’Eysenck Il permet d’expliquer la résistance à l’extinction et même l’augmentation du comportement phobique observée en l’absence de toute expérience traumatique avec l’objet ou avec la situation. Pour l’auteur quand on présente le stimulus conditionnel en l’absence du stimulus inconditionnel, il y a soit extinction, soit augmentation de la réponse conditionnelle, et ce en fonction de facteurs prédictifs motivationnels. Si le stimulus conditionnel acquiert la propriété d’induire une réponse motivationnelle, il n’y a pas extinction mais augmentation de la réponse à chaque présentation, phénomène appelé incubation. L’incubation serait produite par les courtes confrontations que l’individu continue d’avoir dans la vie courante avec l’objet phobogène, malgré les comportements d’adaptation, d’échappement et d’évitement. L’extinction implique des présentations longues ou répétées du stimulus conditionnel. Modèle de Seligman (1971) Il faut bien reconnaître que malgré ces différentes théories explicatives, il existe une certaine susceptibilité individuelle, et qu’à un même stimulus traumatique les individus vont répondre différemment. Seligman, en 1971, propose que les phobies sont peut-être le résultat d’un conditionnement classique à des stimuli auxquels l’organisme est déjà prédisposé à réagir. Les phobies pourraient représenter un comportement qui aurait une signification biologique dans l’évitement des situations qui pourraient menacer la survie de l’espèce. Il distingue deux types de phobies : celles préparées par l’évolution (qui consistent à éviter les inconnus, les hauteurs, les animaux prédateurs, etc.) et les phobies non préparées qui correspondent à la peur d’objets phobogènes qui font partie des civilisations avancées (peur du téléphone, des automobiles). Théories cognitives Les différentes théories cognitives de l’anxiété (Beck 1976 ; Beck et Emery, 1985 ; Barlow, 1988) estiment que les perturbations émotionnelles anxieuses proviennent d’un dysfonctionnement des activités cognitives. FD Page 52 17/04/2017 Les structures cognitives mises en question par les différents auteurs sont les schémas cognitifs qui seraient stockés en mémoire à long terme, ils vont traiter l’information interne et externe et la transformer en événements cognitifs (observables) à type d’images mentales, de pensées…, elle aboutira à des comportements qui renforceront les schémas et les confirmeront. Le phobique présente des schémas de danger qui sélectionneront les stimuliintéro- et extéroceptifs uniquement dans leur virtualité de danger. Le traitement de l’information sera erroné, le sujet valorisant ce qui a trait au danger. Il introduit des erreurs logiques de raisonnement appelées distorsions cognitives aboutissant à un mode de pensée qui traduira l’anticipation du danger. 5. Techniques thérapeutiques Nous envisageons, ci-après, les différentes techniques comportementales et cognitives qui peuvent être utilisées chez un patient phobique. Le principe du contre-conditionnement est à la base d’une des techniques principales des thérapies comportementales, la désensibilisation systématique par inhibition réciproque décrite par Wolpe (1958). Technique de désensibilisation systématique Elle comporte deux composantes essentielles : tout d’abord le découpage de la situation anxiogène en plusieurs sous-étapes de difficulté croissante allant de la moins anxiogène à la plus anxiogène, puis l’utilisation du principe d’inhibition réciproque. Il s’agit d’une réponse incompatible avec l’anxiété qui peut être obtenue par de nombreux procédés différents, tels que la relaxation, des arts martiaux, des substances pharmacologiques, etc. Wolpe utilise essentiellement la relaxation progressive de Jacobson. Ainsi, une fois le sujet relaxé, on lui demande d’évoquer de la manière la plus naturelle possible l’image relative à l’item choisi dans la hiérarchie. Lorsqu’il parvient à évoquer la situation anxiogène, sans réaction émotionnelle, le thérapeute passe à l’item suivant de la hiérarchie. En pratique, l’entretien verbal préliminaire avec le patient permet d’établir une hiérarchie des stimuli phobogènes. Le thérapeute abordera les items des moins anxiogènes au plus anxiogènes. La réalisation d’un apprentissage à une méthode de relaxation permettra le blocage de l’angoisse suscitée par l’évocation des items par une réponse antagoniste. Cette procédure met en jeu le principe d’inhibition réciproque. Après avoir pratiqué cette désensibilisation systématique, in vitro, on peut être amené à réaliser une exposition graduée in vivo. Exposition graduée in vivo L’exposition peut être pratiquée directement in vivo sans phase préliminaire en imagination, mais une construction de hiérarchie préalable des stimuli anxiogènes reste indispensable. FD Page 53 17/04/2017 Si l’exposition aborde d’emblée la situation la plus anxiogène pendant une durée assez longue pour que l’angoisse décroisse spontanément, on parle d’immersion. Chaque séance d’exposition in vivo est longue (90 minutes environ). Afin d’obtenir l’extinction de la réponse, cette technique peut être facilitée par modelage participatif. Thérapie cognitive Il s’agit de repérer avec le sujet, puis d’évaluer et d’argumenter les pensées associées à la situation anxiogène aussi bien dans la phase anticipatoire que face au stimulus phobogène. Le patient développe des stratégies de « coping » qui lui permettront de faire face à la situation stressante. La séance est l’occasion d’aborder l’anxiété la plus forte de la semaine. Les conditions prennent la forme de : « J’ai peur de …) dont le contenu est fonction de la phobie. « j’ai peur de rester coincé dans l’ascenseur ». « je crains de plus pouvoir respirer », « j’ai peur d’avoir un malaise, d’avoir une réaction que je ne contrôle pas » sont des verbalisations fréquentes dans les phobies simples. Les entretiens au nombre d’une quinzaine permettent de faire acquérir au sujet des stratégies de pensées alternatives lui permettant une contre-argumentation en situation. Cette thérapie permet, également d’identifier un postulat de base appelé « schéma cognitif » qui régit l’ensemble des cognitions. La mise à distance de ce schéma en prenant conscience de ses contraintes et de ses intérêts permet de réduire la part de la vulnérabilité émotionnelle. Dans ce cadre spécifique de l’anxiété, des auteurs ont parlé d’une technique psychophysiologique, parce que le patient anxieux est particulièrement à l’écoute de ses manifestations somatiques (palpitations, sensations vertigineuses, etc.). Lors de la survenue de ces troubles, il développe des interprétations erronées et inquiétantes qui sont à l’origine d’un surcroît d’anxiété et contribuent à l’apparition d’autres manifestations somatiques. C’est pourquoi l’approche cognitive, tout en s’intéressant aux contenus de pensée, s’intéresse également aux perceptions corporelles et sensorielles des individus. Il faut noter que le patient anxieux a pour particularité de critiquer, spontanément, ses modes de pensée en disant que ses peurs sont exagérées, qu’il dramatise tout le devenir à long terme, cependant les entretiens quelquefois difficiles. « Self instruction training » ou entraînement à l’autoverbalisation Le sujet apprend un discours intérieur qu’il répétera en situation anxiogène et qui lui permettra de faire face à la situation. Ces verbalisations sont proposées sous forme de texte que le patient écoute sur bande magnétique et apprend. De telles stratégies ont été évaluées dans les phobies sociales de type « trac d’être sur scène » et ont montré une grande efficacité. Technique éducative FD Page 54 17/04/2017 Drognan insiste tout particulièrement sur la part éducative que remplit le thérapeute dans les stratégies de déconditionnement. Le thérapeute expliquera minutieusement au patient comment a pu se constituer sa phobie, décrira et expliquera les symptômes psychologiques mais aussi somatiques et il poursuivra sa tâche éducative au cours de l’apprentissage à la relaxation et au cours des différents types d’exposition. Pour cet auteur, la part éducative du thérapeute est un des moyens d’action des plus puissants dans cette approche (cité par Synajko et al. 1980). Autres techniques D’autres techniques comportementales peuvent être associées en fonction de chaque individu : La technique d’hyperventilation brève décrite par Clark qui permet une réattribution des symptômes : le patient va passer d’une attribution externe à une attribution interne. Le sujet, après une épreuve d’hyperventilation brève, déclenchera lui-même une attaque de panique qui lui fera prendre conscience du processus interne de déclenchement de cet état. L’apprentissage du contrôle respiratoire aura recours à différentes stratégies pour permettre de diminuer la fréquence respiratoire (respiration dans un sac en plastique, blocage en fin d’expiration…). Cette technique peut être utilisée chez le phobique dans les états d’anxiété aiguë. La technique particulière à la phobie du sang : la phobie du sang et des blessures s’accompagne d’une symptomatologie spécifique associant une tachycardie et une augmentation de la pression artérielle suivies quelques secondes plus tard, d’une baisse brutale de la pression artérielle entraînant un malaise. C’est pourquoi, dans ce cas particulier, le thérapeute apprendra au patient non pas à se relaxer, mais à contracter l’ensemble des grosses masses musculaires (bras, jambes) pendant une période de 10 à 15 secondes pour éviter la chute de la pression artérielle. Cette phase préliminaire est indispensable avant d’envisager toute exposition (Buttler, 1989). La technique d’intention paradoxale : on demande au sujet de se laisser aller à l’anxiété et de ne pas lutter contre elle. Le sujet s’expose alors aux sensations physiques et psychologiques tant redoutées. Le sujet n’aura plus peur alors des manifestations physiques associées à la situation phobogène et pourra se confronter à la situation sans évitement. La technique de renforcement pour chaque progrès accompli. Le thérapeute soulignera et félicitera le patient à chaque réalisation de tâche en séance ou encore si la tâche est réalisée au domicile et rapportée à l’entretien suivant. FD Page 55 17/04/2017 Traitement chimiothérapique et thérapies comportementales : Différentes spécialités pharmacologiques sont prescrites chez le patient en association avec une thérapie de déconditionnement. Ce sont des tranquillisants de type benzodiazépines, les bêtabloquants et les antidépresseurs. Ces médicaments semblent avoir une action sur l’anxiété associée au trouble phobique et les attaques de panique associées et ne se révèlent efficaces sur les symptômes phobiques qu’en association avec une exposition régulière aux stimuli anxiogènes. Les techniques comportementales et cognitives peuvent débuter avec une chimiothérapie associée. Une fois le déconditionnement réalisé, les doses médicamenteuses sont réduites progressivement jusqu’à l’arrêt complet de prescription. 