TEXTE 1 : ARISTOTE Nous pouvons parler en deux sens du savoir

TD Métaphysique L2/S1 Philosophie de l’action V. Boyer- Bureau 237
TEXTE 1 : ARISTOTE
Nous pouvons parler en deux sens du savoir. En effet, celui qui possède la science, mais nen
fait pas usage, et celui qui en fait usage, lun et lautre, dit-on, savent. Il doit donc y avoir une
différence entre la situation de quelquun qui, ayant connaissance de ce quil ne doit pas faire,
le fait parce quil ny est pas attentif et la situation de quelquun qui le fait alors quil y est
attentif. De plus, puisquil existe deux sortes de prémisses, rien nempêche celui qui a
connaissance des deux dagir à lencontre de sa science si toutefois il fait usage de la prémisse
universelle, mais pas de la prémisse particulière. Ce sont en effet les choses particulières qui
sont exécutables. Dailleurs, il existe encore une différence au niveau de luniversel, car il
correspond, dun côté, au sujet lui-même, et de lautre, à lobjet auquel il a affaire. Ainsi, savoir
que tout homme tire avantage des aliments secs et que lon est soi-même un homme ou que
tel genre de chose est un aliment sec est une chose ; mais est-ce que ceci est lune des choses
de ce genre ? Voilà ce que lagent ou bien ignore, ou bien na pas actuellement à lesprit. Au
gré de ces modes de connaissance, la différence est donc énorme ; si bien quon peut savoir
dune certaine façon, cela ne paraîtra pas du tout absurde, alors que savoir dune autre façon
paraîtra étonnant.
De plus, il y a une autre façon davoir la science, différente de celles dont on a parlé à
linstant, mais quon trouve chez les hommes. En effet, dans létat quimplique le fait davoir
la science sans en faire usage, nous pouvons voir des différences, si bien quon peut aussi
dune certaine façon avoir la science sans lavoir, par exemple, lorsquon dort, que lon délire
ou que lon est ivre. En fait, cest la disposition dans laquelle se trouvent les gens qui sont en
proie à leurs affections. Des élans dardeur en effet, des appétits sexuels et certaines
manifestations de ce genre vont visiblement jusquà perturber le corps. Or chez certains, elles
vont aussi jusquà produire des accès de délire. Il est donc évident quon doit dire que les
incontinents sont dans un état semblable à celui de ces gens-là.
Aristote, Ethique à Nicomaque, VII, 5, 1146b311147a24, trad. R. Bodéüs.
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