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Les troubles psychotiques chez la personne âgée
Chapitre 6
I) Généralités
1) Les spécificités du contexte gériatrique
Les sujets âgés présentent généralement :
- Des altérations sensorielles (interprétation, méfiance, irritabilité).
- Des altérations sociales (solitude, carence affective, sensibilité aux événements).
- Un vieillissement cérébral (altérations cognitives et mnésiques, sensibilité au stress et aux
agressions).
- Une augmentation du risque iatrogène (conséquences liées aux médicaments).
2) Epidémiologie
L'augmentation de l'espérance de vie entraîne un vieillissement de la population et donc une
augmentation de la morbidité liée à l'âge.
* Les troubles mentaux sont la première cause de morbidité : ils représentent 3/5 des incapacités
liées au vieillissement (selon l’OMS). Ils représentent donc une charge importante en terme de
santé publique.
* Peu d'études ont été faites sur les troubles psychotiques des personnes âgées.
* Pourtant, un sujet sur 10 vit une expérience délirante durant sa vieillesse (la frontière avec les
syndromes confusionnels est très étroite).
II) Définitions
1) La psychose
La personne âgée à structure psychotique présente :
- Des troubles de l'identité.
- Une perturbation dans la prise de conscience de soi.
- Une altération profonde des relations avec son environnement.
- Une aliénation par des modifications radicales des rapports de l'individu avec la réalité
(pas seulement sous forme d’expériences délirantes ou hallucinatoires, mais sous forme
de croyance inébranlable à cette conception du monde).
- Une perte de contact avec la réalité : altération des perceptions, vécu allant jusqu’au délire
constitué avec une croyance irréductible.
- Une absence de conscience des troubles par le sujet.
2) Le délire
Étymologiquement : « être à coté du sillon ».
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Le délire n’est pas constitutif de la structure psychotique. C’est un symptôme qui signe la
désorganisation de la personnalité et la tentative de renouer avec la réalité.
C'est une déformation subjective de la réalité, une croyance à cette néo-réalité, une conviction
inébranlable.
Plusieurs signes permettent de décrire un délire :
- Le caractère aigu ou chronique.
- Les thèmes.
- Le mécanisme.
- Le degré de systématisation.
- Le mode d’extension.
- Le degré de conviction.
- La participation émotionnelle.
Chez la personne âgée, l'organisation du délire est déterminée par le niveau de performance
cognitive.
Les thèmes les plus fréquents sont :
- La persécution (vols ou intrusion du domicile).
- L’hyponchondriaque.
- Les troubles de l’identification (syndrome de Capgras ou de Fregoli).
- L’abandon.
III) Les psychoses spécifiques à la vie tardive ?
1) Classification
DSM III (1980) : non-reconnaissance des schizophrénies si le déclenchement se fait après 45
ans.
DSM III révisé (1987) : l’âge n’est plus un critère, mais la schizophrénie de survenue tardive
existe et débute après 45 ans.
DSM IV (1994) : l'âge n'est plus un critère.
2) La schizophrénie à début tardif
D’abord décrite par M. BLEULET en 1943, puis confirmée en 1957 par JANZARIK, l’âge
moyen d'apparition est d’environ 67 ans.
C’est une notion de personnalité pré-morbide équilibrée, avec des tendances latentes :
- A la pensée magique, au comportement autiste ou aux idées de préjudice.
- Au manque d’humour, à l’hostilité, la froideur, la suspicion, la réserve ...
La période de sénescence apparaît alors comme une phase critique, favorable à la
décompensation psychotique. Cette apparition tardive pose la question de l'intervention d'un
stress environnemental, psychodynamique, somatique, iatrogénique ou endogène, induit par les
étapes du vieillissement sur une personne ayant un seuil de vulnérabilité élevé.
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Clinique : description ressemblant à celle de la psychose hallucinatoire chronique
- Thème les plus fréquents : persécution, spoliation.
- Richesse hallucinatoire visuelle, tactile et olfactive.
- Fréquence de l’automatisme mental.
- Moins de troubles du cours de la pensée.
- Plus (+) de troubles affectifs.
IV) Devenir des psychoses au cours de la vieillesse
1) La schizophrénie et les délires chroniques
Cela concerne les schizophrénies diagnostiquées durant la vie adulte et les délires chroniques
systématisés de cette période.
Ces délires vieillis auraient tendance à s’atténuer durant la vieillesse, surtout la schizophrénie
(beaucoup moins vrai pour les états paranoïaques).
a) La schizophrénie
Devenir des symptômes de la schizophrénie : 62% disparaissent dans le grand âge, 11%
s'atténuent, 27% restent inchangés ou s'aggravent.
Symptômes résiduels de la schizophrénie : indifférence, retrait affectif, aboulie, négativité,
maniérisme, mutisme, stéréotypies, semi-mutisme ... Les manifestations délirantes, symptômes
productifs, positifs, se sont estompées.
b) La psychose hallucinatoire chronique
- Entité nosographique typiquement française.
- Décrite par BALLET en 1912.
- Débute entre 40 et 50 ans, voire au troisième âge.