6. Un cas clinique Monsieur V., âgé de 36 ans, mécanographe, présente une phobie des piqûres, il n’est pas à jour de ses vaccinations, il souffre de nombreuses caries non traitées et veut pratiquer le test de l’HIV ce qui d’ailleurs l’a motivé pour entreprendre la thérapie. La phobie existe depuis son enfance, il a peu de souvenirs à ce sujet et ne peut retrouver de caractères spécifiques. Il évite donc toute injection quelle qu’elle soit (sous-cutanée, intramusculaire ou intraveineuse) et évite d’être témoin d’une « scène d’injection » au cinéma ou à la télévision. Antécédents personnels - 16 ans, accident de la voie publique ayant entraîné une fracture de plancher de l’orbite. Aux urgences, où il est transporte, il reçoit « contraint et forcé » les vaccins et sérum antitétaniques ; - 23 – 24 ans, crise anxieuse à son domicile, Son amie appelle un médecin qui a voulu lui faire une injection. Devant l’état d’agitation que provoque la piqûre, le médecin demande son orientation en psychiatrie aux urgences, puis il est hospitalisé. Biographie Né à Paris. Il passe son enfance en proche banlieue. Il suit correctement sa scolarité jusqu’au niveau BEP. Puis il a évité de faire son service militaire à cause du problème des piqûres en se faisant réformer. Depuis 10 ans, il a travaillé dans différents quotidiens, il bénéficie d’un emploi stable depuis quatre ans. L’analyse fonctionnelle montre surtout un comportement d’évitement face à la situation-problème. Le stimulus phobogène étant de recevoir une injection, on remarque qu’il s’est généralisé au fait de voir faire une piqûre (même au cinéma ou à la télévision) et d’aller à l’hôpital (même pour rendre visite à de la famille FD Page 56 17/04/2017 ou des amis). Il est très motivé pour modifier son comportement, car son handicap est important. -absence de soins dans différents domaines (dentaires, vaccins, etc.) ; -sentiment de honte face à cette phobie à cause du discours infantilisant des soignants, de son dentiste ; -volonté de ne plus « tricher » en envoyant un copain se faire vacciner à sa place quand il part à l’étranger. Sa phobie était apparue progressivement dans l’enfance, devenant de plus en plus handicapante dans son comportement vis-à-vis des soins qu’il juge pourtant nécessaire. La vue du sang ou la douleur n’était pas particulièrement redoutée. Sa phobie se limitait au geste technique médicale qui entraînait une effraction de la peau ou muqueuse (sur lui ou sur les autres). Hiérarchie d’anxiété - 100 : subir une injection. - 80 : regarder faire une injection. - 70 : regarder faire une injection à la télévision. - 50 : aller chez son dentiste - 40 : regarder une seringue, une aiguille. - 30 : aller visiter quelqu’un à l’hôpital (à cause des odeurs, du bruit des plateaux et instruments). Evaluation par questionnaire Cette évaluation quantitative préliminaire montre une anxiété situationnelle concernant le sang et les maladies. Elle rapporte également, un faible niveau d’affirmation de soi. En revanche, le patient n’est pas déprimé. Les questionnaires d’autoévaluation cotés par le patient donnent les résultats suivants. Le questionnaire de peut de Wolpe et Lang (FFSIII) donne des scores élevés pour des items liés à la nosographie. - Le questionnaire d’anxiété de Catell montre un score bas de 6. - Les questionnaires d’affirmation de soi de Rathus montrent un score bas de 76 points. - L’inventaire pour dépression de Beck en 13 items donne un score de nondépression de deux points. Programme de l’exposition graduée en vivo Il se met en place après un travail cognitif sur planche anatomique ayant pour but de différencier les différents types d’injections (sous-cutanée, intramusculaire, intraveineuse). FD Page 57 17/04/2017 1re séance : le patient est invité à se présenter aux urgences, accompagné de son thérapeute. Il lui est bien préciser qu’il n’aura ni ne verra d’injection. 2e, 3e, 4e séances : le patient vient aux urgences afin d’y observer la pose d’une perfusion, toujours accompagné de son thérapeute. Le niveau d’anxiété passe de 80 à 40 ; le patient est content de ces séances qui ont eu l’avantage de dédramatiser l’acte. Entre ces séances d’exposition accompagnées, prescription d’auto-exposition : le patient devra s’habituer à manipuler une seringue qu’il possède déjà. 5e séance : la tâche prescrite a été correctement effectuée. Pour cette séance le patient assiste dans un service de médecine à trois prises de sang et une injection intramusculaire. L’anxiété passe de 60, en début de séance, à 10 au bout de deux heures trente. Au décours de cette séance, le patient reprend des consultations chez son dentiste tout en envisageant la perspective d’une éventuelle injection. 6e séance : mise en place, avec le patient lui-même, d’un protocole progressif, à domicile, par l’utilisation des aiguilles à glycémie au doigt : une petite goutte de sang devra apparaître à l’extrémité du doigt. 7e séance : tâche précédente scrupuleusement réalisée. Renforcement positif. Prescription d’un monotest qu’il devra réaliser auprès d’une infirmière de son choix et d’un vaccin antitétanique qu’il devra acheter en pharmacie. 8e séance : le patient a réalisé la tâche prescrite et vient, comme demandé, avec son vaccin. La vaccination a donc lieu en cours de séance. 9e séance : dans le service des urgences qu’il a fréquenté à plusieurs reprise, il subit en présence de son thérapeute sa première prise de sang. 19e séance : il a réalisé à l’extérieur son second vaccin antitétanique. Revu trois mois plus tard, Monsieur V. était à jour de ses vaccinations obligatoires, et toutes ses dents cariées avaient été traitées. Convoqué un an plus tard, il ne s’est pas présenté. La réévaluation quantitative n’a pas pu être effectuée. Argumentation Le patient ne présentant pas de symptomatologie dépressive ou anxieuse, confirmée par le score et au BDI et au Catell, il n’a pas été indiqué de lui adjoindre en début de thérapie ni antidépresseur ni anxiolytique. Les premières séances de consultation de planches anatomiques ont permis un travail de restructuration cognitive : l’analyse fonctionnelle avait ainsi révélé FD Page 58 17/04/2017 que le patient n’avait jamais prêté attention (sa mère avait pourtant une profession paramédicale) aux différents types d’injections : intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée). La thérapie a consisté en un réapprentissage direct, progressif et prolongé par exposition in vivo (avec et sans relaxation), accompagné du thérapeute dans un premier temps, puis par auto-exposition (quand il va seul voir une infirmière pour sa seconde vaccination). Soulignons la graduation très progressive des étapes que le patient parcourt accompagné de son thérapeute. Les premières expositions et tâches prescrites lui paraissaient faciles voire favorable. C) Les phobies sociales Les phobies sociales, spécifiques ou généralisées, concernent les sujets qui, dans une ou plusieurs situations sociales, ont des fortes manifestations d’anxiété. La souffrance intense et invalidante pousse ces sujets à éviter les événements anxiogènes. Le handicap est souvent majeur. La phobie sociale est une peur rationnelle, persistante, des situations dans lesquelles le sujet est exposé à l’éventuelle observation attentive d’autrui. La peur des situations sociales va contraindre le sujet à les éviter pour ne pas se retrouver dans une situation anxiogène voire aversive. L’idée d’être confronté à de telles situations va favoriser une importante anxiété anticipatoire par crainte d’agir d’une façon humiliante ou embarrassante. Dans le DSM-III6r (1989), ce trouble est décrit comme une réaction phobique intense qui n’est pas due à un trouble mental. La peur de parler ou de se produire en public peut concerner aussi bien l’enfant et l’adolescent que l’adulte. Il faut distinguer la phobie sociale de la timidité qui est une conduite non pathologique, particulièrement fréquente dans l’enfance et l’adolescence : ne pas oser parler dans un groupe ou s’inscrire à une activité sportive ou culturelle, pourtant désirée, ne constitue pas une phobie sociale. Celle-ci, à la différence de la timidité, est une source de détresse intense, est envahissante et altère les choix affectifs et scolaires/ou professionnels. Les relations sociales et le cadre (soirées, réunions de travail, stage de formation, club de loisirs, transports en commun…) dans lequel se déroulent les interactions sociales sont les deux principales sources des stimuli anxiogènes. Le phobique social redoute d’attirer l’attention sur lui et d’avoir l’air ridicule. Dans les transports en commun, il refuse de s’asseoir en face d’autres passagers et il évitera de parler avec un proche ou un ami de crainte d’être regardé ou écouté par les autres. (attention, faire le diagnostic différentiel avec la psychose et en particulier avec la schizophrénie paranoïde avant de commencer la prise en charge). FD Page 59 17/04/2017 1. Description clinique Les peurs sociales débutent progressivement à la fin de l’enfance ou au début de l’adolescence. Ces enfants sont inhibés, évitent le regard. A la cantine de l’école, ils ont des nausées ou ressentent une striction de la gorge qui les empêche d’avaler s’ils se croient observés. Ils craignent de renverser un verre, ont peur que leurs mains tremblent en tenant une fourchette ou une tasse. A l’école, ils se placent au fond de la classe par crainte d’être interrogés, redoutent d’aller au tableau, de « dire une bêtise » et de provoquer des moqueries. Ils ont peu d’amis et ont l’impression d’être abandonnés s’ils se retrouvent seuls dans une situation sociale. Ils désirent entrer en contact avec les autres mais se sentent incapables de tenir une conversation, de prendre l’initiative. Ils sont dans un état de frustration permanent, admiratifs de ceux qui se comportent avec aise. En général, l’anxiété sociale diminue lorsqu’ils se retrouvent avec des jeunes encore plus timides : dans ce cas, ils peuvent se comporter normalement, sans avoir l’impression d’être jugés. Ils déclinent les invitations, restreignent leur vie sociale en raison de la peur de ne pas savoir « quoi dire » ils anticipent, avec une anxiété somatique intense, la récitation d’une poésie, un exposé. Le sommeil est perturbé la veille des « situations à risque ». Lorqu’ils sont confrontés à la situation, les symptômes somatiques (accélération du rythme cardiaque, rougissements, transpiration…) sont au premier plan. Ils luttent pour que ces signes anxieux ne soient pas observés par les autres et perdent, de ce fait, leurs capacités d’adaptation, notamment la mémoire d’évocation : « le trou noir » est une bonne image de leur fonctionnement cognitif altéré par l’anxiété sociale. Leurs craintes irrationnelles d’être ridicules gênent les performances. Cela peut entraîner un cercle vicieux où l’évitement de la situation phobogène est justifié par la mauvaise qualité de la performance. A l’adolescence et à l’âge adulte, le souci de passer inaperçu, malgré un goût vestimentaire précis, va déterminer des choix des couleurs et des formes qui n’attireront pas l’attention. Le corps ne peut pas être comme porteur des messages et valorisé. Aucune excentricité n’est admise : toujours la même coupe de cheveux, le même type de vêtements… Parfois un vécu dysmorphophobique accompagne l’anxiété sociale : un nez trop long, des cheveux qui frisent par exemple, justifient aux yens de la personne le fait qu’elle ne parle pas aux autres. 