Etude de la vulnérabilité des bâtiments

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Etude de la vulnérabilité des bâtiments
Introduction
La vulnérabilité sismique d’une construction est sa susceptibilité à subir un certain niveau de
dommages en cas de séisme. Le but de toute méthode d’évaluation de la vulnérabilité
sismique est de fournir une mesure de la propension d’un bâtiment (ou d’un groupe de
bâtiments) à subir des dommages en cas de séisme, à partir de l’analyse des caractéristiques
structurelles, géométriques ou technologiques susceptibles d’influencer son comportement.
Les approches pour l’évaluation de la vulnérabilité sont multiples et constituent un champ
d’expertise en plein développement. Le choix de l’une d’elles procède d’un compromis
général ou particulier entre coût de mise en oeuvre et précision de l’évaluation qui limitent par
ailleurs leur champ d’application.
Le but de ce sous chapitre du guide PPR « S » n’est pas d’inventorier de manière exhaustive
l’ensemble des méthodes existantes, ni a contrario de suggérer une ou plusieurs d’entre elles,
alors même que les meilleures approches sont souvent celles développées spécifiquement ou
en tout cas modulées pour un contexte (sismique, constructif, économique, etc.) particulier. Il
s’agit d’aider les services instructeurs à dimensionner les études de vulnérabilité puis à juger
de la pertinence d’une proposition technique, en exposant les principes généraux d’une
évaluation de la vulnérabilité du bâti, adaptée à la démarche et aux objectifs des PPR « S ».
Il convient de faire référence à la classification des bâtiments selon le décret 91-461 du 14
mai 1991, précisé par l’arrêté du 29 mai 1997 relatif au risque sismique, en distinguant :
- les bâtiments courants de classe B, présents en très grand nombre, qui pourront faire
l’objet d’une étude de vulnérabilité sismique à grande échelle ;
- les bâtiments à haut risque ou hautement stratégique de classe C et D qui doivent faire
l’objet d’un diagnostic sismique plus détaillé. La circulaire du 26 avril 2002 relative à
la prévention du risque sismique, suggère d’utiliser les possibilités juridiques
découlant de la prescription d’un PPR « S », pour parvenir à la mise en conformité
sismique de l’ensemble de ces bâtiments.
- les bâtiments à haut risque ou hautement stratégiques de classe C et D qui doivent
faire l’objet d’un diagnostic sismique plus détaillé dans la perspective de leur mise en
conformité avec la circulaire du 26 avril 2002 relative à la prévention du risque
sismique.
Bâtiments de classe B : étude à grande échelle
Les bâtiments de classe B qui constituent l’essentiel du bâti courant, sont toujours présents en
grand nombre dans le périmètre du PPR. Le diagnostic sismique exhaustif, bâtiment par
bâtiment, est irréaliste dans le contexte du PPR. Une analyse à plus grande échelle est
indiquée. D’une précision limitée, elle doit permettre, pour un coût raisonnable, d’établir un
état des lieux du risque sismique dans la zone d’étude, avec deux objectifs principaux :
- Estimer de manière globale ou localisée à l’échelle du quartier, les dommages
prévisibles aux personnes et aux biens dans un souci de connaissance et
d’appropriation du risque, de sensibilisation aux politiques de prévention,
d’optimisation des moyens de secours.
-
Identifier les zones urbanisées critiques présentant un risque globalement important,
par la conjonction d’un bâti globalement vulnérable, d’un aléa fort et d’enjeux
humains ou économiques importants, de façon à planifier et organiser une politique de
renforcement progressif du bâti existant.
Les méthodes d’évaluation de la vulnérabilité, développées pour le calcul prédictif des
dommages à grande échelle, diffèrent par leur coût et leur précision. Elles restent dans tous les
cas de valeur essentiellement probabiliste et s’appliquent à un ensemble (plus ou moins
important) de bâtiments. Le choix de l’une d’elles dépend des objectifs fixés mais aussi de la
qualité des données et des compétences disponibles. Il faut donc trouver un compromis entre
le coût et la qualité de l’analyse, tout en gardant à l’esprit que la démarche la plus rationnelle
consiste sans doute à procéder par étapes successives, chacune d’elles contribuant à
l’amélioration de la suivante.
