Cours de Claude Wittebroodt, SGASU, pour le bureau de la formation des personnels de l'administration centrale DPMA C3,
2005
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FINANCES PUBLIQUES
COURS N°1 : LE BUDGET DE L’ETAT
Plan du cours n° 1
I. Les sources du droit budgétaire, la loi organique du 1er août 2001 (LOLF)
II. La définition du budget : catégories et rôles
III. La composition du budget : ressources et charges
IV. Les principes budgétaires, budgets annexes et comptes spéciaux du trésor
V. Le calendrier budgétaire
VI. Les lois de finances, structure et vote
I. Les sources du droit budgétaire,
les objectifs de la loi organique de 2001 dite loi LOLF
Le contrôle du Parlement sur les finances publiques a fait l’objet tout au long de
l’Histoire de France de véritables « batailles » autour de notions concernant le
consentement à l’impôt et le droit de regard sur l’utilisation des fonds publics :
l’examen d’un projet de réforme fiscale est une des raisons de la Révolution de 1789.
Le Parlement a réussi à imposer peu à peu au gouvernement le respect de règles
précises lui permettant d’exercer son contrôle sur l’utilisation des crédits publics, mais
l’on observe aujourd’hui une prépondérance de l’exécutif, le budget étant devenu le
plan d’action du gouvernement qui fixe les ressources, les dépenses et encadre, par
ses textes, la procédure et le rôle du parlement. Le budget s’est en effet complexifié,
depuis 1914 en particulier, puisqu’on lui reconnaît aujourd’hui différents rôles :
politique, économique, social, et qu’on lui demande de faire le bonheur des
citoyens, ces mutations rendant plus difficile le rôle du Parlement.
C’est donc tout l’intérêt de la réforme mise en œuvre par la loi organique
2001-692 du 1er août 2001 (loi LOLF) dont l’application a été progressive depuis
cette date pour venir se substituer, à compter de la préparation du budget 2006, à
l’ordonnance de 1959, cette ordonnance ayant pendant près d’un demi siècle régi le
droit budgétaire français.
Fruit d’un consensus entre le Parlement et le gouvernement, ce qui est exceptionnel,
cette loi a pour ambition de permettre la modernisation de la gestion publique et de
renforcer les pouvoirs du Parlement. Elle compte donc mettre en place de nouvelles
modalités de gestion favorisant la transparence et l’information du Parlement et des
citoyens. Elle s’appuie bien évidemment sur les acquis de l’ordonnance de 1959 mais
elle vise surtout à introduire un nouvel état d’esprit dans la fonction publique,
reposant sur un rapport client/fournisseur entre l’Etat et les citoyens.
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Les quatre questions suivantes vont nous permettre de nous
interroger sur les principales caractéristiques de la loi
organique sur les lois de finances.
QUESTION I. 1 : Quels sont les moyens d’action de la LOLF, comment
agit-elle ?
La LOLF agit par :
● le renforcement des pouvoirs du Parlement
● et la modernisation de la gestion publique.
a) Comment renforcer les pouvoirs du Parlement ?
- par une nouvelle architecture de la loi de finances déclinée en missions,
programmes et actions ;
- par la suppression des services votés, la discussion et l’attribution des crédits au 1er
euro : les demandes de crédits doivent désormais être justifiées chaque année par
des projets annuels de performances présentant les actions, les coûts associés, les
objectifs poursuivis, les résultats attendus et déjà obtenus, le tout dans une
perspective pluriannuelle ;
- par le renforcement des pouvoirs des commissions des finances ;
-par le renforcement du rôle de la Cour des comptes ;
-par le renforcement de l’impact de la loi de règlement : celle-ci devant être votée en
juin de l’année N+1, avant la mise en discussion de la loi de finances pour l’année
suivante.
b) Comment moderniser la gestion publique ?
- par la régulation et la contractualisation conduisant à la mise en place d’objectifs,
d’indicateurs de performances et de résultats ;
- par la modification de la comptabilité de l’Etat et son rapprochement avec la
comptabilité privée ;
- par la modification des contrôles et du rôle en particulier de l’agent comptable et du
contrôleur financier.
QUESTION I. 2 : qu’entend-t-on par mission, programme, action ?
Les moyens d’action de la LOLF consistent donc en une nouvelle architecture de la loi
de finances déclinée en missions, programmes et actions.
Les missions identifient les politiques de l’Etat.
Elles sont déclinées en programmes qui sont les unités de spécialisation des
crédits et permettent d’identifier les acteurs et les moyens. Ils remplacent les anciens
chapitres budgétaires et regroupent les crédits destinés à mettre en œuvre une action
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ou un ensemble cohérent d’actions. Les programmes sont ministériels et
rassemblent tous les moyens d’une politique y compris les personnels qui l’exécutent.
Ils sont eux mêmes déclinés en actions qui détaillent les programmes et doivent
permettre de regrouper les crédits ayant la même finalité. Les actions serviront donc
à identifier le coût des politiques publiques (quelle que soit l’administration qui les
met en œuvre : pour l’éducation par exemple, mise en œuvre par les ministères de
l’éducation, de la justice, de la santé,…).
Actuellement 47 missions sont identifiées dont 10
interministérielles, 149 programmes (132 pour le budget
général) et près de 580 actions (voir liste en annexe).
Les buts de la LOLF sont donc
de faire passer l’administration d’une gestion de moyens à une logique
d’objectifs et de résultats
et de développer une culture de la performance faisant la preuve d’un bon
rapport qualité/prix, c’est à dire d’un bon rapport entre les ressources
prélevées et les biens publics produits.