2. Anticipation anxieuse : le paradoxe. L’anticipation anxieuse est un ensemble de réponses physiologiques comportementales et cognitives, qui précède certaines situations ou événements que le sujet doit affronter ou bien qu’il imagine comme susceptibles de se produire. Ces symptômes sont la première partie d’une séquence anxieuse concernant les symptômes éprouvés lors de la confrontation à une situation anxiogène et les ruminations anxieuses qui succèdent le moment anxieux. Le FD Page 60 17/04/2017 vécu anxiogène concernant des situations futures peut débuter durant l’enfance ou à l’adolescence. Les mécanismes d’anticipation sont essentiellement les mêmes que ceux de l’adulte. Le contenu varie avec l’âge et il intègre des paramètres anxiogènes à caractère social. Le caractère morbide de l’anxiété est souvent méconnu et son importance, sa gravité potentielle, sous-estimées. L’anticipation anxieuse est jugée à tort comme une activité mentale qui renforcerait la motivation à agir. Dans les phobies sociales, les symptômes physiologiques concernent la tension motrice et l’hyperactivité neurovégétative : tremblements, impression de secousses, douleurs ou endolorissement musculaires, fébrilité, fatigabilité, sensations d’étouffement, tachycardie, sécheresse de la bouche… Les symptômes comportementaux sont essentiellement des conduites d’évitement ou de fuite, limitation des activités en rapport avec l’anxiété, comportements de vérification, demandes de réassurance, agressivité ou bien inhibition comportementale. Beaucoup de symptômes cognitifs associés à l’anxiété d’anticipation sont une intensification des fonctions normales, par exemple la conscience de soi ou l’hypervigilance. D’autres symptômes semblent être le résultat de l’inhibition de fonctions normales (difficultés de concentration d’évocation). Ou bien encore, d’autres symptômes dénotent un affaiblissement du contrôle volontaire sur des processus qui normalement sont sous tel contrôle (perte d’objectivité, distorsions du jugement). Se percevoir soi-même ou avoir conscience de soi est un état psychologique habituel pour la plupart des gens lorsqu’ils se trouvent en présence d’autrui. Le sujet va être attentif à ses émotions, ses pensées, ses idées, ses comportements. Cet état lui permet de se percevoir en interaction, de se confronter à autrui et de développer des connaissances sur soi-même, sur ses tendances personnelles. Mais, parfois l’autre devient générateur d’anxiété. Le sujet va anticiper les situations sociales et il craindra de se comporter d’une façon humiliante ou embarrassante. Son état de conscience de soi anxieux favorise un ensemble d’idées de dévalorisation de soi : « peur de ne pas parler en public comme les autres ». « Peur de ne pas pouvoir être capable de soutenir une conversation ». Le sujet qui anticipe de cette manière peut difficilement mobiliser ses capacités de verbalisation, d’exécution, d’agilité, de réflexion, d’association, d’observation de décision. L’anticipation anxieuse va structurer la perception en termes d’appréhension affective et cognitive de la réalité. Le sujet mettra en place un système d’évitement des stimuli externes vécus comme anxiogènes. Les symptômes liés à la pensée concernent l’inhibition de la mémoire d’évocation qui provoque de cette façon l’impression de ne plus rien savoir. Par exemple, la personne qui doit passer un entretien d’embauche ou un examen de connaissances anticipera des éventuels « trous de mémoire ». De plus, la focalisation de l’attention sur la notion de danger peut automatiquement produire une « vision de tunnel » inhibant toute pensée autre que celle FD Page 61 17/04/2017 concernant la situation redoutée. Plus gênant encore, le sujet peut être tellement mobilisé sur la façon de faire face au « danger » qu’il ne pourra pas être en mesure de satisfaire d’une manière objective les demandes de la situation, c’està-dire qu’il va anticiper toutes les réponses possibles « pour s’en sortir ». Le plaisir d’obtenir satisfaction, faciliter les conditions dans lesquelles il va se trouver, ne font plus partie de ses motivations et de son anticipation. La caractéristique principale des phobies sociales par rapport à d’autres phobies concerne l’anticipation anxieuse. En effet, la peur d’être tendu, inhibé ou de trembler pendant la situation sociale phobogène apparaît plausible et semble avoir une forte probabilité pour qu’elle se manifeste. Le sujet qui a peur de suffoquer dans un ascenseur a peu de risques de manquer d’oxygène et de mourir en conséquence. Or, le sujet qui craint de trembler quand il est observé ou bien celui qui a peur de perdre ses moyens lors d’un entretien peuvent raisonnablement attendre que leurs manifestations anxieuses apparaissent. L’anticipation anxieuse est donc souvent confortée par l’expérience. L’expérience ne fait qu’aggraver les phobies sociales ; c’est le paradoxe de celles-ci. L’apprentissage des comportements détendus par l’expérience est difficile à réaliser. L’approche thérapeutique par les techniques d’exposition doit tenir compte de l’aspect plausible et « raisonnable » des manifestations anxieuses : il s’agit d’une exposition qui doit associer les jeux de rôles thérapeutiques afin de cibler ce type particulier d’anticipation anxieuse. 3. Formes cliniques Les phobies sociales peuvent être spécifiques, ou généralisées selon que le sujet évite simplement de faire un exposé, de parler dans une réunion par exemple, ou qu’il évite la plupart des situations sociales dans lesquelles il risque d’être observé attentivement. La fréquence des phobies sociales spécifiques (peur de manger en public, peur d’utiliser les toilettes publiques, peur d’écrire en présence d’autrui…) est moins importante que celle des phobies sociales généralisées (Marks, 1985). Les phobies sociales généralisées concernent la peut de ne pas savoir se défendre, d’être humilié, d’être rejeté de ne pas avoir d’amis…Parfois, les peurs sociales peuvent se centrer sur l’apparence physique, les performances sociales et/ou intellectuelles. Pour Fenigstein (1987), il existe chez le phobique social, une tendance à privilégier les aspects observables de son comportement ; de ce fait, il de représente les interactions sociales comme un ensemble de comportements où les aspects évaluatifs sont centrés sur l’agir au détriment du vécu émotionnel. Autrement dit, les émotions accompagnant une interaction sociale (joie, tristesse, plaisir…) sont peu élaborées et le sujet perçoit trop le cadre social comme évaluatif des signes externes comportementaux. Selon Marks (1985), la phobie sociale est une difficulté à adopter des comportements de communication satisfaisants par défaut d’apprentissage. Le FD Page 62 17/04/2017 sujet qui, par peur d’être jugé, se montre inhibé, ne peut pas apprendre les comportements de communication et élaborer des moyens de communication interpersonnels satisfaisants. Il y aurait donc deux types de modèles explicatifs de la phobie sociale : le premier la considérant comme un état d’observation excessive de soi-même, notamment sur les aspects externes du comportement ; le deuxième voit la phobie sociale sous l’angle d’une difficulté à apprendre et à adopter des comportements de communication ; à cause de l’anxiété inhibitrice. Ainsi, les sujets qui réagissent avec une prédominance des symptômes physiques (accélération du rythme cardiaque, tremblements…) sur les symptômes comportementaux (évitement, fuite…) vont bénéficier davantage de techniques de relaxation et chimiothérapeutiques. Ceux qui font appel à des stratégies d’évitement social pourront briser ce système de défense par des techniques thérapeutiques d’affirmation de soi. La comorbidité a été étudiée. La dépression est moins fréquemment associée à la phobie sociale, mais lorsqu’elle coexiste, elle aggrave considérablement l’anxiété sociale (Davidson, 1993). Nous pouvons supposer également que la phobie sociale peut s’associer avec les phobies simples. Le handicap ou retentissement sur le fonctionnement est un domaine qui n’a pas été l’objet de nombreuses recherches. L’entretien clinique avec ces patients montre que l’anxiété sociale gêne considérablement le fonctionnement social et intellectuel, perturbation allant jusqu’à la stupeur associative, c’est-à-dire l’incapacité à mobiliser les mécanismes intellectuels (mémoire d’évocation, imagination, association d’idées…) pour faire face à une situation sociale. Beidel (1991) a employé la méthode d’auto-observation afin d’évaluer la gêne provoquée par l’anxiété sociale : elle conteste les propos de Spitzer et Schneier (1990) concernant l’impact minime de la phobie sociale dans la vie quotidienne, supposé par ces auteurs. Elle remarque que les patients de son étude sont considérablement handicapés par de nombreux comportements d’évitement sociaux. 4. Evolution Pour beaucoup d’auteurs, la phobie sociale persiste et s’intensifie à l’âge adulte (Linechan 1979 : Larks 1985 : Greist et al. 1986). Ce n’est que tardivement vers 40 ans, qu’elle peut s’estomper. Les principales complications évolutives du trouble sont l’abus de l’alcool et la dépression. 