Les méthodes existantes sont nombreuses et en perpétuelle renouvellement. De classification
complexe, elles se basent sur les trois éléments objectifs de connaissance du risque sismique :
- le retour d’expérience post-sismique, c'est-à-dire l’observation statistique des
dommages après les séismes passés, qui fonde les approches dites « empiriques » ;
- le calcul de résistance, généralement très schématique et conventionnel, qui fonde les
approches dites « mécaniques » ;
- le jugement d’expert, souvent introduit pour moduler ou préciser les éléments
précédents.
La plupart des méthodes opérationnelles mêlent au moins deux de ces composants, avec un
dosage qui leur est propre. Il est hors de propos d’en faire l’inventaire exhaustif d’autant que
leur application est souvent spécifique à un contexte particulier. Nous proposons une
classification adaptée au contexte du PPR « S », correspondant à trois niveaux de complexité
et de précision croissante. Nous insistons sur les principes généraux qui assoient ces
approches et assurent cette progressivité.
Approche macrosismique de niveau 0
Principes fondamentaux
C’est une approche très globale utilisant directement les répartitions statistiques de dommages
des échelles d’intensité macrosismiques. Le concept de base est le suivant : si les échelles
macrosismiques sont construites pour mesurer l’intensité d’un séisme via l’observation des
dommages des bâtiments, alors, de façon inverse, il est possible de prévoir, pour une intensité
donnée dans une échelle macrosismique donnée, la distribution probable des dommages des
bâtiments en fonction de leur appartenance à l’une ou l’autre des typologies définies par
l’échelle macrosismique considérée.
Le choix de l’échelle EMS-98 s’impose dans le contexte français et permet de fonder
l’analyse de la vulnérabilité sur un standard européen. L’intensité est estimée en observant les
effets produits sur les personnes, sur l’environnement et en évaluant les dommages (définis
selon 5 niveaux D0 à D5, cf annexe) subis par des bâtiments différenciés selon 7 classes de
vulnérabilité (de A à F). La classe A est celle qui représente le comportement des bâtiments
les plus vulnérables et la classe F celles des bâtiments construits avec un haut niveau de
conception parasismique.
Pour chacune des classes de vulnérabilité, les dommages (D1 à D5) sont exprimés en fonction
des niveaux d’intensité (V à XII) sous la forme de matrices de probabilité de dommages
extraites de la définition des degrés d’intensité (annexe). La distribution des niveaux de
dommages affectant une classe de bâtiments est connu avec l’incertitude relative aux termes
« quelques », « nombreux » et « la plupart » qui traduisent le degré de précision atteignable
des enquêtes macrosismiques. Les intervalles aux bornes « floues » de la figure explicitent de
manière quantitative cette incertitude.
La deuxième étape de l’approche macrosismique suppose d’inventorier le bâti du périmètre
d’étude selon les classes de vulnérabilité A à F. Une solution directe consiste à se référer à la
typologie définie par l’EMS-98 selon laquelle est consigné l’essentiel du retour d’expérience
post-sismique européen. Cette typologie qui fait la distinction entre les principaux matériaux
de construction utilisés pour le système de contreventement, est affinée par l’introduction de
quelques caractéristiques de conception des structures (murs ou ossature, nature des planchers,
niveau de conception parasismique, etc.). L’EMS-98 fournit une information sur la
vulnérabilité de chaque type de construction en lui attribuant une classe de vulnérabilité « la
plus vraisemblable » correspondant à un comportement « moyen » et une incertitude définie
par une ou plusieurs classes de vulnérabilité « probables » et une ou plusieurs classes de
vulnérabilité « moins probables » correspondant aux cas extrêmes.
On note que quelques types français, non disponibles dans la typologie d’origine de l’EMS-98,
ont été intégrés par les experts de l’AFPS (cf. cahier technique n°25).
Mise en œuvre opérationnelle
L’approche macrosismique comporte, comme on l’a vu, un certain nombre d’incertitudes en
particulier dans la distribution des dommages affectant une certaine classe de vulnérabilité
pour une intensité donnée, ainsi que dans l’attribution d’une classe de vulnérabilité aux
différents types de construction. Les méthodes développées sur ces principes et utilisées en
Europe se différencient essentiellement par leur manière d’appréhender ces incertitudes.