Cette nouvelle logique, qui conduit à la mise en place d’objectifs, d’indicateurs de
performance et de résultats, devrait à terme modifier profondément la gestion
publique et l’organisation interne des administrations, celles-ci devant caler leurs
structures sur les missions (et non l’inverse).
De plus, l’obligation de rendre compte et de justifier des actions et des performances
à l’aide de critères objectifs devrait conduire à modifier la gestion des ressources
humaines en la fondant sur une évaluation plus individualisée des agents et sur la
mesure de l’efficacité de leurs actions. La procédure de la contractualisation et des
lettres de mission pour tous les postes de responsabilité devrait donc se renforcer.
La mise en place de la LOLF devrait également se traduire par la modification de la
comptabili de l’Etat et son rapprochement avec la comptabilité privée et par la
modification des contrôles et du rôle de l’agent comptable ainsi que de celui du
contrôleur financier ; ces points seront vus plus en détails lorsque nous traiterons de
la comptabilité et des contrôles.
Essayons maintenant de reformuler les définitions de la mission
et du programme.
Les missions, qui peuvent être interministérielles, servent à identifier les politiques
de l’Etat, elles sont actuellement au nombre de 47 dont 9 interministérielles : c’est
l’unité de vote du Parlement.
Elles se déclinent en programmes qui permettent d’identifier les acteurs et les
moyens. Ce sont des regroupements de crédits destinés à mettre en œuvre une
action ou un ensemble d’actions concourant à des objectifs précis ; ils sont
ministériels et permettent d’identifier les résultats attendus et d’en évaluer la
réalisation : c’est l’unité de spécialisation des crédits. Actuellement 149
programmes sont identifiés dont 132 pour le budget général.
Les actions doivent permettre de regrouper les crédits ayant la même finalité et
d’identifier le coût des politiques publiques.
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Question I. 3 : qu’est-ce qu’un budget opérationnel de programme
(BOP) ?
La mise en œuvre des programmes au sein de l’administration se fait au travers de
budgets opérationnels de programmes. Ceux-ci permettent, sous l’autori d’un
responsable de préciser les actions, les objectifs et les indicateurs de tout ou partie du
programme auquel ils se rattachent et d’en déterminer le budget prévisionnel. Le
responsable du ou des BOP qui lui sont confiés propose donc une programmation des
moyens en personnel, fonctionnement et investissements cessaires à la réalisation
de ce programme.
Question I. 4 : quelles sont les autres sources du droit budgétaire ?
Outre la LOLF, le droit budgétaire se trouve aujourd’hui inclus dans de nombreux
textes :
● la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (art 14), préambule à la
Constitution : "chaque citoyen a le droit, par lui-même ou par ses représentants, de
constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en
suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée" ;
● la Constitution de la Vème République ;
la loi organique du 1er août 2001 (remplaçant à compter du budget 2006
l’ordonnance de 1959) relative aux lois de finances ;
le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement de la comptabilité
publique ;
● les lois de finances lorsqu’elles comportent des dispositions modifiant ou complétant
les textes existants ;
● la jurisprudence du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel ;
différents décrets et textes à portée financière (code des marchés publics par
exemple).
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II. Définition du budget,
les différentes catégories de budget
et les rôles des budgets publics
L’on fait souvent l’amalgame entre loi de finances et budget. Afin de lever toute
ambiguïté dans notre propos,
nous réserverons l’appellation lois de finances aux documents présentés et votés
par le Parlement
et utiliserons le terme budget pour la partie chiffrée de cette loi de finances,
correspondant aux moyens des services de l’Etat et des établissements publics
(fonctionnement, personnel, investissements).
Comme pour la partie précédente, nous allons progresser à
partir de quatre questions.
QUESTION II. 1 : quelle est la définition du budget, quelles en
sont les différentes catégories ?
Le budget peut être défini comme un document prévisionnel et
financier dont les rôles au niveau des collectivités publiques sont
pluriels : politique, économique et social.
L’on peut distinguer 3 grandes catégories de budget :
a) le budget des ménages recettes et dépenses doivent être équilibrées sous
peine de conduire à la faillite personnelle. Il utilise une comptabilité de caisse :
recettes = dépenses.
b) le budget des entreprises, construit autour de l’existence d’un produit et de la
détermination de son prix de vente en fonction de son coût de revient. Celui-ci
comprend le prix d’achat des fournitures, le prix d’achat et/ou l’amortissement des
locaux et des machines nécessaires à la fabrication du produit, la rémunération des
personnels, le remboursement des emprunts et le bénéfice éventuel (rémunération du
propriétaire et/ou des actionnaires).
Il utilise une comptabilité plus complexe tenant compte des avoirs et de la totalité des
dépenses de l’entreprise (patrimoine, emprunts, flux financiers, amortissement,
masse salariale,…). Il permet de déterminer un résultat : positif, l’entreprise fait des
bénéfices ; négatif, elle court à la faillite.
c) le budget de l’Etat et des collectivités publiques l’équilibre entre dépenses
et recettes en vue de satisfaire des besoins collectifs est recherché mais peut être
obtenu par l’adjonction de ressources de trésorerie et d’emprunt.
En effet, lorsqu’il s’agit de politiques publiques, le simple argument comptable
dépenses = recettes ne peut être invoqué. Par ailleurs, l’Etat dispose de moyens que
ne possèdent pas les organismes privés ou les ménages pour ajuster les recettes aux
dépenses, en relevant le niveau des impôts ou des contributions obligatoires.
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