5. Approche thérapeutique Le traitement cognitif et comportemental des phobies sociales fait souvent appel aux mécanismes d’anticipation qui vont constituer dans un premier temps la cible thérapeutique. Ainsi, dans un projet thérapeutique, l’imagination et le discours intérieur du patient sont sollicités activement par le thérapeute. Deux techniques thérapeutiques dans cette première phase se dégagent. FD Page 63 17/04/2017 Désensibilisation systématique Par le biais de la confrontation répétitive en imagination aux stimuli anticipés avec angoisse, le clinicien cherchera à modifier les propriétés anxiogènes des images mentales. Cette confrontation se fera par approximations successives du contenu des images mentales anxiogènes jusqu’à ce qu’une scène représentant une situation normale soit évoquée par le patient. Prenons un exemple : un patient se présente et décrit les manifestations d’une anxiété intense survenant avant certains événements tels que prendre la parole en public. Le thérapeute analyse avec le patient ces diverses situations, il construit une hiérarchie de situations en partant de la moins anxiogène jusqu’à celle qui apparaît totalement intolérable pour le patient. En séance, on lui demande d’évoquer de la manière la plus vivante possible l’mage relative à l’item le moins anxiogène de la hiérarchie (poser une question courte). Lorsqu’il parvient à évoquer la situation sans réaction d’anxiété, on passe à l’item suivant de la hiérarchie et ainsi de suite. Exposition directe et théorie cognitive Souvent, on proposera au patient l’exposition directe aux situations phobogènes. On s’intéressera dans cette pratique aux pensées qui précèdent et accompagnent la confrontation : les idées anxiogènes seront répertoriées par le moyen d’un entretien dirigé. Cet ensemble cognitif qui, jusqu’à présent, déterminait l’angoisse est mis à l’épreuve de la réalité. Ces moyens thérapeutiques sont rapidement associés à la mise en place des techniques d’affirmation de soi. Les techniques d’affirmation de soi constituent une aide thérapeutique efficace chez des patients présentant une altération significative du fonctionnement social et/ou professionnel et qui possèdent une faible estime de soi (Michelson et al., 1987). Ces techniques sont un abord psychologique axé sur l’atténuation des manifestations anxieuses et sur l’apprentissage de comportements de communication. L’affirmation de soi peut être proposée en groupe ou en individuel. La thérapie de groupe a pour fonction essentielle la mise en œuvre des techniques thérapeutiques spécifiques destinées à atteindre les objectifs de la thérapie. Le développement des capacités de communication auraient comme effet une meilleure estime de soi. Les procédures thérapeutiques sont les suivantes : modelage ou apprentissage par imitation. Un modèle émet un comportement à imiter (modelage positif) ou à éviter (modelage négatif). Par exemple, comment exprimer une idée dans un groupe, comment aborder d’autres personnes qu’on ne connaît pas. Le modelage en imagination consiste à décrire et à faire imaginer au patient une situation ou une personne du même âge et du même sexe qui se conduit d’une manière socialement habile. Cette technique est particulièrement efficace pour modeler FD Page 64 17/04/2017 des comportements lors de situations aversives (se voir rejeter, se faire critiquer). Le modèle se comporte d’une manière affirmée. La procédure de répétition de la réponse a pour but d’aider le patient à se sentir à l’aise face à des comportements nouvellement acquis et à les reproduire facilement dans des situations sociales appropriées. Le jeu du rôle comportemental demande au patient de faire « comme si » il était en situation réelle et de se comporter de façon affirmée dans cette situation. Les procédures de façonnement de la réponse consistent à aider le sujet à affirmer ses comportements nouvellement acquis au moyen de la rétroaction et du renforcement Le renforcement est utilisé la plupart du temps sous forme d’approbation ou de félicitations au moment où le patient montre une amélioration de son comportement. Le renforcement est « donné » soit par le thérapeute soit par les membres du groupe thérapeutique, soit en favorisant les capacités du patient à s’autorenforcer. Les procédures cognitives vont modifier directement la perception des situations sociales comme étant des situations « à risque ». D) Les troubles obsessionnels compulsifs Depuis plusieurs années, on voit se développer un modèle cognitivocomportemental des troubles psychiatriques. Il est reconnu que plusieurs facteurs indépendants puissent être à l’origine : vulnérabilité biologique, stresseurs environnementaux, traumatiques affectifs d’apprentissage comportementaux ou cognitifs. Ces sont ces patterns représentent le focus d’intervention des thérapies cognito-comportementales. 1 – Modèle comportemental. Le modèle comportemental considère que le trouble obsessionnel compulsif peut être compris par deux mécanismes d’apprentissage : le conditionnement classique et le conditionnement opérant. Le conditionnement classique consiste à associer un stimulus conditionnel (par exemple une sonnerie) à un stimulus inconditionnel (présentation de nourriture), qui entraîne à lui seul une réponse inconditionnelle (salivation). La répétition de cette association entraîne l’obtention de la réponse inconditionnelle à la seule présentation du stimulus conditionnel. Dès lors, cette réponse est appelée réponse conditionnelle et son obtention réalise un conditionnement classique selon une dyade stimulusréponse. Le conditionnement opérant consiste à augmenter le débit d’une réponse, par exemple le comportement de parler en public, en récompensant l’émission de cette réponse. Ainsi, le comportement se maintient ou se renforce si ses effets procurent satisfaction. Ces mécanismes d’apprentissages appliqués à la pathologie obsessionnelle nécessitent décomposer les symptômes en séquences comportementales. Ainsi, une situation donnée (partir de chez soi, contact avec FD Page 65 17/04/2017 la saleté, fermer un robinet) provoque une réponse donnée stéréotypée, le rituel. Celui-ci peut consister en un comportement ouvert (vérification du robinet, lavage des mains…), ou couvert comme le rituel mental (compter jusqu’à 3, penser toujours la même phrase rituelles. Selon Mowrer (1960), le comportement obsessionnel serait acquis tout d’abord par conditionnement classique et ensuite renforcé et pérennisé par conditionnement opérant. Ainsi, un événement extérieur (boîte de médicaments) est associé à la prise de conscience d’une obsession anxiogène (laisser la boîte à la portée des enfants et les empoisonner involontairement). La répétition de cette association visuo-idéative constitue un conditionnement classique de l’anxiété. Dans un deuxième temps, le sujet expérimente une réduction de l’anxiété par l’émission d’un rituel (vérifier plusieurs qu’il n’y ait pas de médicaments à la portée des enfants) : il s’agit alors d’un conditionnement opérant avec évitement d’une situation pénible. L’expérience d’une baisse de l’anxiété après avoir vérifié, entretient les rituels à venir. Cependant, de nombreuses études contestent la validité de ce modèle selon lequel le rituel compulsif diminue l’anxiété subjective du sujet. Ce que nous pouvons retenir de ces études réalisées dans des conditions expérimentales est la modification du comportement obsessionnel en fonction de la présence ou non du thérapeute. Sa présence provoquait souvent un transfert de responsabilité du patient vers le thérapeute s’il ne ritualisait pas : « ça sera faute du thérapeute si jamais il y a un malheur à cause de ma négligence. » Les conséquences graves de l’absence de ritualisation pouvaient être attribuées au thérapeute qui incitait le patient à ne pas ritualiser. Les notions de responsabilité et de culpabilité liées au rituel introduisent le modèle cognitif de la pathologie obsessionnelle. 2 – Modèle cognitif Selon ce modèle, l’obsessionnel, au-delà du comportement rituel à proprement parler, garde un doute, une appréhension, qui sont l’émanation de ses croyances (façon dont le sujet se représente son environnement et en particulier dont il apprécie les conséquences de ses obsessions). Le sujet obsessionnel présente une perturbation du traitement de l’information, il analyse l’information extérieure relativement neutre en lui attribuant un sens spécifique relatif à sa pathologie. Mac Fall et Wollersheim (1979) décrivent deux temps principaux dans le développement d’une conduite obsessionnelle. Dans un premier temps un signal de peur est surestimé par le sujet quant au risque de survenue d’événements désagréables. Cette surestimation du risque est basée sur des croyances personnelles qui sont de quatre ordres. a) Certaines pensées et sentiments sont strictement inacceptables, les tolérer conduirait à une catastrophe. b) On doit être parfait sur tous les aspects où la responsabilité personnelle est engagée. FD Page 66 17/04/2017 c) Faire une erreur ou être pris en défaut conduirait immanquablement à une punition ou à une condamnation (culpabilité). d) Emettre un rituel et/ou rumination obsédante sont des bons moyens pour faire disparaître la peur. Dans un deuxième temps, le sujet sous-estime sa capacité à gérer sa peur, le sentiment de perte de contrôle contribue à se réfugier dans des rituels ou des ruminations obsédantes. 3. Particularités de l’analyse fonctionnelle Pendant l’analyse fonctionnelle, on doit informer le patient qu’il est indispensable, voire une condition pour engager une thérapie que des comportements de substitution soient adoptés. C’est-à-dire que le patient est sollicité à anticiper ce qu’il fera pendant les trois heures qui ne seront plus consacrées à un rituel lors des progrès thérapeutiques. 4. Entraînement à l’auto-observation Le moyen d’investigation le plus précis des rituels chez le patient obsessionnel non hospitalisé serait de les observer directement, dans toutes les situations vécues (école, travail, famille, loisirs, etc.). A défaut de ce type de méthode d’observation, certaines méthodes d’évaluation ont été développées pour préciser et caractériser les comportements obsessionnels : l’observation du sujet par son entourage, par lui-même. En général, il existe trois méthodes d’évaluation comportementale : l’observation directe, les questionnaires d’autoévaluation et d’hétéro évaluation et les entretiens diagnostiques, structurés et semi-structurés. C’est dans la perspective du DSM-III et du DSM-III-R que la plupart des instruments ou méthodes dévaluation se sont développés. L’observation des comportements ritualisés a pour but d’obtenir une description précise, aussi objective que possible, des composantes obsessionnelles et anxieuses. Cette évaluation tente de préciser également leurs conditions et situations d’apparition (stimuli antécédents). Les sources sont diverses : observation directe par quelqu’un d’autre et auto-observation. Observation directe par l’équipe soignante Cette méthode d’évaluation est surtout réalisée au cours d’une journée d’hospitalisation ou chez des patients hospitalisés pour un certain temps. On enregistre la fréquence et/ou la durée de certains comportements. Ainsi, le personnel infirmier peut-il noter systématiquement le temps qu’un patient passe à ranger les objets dans sa chambre afin qu’ils soient disposés en respectant une symétrie donnée (en parallèle, perpendiculaires etc.). Ces mesures répétées des comportements sont particulièrement utiles lors des protocoles thérapeutiques (médicaments, thérapie) : elles permettent de dégager FD Page 67 17/04/2017 un profil de fluctuations comportementales et éventuellement d’isoler les facteurs qui font varier les rituels et l’anxiété associée. Auto-observation On demande aux patients de noter dans des fiches d’auto-enregistrement les comportements d’évitement, les pensées anxiogènes, les situations qui déclenchent des réactions d’anxiété et des observations. Personnellement, nous utilisons la fiche suivante pour mieux déterminer les paramètres intervenant dans les obsessions et compulsions. Date : Description du comportement obsessionnel : ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ __________________________________________________________ Difficulté à arrêter le comportement pathologique (noter sur 100) : Durée du comportement pathologique : Idées pendant l’adoption du comportement pathologique : ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________ Ces fiches permettent la prise de conscience du rôle de l’anxiété dans le comportement obsessionnel. Une autre façon d’évaluer l’impact de l’anxiété dans les activités quotidiennes consiste à demander au patient de noter les comportements d’évitement et le pourcentage de gêne qu’il aurait éprouvé s’il avait adopté le comportement. Au total, l’observation directe des comportements obsessionnels et anxieux ne permet pas à elle seule d’établir un diagnostic, mais elle constitue un outil de travail particulièrement utile. 