Certaines comme celle élaborée pour l’étude de la vulnérabilité sismique de la ville d’Aigle
en Suisse (ref), adoptent des hypothèses dites optimistes ou pessimistes pour déterminer des
scénarios présentant les mêmes caractéristiques. D’autres méthodes, plus sophistiquées,
proposent, dans l’esprit de la méthode Risk-UE, d’utiliser la logique floue afin de traiter les
incertitudes dans un cadre plus formel. Ces méthodes conduisent à définir, pour chaque type
de construction, un indice de vulnérabilité et son domaine de variation probable ou possible
qui facilitent la prise en compte des incertitudes.
L’inventaire du bâti du périmètre du PPR, c’est à dire son classement selon la typologie
retenue pour qualifier sa vulnérabilité, est une phase difficile et coûteuse à laquelle il n’est pas
possible de déroger. Il est d’un point de vue pratique impossible d’identifier individuellement
chacun des bâtiments. L’inventaire est nécessairement réalisé de manière statistique. La
totalité des sources d’information disponibles, redondantes et lacunaires, doivent être
exploitées : bases de l’INSEE relatives au recensement, données provenant du secteur privé
(notaires, compagnies d’assurance, etc.), données issues d’études de risque antérieures,
photographies aériennes, pages jaunes, etc. Bien que nombreuses, ces sources n’incluent pas
généralement les informations relatives aux caractéristiques constructives des bâtiments qui
permettraient leur identification directe dans la typologie structurelle retenue. Par conséquent,
des correspondances doivent être établies entre des critères plus généraux (tels que la date de
construction, le nombre d’étage, le type d’occupation, la localisation) et les typologies de
construction (matériaux employés, dispositions constructives, application d’un code
parasismique, etc.). Ces déductions devraient toujours en théorie être validées par des experts
disposant d’une connaissance approfondie de l’histoire locale de la construction. Quelques
enquêtes de terrain sont également indispensables afin de s’assurer que les caractéristiques
constructives régionales sont bien représentées.
Avantages et limites
On constate que cette approche est certes sommaire mais, dans le cas où une typologie
détaillée du bâti du périmètre du PPR est disponible, il est possible d’avoir une première
estimation des dommages. De plus, la précision spatiale de l’inventaire du bâti peut être
modulée, selon les données disponibles, afin de procéder à une localisation plus ou moins fine
des zones de constructions les plus vulnérables.
Les incertitudes importantes inhérentes à l’approche de niveau 0 constituent sa limite. Ces
incertitudes traduisent la dispersion observée du comportement des structures du même type
(au sens de l’EMS-98 par exemple). Il est possible de préciser l’analyse de la vulnérabilité en
intégrant des paramètres, autres que la typologie, tenant compte de spécificités structurelles
affectant le comportement des bâtiments. Ceci est l’esprit des méthodes de niveau 1.
Approche macrosismique de niveau 1
Principes fondamentaux
Le comportement au séisme d’un bâtiment ne dépend pas seulement de son principe
constructif (représenté par son appartenance à un des éléments de la typologie de niveau 0),
mais est influencé également par de nombreux autres facteurs tels que la qualité de la
construction, la géométrie (hauteur, régularité en plan et en élévation), les interactions avec
les structures voisines, les conditions de sol et le système de fondation, l’entretien, etc.
L’analyse de vulnérabilité de niveau 1 doit permettre de prendre en compte parmi ces critères
structuraux aggravants ou atténuants, ceux qui sont identifiables par des moyens applicables à
grande échelle, de manière à préciser l’analyse de niveau 0.
Un jugement d’expert est nécessaire pour apprécier l’influence probable de ces facteurs sur le
comportement de la structure. Dans certaines méthodes, cet avis d’expert s’exerce directement
sur le choix de la classe de vulnérabilité et de son intervalle d’incertitude attribué aux
bâtiments analysés. Dans d’autres méthodes plus formalisées, telles que la méthode Risk-UE,
ces paramètres sont pris en compte sous forme de coefficients majorants ou minorants
s’appliquant sur l’indice de vulnérabilité « moyen » (dit de niveau 0). Le cahier technique
n°25 de l’AFPS recommande quelques valeurs types, calibrées, dans une certaine mesure, à
l’aune du retour d’expérience post-sismique.