- Prédomine chez les femmes +++.
- Thème principal du délire : persécution.
- Mécanisme hallucinatoire.
- Automatisme mental.
- Participation thymique principalement dépressive.
- Evolution chronique (mise à distance du délire avec parfois réactivation).
c) La paraphrénie
- Délire chronique apparaissant autour de 50 ans.
- Thèmes riches et fantastiques.
- Mécanisme imaginatif.
- Absence d’élément dépressif : patient plutôt optimiste qui passe souvent pour « l’original
du quartier ».
- Pas de détérioration intellectuelle.
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d) La paranoïa
- Délire systématisé.
- Mécanisme interprétatif.
- Thème de persécution avec conflits de voisinage, accusation de vol, de disparition
d’objets et de divers préjudices, délires de jalousie.
- Possibilité d’actes agressifs (cause d’HO de la personne âgée).
- Pas de détérioration intellectuelle.
2) Les troubles délirants et la maladie bipolaire (ancienne PMD)
1 - Les troubles bipolaires à début précoce :
- Tendance à s’estomper avec le vieillissement.
- Espacement des cycles.
- Etats délirants maniaques ou mélancoliques proche de la confusion.
- Thèmes similaires de ceux de l’adulte.
2 - Les troubles bipolaires à début tardif :
- Apparaissent après 50 ans, chez des sujets ayant présentés des accès seulement
unipolaires ou « vierges » de tout passé dysthymique.
- Évoluent par poussées de plus en plus rapprochées et longues.
- Confusion, agitation et stupeur très fréquentes.
- Thèmes délirants (le corps, l’alimentation, l’habillage, la ruine).
V) Les troubles psychotiques au cours de la démence
* Les manifestations délirantes et hallucinatoires sont fréquentes au stade précoce +++.
* Ces manifestations peuvent ressembler aux manifestations des autres psychoses.
* Les phénomènes délirants sont plus simples, peu ou mal organisés …
* La sévérité de la démence et la symptomatologie délirante sont inversement liées.
* Ces manifestations posent la question d’une « pathologie psychotique » chez le dément, surtout
depuis l’identification de formes cliniques telles que la démence à corps de Lewy les patients
présentent plus d’hallucinations que dans la DTA (80 % contre 20%).
1) Les troubles délirants
Ils sont révélateurs d’affection et s'articulent autour des oublis.
Ils débouchent sur des idées de déplacement et de vol (le patient pose un objet quelque part et
oublie, il dit ensuite que quelqu'un les déplace, les vole), d’intrusion au domicile et
d’empoisonnement.
Ces troubles sont favorisés par une personnalité antérieure de type narcissique (ces personnes
supportent mal le vieillissement) et par la présence d'antécédents psychiatriques.
Lors de l’évolution, il est possible que les phénomènes délirants persistent.
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Chez le sujet dément avéré, les idées délirantes sont plus fréquentes que les délires en eux-
mêmes : ceci est au manque de structuration et à l’insuffisance de coordination des pensées
entre elles.
2) Les thèmes
Les thèmes délirants les plus fréquents sont la persécution (vols, préjudices), la jalousie et
l'infidélité.
3) Psychopathologie
Dans la démence, comprendre le caractère « anti-dépressiogène » du délire correspond à :
- Ne pas se laisser rattraper par l’abîme dépressif.
- Penser autrement le vide psychique.
- Tenter de mettre encore du lien entre lui et ce qui l’entoure.
Toutes ces idées, tous ces fantasmes (d’abandon, d’impuissance, de déchéance ...) seront
intégrables ou non dans un délire de jalousie ou de préjudice ; mais si l’on voit la maladie comme
ce qui tend à éviter la catastrophe, ils servent avant tout à protéger l’équilibre psychique
défaillant du dément.
VI) Les troubles délirants survenant à l'âge tardif : les DAT
1) Description clinique
* Le plus souvent construits, à structuration paranoïaque.
* Plus ou moins systématisés, en fonction du niveau cognitif.
* Font référence à la situation de la personne âgée (sphère actuelle d’intérêts, activités).
* Thèmes les plus fréquents : persécution, préjudice, hypochondriaque,
* Mécanisme interprétatif, hallucinatoire, imaginatif et persécutoire.
* Début souvent insidieux et plutôt chronique.
* Contenu assez pauvre, souvent sur un seul thème.
* Présence de modifications de l'humeur, de troubles du comportement (refus des contacts
habituels, claustration, démarches quérulentes auprès des instances policières et judiciaires,
conduites agressives) et d’une réactivité émotionnelle (perturbation émotionnelle).
2) Spécificités par rapport à la démence chez les jeunes
* Les facteurs responsables du délire sont multiples.
* Chez la personne âgée, la démence est plus proche de l'onirisme : idées fixes ou images
résiduelles post-oniriques possibles (le patient se demande si c'est vrai, il s'interroge
(contrairement aux jeunes)).
* De nombreux éléments entrent en jeu : rôle :
- De la personnalité antérieure.
- Des modifications du caractère, liées au vieillissement.
- De l’altération de la sensorialité.
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