5. Techniques thérapeutiques comportementales et cognitives La technique de l’exposition aux stimuli anxiogènes (saisir une boîte de médicaments, la garder quelques minutes sur soi) avec prévention de la réponse (encourager le sujet à ne pas vérifier le nombre de comprimés et l’empêcher de chercher éventuels comprimés qu’il aurait laissé tomber) et une thérapeutique très utilisée par les comportementalistes dans le traitement des rituels. Les stimuli déclencheurs sont analysés en termes de force compulsive à déclencher le rituel. Par exemple, le sujet ressentira une compulsion de vérification moins FD Page 68 17/04/2017 intense après avoir touché quelques comprimés d’aspirine qu’après le contact de quelques comprimés de clomipramine. Une échelle de difficulté croissante est ainsi établie et servira de base à la thérapie. La prévention de la réponse montrera au sujet que le fait de ne pas ritualiser n’entraîne aucune conséquence si ce n’est une augmentation momentanée de l’anxiété. L’exposition répétée au même stimulus entraîne une anxiété de moins en moins intense et de durée de plus en plus courte par habituation. Le sujet doit systématiquement s’entraîner par des exercices chez lui. Il constate, après chacun des exercices, qu’il ne se passe rien de particulier s’il ne ritualise pas, si ce n’est une perception d’angoisse qui finit par s’estomper. Toutes les expositions et la prescription de tâches à domicile sont établies sur un mode contractuel entre patient et thérapeute (jamais de surprise ou de contrainte). La thérapie cognitive complète souvent la thérapie comportementale. Elle consiste à analyser l’obsession à travers la pensée automatique de catastrophe dans laquelle la responsabilité du sujet est engagée. La thérapeute cherche activement à isoler la pensée intrusive et à définir la conséquence la plus redoutée. L’intervention thérapeutique doit se focaliser non sur la pensée obsédante pénible que le sujet tente de neutraliser (« je vais laisser traîner des médicaments »), mais sur la pensée automatique qu’elle déclenche (« je serai responsable e la mort de quelqu’un »). Le but est d’aider le sujet à prendre conscience du fait que la pensée automatique est irrationnelle et catastrophique. Les patients traités presque exclusivement par des techniques comportementales sont des enfants (Vera et al., 1990). Les adolescents (Mouren-Siméoni et al., 1993) et les adultes (Cottraux et al., 1992) peuvent bénéficier des techniques cognitives et comportementales. Les antidépresseurs sont également très souvent utilisés en association à la fois chez les enfants, les adolescents et les adultes. D’autre part, certains patients sont suivis en parallèle en psychothérapie d’inspiration analytique. Les outils d’évaluation ne sont pas les mêmes à travers les différents travaux : la gravité de la pathologie des malades n’est pas homogène (durée de la maladie) ; les obsessions et les rituels ne sont pas comparables entre eux (les rituels de lavage sont plus faciles à traiter que les rituels de vérification) les obsessions sont plus difficiles à traiter que les rituels. Malgré ces difficultés, Foa et al. (1985) après une revue de 18 études contrôlées sur vingt ans concluent en utilisant les mêmes critères d’évaluation, de la manière suivante ; 51 % des patients sont très améliorés, 39 % sont améliorés, 10 % sont des échecs. Ces résultats sur l’efficacité des thérapies comportementales sont encourageants et montrent surtout la stabilité des résultats. Conclusion FD Page 69 17/04/2017 Les stratégies thérapeutiques actuelles sont en constant progrès. Néanmoins il ne s’agit encore que de traitement par substitution et non un traitement du cœur de la pathologie… E) Les troubles du comportement alimentaire : Anorexie, boulimie En milieu hospitalier la thérapie cognitivo-comportementale est fréquemment proposée pour les patients anorexiques. Elle faciliterait la mise sous contrôle rapide des principaux symptômes liés à la dénutrition. Elle empêcherait l’apparition de séquelles somatiques et de troubles psychiatriques associés, notamment chez les patients ayant une longue durée de maladie. Peu de consensus existe actuellement sur le type de traitement à proposer aux patients ayant des troubles des conduites alimentaires. De plus, même si un nombre important de symptômes est bien décrit et documenté, il existe une grande variété de cas nécessitant une approche thérapeutique tout à fait idiosyncratique. Rares sont les prises en charge utilisant un seul modèle explicatif ou conceptuel, la combinaison ou la succession des différentes méthodes est le plus souvent rencontrée. La thérapie congitivo-comportementale fait partie des approches fréquemment proposées en milieu hospitalier pour les patients anorexiques, par rapport à la boulimie à poids normal qui serait mieux traitée en ambulatoire. La nécessité de séparer les patients anorexiques des influences familiales a été déjà reconnue par Lasègue et Gull et elle fait partie de la plupart des approches. En thérapie comportementale, le conditionnement opérant en fait une large utilisation, en introduisant progressivement l’accès aux visites, aux activités valorisées par le patient, telles que sorties, accès aux activités physiques. La modification du comportement alimentaire est aussi effectuée par des techniques de désensibilisation et d’apprentissage. L’exposition graduelle faciliterait la confrontation du sujet avec les situations évitées et la nonconfirmation des conséquences qui ont, jusque-là maintenu ces évitements. La thérapie cognitive aborderait la correction du raisonnement erroné lié aux principaux symptômes : elle faciliterait l’acceptation de nouvelles habitudes alimentaires en diminuant le fonctionnement rigide et le perfectionnisme de ces patients. La thérapie cognitive est centrée sur les expériences actuelles, et son apparence au modèle expérimental comportemental permettrait au patient d’examiner ses idées et ses postulats. La participation du thérapeute est active, il guide et prescrit les taches comportementales. 1. Clinique, critères diagnostics Même si les troubles alimentaires, dans leurs formes les plus variées, existent depuis le début de l’humanité, l’identité nosographique de l’anorexie mentale s’associe au nom de Charles Lasègue (1873) en France et William Gull (1874) en Angleterre. Le « père diagnostique » de la boulimie fut Wulff en 1932, mais FD Page 70 17/04/2017 déjà Lasègue (1873) parlait des « faux appétits impériaux » et Binswanger, en 1958, décrivait le cas d’Elen West : ce n’est qu’en 1979 que Russel l’a nommé bulimia nervosa, terme très fréquemment employé. Le tableau clinique typique de l’anorexie mentale se caractérise par les préoccupations alimentaires et pondérales, menant à la restriction alimentaire et l’utilisation de laxatifs, de diurétiques, de vomissements, et d’exercices physiques. La perte d’au moins 15 % du poids idéal, suite à la dénutrition, est accompagnée de troubles gastro-intestinaux, cardiovasculaires, endocriniens, avec l’aménorrhée comme une des principales complications. Dans le cas des patients ayant des accès boulimiques, ce sont des critères concernant la consommation rapide d’une grande quantité de nourriture en temps limité suivis, le plus souvent, de vomissements, la durée, au moins deux fois par semaine, accompagnée d’un sentiment de perte de contrôle (DSM III R, APA, 1987). On note des complication somatiques similaires dans les cas de boulimie (j’ajouterai les problèmes dentaires…) Les troubles de l’image du corps, mises en avant par Bruch (1962) et intégrés dans les critères diagnostiques du DSM III R (APA, 1987) et de l’ICD-10 (WHO, 1992), ont été, cependant, critiqués comme non-spécifiques depuis (Hsu et Sobkiewicz, 1991 ; Slade, 1994 ; Slade et Brodie, Il semblerait aussi que ces difficultés d’évaluer correctement les dimensions du corps s’appliqueraient aux difficultés d’identifier les états émotionnels et les cognitions. De plus, un nombre de cas non négligeable pourrait avoir des formes infracliniques, ou des troubles alimentaires associés aux autres troubles psychiatriques et physiques, pouvant masquer ou aggraver les troubles des conduites alimentaires. Comme critère d’exclusion, on retiendra l’absence d’autres troubles organiques et psychiatriques. 2. Les conceptualisations de l’anorexie mentale et de la boulimie Freud, dans ses écrits avec Breuer (1895), considérait l’anorexie mentale comme une forme de mélancolie et Bruch (1970 ; 1973 ; 1982) mettait en avant la dépendance de leur valeur personnelle des valeurs imposées par les médias. Comme critères diagnostiques, elle soulignait la perte du poids, l’aménorrhée, et le désir de minceur, le tout accompagné du déni e cachexie. Selvini-Palazzoli (1974 ; 1978) a conceptualisé l’anorexie mentale comme une forme monosymptomatique de la psychose, centrée sur l’idée de maigrir : le désir de minceur, plutôt que l’absence d’appétit, serait à l’origine de la restriction alimentaire. Crisp (1965) a utilisé le terme de « phobie du poids », mais plutôt dans le sens de ce que la prise du poids et le développement pourraient emporter, comme les caractéristiques sexuelles secondaires, la séparation, les responsabilités liées à l’âge adulte, ou l’appréhension du futur incertain. En effet, le patient anorexique, contrairement à un phobique typique, ne veut pas se libérer de ses préoccupations, probablement à cause de leur fonction protectrice : les FD Page 71 17/04/2017 illustrations cliniques des patients qui justifient, rationalisent ou minimisent leur troubles, sont nombreux. L’école psychanalytique française (Kestenberg et al., 1972 ; Brusset, 1977 ; 1993 : Jeammet, 1993) a mis en avant chez ces patients la pathologie du Moi, suite aux carences narcissiques et les investissements relationnels et familiaux spécifiques à l’adolescence ; le modèle additif dans le cas des boulimies a tenté d’expliquer cet aspect d’urgence et cette incapacité de se contrôler (Brusset, 1991). 