Mise en œuvre opérationnelle
L’échelle de détail de réalisation et de restitution de l’analyse est en rapport avec la précision
des informations recueillies sur le bâti. Il n’est pas réaliste de traiter de manière exhaustive
l’ensemble des bâtiments appartenant au périmètre du PPR. Il convient d’identifier des zones
de constructions homogènes du point de vue typologique (typiquement à la dimension du
quartier), puis d’estimer de manière statistique la distribution des coefficients partiels de
niveau 1 (dans le cas où une méthode utilisant des indices de vulnérabilité est utilisée). La
méthode des itinéraires, choisis aléatoirement dans un quartier préalablement défini comme
homogène, peut être utilisée pour caractériser la zone sur la base d’un échantillon supposé
statistiquement représentatif. Un travail de terrain important, en complément du traitement des
bases de données réalisées pour le niveau 0, est le prix à payer pour améliorer la précision de
l’étude.
Avantages et limites
Les spécificités constructives des différentes zones construites du périmètre d’étude sont
d’avantage prises en compte que dans l’approche de niveau 0. Ceci permet de réduire
l’incertitude sur les estimations de dommages et la localisation des zones les plus vulnérables.
Cette approche comporte cependant plusieurs limitations.
D’une part, elle s’appuie sur l’expérience acquise dans les pays européens à forte
sismicité (Italie, Grèce, etc.) ; ainsi peut-on penser que certaines spécificités constructives
françaises sont mal prises en compte par l’approche macrosismique. L’intervention d’experts
pour adapter et moduler l’analyse en fonction du contexte local ne comble que partiellement
cette lacune, en l’absence d’observations post-sismiques significatives en France
métropolitaine.
Une autre insuffisance de l’approche de niveau 1 tient à ce que le paramètre d’entrée, requis
pour quantifier l’agression sismique, est une intensité. Certains phénomènes, éventuellement
prépondérants (les effets de site, le contenu fréquentiel de l’agression, les périodes propres
caractéristiques du bâti, etc.), seront mieux pris en considération s’il on tire complètement
partie de la description mécanique de l’agression sismique (PGA, spectres) issue du
microzonage.
Les deux raisons qui viennent d’être évoquées motivent le développement d’une approche
« mécanique » dite de niveau 2.
Une autre insuffisance de l’approche de niveau 1 tient à ce que la donnée d’entrée requise
pour quantifier l’agression sismique est une intensité. Il est vrai que le développement d’un
scénario de dommages, basé sur une intensité, ne peut tirer partie des progrès considérables
réalisés en sismologie pour définir le mouvement sismique sur la base d’une représentation
physique (mécanique) du phénomène. Ainsi certains paramètres, éventuellement
prépondérants, ne peuvent être pris en considération que de manière très imparfaite : les effets
de site, le contenu fréquentiel de l’agression et les périodes propres caractéristiques du bâti,
etc.
Approche mécanique de niveau 2
Principes fondamentaux
L’objectif de l’approche de niveau 2 est de fonder l’analyse de vulnérabilité sur une
modélisation mécanique de la réponse des bâtiments, tirant partie des progrès considérables
réalisés en sismologie et en dynamique des structures. Son application à grande échelle
requiert l’utilisation de modèles très simples, constitués de quelques paramètres seulement,
capables cependant de saisir l’essentiel du comportement des bâtiments.
Plusieurs méthodes de ce type ont été utilisées à travers le monde. L’exigence de simplicité
limite généralement leur domaine d’application à un type de structure particulier (maçonnerie,
béton armé, etc.). On peut citer les méthodes basées sur l’identification des modes de rupture
probables des structures en maçonnerie non armée (D’ayala, Bernardini), et le calcul des
seuils d’accélération (PGA) activant ces mécanismes.
Les développements les plus récents privilégient, lorsqu’un spectre de réponse est disponible
pour quantifier l’aléa, les méthodes en déplacement (méthode du spectre de capacité).