3. Evaluation Le bilan consiste en un examen clinique et psychiatrique, l’examen psychométrique, les instruments spécifiques d’auto- et d’hétéroévaluation, les données de l’analyse comportementale et de l’auto- et hétéro-observation. Ce bilan est effectué avant et après la prise en charge, ainsi que lors du suivi. Le Body Mass Index, l’index de masse corporelle, définit le statut pondéral du sujet en tenant compte de sa taille : il est obtenu en divisant son poids, en kilogrammes, par la taille en mètre au carré, le poids idéal se situant entre 19,O et 24,9 (Llewellyn-Jones et Abraham, 1984). Ces données sont complétées par l’observation du sujet de la mise en test situation, telle que d’être confronté aux aliments évités ou à ceux pris lors des accès boulimiques, par exemple. Les données des fiches alimentaires tenues par les patients et des fiches diététiques tenues par les infirmières vont compléter ces données (Horion et al., 1992). Les patients boulimiques inscrivent, en plus, les circonstances émotionnelles ou situationnelles ayant précédé les accès boulimiques, le type et la quantité d’aliments pris, d’éventuels vomissements, les sensations et les idées à la fin des accès. De plus, le comportement à table est évalué, lors de l’hospitalisation, par le Eating Behaviour Rating Scale (Wilson et al., 1985, 1989), l’échelle d’évaluation du comportement alimentaire (traduction française : Divac et Samuel-Lajeunesse, 1990) ; la description du plateau, rendu à la fin du repas, contribue à l’évaluation du comportement alimentaire. Pour les patients traités en ambulatoire, un certain nombre de données pourrait aussi parvenir de la famille. F) Les troubles de la personnalité A l’âge adulte, les traits de personnalités permanents, rigides et inadaptés, constituent des personnalités pathologiques responsables d’une altération majeure du fonctionnement social et d’une souffrance psychique importante des sujets et de leur entourage. Ils sont particulièrement résistants aux approches thérapeutiques conventionnelles. Beck et Freeman (1990) ont élargi les indications des thérapies cognitives (TC) en proposant des adaptations techniques en fonction de chaque type de trouble de la personnalité. Leurs FD Page 72 17/04/2017 objectifs sont la diminution de la souffrance et l’amélioration du fonctionnement affectif, social et professionnel. Les thérapies y sont nettement plus longues que celles de la dépression et des troubles anxieux. Les patients y transposent habituellement leur style relationnel. Si nous en avons le temps, nous étudierons les troubles de la personnalité et les troubles psychopathiques, versus modèle psychodynamique. Les indications thérapeutiques des thérapies cognitives des troubles de la personnalité ne sont pas encore bien codifiées même s’il n’existe pas de contreindication absolue liée au type de personnalité pathologique. Il est clair que l’établissement d’une alliance thérapeutique de bonne qualité dépend étroitement du type de pathologie. Elle est constamment précaire chez les sujets paranoïaques (méfiance), schizoïdes (distance), schizotypiques (incommunicabilité), antisociaux (manipulation), limite (humeur chaotique), évitantes (fuite). En revanche, elle est plus aisée à établir chez les histrioniques (séduction), narcissiques (admiration), dépendants (protection), obsessionnelles compulsives (responsabilité). Le recours aux thérapies cognitives concerne en premier lieu les personnalités pathologiques du groupe C (anxieuses, inhibées), puis du groupe B (dramatiques, excentriques) et enfin celles du groupe A (bizarres, originales). Lorsque les personnalités sont de « type psychotique », les thérapies cognitives adoptent un style plus volontiers comportemental, du moins au début. C’est ainsi que, chez les personnalités paranoïaques, la mise en œuvre de relations de confiance est encouragée à partir de celles établies dans a thérapie : elles servent de modèle et sont progressivement étendues à l’entourage. Le cas clinique suivant en fournit une illustration. Colas est un cadre de 33 ans, adressé par son psychanalyste pour un traitement de type comportemental et cognitif en vue de débloquer une situation thérapeutique sans issue. Ses plaintes sont stéréotypées, répétitives : « on m’avait fait miroiter un poste et on ne me l’a pas donnée. » Il est en conflit permanent avec son supérieur hiérarchique. On le met à l’écart, l’évince de toute responsabilité, le cantonne dans les tâches inutiles et purement symboliques. Il se sent rejeté : « on me fait sentir qu’on ne m’accepte pas, que je suis inapte. » Sa vie privée est désertique, il n’a pas d’ami(e). Il amasse des documents et des notes. Il se déplace avec un volumineux dossier et son micro-ordinateur portable où sont consignés tous les éléments de son contentieux. Sa biographie est sans éclat, studieuse, dépourvue de plaisirs et de moments heureux. Toute sa scolarité secondaire s’est déroulée dans le même collège où il était moqué sans relâche par ses petits camarades. Très rapidement, il a pris l’habitude d’éviter les contacts avec les autres, de se méfier. FD Page 73 17/04/2017 Son humeur habituelle est donc triste et revendicatrice. (Beck 13 items = 12, Rathus = 34, Maudsley = 15.) Il présente 6/7 critères d’inclusion de la personnalité paranoïaque et 6/9 de la personnalité obsessionnelle compulsive. La première étape de la TC est consacrée à établir une relation thérapeutique de bonne qualité : il est invité à fixer librement la fréquence des séances mensuelles au début, puis hebdomadaire. Un programme d’amélioration des ses habiletés sociales d’inspiration comportementale est proposé. L’enregistrement de ses activités quotidiennes sur un carnet de bord permet de recenser le temps consacré à l’activité contentieuse, à procrastiner, à classer stérilement des coupures de journaux ou de magazines qu’il ne lit jamais, à regarde passivement la télévision. Puis le programme cognitif est consacré à élaborer un continuum de situations sociales professionnelles ou privées auxquelles il est invité à faire face par étapes de difficultés croissantes. Grâce à des séances de recadrage cognitif, il commence à prendre un peu de distance émotionnelle à l’égard de ses motifs de contrariété. Il est invité à pratiquer les techniques d’arrêts de la pensée et d’enregistrement des pensées agréables. L’approche thérapeutique est donc essentiellement de nature comportementale en début de traitement : le risque est en effet grand de s’engager dans des ratiocinations sans issue vers lesquelles le porte son esprit méticuleux. Le travail purement cognitif, c’est-à-dire centré sur les pensées dysfonctionnelles méfiantes et l’autodévalorisation, survient plus tardivement. Colas réussit à affronter son supérieur hiérarchique, à faire annuler une notation désobligeante, et à reprendre en main l’organisation de sa vie privée. En fin de thérapie l’accent est mis sur la création de liens sociaux, avec programmation d’épreuves de réalité. L’établissement d’au moins une bonne relation (avec le thérapeute) lui fournit un prototype. La structure paranoïaque est toujours présente mais n’est plus un obstacle à tout lien social. Les personnalités schizoïdes se voient recommander la simulation d’émotions, tant positives que négatives, à l’occasion de jeux de rôle si possible en groupe, en vue de faire concrètement l’expérience de contacts humains et d’accroître leurs compétences sociales. Les conséquences de l’isolement social sont examinées avec leurs avantages et leurs inconvénients. Chez les personnalités schizotypiques qui évitent les contacts sociaux et adoptent des comportements excentriques ou saugrenus, la thérapie cognitive vise à établir une relation thérapeutique durable, premier pas vers la réduction de l’isolement social. Les séances sont fortement structurées en vue de canaliser la pensée circonstanciée, diffluente, allusive et d’atteindre un style de communication plus concis. La vérification des prédictions insolites confrontées aux faits réels est une bonne façon de mettre la réalité à l’épreuve. FD Page 74 17/04/2017 Les patients narcissiques mettent au service de la thérapie leur intelligence et leur goût de l’excellence mais s’avèrent fort sensibles aux expériences émotionnelles susceptibles d’amoindrir leur estime de soi. La relation thérapeutique, souvent gratifiante au début, devient rapidement difficile car ces patients tolèrent mal la frustration. Ils transgressent volontiers les limites des conventions thérapeutiques et sociales au-dessus desquelles ils estiment être. Les thérapeutes ont intérêt à utiliser pour euxmêmes les techniques cognitives en vue de maintenir leur estime de soi : ces patients sont prompts à les dévaloriser après les avoir flattés. Il convient d’élargir leur registre émotionnel, d’améliorer leur tolérance aux jugements des autres d’amoindrir les comportements d’exploitation d’autrui et les abus de substances psychotoxiques. Des essais comparatifs en milieu carcéral ont été pratiqués chez les personnalités antisociales : les thérapies cognitives n’ont été efficaces que chez les sujets dont les évaluations préliminaires avaient mis en évidence des signes de dépression (Beck et Freeman, 1990). Le but principal n’est pas de reconstruire un système moral inexistant, mais de guider le patient vers des processus cognitifs de plus en plus abstraits, aux antipodes du système concret habituel visant à obtenir des gains matériels immédiats. L’apprentissage des conséquences des actions, l’évaluation de leurs avantages et de leurs inconvénients, l’éducation à un mode de pensée abstraite visent à éviter le saut immédiat aux conclusions et le recours aux jugements à l’emporte-pièce caractéristiques de ces personnalités habituées aux passages à l’acte impulsifs. Le cadre thérapeutique doit être maintenu strictement en renforçant les indices de coopération tels que la ponctualité et la participation active aux séances. Chez ces patients manipulateurs, la thérapie est toujours susceptible d’être disqualifiée ou dévoyée vers des fins opportunistes si on n’y prenait garde. Les personnalités limite (borderline) posent des problèmes techniques très complexes en raison de leur labilité émotionnelle et de leur aptitude aux passages à l’acte (Chaine, 1995). Les thérapeutes cognitivistes s’efforcent de réduire le style de pensée dichotomique, d’augmenter le contrôle émotionnel et pulsionnel et de renforcer le sentiment d’identité. Lorsque les personnalités sont anxieuses et inhibées, telles que les personnalités histrioniques, évitantes, dépendantes et obsessionnelles compulsives, les interventions thérapeutiques oscillent entre les interventions cognitives et comportementales. Les personnalités histrioniques constituent une indication de choix à condition d’éviter le renforcement ou le renouvellement des symptômes par l’attention qu’on leur porte et de surmonter le risque d’ennui auquel ces personnalités sont sujettes. Il faut aussi savoir couper court au flot des FD Page 75 17/04/2017 confidences et des plaintes, aux chroniques dramatisées de la vie quotidienne. L’objectif primordial est de leur apprendre à « penser plutôt qu’éprouver », à passer d’un style cognitif global et impressionniste à un style précis, attentif aux détails et à stabiliser le schéma central « je dois être aimé (e) par tous ». Chez les personnalités obsessionnelles compulsives, la thérapie cognitive retrouve à ses débuts un style comportemental : la programmation d’activités agréables et la transgression programmée, sans anxiété excessive, des règles perfectionnistes, permettent d’éviter d’ergoter abstraitement sur les mécanismes cognitifs dysfonctionnels au risque de voir la thérapie s’enliser. L’établissement d’une hiérarchie d’objectifs, d’un « continuum » de tâches programmées l’apprentissage des techniques de solution de problèmes, précèdent l’évaluation des avantages et inconvénients des comportements perfectionnistes. Les séances doivent être programmées rigoureusement afin de surmonter les écueils de la grève du zèle ou de la procrastination La relation thérapeutique avec les personnalités dépendantes constitue une véritable gageure, car elles s’évaluent comme des êtres faibles, incompétents, qui ne doivent leur salut qu’en recherchant l’aide d’une autorité protectrice à laquelle elles cherchent à se cramponner et complaire. La préparation au sevrage thérapeutique doit commencer dès les premières séances par la mise en évidence des preuves de compétence et d’autonomie. Le thérapeute doit éviter les pièges de la sollicitude auxquels les demandes répétées d’assistance le soumettent. Les personnalités évitantes présentent un degré de difficulté supplémentaire car les patients ont tendance à éviter les séances et les tâches à accomplir chez soi par peur des jugements défavorables de la part de thérapeute. La relation thérapeutique est très frustrante car les progrès sont lents, infimes. L’amélioration du contrôle émotionnel est essentielle, notamment l’accroissement de la tolérance à la dysphorie. G) Les thérapies comportementales et cognitives de la dépression C’est entre les années 60 et 70 qu’apparaissent la majorité des modèles comportementaux et cognitifs de la dépression. 1. Modèles théoriques Les premières hypothèses Dès 1925, apparaissent des expérimentations sur le sujet déprimé maniacodépressif. Les premiers auteurs différencient les phases maniaques des FD Page 76 17/04/2017 dépressives par des perturbations spécifiques des réflexes moteurs et vasculaires : le réflexe conditionnel est rapidement élaboré dans la phase maniaque et lentement dans la phase dépressive. En outre, le reflexe inconditionnel est altérée (Astrup, 1965). Astrup envisage une altération des structures sous-corticales dans la psychologie maniaco-dépressive. Théories reposant sur la notion de renforcement Par la suite cette notion de renforcement deviendra fondamentale de la dépression. Cela est illustré par différentes expérimentations animales (SELIGMAN, 1974. Les chercheurs placent un chien dans une cage expérimentale qui peut se diviser en deux parties à l’aide d’une cloison. Des chocs électriques successifs sont envoyés dans le plancher de la cage et le chien ne peut s’y soustraire en raison des parois. Ensuite la cloison de séparation est ôtée et le chien peut se soustraire aux chocs électriques en sautant dans la deuxième partie de la cage. Les auteurs observent que si le chien reçoit en premier temps des chocs électriques auxquels il ne peut échapper, il y aura plus de mal à apprendre à se soustraire à ces stimulations aversives qu’un chien naïf qui n’a pas été soumis au préalable aux chocs inévitables. Il présente une « impuissance apprise ». Cette réaction se retrouve dans de nombreuses espèces animales. Seligman établit des corollaires entre cette réaction de l’animal et la dépression de l’être humain dont les points communs seraient : lenteur de la réponse, inhibition de la volonté, inefficacité et découragement. Dans cette situation particulière, le sujet n’a aucun moyen de contrôler l’événement aversif et ne reçoit plus de renforcement. Seligman estime que cette perte de renforcement réduit la motivation et engendre des conséquences cognitives et émotionnelles. Chez l’homme, les situations d’échec, les confrontations à des situations insolubles, le décès d’un être aimé les séparations et le grand âge seraient par exemple des situations sur lesquelles le sujet n’aurait pas de contrôle et perdrait des renforcements. Le chien sort de l’état d’impuissance appris quand l’expérimentateur le tire de la cage pour échapper aux chocs électriques. Seligman postule, pour l’être humain, qu’il serait possible, en aménageant son environnement, de lui montrer qu’il pourrait agir efficacement. Ce modèle animal constitue une référence classique de la dépression qui est utilisée dans les essais thérapeutiques des antidépresseurs. Différents auteurs vont élaborer des réflexions à partir de cette notion de renforcement. Burgess, en 1969, pense que les comportements dépressifs seraient maintenus et renforcés par l’environnement, en particulier par l’entourage familial qui porte une attention exagérée à l’état thymique de la personne déprimée, essaie de l’aider et modifie de ce fait son propre comportement. Burgess propose « d’éteindre » le comportement dépressif en lui portant un minimum d’attention et de le FD Page 77 17/04/2017 demander au patient d’accomplir diverses tâches simples (téléphone, vaisselle, etc.). Puis de le féliciter pour la moindre tâche accomplie. Pour Lewinsohn et Hoberman (1969), la dépression survient quand le nombre des agents renforçateurs diminue, ce qui peut être occasionné par les changements de conditions de vie (déménagement, hospitalisation). Costello (1972) met au premier plan l’inefficacité des renforcements plutôt que leur absence. Lewinsohn, en 1975, propose de distinguer les facteurs prédisposants des facteurs déclenchants et de maintien de la dépression. Pour Lieberman et Rakin (1971), les affects dépressifs sont souvent maintenus par l’entourage et peuvent finir ainsi par devenir chronique. Des programmes de modification du comportement impliquant les membres de la famille sont proposés après une analyse fine de la dynamique de groupe afin d’évaluer la possibilité d’un tel programme. Ces différentes théories basées sur le renforcement accordent une importance fondamentale aux exigences extérieures et aux réactions familiales. Les Théories cognitives mettent l’accent sur les dysfonctionnements des activités cognitives du sujet déprimé. Théorie de Beck : Dans la théorie de Beck, l’origine présumée de la dépression est un schéma psychologique qui oriente le traitement de l’information et qui serait stockée en mémoire à long terme. Le schéma se constitue à partir d’informations recueillies au cours des expériences passées. Il fonctionnerait de manière automatique. Chez le déprimé, son contenu est négatif et fait référence à des notions telles que la perte… Certaines personnes auraient tendance à présenter plus que d’autres des distorsions négatives sur elles-mêmes, sur le monde environnant et sur le futur. Le schéma permet de sélectionner, filtrer et interpréter l’information externe ou interne donnant un sens dépressif aux événements que vit le sujet. Lorsqu’il est activé par des événements de vie négatifs, le schéma conduit à des distorsions cognitives de l’information que reçoit le sujet. Les distorsions cognitives sont caractérisées par Beck en trois groupes : 1. les processus majeurs tels que la surgénéralisation, la personnalisation et l’abstraction sélective, 2. les processus mineurs tels que la maximalisation, la minimisation et l’inférence arbitraire, et 3. les erreurs logiques telles que le style dichotomique. La triade cognitive négative comprenant une opinion négative sur soi-même, un jugement pessimiste sur le monde extérieur et un point de vue négatif de l’avenir, s’accompagnent de l’apparition des symptômes de la dépression : autoreproches, culpabilité (Mirabel-Sarron et Rivière, 1993). L’activation de cette triade négative se traduira dans le discours du patient ou dans ses images mentales par le terme de cognition ou de pensée automatique. Ces cognitions, FD Page 78 17/04/2017 directement appréhendable en entretien, seront le matériel de départ d’une thérapie cognitive conçue à partir de ce modèle théorique de la dépression. 2. Modèles d’intervention thérapeutique Il s’agit de thérapies structurées de durée brève (douze séances environ réparties sur trois mois), qui débutent, après définition d’un contrat thérapeutique précisant, de façon concrète, les objets comportementaux que souhaite atteindre le patient. Ces objectifs peuvent être : reprendre des tâches ménagères telle que faire la vaisselle, nettoyer la salle de bain, mettre à jour des papiers administratifs, reprendre contact avec des amis proches, reprendre des activités de loisirs délaissées (lecture, musique, promenade…). Il s’agit de thérapies d’apprentissage où le thérapeute apprend au patient des stratégies psychologiques afin qu’il les emploie, seul, à distance. Le déroulement thérapeutique est personnalisé, adapté à l’histoire de l’individu. Modèle de Lewinsohn La thérapie a trois objectifs principaux. 1. changer le contexte environnemental ; 2. apprendre au sujet des stratégies qui lui permettront de mieux gérer les difficultés relationnelles ; 3. privilégier les situations sources de plaisir et diminuer les sources de déplaisir. Différents moyens comportementaux et cognitifs seront intégrés dans le contrat thérapeutique afin d’atteindre ces objectifs par exemple l’apprentissage à la relaxation, l’entrainement aux habiletés sociales, les techniques d’arrêt de la pensée, les techniques cognitives selon Ellis ou Beck, la prescription de tâches… Ces différentes techniques sont développées au cours de la thérapie en cinq étapes. 1. Aider le patient à diminuer la teneur aversive de certaines situations : - Dès la première séance, apprentissage à la relaxation ; - Gestion des situations aversives. 