L’application à grande échelle de ces méthodes a priori sophistiquées est réalisée à travers 3
types d’approches, de précision et de difficulté variables :
- la réalisation d’abaques, à partir de l’étude de quelques structures types (Risk-UE) et
de l’estimation de la dispersion des comportements ;
- le développement d’une procédure de calcul simplifiée, analytique, applicable dans un
délai raisonnable à quelques structures choisies pour leur représentativité au sein d’un
quartier (Bâle, Kerstin Lang) ;
- la mise en évidence de correspondances entre les caractéristiques de la courbe de
capacité et des facteurs plus généraux, faciles à identifier, tels que le niveau du code
appliqué, la hauteur, etc. (Hazus, Giovinazzi).
Ce type d’approches n’est pertinent que si l’on dispose d’une connaissance précise de l’aléa
sous la forme d’un spectre de réponse.
Avantages et limites
Le calcul des dommages prévisibles ainsi réalisé présente l’avantage d’intégrer des
paramètres physiques importants de l’agression sismique et de la réponse du bâtiment tels que
le contenu fréquentiel, l’accélération et le déplacement maximums, la ductilité de la structure,
le contreventement, etc.
Plus la méthode est simple, plus les hypothèses sont fortes et dépendantes du contexte pour
lesquelles elles ont été formulées. Dans tous les cas, leur applicabilité à une région et un bâti
différents doit être examinée avec attention. En outre ces méthodes numériques n’ont pas la
robustesse des méthodes de type macrosismique. Elles doivent être maniées avec précaution
par un personnel hautement qualifié.
Bâtiments de classe C et D : détecter les bâtiments à renforcer
Les bâtiments de classe C et D, au sens du décret du 14 mai 1991, précisé par l’arrêté du 29
mai 1997 (annexe), sont les bâtiments dont la défaillance présente un risque humain ou socioéconomique élevé, et ceux dont le fonctionnement est primordial lors de la phase postsismique.
La circulaire du 26 avril 2002 relative à la prévention du risque sismique, engage le diagnostic
et si nécessaire le renforcement, de l’ensemble des bâtiments de classe C et D appartenant à
l’Etat. En outre, elle suggère d’utiliser les possibilités juridiques des PPR pour inciter les
propriétaires autres que l’Etat à suivre la même démarche.
Cet objectif ne peut être atteint par l’une des méthodes, à valeur purement statistique,
conseillées pour l’étude de la vulnérabilité du bâti courant de classe B. L’exigence de sécurité
recherchée, aussi bien que le coût d’un éventuel renforcement, exigent qu’un diagnostic fiable
puisse être posé pour chaque structure prise de manière isolée. Il n’est cependant pas réaliste,
eu égard aux moyens mobilisables (coûts, temps, compétences), de projeter d’analyser
l’ensemble des bâtiments de classe C et D avec les méthodes les plus précises et les plus
sophistiquées. Il y a lieu de procéder par étapes successives de manière à établir des priorités
dans le renforcement. Un diagnostic complet, incluant, le cas échéant, la conception du
confortement, ne peut être réalisé qu’à l’attention d’un nombre restreint d’ouvrages
particulièrement menacés.
Ce guide suggère une démarche en 3 étapes : sélection, diagnostic préliminaire, puis
diagnostic complet. Les principes et objectifs qui sous-tendent chaque étape sont explicités
dans les paragraphes suivants.
Il n’existe pas, à ce jour, de normes dans le domaine de l’analyse de vulnérabilité et du
confortement du bâti existant ; les méthodes, évoquées ici à titre d’exemple non limitatif,
n’excluent aucune méthode alternative pourvu qu’elle soit rationnelle et basée sur les
principes fondamentaux du génie parasismique.
Etape 1 : sélection des bâtiments en vue de leur évaluation sismique
Principe et objectif
Il s’agit de sélectionner, parmi tous les bâtiments de classe C et D, ceux qui présentent, a
priori, un risque inacceptable et doivent faire l’objet, en priorité, d’un diagnostic plus poussé
(étape 2). La décision se base sur l’appréciation du système de contreventement (rigidité,
ductilité), modulée de l’influence des facteurs de vulnérabilité identifiés (résonance sol
structure, irrégularités structurelles et géométriques, etc.). Elle doit nécessairement tenir
compte du niveau d’aléa local, et du niveau de performance requis, soit en toute
vraisemblance :
- le non effondrement pour les bâtiments de classe C
- le maintient de la fonctionnalité pour les bâtiments de classe D.