2. Etape d’apprentissage aux techniques d’habilités sociales dont le but est de rendre le sujet plus assertif et de lui faire acquérir un style relationnel ; 3. L’étape cognitive a pour but d’identifier les pensées, de distinguer les pensées négatives des positives de connaître les pensées destructrices et les pensées constructives, puis les pensées utiles et inutiles. Les techniques cognitives utilisées sont variées, allant de l’arrêt de la pensée à la décentralisation. 4. L’étape d’apprentissage de la gestion du temps et des activités. Le patient apprend à prendre la responsabilité de libérer du temps pour effectuer des activités plaisantes pour lui et pour planifier ces activités. FD Page 79 17/04/2017 5. Augmentation du taux des activités plaisantes en distinguant les activités qui sont sources de plaisir de celles qui doivent être faites ; rédaction d’emploi du temps pour une journée. Ce programme est présenté au patient dès la première séance comme éducatif et permettant d’acquérir des stratégies de résolution de problèmes et de gestion du stress. Modèles d’Ellis et de Becs « Thérapie rationnelle émotive » pour Ellis et « thérapie cognitive » pour Beck, avant de préciser leurs différences. Le but de la thérapie est d’expliciter les contenus de pensée du sujet déprimé, puis d’identifier le schéma cognitif pour le modifier ensuite. Que l’on aborde les cognitions, les processus et les schémas, le travail psychologique consistera en une identification, une évaluation puis une modification des dysfonctionnements repérés. La thérapie comporte trois étapes principales. 1. L’identification des cognitions : cet apprentissage sera de durée variable selon le sujet. Quand cette indentification devient facile, l’étape suivante peut être absorbée. 2. l’apprentissage aux techniques de « décentration » par l’analyse des situations émotionnellement pénibles s’effectuera par la recherche de tous les modes de représentations possibles de la situation. Cette démarche répétée permet de repérer les processus cognitifs spécifiques utilisés par le sujet. 3. L’identification du schéma cognitif est réalisée par formulations successives puis mise à l’épreuve de la réalité. Le travail de critique et de mise à distance du schéma s’effectue souvent au cours des mois qui suivent la thérapie cognitive. Ce programme thérapeutique est présenté au patient dès la première séance et est complété par la lecture d’un ouvrage qui illustre la démarche thérapeutique. Le but éducatif et d’apprentissage à des techniques psychologiques est particulièrement présent. Il s’agit d’un moyen thérapeutique qui permet de mieux gérer des situations qui étaient émotionnellement insupportables. 3. Indications L’indication princeps des thérapies comportementales et cognitives fut l’état dépressif réactionnel d’apparition récente, ainsi que les dépressions chroniques et/ou résistantes aux antidépresseurs. Aujourd’hui les indications ont été élargies aux troubles dysthymiques tout en respectant les contre-indications classiques : les états mélancoliques et les dépressions des patients schizophrènes. Les dépressions de la psychose maniaco-dépressive bipolaire bénéficient d’une technique récente. FD Page 80 17/04/2017 4. Illustration clinique Mme D. a 35 ans, est mariée, mère de famille, en arrêt de travail pour dépression. Elle a présenté un épisode dépressif plus de 10 ans auparavant. Le 2° épisode survient après des difficultés familiales et professionnelles. Elle se demande si une séparation d’avec son conjoint ne serait pas une solution et si un changement professionnel ne l’aiderait pas. Un ttmt antidépresseur est poursuivi. L’état dépressif est modérément intense. Les 3 premiers entretiens ont pour but de recueillir l’anamnèse de la patiente. Elle n’a aucun ATCD personnel en dehors du premier épisode dépressif survenu dans un contexte de déception sentimentale. Ce premier épisode a été traité et a donné lieu à plusieurs entretiens avec un psychologue. Il n’y a pas d’ATCD familiaux. La patiente suit par ailleurs une psychothérapie depuis 5 ans, à raison d’un entretien par semaine. Les 2° et 3° entretiens permettent d’approfondir l’anamnèse par les dimensions comportementales et cognitives et par la passation d’échelles. Certaines de ces échelles permettront de mesurer le changement opérant au cours de la thérapie, d’autres sont de véritables stratégies thérapeutiques comme l’échelle de Beck, souvent utilisée à cet effet. Les scores : - BDI : 17, 11, 12, 5 -échelle d’Hamilton pour la dépression : 17, 15, 13, 7 Le 3° entretien définit en collaboration avec le patient les objectifs de la thérapie, qui sont pour Mme D les suivants : -amélioration de sa communication avec ses collègues de travail (elle a tendance à s’isoler) ; -reprise d’activités sportives délaissées depuis plusieurs mois (gymnastique, natation). -faire la connaissance de nouvelles personnes (son entourage est très réduit, elle n’a plus donné de ses nouvelles et souhaite pouvoir élargir ses connaissances). Le quatrième entretien marque le début de la thérapie. Au cours de toute la thérapie, la thérapeute adoptera un style particulier. Une attitude chaleureuse, empathique et sincère est souhaitée comme dans toute approche psychologique, mais de plus il effectuera de nombreuses reformulations (qui augmenteront les capacité d’apprentissage et favoriseront la mémorisation des stratégies par le patient) il abordera à chaque séance une situation particulière, qui sera analysée par une démarche progressive hypothético-déductive, et son style verbal utilisera essentiellement un questionnement qui permettra au patient de progresser dans l’analyse de chaque situation. Entre chaque séance, le thérapeute définira des tâches à effectuer se rapportant au thème analysé. La première étape de la thérapie a duré quatre séances jusqu’à ce que la patiente identifie facilement le discourt intérieur qu’elle se tenait dans des situations émotionnellement difficiles telles que celles décrites ci-dessous. FD Page 81 17/04/2017 a. La patiente parle d’un sujet important à son mari sur l’éducation de leur fils ; son mari reste plongé dans son livre et ne répond pas ; l’émotion ressentie est une grande tristesse et un sentiment de solitude ; la pensée qui survient alors est « je n’ai jamais été entendue des hommes ». b. Un autre jour, elle note : des amis sont venus nous rendre visite au cours du week-end, mon mari a fait une remarque humoristique sur mon apathie (remarque qu’elle ne trouve pas drôle), l’émotion ressentie est tristesse et colère, la pensée est alors « je n’ai rien de commun avec ces gens ». c. Ou encore son mari l’accompagne en voiture pour acheter des vêtements pour son enfant : il attend dans la voiture : elle regarde son mari : elle n’arrive pas à se décider : elle sort du magasin pensant : « je ne partagerai jamais rien avec lui ». La deuxième étape de la thérapie apprend à la patiente à analyser chacune des situations pénibles. La patiente s’aperçoit que la grande majorité des situations émotionnellement difficiles ont en commun sa relation avec les autres : amis, mari, enfant, où elle se sent seule, incomprise, comme si toute la charge de la famille reposait sur elle. Elle apprend à rechercher les autres représentations possibles de la situation qui est vécue péniblement. Citons par exemple : « je ne peux exprimer à mon mari ce que je ressens » je ne peux demander aux autres de m’aider », « je ne peux dire ce que j’ai envie de faire ». Puis elle se rend compte, à partir de plusieurs exemples, qu’elle utilise quasiment toujours un processus de « surgénéralisation » qui lui fait tirer une conclusion générale de l’expérience ponctuelle vécue. Elle constate que cette généralisation abusive des conclusions tirées d’un seul exemple a contribué à son isolement social et familial. En réactivant, petit à petit, les autres modes de représentation, le processus de « surgénéralisation » diminue. La troisième partie de la thérapie, consacrée à l’identification du schéma, est travaillée en recherchant le dénominateur commun de toutes les cognitions relevées de semaine en semaine sur un carnet qu’elle conserve avec elle. C’est la dixième séance de thérapie où une vingtaine de cognitions sont rassemblées sur une même liste indépendamment des contextes de survenue. L’identification du schéma considéré comme l’hypothèse de travail est obtenue à la quinzième séance. La patiente sera revue ensuite pendant un an au cours d’entretiens espacés. Ce temps permet d’observer l’utilisation des stratégies psychologiques apprises et de critiquer l’impérialisme du schéma qui rigidifiait le traitement de l’information perçue. En fin de thérapie, observons quels objectifs la patiente a pu atteindre : Elle a pu reprendre son travail à temps partiel et consacré quelques moments à ses collègues de bureau, pour boire un café, par exemple, ou aller déjeuner. Elle a pu choisir les moments où voir des amis et améliorer l’expression de ses pensées en prenant le risque d’être ridicule ou inintéressante, comme elle le redoutait. Elle a amélioré sa communication avec son fils et réduit son agressivité à son égard. Elle arrive à mieux cerner les situations de communication avec son mari FD Page 82 17/04/2017 et à ne pas toutes les confondre, ni les confondre, ni les confondre avec d’autres situations antérieures de sa vie, qui l’empêchaient de poursuivre la discussion. Conclusion : D’autres approches plus spécifiques se font jour ou sont plus ou moins à la mode. Ainsi, le courant de la réhabilitation sociale depuis quelques années prend une place grandissante dans le traitement de la psychose et plus particulièrement de la schizophrénie (groupes psychoéducatifs, entraînements aux habiletés sociales, remédiation cognitive etc…) surtout dans l’objectif d’étayer une réinsertion socio-professionnelle du patient. On pourra également citer les applications dans l’autisme mais aussi la gestion du stress au travail (courant des troubles psychosociaux basés sur le modèle du stress. Légeron.) mais aussi les thérapies de groupe (alcoolo-dépendants…), la prise en charge de la douleur (comme dans le cas des TMS. Citons par exemple le programme de Restauration Fonctionnelle du Rachis) ou encore la pratique du coaching en entreprise… La liste non exhaustive serait beaucoup trop longue ! Transition : Basée sur des signes observables à supprimer, ces techniques sont beaucoup plus évaluables que les applications thérapeutiques de la psychanalyse. Les cadres d’évaluation ne sont pas les mêmes et ne peuvent pas être les mêmes car comme nous allons le voir un peu plus tard, la psychanalyse s’appuie sur une représentation radicalement différente de l’homme et de son corps. L’approche développementale trouvera ici sa place, intermédiaire entre ces deux grands modèles que sont l’organicisme (que nous venons de traiter) et le mentalisme auquel appartient selon moi la psychanalyse. FD Page 83 17/04/2017