Mise en œuvre
Le temps nécessaire pour réaliser cette présélection est de l’ordre d’une demi-journée par
bâtiment. Une visite sur le terrain ainsi que la consultation des plans de structure s’imposent.
Seul un expert, disposant d’une expérience significative des analyses de vulnérabilité
sismique, est en mesure d’effectuer le diagnostic. A noter que certains pays, tels que les USA,
le Canada, la Suisse ou l’Italie, disposent de grilles d’évaluation normalisées grâce auxquelles
un grand nombre de bâtiments peuvent subir, à moindre frais, une première évaluation par des
personnes disposant d’un niveau d’expertise plus faible. L’utilisation de ces grilles pour cette
étape est délicate ; d’une part parce qu’elles utilisent des coefficients calibrés par des experts
dans le contexte spécifique (sismique, constructif, réglementaire) pour lequel elles ont été
créées ; d’autre part parce que leur précision limitée les destine d’avantage à l’inventaire du
bâti courant.
Etape 2 : analyse détaillée quantitative
Les bâtiments sélectionnés comme a priori vulnérables à l’étape 1 sont analysés de manière
plus détaillée à l’aide de calculs d’ingénieur relativement simples. Il s’agit de vérifier les
critères de conformité du système de contreventement avec le niveau de performance exigé,
compte tenu de l’aléa sismique local.
Par souci de cohérence, les facteurs de vulnérabilité mis en évidence à l’étape 1 doivent être
considérés dans le calcul, à moins que des mesures correctives simples ne soient prévues pour
les écarter.
L’EC8-3, bientôt complété des Annexes Nationales, offre un cadre normatif adéquat pour
réaliser cette évaluation. Les méthodes développées sont les mêmes que pour la construction
neuve, moyennant quelques adaptations partout où une divergence entre les activités de
contrôle par rapport aux activités de projet le justifie.
Ces méthodes forfaitaires, volontairement simplifiées, sont fondamentalement conservatives
et peuvent conduire à des renforcements onéreux et injustifiés. Pour les ouvrages existants, il
peut s’avérer judicieux et économique de réduire ces marges de sécurité implicites d’exploiter
ces réserves de sécurité. Par ailleurs, certaines structures existantes ne remplissent pas les
conditions minimales requises (régularité, dispositions constructives, etc.) pour être analysées
avec une approche forfaitaire ; dans ce cas l’étape 2 ne peut fournir qu’un résultat indicatif,
tandis qu’une analyse plus détaillée s’impose pour établir un diagnostic définitif. Ces deux
constats peuvent justifier dans certains cas l’utilisation de procédures de calcul plus longues
pour modéliser au plus près le comportement réel de la structure.
.
Etape 3 : analyse approfondie
Cette étape recouvre l’emploi de méthodes de calcul avancées nécessitant des compétences
élevées en dynamique des structures. Ce recours à des méthodes plus générales et moins
conservatives s’impose :
- pour les bâtiments déclarés non conformes à l’étape 2 dont on pense qu’ils possèdent
des réserves de ductilité cachées ;
- pour les bâtiments pour lesquels les méthodes simplifiées de l’étape 2 sont jugées
inapplicables.
Les méthodes en déplacement (méthode du spectre de capacité etc.), s’inspirant des travaux
de l’ATC40 (ref), semblent particulièrement indiquées dans le premier cas. Dans le second
cas, il peut s’avérer nécessaire de faire appel à une simulation dynamique non-linéaire, très
délicate à effectuer.
Remarque :
Il paraît souhaitable de renouveler ce processus en trois étapes plusieurs fois, sur le stock des
bâtiments n’ayant pas fait l’objet de confortements lors d’une phase précédente, en durcissant
progressivement les critères. Cette démarche aurait l’avantage d’étaler le coût de la mise en
conformité sismique sur plusieurs années, et de tirer profit de l’évolution rapide de l’état des
connaissances.
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